Les programmes de maintenance aéronautique : méthodologie de création et cadre réglementaire

Dossier : La maintenanceMagazine N°564 Avril 2001
Par Philippe CHENEVIER (67)

La pre­mière règle d’en­tre­tien aéro­nau­tique fut édic­tée en 1930 : » les ins­tru­ments et les équi­pe­ments devront être révi­sés à inter­valles suf­fi­sants pour assu­rer leur fonc­tion­ne­ment cor­rect à tout moment. » 

La métho­do­lo­gie actuelle repose sur une approche par ana­lyse logique, par exa­men des consé­quences des défaillances fonc­tion­nelles et par un pro­gramme d’en­tre­tien par tâches. 

Ces pro­grammes sont réa­li­sés par un comi­té direc­teur à l’é­che­lon de l’in­dus­trie entière et appuyé par des groupes de tra­vail spé­cia­li­sés. Les par­ti­ci­pants sont des pro­fes­sion­nels des com­pa­gnies aériennes, des spé­cia­listes des avia­tions civiles natio­nales, des ingé­nieurs du bureau d’é­tude du construc­teur et des fabri­cants d’é­qui­pe­ments et enfin, des spé­cia­listes des pro­grammes de maintenance. 

Pour un avion moderne comme l’A340-500/600, cela met en jeu 70 par­ti­ci­pants, pen­dant dix-huit mois, et près de qua­rante-cinq mille heures de travail. 

Présentation générale

Un opé­ra­teur d’a­vion de trans­port est res­pon­sable de son pro­gramme d’en­tre­tien et doit le faire approu­ver par son avia­tion civile ; ce pro­gramme découle du pro­gramme du construc­teur (MPD, voir figure 1). 

Le MPD du construc­teur est la syn­thèse de trois sources différentes :
• le MRB (Main­te­nance Review Board), pro­ces­sus principal,
 les règles de cer­ti­fi­ca­tion de type et les exi­gences opérationnelles,
 la sur­veillance en exploi­ta­tion de l’a­vion, retour d’ex­pé­rience don­nant lieu à des tâches com­plé­men­taires spé­ci­fiques pour le main­tien de la navi­ga­bi­li­té de l’avion. 

Assurer un niveau de sécurité mondial

Les exi­gences régle­men­taires sont éta­blies pour satis­faire le niveau de sécu­ri­té éta­bli par l’OA­CI au niveau mondial. 

Chaque pays édicte ses règles de navi­ga­bi­li­té, mais les deux plus impor­tantes sont les JAR (Joint Avia­tion Requi­re­ments) éta­blis par les JAA (Joint Avia­tion Autho­ri­ties, 33 pays euro­péens) et les FAR (Fede­ral Avia­tion Regu­la­tions) éta­blis par la FAA américaine. 

Ces règles de navi­ga­bi­li­té portent non seule­ment sur la concep­tion de l’a­vion, mais aus­si sur les opé­ra­tions et la main­te­nance pen­dant toute la durée de l’ex­ploi­ta­tion com­mer­ciale de l’avion. 

Les exi­gences à res­pec­ter intègrent des élé­ments de la cer­ti­fi­ca­tion de type de l’a­vion, des ins­truc­tions pour le main­tien de la navi­ga­bi­li­té en exploi­ta­tion (JAR 25 appen­dice H) et des exi­gences décou­lant de la régle­men­ta­tion opé­ra­tion­nelle (JAR OPS 1, JAR OPS 66, JAR 145 et JAR 147). 

Les exi­gences de la cer­ti­fi­ca­tion de type s’as­surent que la concep­tion est conforme aux niveaux de sécu­ri­té recherchés. 

La démons­tra­tion de confor­mi­té doit être faite avant que le cer­ti­fi­cat de type ne soit délivré. 

Cinq cha­pitres sont concernés :
 la résis­tance au dom­mage et le com­por­te­ment en fatigue de la struc­ture (JAR 25.571),
 les maté­riaux uti­li­sés (JAR 25.603),
 l’ac­ces­si­bi­li­té des zones de l’a­vion (JAR 25.611),
 les équi­pe­ments, sys­tèmes et leur ins­tal­la­tion (JAR 25.1309),
 les ins­truc­tions de main­tien de la navi­ga­bi­li­té (JAR 25.1529).

Les ins­truc­tions de main­tien de la navi­ga­bi­li­té (appen­dice H des JAR 25) visent à assu­rer que les ins­truc­tions et limites de main­te­nance sont bien éta­blies en rela­tion avec les tra­vaux de la cer­ti­fi­ca­tion de type. Elles doivent être pré­pa­rées par le construc­teur avant la pre­mière livrai­son commerciale. 

