La conjoncture 1999 et les perspectives de la maintenance industrielle à court terme

Dossier : La maintenanceMagazine N°564 Avril 2001
Par Daniel DUNET

La main­te­nance se décom­pose en trois postes très inégaux :

  • main­te­nance industrielle,
  • main­te­nance ter­ti­aire : bureaux et habi­ta­tions principalement,
  • main­te­nance des ouvrages d’art.

L’in­dus­trie con­cen­tre plus de 55 % du total des dépens­es de main­te­nance en France. Les dépens­es de main­te­nance des entre­pris­es se situent entre 152 et 167 mil­liards de francs selon les années (de 23 à 25,5 mil­liards d’eu­ros). La plus grande par­tie de ces dépens­es résulte de travaux exé­cutés par l’en­tre­prise pour elle-même. La part de main­te­nance sous-traitée à des inter­venants extérieurs à l’en­tre­prise a aug­men­té de façon régulière depuis 1994 pas­sant de 23 % à 27 % en 1999. Le tableau ci-dessous donne l’évo­lu­tion de ces chiffres depuis 1994 avec une prévi­sion pour 2001.

Les dépens­es totales de main­te­nance immo­bil­ière et ter­ti­aire représen­tent de leur côté un mon­tant total qui se situe entre 115 et 120 mil­liards de francs, soit de l’or­dre de 18 mil­liards d’eu­ros. Le vol­ume total est donc inférieur à celui de la main­te­nance indus­trielle, mais le pour­cent­age des travaux sous-traités est plus du dou­ble de ce qu’il est pour la main­te­nance indus­trielle. Le marché de la sous-trai­tance en matière immo­bil­ière est donc net­te­ment plus impor­tant que celui de la main­te­nance indus­trielle (12 mil­liards d’eu­ros con­tre 6,5 mil­liards d’eu­ros pour la main­te­nance industrielle).

1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001
Total CA industries
(MM d’euros)
624 653 658 673 693 ; 711 747 777
Total dépens­es de maintenance
(MM d’euros)
25 25,5 25 24,5 24,2 23,6 23,6 23,2
Marché de main­te­nance sous-traitée
(MM d’euros)
5,7 6,1 6,2 6,25 6,4 6,5 6,8 7,0
Pour­cent­age de sous-traitance 23 24 24,7 25,5 26,4 27,6 28,7 30
Source : BIPE d’après enquêtes, BIPE Asso­ci­a­tions et EASE du SESSI (2000)


L’ef­fec­tif employé à la main­te­nance indus­trielle a été en 1999 d’un peu plus de 250 000 per­son­nes, et l’ef­fec­tif employé à la main­te­nance immo­bil­ière est estimé à 200 000 per­son­nes. Le graphique ci-dessous donne une image de l’évo­lu­tion des salariés affec­tés à la main­te­nance selon les trois grands secteurs cités au début de cet arti­cle. On voit que l’ef­fec­tif total tra­vail­lant à des tâch­es de main­te­nance est de l’or­dre de 450 000 personnes.

On notera enfin un ratio car­ac­téris­tique de la main­te­nance : la part prépondérante de la main-d’œu­vre dans les dépens­es de main­te­nance qui représente, selon les secteurs, entre 60 et 70 % du total, tan­dis que les matières en con­cen­trent 30 % à 40 % (pour l’essen­tiel des pièces de rechange en ce qui con­cerne la main­te­nance industrielle).

Les don­nées d’évo­lu­tion récente et de mise en per­spec­tive qui suiv­ent ne con­cer­nent que la main­te­nance indus­trielle. Cette activ­ité est analysée annuelle­ment ce qui n’est pas le cas de la main­te­nance immo­bil­ière et ter­ti­aire (fréquence d’analyse plus espacée). Mal­gré cela, il faut garder à l’e­sprit qu’à vol­ume de dépens­es totales à peu près com­pa­ra­bles entre l’in­dus­trie et le ter­ti­aire, les marchés de main­te­nance réal­isés dans ce dernier domaine sont deux fois supérieurs à ceux de l’industrie.

