Les vins de l’Hermitage

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°555 Mai 2000Rédacteur : Laurens DELPECH

A quelques dizaines de kilo­mètres au sud de Lyon. l’Her­mitage est, avec la Côte Rôtie, la plus pres­tigieuse des appel­la­tions des Côtes du Rhône. Il sem­ble que l’on ait cul­tivé la vigne à cet endroit depuis très longtemps, bien avant que la Gaule ne devi­enne romaine.

La légende veut que le prin­ci­pal cépage rouge, la syrah, soit orig­i­naire de Shi­raz et ait été ramené d’Ori­ent par les Croisés, mais il est plus vraisem­blable que ce cépage soit tout sim­ple­ment d’o­rig­ine locale. D’ailleurs le Croisé mythique de l’ap­pel­la­tion, le Cheva­lier Gas­pard de Stérim­berg, n’est pas allé en Terre sainte, mais est un rescapé de la Croisade con­tre les Albigeois …

Le vig­no­ble de l’Her­mitage s’é­tend sur un imposant coteau gran­i­tique dom­i­nant la rive gauche du Rhône. Les 126 hectares de l’ap­pel­la­tion sont exposés plein sud et reçoivent toute la journée les rayons du soleil. Les cépages autorisés sont pour les rouges la syrah, pour les blancs la marsanne et la roussanne.

Le coteau est divisé en plusieurs lieux-dits en rai­son des dif­férences de car­ac­tère entre les vins pro­duits, dues tant à la nature du sol qu’aux dif­férences d’ex­po­si­tion. Les plus célèbres sont vers l’ouest Les Bessards et Le Méal qui pro­duisent les meilleurs vins rouges ; et à l’est les Rocoules et les Murets, réputés pour leurs vins blancs.

Il ne faut surtout pas con­fon­dre les vins de l’Her­mitage avec ceux de Crozes-Her­mitage, une appel­la­tion voi­sine, mais très inférieure. Le ter­roir n’est pas du tout le même. Cela ne sig­ni­fie pas qu’il n’y a pas de bons Crozes-Her­mitage, dis­ons plutôt qu’ils ne jouent pas dans la même caté­gorie que les Her­mitage. Il y a d’ailleurs une nette dif­férence de prix (au moins du sim­ple au dou­ble, sou­vent plus).

En blanc comme en rouge, les Her­mitage sont des très grands vins de garde qui n’ex­pri­ment la total­ite de leur poten­tiei aro­ma­tique qu’après plusieurs années. Cette apti­tude au vieil­lisse­ment était util­isée au XIXe siè­cle pour ” her­mitager ” dans les petites années les meilleurs crus de Bor­deaux avant de les exporter vers l’An­gleterre. A l’époque, cette pra­tique n’avait rien de délictueux, et d’ailleurs le négoce de Bor­deaux ne s’en cachait pas.

Les prin­ci­paux domaines de l’ap­pel­la­tion appar­ti­en­nent à des négo­ciants ou relèvent de la Coopéra­tive de Tain-l’Her­mitage. On trou­ve aus­si des cuvées remar­quables chez de petits et moyens pro­prié­taires comme Chave et Sorrel.

La Mai­son Jaboulet pro­duit le plus grand vin rouge de l’Her­mitage, le fameux ” Her­mitage La Chapelle “, un des grands vins mythiques du pat­ri­moine viti­cole français, mais aus­si un Her­mitage blanc. le ” Cheva­lier de Slérim­berg”, à l’é­ton­nant poten­tiel aromatique.

La Mai­son Chapouti­er pos­sède 32 des 126 hectares de l’Her­mitage. Elle a deux mar­ques de grandes cuvées : ” Monier de la Siz­er­anne ” pour les rouges, un vin puis­sant, fin et con­cen­tré, et ” Chante-Alou­ette” pour les blancs.

Marc Sor­rel ne pro­duit que quelques mil­liers de bouteilles d’Her­mitage, mais ses vins comptent par­mi les meilleurs de l’ap­pel­la­tion. Surtout l’Her­mitage rouge ” Le Gréal “, d’une incroy­able pro­fondeur aromatique.

Le nom de Chave est un des plus grands noms de l’ap­pel­la­tion. La famille pro­duit des Her­mitage depuis 1481. Chave, qui pos­sède plusieurs par­celles sur divers lieux-dits est un véri­ta­ble génie de l’assem­blage. Il fait de très grands vins en appli­quant des recettes incon­tourn­ables. Les ren­de­ments, notam­ment. sont très bas. Il met aus­si en bouteille sans fil­tra­tion et a la chance d’avoir de très vieilles vignes. Les Her­mitage rouges doivent être atten­dus très longtemps. Les blancs, rich­es, onctueux et com­plex­es sont de superbes vins de haute gastronomie.

La pro­duc­tion totale : du domaine est faible, de l’or­dre de 15 000 bouteilles de blanc et 30 000 de rouge par an. On ne peut guère trou­ver les vins de Chave que sur les cartes des grands restau­rants ou chez cer­tains cav­istes, comme les caves Augé et Legrand à Paris.

Gui­gal, le pape de la Côte-Rôtie. pro­pose aus­si des Her­mitage rouges et blancs d’ex­cel­lente qual­ité, comme la firme Delas Frères, qui appar­tient désor­mais à la mai­son de Cham­pagne Roed­er­er et pro­duit l’Her­mitage “Mar­quise de la Tourette “. En rouge, c’est un vin très con­cen­tré, très fruits noirs : une mar­quise aux yeux noirs et à la peau mate.

Louis de Val­louit, une mai­son famil­iale , fait un excel­lent Her­mitage rouge “Les Gref­fières “, mais la quan­tité pro­duite est si lim­itée (4 000 bouteilles par an) que vous aurez du mal à vous en procurer.

La Cave de Tain-l’Her­mitage, enfin, est une grande cave coopéra­tive qui gagne à être con­nue. Elle pro­duit plus du quart des vins de l’ap­pel­la­tion. Ses Her­mitage blancs et rouges sont générale­ment appré­ciés et les prix sont très raisonnables.

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