Elles com­portent deux para­graphes importants : 

 le para­graphe H 25.3 : a) Manuel de main­te­nance avion, b) ins­truc­tions de main­te­nance, c) à g) portes d’ac­cès, ins­pec­tions tech­niques, trai­te­ment de pro­tec­tion, fixa­tions struc­tu­rales, outillages spéciaux,
• le para­graphe 25.4 : limi­ta­tions de navi­ga­bi­li­té, élé­ments à vie-sûre, ALI et CMR. 

Les exi­gences opé­ra­tion­nelles visent à s’as­su­rer que les carac­té­ris­tiques inhé­rentes de fia­bi­li­té de l’a­vion sont main­te­nues pen­dant l’ex­ploi­ta­tion com­mer­ciale. Elles sont éta­blies par le pays d’im­ma­tri­cu­la­tion de chaque avion. 

Elles com­prennent 4 sections : 

 JAR OPS1, sec­tion 1, sub M (pour maintenance),
 JAR 66, per­son­nel de cer­ti­fi­ca­tion (main­te­nance),
 JAR 145, orga­ni­sa­tion approu­vée de maintenance,
 JAR 147, orga­ni­sa­tion approu­vée de for­ma­tion à la maintenance. 

Le processus général MRB

La régle­men­ta­tion impose l’é­ta­blis­se­ment par le construc­teur d’un pro­gramme de maintenance. 

Les construc­teurs ont déve­lop­pé une méthode appe­lée le MSG‑3 pour déve­lop­per ce pro­gramme et les tâches de main­te­nance correspondantes. 

Le MSG‑3 est l’ul­time évo­lu­tion d’un pro­ces­sus com­men­cé en 1930 par le Trans­port air­line ins­pec­tion ser­vice, ancêtre de la FAA dans son Aero­nau­ti­cal Bul­le­tin 7E sec­tion 5 : » Ins­tru­ments and acces­so­ries shall be ove­rhau­led at sui­table intervals. » 

Ce concept res­te­ra en vigueur pen­dant qua­rante ans. Nous allons voir que d’im­por­tants pro­grès ont été réa­li­sés depuis cette pre­mière règle bien limitée. 

En 1967, un docu­ment de Uni­ted Air­lines résu­mait les tra­vaux de l’in­dus­trie en vue de déve­lop­per l’u­ti­li­sa­tion de » Dia­grammes de déci­sion pour l’a­na­lyse logique des pro­grammes de maintenance « . 

En juillet 1969, le pro­ces­sus MSG‑1 (MSG… Main­te­nance Stee­ring Group) fut approu­vé par la Confé­rence Inter­air­line du B747, et fut uti­li­sé pour déve­lop­per le pro­gramme de main­te­nance du B747.

La métho­do­lo­gie MSG évo­lue­ra en trois étapes suivantes : 

 MSG‑2 (Air­line-Manu­fac­tu­rer Main­te­nance Pro­gram Plan­ning Docu­ment) publié le 25 mars 1970 par le sous-comi­té R & M de l’Air Trans­port Asso­cia­tion amé­ri­caine et qui fut uti­li­sé pour le DC10 et le Lock­heed 1011 ;
 EMSG (Euro­pean Main­te­nance Sys­tem Guide) pré­pa­ré en 1972 et publié en février 1973 par l’As­so­cia­tion of Euro­pean Air­lines. Il fut uti­li­sé pour l’A300B2 et B4, le Concorde et le VFW614 ;
 enfin le MSG‑3 (Air­line-Manu­fac­tu­rer Main­te­nance Pro­gram Deve­lop­ment Docu­ment) publié le 30 sep­tembre 1980 par une task force MSG‑3 de l’Air Trans­port Asso­cia­tion amé­ri­caine. Ce docu­ment fut amen­dé en 1988 (révi­sion 1) et en 1993 (révi­sion 2). Il sert pour tous les avions les plus récents : A310, A300-600, A319-320–321, A330-340, B757-767–777.

Le MSG‑3 est décou­pé en trois sec­tions spécifiques : 

 Pro­gramme moteurs et sys­tèmes (SPP) éta­bli avec les ana­lyses MSI,
 Pro­gramme struc­ture éta­bli avec les ana­lyses SSI,
 Pro­gramme d’ins­pec­tion de zone (ZIP) éta­bli avec les ana­lyses zonales. 