Années 1993 1994 1995 1996 1997 1998
Dépens­es to​tales en MMF 118,90 118,70 118,90 119,2/td> 116,5 114,8
Dépens­es sous-traitées en MMF 77,6 78,50 79,90 80,4 80,3 82,3
Dépens­es totales en MM d’euros 18,13 18,10 18,13 18,17 17,76 17,50
Dépens­es sous-traitées en MM d’euros 11,83 11,97 12,18 12,26 12,24 12,55
Pour­cent­age de sous-traitance 65 66 67 67,5 69 72
Source : BIPE d’après enquêtes, BIPE Asso­ci­a­tion (1999).


La main­te­nance indus­trielle représente un des plus impor­tants postes dans les ser­vices généraux des usines de pro­duc­tion, avec en moyenne un niveau équiv­a­lent à 3,3 % du chiffre d’af­faires (moyenne en 1999, toutes indus­tries con­fon­dues). Compte tenu de son poids économique, la main­te­nance fait l’ob­jet d’une ratio­nal­i­sa­tion per­ma­nente dans l’en­tre­prise et son organ­i­sa­tion est adap­tée con­tin­uelle­ment en vue d’as­sur­er un taux de disponi­bil­ité max­i­mum de l’outil de production.

La pres­sion sur les coûts, syn­onyme sou­vent d’aug­men­ta­tion de la délé­ga­tion de cette fonc­tion, et l’aug­men­ta­tion de la fia­bil­ité de l’outil de pro­duc­tion aboutis­sent à une baisse régulière des dépens­es de main­te­nance, depuis le milieu des années qua­tre-vingt-dix. Ceci, aus­si bien en valeur absolue que rel­a­tive (en pour­cent­age du chiffre d’af­faires ou de la valeur ajoutée créée sur le site de production).

Si l’an­née 1999 s’est inscrite dans la con­ti­nu­ité de cette ten­dance avec une activ­ité indus­trielle en légère hausse1 et des dépens­es de main­te­nance glob­ales en recul, l’an­née 2000 se présente comme une rup­ture et ce pour plusieurs raisons :

  • une reprise forte de l’ac­tiv­ité économique à peu près com­mune à tous les secteurs d’ac­tiv­ité (+ 5 %) ;
  • une qua­si-sta­bil­i­sa­tion des effec­tifs à l’échelle de l’in­dus­trie aus­si bien pour l’ensem­ble des salariés que pour les effec­tifs de main­te­nance internes aux sites de production ;
  • une aug­men­ta­tion forte de la sous-trai­tance pour absorber les charges de travaux sup­plé­men­taires (préven­tifs surtout) dans un con­texte de sta­bil­ité glob­ale de la main-d’œu­vre interne de main­te­nance2.

On observe et on observera ain­si à court terme une pres­sion moins forte sur les bud­gets que lors des années précédentes :

  • dans un cer­tain nom­bre de sites indus­triels, il y aura une aug­men­ta­tion des bud­gets de 1999 à 2000 puis une sta­bil­ité pour 2001 ;
  • les efforts de pro­duc­tiv­ité sur la fonc­tion main­te­nance seront masqués par l’emballement de la pro­duc­tion (“ pro­duire d’abord ”).

Évolution du poids relatif des dépenses de maintenance par rapport au chiffre d’affaires industriel

Dans ce con­texte la sous-trai­tance béné­ficiera pleine­ment de la con­jonc­ture favor­able avec prin­ci­pale­ment deux tendances :

  • Répartition par secteur des salariés affectés à la maintenancerelâche­ment (relatif) de la pres­sion sur les prix des presta­tions. Mais les avis des don­neurs d’or­dres sont partagés sur ce point : cer­tains con­sid­èrent que la reprise et la forte demande ren­dent la main-d’œu­vre disponible sur le marché plus rare et donc plus chère,
  • d’autres ont inscrit leur sous-trai­tance dans le cadre de con­trats à oblig­a­tion de résul­tats et pour­suiv­ent leur délé­ga­tion de main­te­nance dans un con­texte de réduc­tion des coûts.