Pour déve­lop­per le pre­mier pro­gramme d’ins­pec­tion et de main­te­nance d’un nou­veau type d’a­vion, l’in­dus­trie met en œuvre la pro­cé­dure du Main­te­nance Review Board décrite par la FAA dans une Advi­so­ry Cir­cu­lar (AC 121–22). Une orga­ni­sa­tion à trois étages est mise en place : 

 un comi­té direc­teur (Indus­try Stee­ring Com­mit­tee), pré­si­dé par les com­pa­gnies aériennes,
 des groupes de tra­vail com­muns construc­teur-com­pa­gnies aériennes (Main­te­nance Wor­king Group) pré­si­dés par le construc­teur. Ils tra­vaillent dans six domaines : méca­nique-hydrau­lique, envi­ron­ne­ment et inté­rieur, moteur-car­bu­rant, élec­tri­ci­té-avio­nique, struc­ture, zonal ins­pec­tion,
 et un Conseil supé­rieur (Main­te­nance Review Board) où ne siègent que les auto­ri­tés de cer­ti­fi­ca­tions et qui approuve les tra­vaux réa­li­sés qui seront publiés sous forme d’un Main­te­nance Review Board Report.

Les auto­ri­tés de cer­ti­fi­ca­tion (JAA et FAA) par­ti­cipent éga­le­ment à l’ISC et aux Main­te­nance Wor­king Groups.

Il est remar­quable que ces tra­vaux sont éla­bo­rés en com­mun entre les trois par­ties concer­nées par la sécu­ri­té : auto­ri­té, construc­teur et exploitants. 

Les groupes de tra­vail uti­lisent les direc­tives regrou­pées dans un Poli­cy & Pro­ce­dures Hand­book (PPH) édi­té pour chaque type d’a­vion et regrou­pant les infor­ma­tions les plus récentes tant régle­men­taires que pro­ve­nant de l’ex­pé­rience en service. 

Programme moteurs et systèmes

Les éva­lua­tions selon la métho­do­lo­gie MSG‑3 sont fon­dées sur les défaillances fonc­tion­nelles et les causes de ces défaillances. 

Avant que le pro­ces­sus MSG‑3 puisse com­men­cer il faut iden­ti­fier les Main­te­nance Signi­fi­cant Items (MSI). Ceci est fait par une étude du Construc­teur fai­sant appel au juge­ment tech­nique de ses spé­cia­listes. La sélec­tion de MSI iden­ti­fie les points qui :
 peuvent mettre en jeu la sécu­ri­té (au sol ou en vol), ou
 peuvent res­ter non détec­tés pen­dant l’ex­ploi­ta­tion, ou
 en der­nier lieu, peuvent avoir un impact impor­tant sur la dis­po­ni­bi­li­té opé­ra­tion­nelle ou l’é­co­no­mie de l’avion. 

Cette pre­mière ana­lyse donne la liste des MSI sélec­tion­nés, matière pre­mière du pro­ces­sus MRB et de l’a­na­lyse MSI. 

Le rap­port d’a­na­lyse MSI com­prend les infor­ma­tions limi­naires clas­siques d’un docu­ment tech­nique (liste des pages et numé­ro de date de publi­ca­tion, liste et rai­sons des révi­sions du docu­ment, appli­ca­bi­li­té – modèles d’a­vions concer­nés par le document). 

Sont éga­le­ment décrits les com­po­sants du sys­tème, leur fia­bi­li­té (MTBF et MTBUR), les redon­dances du sys­tème ain­si que l’ex­pé­rience accu­mu­lée sur d’autres pro­grammes similaires. 

Vient ensuite la des­crip­tion de l’i­tem lui-même : archi­tec­ture du sys­tème, ses com­po­sants, les fonc­tions recher­chées, les défaillances fonc­tion­nelles, etc., qui doivent être analysées. 

L’en­semble de ces don­nées sont regrou­pées dans une DATA SHEET A. 

L’a­na­lyse com­mence par iden­ti­fier quatre points : les fonc­tions (points carac­té­ris­tiques en fonc­tion­ne­ment nor­mal), les défaillances fonc­tion­nelles (quelles défaillances fonc­tion­nelles peuvent se pro­duire), les effets des défaillances (quel est le résul­tat de ces défaillances fonc­tion­nelles), et enfin les causes (pour­quoi la défaillance fonc­tion­nelle s’est pro­duite). Ces points sont détaillés dans une DATA SHEET B. 

Chaque cause de défaillance est ensuite éva­luée en sui­vant l’arbre d’a­na­lyse logique du MSG‑3.

Il com­porte deux niveaux : d’a­bord l’exa­men de chaque défaillance fonc­tion­nelle selon quatre ques­tions pour déter­mi­ner la Fai­lure Effect Cate­go­ry (FEC), puis la prise en compte des causes de la défaillance pour déter­mi­ner à tra­vers cinq ques­tions le type de tâche à appliquer. 

La figure 2 montre l’arbre d’a­na­lyse logique et les cinq caté­go­ries dans les­quelles elles peuvent être clas­sées : évi­dente cri­tique, évi­dente opé­ra­tion­nelle, évi­dente éco­no­mique, cachée cri­tique, cachée non critique. 

Le deuxième niveau d’a­na­lyse déter­mine quel type de tâche de main­te­nance doit être assi­gné à cet item en pre­nant en compte les causes de la défaillance. 

Cinq types de tâches sont définis :
 lubri­fi­ca­tion-réfec­tion des niveaux,
 véri­fi­ca­tion visuelle ou opérationnelle,
 ins­pec­tion ou véri­fi­ca­tion fonctionnelle,
 remise en état,
 remplacement. 

L’a­na­lyse per­met de sélec­tion­ner la ou les tâches de main­te­nance ain­si que la pério­di­ci­té d’ap­pli­ca­tion pour l’i­tem considéré. 

Les résul­tats de ces ana­lyses sont regrou­pés dans des feuilles de syn­thèses qui doivent être vali­dées par le comi­té direc­teur (ISC) avant de pou­voir être approu­vées par le conseil supé­rieur (MRB).

Pour com­plé­ter leur tra­vail, les groupes de tra­vail doivent détailler chaque tâche suf­fi­sam­ment pour que les rédac­teurs de la docu­men­ta­tion d’en­tre­tien puissent la tra­duire en pro­cé­dure d’en­tre­tien tout en res­pec­tant les inten­tions du groupe de travail. 

Enfin, pour tirer béné­fice du pro­gramme d’ins­pec­tion de zone (ZIP, voir plus bas), les tâches d’en­tre­tien qui pré­co­nisent une ins­pec­tion visuelle géné­rale peuvent être trans­fé­rées vers le ZIP, dès lors que leur fré­quence d’ap­pli­ca­tion est res­pec­tée. Ceci per­met d’é­vi­ter des dupli­ca­tions inutiles. 

Les exigences découlant de la certification (CMR)

Les tra­vaux de cer­ti­fi­ca­tion de type de l’a­vion iden­ti­fient, entre autres, des tâches de main­te­nance. Par ailleurs les auto­ri­tés de l’a­via­tion civile intro­duisent des exi­gences spé­ci­fiques. Notam­ment, le construc­teur doit faire une ana­lyse de sécu­ri­té des sys­tèmes (SSA) requise par le para­graphe JAR 25.1309.

Dans cer­tains cas, pour obte­nir le niveau de fia­bi­li­té néces­saire, des tâches de main­te­nance doivent être prescrites. 

Ces tra­vaux sont conduits par un comi­té spé­ci­fique : le Comi­té de coor­di­na­tion cer­ti­fi­ca­tion et main­te­nance qui exa­mine les exi­gences décou­lant de la cer­ti­fi­ca­tion ou CMR (Cer­ti­fi­ca­tion Main­te­nance Requi­re­ments), qui retient la liste défi­ni­tive et les classe en deux catégories : 

• les CMR* (CMR one star) : tâches d’en­tre­tien dont les inter­valles d’ap­pli­ca­tion ne pour­ront pas être modi­fiés par les opé­ra­teurs sans l’ac­cord préa­lable du construc­teur et de l’au­to­ri­té de certification ;
• le CMR** (CMR two stars) : tâches d’en­tre­tien dont les opé­ra­teurs peuvent modi­fier la pério­di­ci­té d’ap­pli­ca­tion selon les pro­cé­dures d’é­vo­lu­tion approu­vées dans leur pays. 

Les CMR sont publiés dans un docu­ment annexé en com­plé­ment au rap­port MRB. 

Programme structure

La struc­ture de l’a­vion est ana­ly­sée pour déter­mi­ner les points néces­si­tant une sur­veillance ; on dis­tingue deux grandes catégories : 

Les items signi­fi­ca­tifs (SSI, Struc­tu­ral Signi­fi­cant Items) qui entre­ront dans le pro­gramme struc­ture. Entrent dans cette caté­go­rie les items qui contri­buent signi­fi­ca­ti­ve­ment aux charges de vol, charges au sol, pres­su­ri­sa­tion et contrôle de tra­jec­toire, et dont la défaillance menace l’in­té­gri­té de la struc­ture et la sécu­ri­té de l’avion. 

Et les autres points à sur­veiller qui seront pris en compte dans le pro­gramme de sur­veillance de zone. 

La sélec­tion des SSI dépend de deux facteurs : 

 les consé­quences de la défaillance (empla­ce­ments cri­tiques) : on iden­ti­fie les empla­ce­ments qui contri­buent signi­fi­ca­ti­ve­ment à pas­ser les charges et dont la tolé­rance au dom­mage ou la vie-sûre ont besoin d’être confirmées ;
 la pro­ba­bi­li­té de défaillance, déter­mi­née selon la connais­sance des appli­ca­tions de charge, de l’en­vi­ron­ne­ment et l’i­den­ti­fi­ca­tion des empla­ce­ments qui, les pre­miers, déve­lop­pe­ront des dom­mages selon l’une des trois causes de dom­mage (dom­mage acci­den­tel, dété­rio­ra­tion due à l’en­vi­ron­ne­ment et dom­mage de fatigue). 

Typi­que­ment, les points expo­sés à ces dom­mages et qui entrent dans cette caté­go­rie sont : les assem­blages de sous-ensembles majeurs, les joints sta­tiques néces­si­tant des grais­sages, les zones sen­sibles à la fatigue telles que points de concen­tra­tion de charge, dis­con­ti­nui­tés, assem­blages en ten­sion ou alter­nant ten­sion et com­pres­sion, fer­rures majeures, découpes dans pan­neaux, portes et hublots, etc. Sont concer­nées aus­si les zones expo­sées à la cor­ro­sion (telles que toi­lettes, gal­leys, fonds de fuse­lage et zones de cor­ro­sion sous ten­sion). Éga­le­ment prises en compte les zones vul­né­rables aux chocs exté­rieurs acci­den­tels ou aux erreurs de main­te­nance (telles que seuils d’en­trée, zones fré­quem­ment concer­nées par des actions de main­te­nance ou expo­sées à des écla­bous­sures et fuites de liquides cor­ro­sifs). Enfin der­nière caté­go­rie, les items à vie-sûre. 

L’analyse MSG‑3 appliquée à la structure
 

Comme pour les sys­tèmes et moteurs, une métho­do­lo­gie d’a­na­lyse logique est appli­quée aux items SSI. Un arbre de déci­sion logique a été adap­té à l’a­na­lyse des SSI qui conduit à : 

 dis­tin­guer les items tolé­rants au dom­mage et les items à vie-sûre,
 pour les items tolé­rants au dom­mage et les zones expo­sées aux dom­mages envi­ron­ne­men­taux ou acci­den­tels, déter­mi­ner la fai­sa­bi­li­té et le type de tech­nique de surveillance. 

L’a­na­lyse conduit à trois résul­tats pos­sibles, soit le retour au bureau d’é­tude pour ren­for­cer la résis­tance struc­tu­rale, soit le clas­se­ment dans l’une des deux listes du pro­gramme structure : 

• liste des Air­wor­thi­ness Limi­ta­tions Items (ALI),
 pro­gramme conso­li­dé d’en­tre­tien structural. 

Chaque ana­lyse est sup­por­tée par un dos­sier indi­vi­duel (SSI Ana­ly­sis).

L’ap­pro­ba­tion du pro­gramme pro­po­sé par le groupe de tra­vail suit la même pro­cé­dure que pour les sys­tèmes et moteurs : pré­sen­ta­tion et cri­tique par l’Indus­try Stee­ring Com­mit­tee, sou­mis­sion au Main­te­nance Review Board abou­tis­sant à l’ap­pro­ba­tion du pro­gramme struc­ture inté­gré dans le MRB Report.

Analyse des dommages accidentels

Air­bus a comme poli­tique de ne pas créer de tâches d’en­tre­tien cou­vrant les dom­mages accidentels. 

Les items sont donc ana­ly­sés pour éva­luer leur impact éven­tuel sur le com­por­te­ment en fatigue ou la résis­tance à la cor­ro­sion. Si l’im­pact est signi­fi­ca­tif, il est pris en compte dans l’a­na­lyse SSI cor­res­pon­dante et se tra­duit, si néces­saire, par des tâches d’ins­pec­tion struc­tu­rale supplémentaires. 

Analyse des dommages dus à l’environnement

Les struc­tures métal­liques sont expo­sées à de mul­tiples varié­tés de cor­ro­sion : cor­ro­sion sous ten­sion, gal­va­nique, inter­gra­nu­laire, fili­forme, micro­bio­lo­gique, par frot­te­ment, piqûres ou même étendue. 

Chaque item est éva­lué en fonc­tion de son expo­si­tion, du type de cor­ro­sion sus­cep­tible de se déve­lop­per et les résul­tats clas­sés en fonc­tion de leur sévé­ri­té afin de déter­mi­ner les inter­valles d’ins­pec­tion nécessaires. 

Trois niveaux de sévé­ri­té sont inter­na­tio­na­le­ment reconnus : 

 niveau 1 de cor­ro­sion : cor­ro­sion appa­rais­sant entre deux ins­pec­tions et qui peut être trai­tée dans les tolé­rances admises, ou cor­ro­sion dépas­sant les limites admises mais ne se pro­dui­sant pas dans les condi­tions d’u­ti­li­sa­tion nor­males de l’avion,
 niveau 2 de cor­ro­sion : cor­ro­sion appa­rais­sant entre deux ins­pec­tions dont le trai­te­ment dépasse les limites admises et néces­si­tant une répa­ra­tion ou un ren­fort structural,
 niveau 3 de cor­ro­sion : cor­ro­sion décou­verte lors d’une ins­pec­tion, consi­dé­rée comme mena­çant la sécu­ri­té de la struc­ture et néces­si­tant une répa­ra­tion immédiate. 

Les règles du MSG‑3 dans sa révi­sion 2 de 1993 demandent qu’un pro­gramme de pré­ven­tion et de contrôle de la cor­ro­sion (CPCP, Cor­ro­sion Pre­ven­tion and Control Pro­gramme) soit éta­bli par le construc­teur pour per­mettre de conte­nir la cor­ro­sion au niveau 1. 

Air­bus a appli­qué cette exi­gence non seule­ment pour ses nou­veaux avions, mais aus­si rétro­ac­ti­ve­ment à toute sa gamme. Le CPCP est désor­mais incor­po­ré comme par­tie inté­grante du pro­gramme de main­te­nance structure. 

Les com­po­sites néces­sitent la prise en compte de fac­teurs spé­ci­fiques : d’autres sources de dégra­da­tion peuvent les endom­ma­ger, telles que les actions de déca­page ; par ailleurs, les chocs peuvent réduire bru­ta­le­ment la résis­tance d’un com­po­site sans détec­tion apparente.
Air­bus prend en compte ces aspects au niveau de la concep­tion : les défauts met­tant en péril la résis­tance de la pièce en com­po­sites doivent être appa­rents de l’ex­té­rieur ; des tests sont réa­li­sés pour démon­trer que les dom­mages non visibles n’ont pas une impor­tance cri­tique pour la résis­tance de la structure. 

Les » ALI » (Airworthiness Limitation Items)

Sont regrou­pés dans cette caté­go­rie tous les items de fatigue cri­tiques et ceux liés aux cycles de vol ain­si que les items cri­tiques de corrosion. 

Ces tâches liées à la fatigue et la tolé­rance au dom­mage sont très stric­te­ment enca­drées. Les seuils de pre­mière ins­pec­tion et les inter­valles de répé­ti­tion ne peuvent pas être modi­fiés par les opé­ra­teurs ou leur avia­tion civile sans l’ac­cord du construc­teur et de son auto­ri­té de certification. 

Le docu­ment regrou­pant les ALI est un élé­ment consti­tu­tif du pro­gramme d’en­tre­tien structure. 

Les opé­ra­teurs doivent obli­ga­toi­re­ment faire un compte ren­du au construc­teur pour toute décou­verte de dom­mage sur un item de la caté­go­rie Air­wor­thi­ness Limi­ta­tion. Un for­mu­laire est inclus dans le rap­port MRB. 

Programme d’inspection de zone (ZIP)

Principes généraux

Le pro­gramme d’ins­pec­tion par zone (ZIP, Zonal Ins­pec­tion Pro­gram) four­nit les exi­gences d’ins­pec­tion visuelle de l’en­semble de l’a­vion, par zones suc­ces­sives et cou­vrant les sys­tèmes, les moteurs et la struc­ture pour s’as­su­rer de leur bon état géné­ral et main­te­nir la sécurité. 

Chaque zone est clai­re­ment défi­nie, avec des fron­tières faci­le­ment iden­ti­fiables ; toutes les trappes d’ac­cès sont ouvertes pour ces inspections. 

L’a­vion est décou­pé en huit zones majeures : 

 fuse­lage infé­rieur jus­qu’à la cloi­son pres­su­ri­sée arrière,
 fuse­lage supé­rieur jus­qu’à la cloi­son pres­su­ri­sée arrière,
 sec­tion arrière et empennage,
 moteurs, pylônes et nacelles,
 aile droite,
 aile gauche,
 train d’at­ter­ris­sage et trappes de train,
 portes d’embarquement pas­sa­gers et cargo. 

Ces zones majeures sont divi­sées en zones plus petites pour faci­li­ter la réa­li­sa­tion des tra­vaux d’ins­pec­tion. Des conven­tions de numé­ro­ta­tion per­mettent un repé­rage logique entre zones symé­triques ain­si qu’entre zones voisines. 

La figure 3 donne un exemple des repé­rages pour les moteurs gauches d’un A340 (moteurs 1 et 2). 

Il n’y a qu’un type de tâche dans le pro­gramme ZIP : ins­pec­tion géné­rale visuelle. 

Chaque zone est ana­ly­sée pour iden­ti­fier les types de dété­rio­ra­tions ou dom­mages sus­cep­tibles d’ap­pa­raître en service. 

Tou­te­fois, l’in­ven­taire n’a pas la pré­ten­tion d’être exhaus­tif ; on consi­dère que le tech­ni­cien réa­li­sant l’ins­pec­tion doit avoir une bonne connais­sance de la construc­tion de l’a­vion et des sys­tèmes situés dans la zone qu’il ins­pecte. Les tâches d’ins­pec­tion ZIP vérifient : 

 les par­ties visibles de la struc­ture et recherchent les dégra­da­tions telles que dom­mage acci­den­tel, cor­ro­sion, frot­te­ments et inter­fé­rences, fuites, fis­sures et état géné­ral des rivets et fixations,
 le bon état d’ins­tal­la­tion (et le frei­nage) des équi­pe­ments, har­nais, conduits, tubu­lures, pou­lies, etc.,
 l’é­tat des capots, caré­nages, pan­neaux ouverts ou démon­tés pour accé­der à la zone. 

Les seuils de pre­mière ins­pec­tion et les inter­valles de répé­ti­tion uti­lisent les mêmes uni­tés de pro­gram­ma­tion que les autres opé­ra­tions d’en­tre­tien : check A (500 heures) et mul­tiples de A, check C (quinze mois) et mul­tiples de C, cinq ans et dix ans. 

Les seuils et inter­valles les plus courts visent les points affec­tés par des dom­mages acci­den­tels ou ayant des consé­quences sur la fia­bi­li­té de l’a­vion ; ils néces­sitent peu d’ac­cès et à des zones bien spé­ci­fiques. Les seuils et inter­valles plus longs exigent un niveau d’ac­cès plus appro­fon­di et visent des dom­mages qui se sont pro­pa­gés pen­dant l’u­ti­li­sa­tion à un point tel qu’ils sont détec­tables par une ins­pec­tion géné­rale visuelle. 

On a vu pré­cé­dem­ment que des tâches peuvent être trans­fé­rées des pro­grammes d’en­tre­tien struc­ture et moteurs sys­tèmes. Dès lors que les tâches sélec­tion­nées sont des ins­pec­tions géné­rales visuelles et que les fré­quences de pro­gram­ma­tion sont cohé­rentes, elles sont repor­tées sur le pro­gramme ZIP. Ceci évite les dupli­ca­tions de tâches tout en répon­dant aux exi­gences de ces pro­grammes d’entretien. 

Analyse de tâche ZIP

Comme pour les autres volets du pro­gramme d’en­tre­tien, une méthode logique d’a­na­lyse est appli­quée pour déter­mi­ner les inter­valles des tâches ZIP. 

Trois para­mètres sont pris en compte : 

 la den­si­té : selon que les élé­ments ins­tal­lés dans la zone sont très rap­pro­chés, l’ins­pec­ta­bi­li­té de cha­cun d’entre eux et de la struc­ture en est affectée ;
. l’im­por­tance : l’im­por­tance de chaque com­po­sant en termes de sécu­ri­té ou de coût de fonc­tion­ne­ment est éva­luée. On prend éga­le­ment en compte les dom­mages qu’une défaillance peut pro­vo­quer sur les élé­ments adja­cents de la zone ;
. l’en­vi­ron­ne­ment : on éva­lue l’ex­po­si­tion à la cha­leur, aux vibra­tions ou aux dom­mages accidentels. 

Ces trois para­mètres sont ensuite com­bi­nés selon une logique de déci­sion pour déter­mi­ner l’in­ter­valle sou­hai­table d’inspection. 

Ces éva­lua­tions font appel au juge­ment per­son­nel des spé­cia­listes, au retour d’ex­pé­rience sur les flottes en ser­vice avant d’ar­rê­ter la déci­sion décou­lant de l’a­na­lyse logique. C’est ain­si qu’on peut abou­tir à un pro­gramme d’ins­pec­tion qui soit à la fois pra­ti­cable et réaliste. 

Le rapport MRB

Ce rap­port four­nit aux opé­ra­teurs le pro­gramme mini­mum et ini­tial de l’a­vion, avec les tâches et leur fré­quence d’ap­pli­ca­tion pour les moteurs, les sys­tèmes et la struc­ture. L’ob­jec­tif de ce docu­ment est de ser­vir de base à l’é­la­bo­ra­tion par chaque opé­ra­teur de son propre pro­gramme de main­te­nance qui sera approu­vé par les auto­ri­tés de son pays. 

L’or­ga­ni­sa­tion du rap­port reflète l’or­ga­ni­sa­tion des tra­vaux dont il regroupe les résultats : 

 Introduction,
 Règle­ments géné­raux appli­cables à tout pro­gramme d’avion,
 Pro­gramme sys­tèmes et moteurs,
 Pro­gramme structures,
 Pro­gramme d’ins­pec­tion de zone,
 et un cha­pitre spé­ci­fique : Exi­gences spé­ci­fiques américaines. 

S’y ajoutent les deux annexes :
 CMR (exi­gences décou­lant de la cer­ti­fi­ca­tion) et Limi­ta­tions de navi­ga­bi­li­té (ALI),
 Dia­gramme de zone, Glos­saire, Abré­via­tions, etc. 

LE MPD (Maintenance planning document)

Comme indi­qué ci-des­sus, le rap­port MRB ne donne que le pro­gramme ini­tial d’en­tre­tien de l’a­vion, au moment de la pre­mière mise en exploi­ta­tion com­mer­ciale. Le MPD est des­ti­né à prendre la suite de ce docu­ment ini­tial pour incor­po­rer les évo­lu­tions durant la vie de l’a­vion qui peut durer trente ans ou plus. 

Ces évo­lu­tions sont tirées de cinq sources dif­fé­rentes : les consignes de navi­ga­bi­li­tés impo­sées par les auto­ri­tés de cer­ti­fi­ca­tion, les SIL (Ser­vice Infor­ma­tion Let­ters) du construc­teur, les ser­vices bul­le­tins pour ins­pec­tion, les ser­vices bul­le­tins pour modi­fi­ca­tion et les évo­lu­tions de vie-sûre. Leurs impacts sur les tâches de main­te­nance et leur pério­di­ci­té sont incor­po­rés en per­ma­nence dans le MPD. 

Conclusion

De la des­crip­tion de ces pro­ces­sus d’é­la­bo­ra­tion des pro­grammes d’en­tre­tiens d’a­vions, on retien­dra plu­sieurs points fondamentaux. 

La métho­do­lo­gie moderne a trou­vé ses fon­de­ments à la fin des années soixante, suc­cé­dant à qua­rante ans d’empirisme et de tra­di­tion ; elle a ensuite pro­gres­sé au cours des années 1970 à 2000 paral­lè­le­ment aux pro­grès tech­niques des avions et en per­fec­tion­nant les méthodes pré­cé­dem­ment utilisées. 

Les prin­cipes mis en œuvre font appel à une logique rela­ti­ve­ment simple, qui trouve sa puis­sance dans la rigueur de son appli­ca­tion et le détail des analyses. 

Il est fait appel constam­ment à l’ex­pé­rience acquise, la com­pé­tence et la connais­sance détaillée de l’a­vion déte­nues par tous les acteurs : non seule­ment les ingé­nieurs concep­teurs (le bureau d’é­tude), mais aus­si les tech­ni­ciens de l’a­près-vente du construc­teur, des spé­cia­listes de com­pa­gnies aériennes, et ceux des avia­tions civiles. 

La col­la­bo­ra­tion entre ces trois par­ties (construc­teur, com­pa­gnies et avia­tion civile) se fait à la fois dans l’in­te­rac­ti­vi­té (groupe mul­ti­par­ties) et dans l’al­ter­nance des pou­voirs (appro­ba­tions en deux étapes, par les com­pa­gnies puis par les avia­tions civiles). 

Enfin, la res­pon­sa­bi­li­té ultime revient à la com­pa­gnie aérienne. Confor­mé­ment au droit aérien inter­na­tio­nal, chaque pays étant sou­ve­rain, le construc­teur four­nit les don­nées néces­saires aux exploi­tants mais n’exerce pas une tutelle sur eux. 

Il reste que la com­plexi­té et la longue accu­mu­la­tion d’ex­pé­riences néces­saires pour éla­bo­rer ces pro­grammes de main­te­nance font que peu d’a­via­tions civiles et peu de com­pa­gnies se sentent qua­li­fiées pour déci­der d’elles-mêmes d’é­carts impor­tants par rap­port aux recom­man­da­tions du constructeur. 

Ain­si, une cer­taine cohé­rence mon­diale est réa­li­sée : les prin­cipes géné­raux uti­li­sés en début de pro­ces­sus sont uni­formes et suivent les recom­man­da­tions de l’OA­CI. Et en bout de pro­ces­sus, les pro­grammes indi­vi­duel­le­ment appli­qués par les exploi­tants sont très proches les uns des autres, tant il est com­plexe de s’é­car­ter du pro­gramme recom­man­dé par le constructeur. 

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