Lors de l’an­née 2001, les phénomènes observés devraient égale­ment se pour­suiv­re avec toutefois :

  • une crois­sance de pro­duc­tion indus­trielle un peu moins vigoureuse (+ 4,1 %) ;
  • une reprise de la lente diminu­tion des bud­gets globaux de main­te­nance et des effec­tifs internes aux don­neurs d’ordres ;
  • une pour­suite de la crois­sance du marché total de la main­te­nance industrielle.

Conclusion

L’ac­céléra­tion de la crois­sance indus­trielle en 2000 entraîne une sta­bil­i­sa­tion des bud­gets de main­te­nance pour l’ensem­ble des secteurs. En 2001, le bud­get glob­al repren­dra une légère diminution.

Ce phénomène est en fait la résul­tante de deux mou­ve­ments en sens inverse :

  • l’aug­men­ta­tion forte des besoins de main­te­nance liée à un taux d’u­til­i­sa­tion des capac­ités supérieur à la péri­ode précé­dente, accom­pa­g­née notam­ment par des aug­men­ta­tions d’ef­fec­tifs en interne (pas­sage en 3 x 8 dans l’au­to­mo­bile, par exemple) ;
  • la pour­suite des actions de pro­grès engagés depuis main­tenant de nom­breuses années par les secteurs dits ” évo­lu­tifs ” se traduit à activ­ité con­stante par une baisse des dépens­es de main­te­nance de 3 à 4 % par an.

Cepen­dant, la crois­sance économique est si vigoureuse qu’elle entraîne une demande instan­ta­née très forte en main­te­nance, non cou­verte par les moyens pro­pres du don­neur d’or­dres. Le recours à une sous-trai­tance de capac­ité vient combler ce déficit de main-d’œu­vre, par­fois d’au­tant plus impor­tant que le pas­sage aux 35 heures s’est fait sans embauche (d’où une diminu­tion des capac­ités de réal­i­sa­tion du don­neur d’ordres).

Lors des années qua­tre-vingt-dix, l’ac­tiv­ité indus­trielle a été mar­quée par une crois­sance assez chao­tique. La pres­sion sur les coûts de main­te­nance s’est ren­for­cée et l’ex­ter­nal­i­sa­tion s’est faite par à‑coups avec dans cer­tains cas des phénomènes de bal­anci­er entre délégation/reprise en interne de métiers. Dans d’autres cas la ten­dance à une réduc­tion des bud­gets globaux et sous-traités était claire­ment affichée (et l’est tou­jours). Ce com­porte­ment avait été notam­ment mar­qué par la crise de 1993, année de fort recul indus­triel qui avait dure­ment atteint le marché de la main­te­nance industrielle.

Les fac­teurs d’évolution des com­posantes de la main­te­nance à court terme
Fac­teurs de baisse

Bud­get total de maintenance

  • Baisse effec­tifs internes (pyra­mide des âges déséquili­brée + non-rem­place­ment des départs à la retraite)
  • Réor­gan­i­sa­tion des effec­tifs internes et gains de pro­duc­tiv­ité (3 à 4 % par an)
  • Trans­fert des opéra­tions de main­te­nance en pro­duc­tion (TPM)
  • Développe­ment des méth­odes et du préventif
  • Aug­men­ta­tion de la fia­bil­ité des équipements
  • Raje­u­nisse­ment des équipements de pro­duc­tion (investisse­ments élevés en 1999)
  • Pour­suite des investisse­ments à court terme (en con­cur­rence avec le bud­get de maintenance)

Taux de sous-trai­tance de la maintenance

  • Reprise de travaux en interne (1)
  • Développe­ment de la pro­duc­tiv­ité des effec­tifs de main­te­nance interne
  • Intro­duc­tion de con­trats pluri­an­nuels à l’obligation de résul­tats (baisse bud­get des prestations)




_________________________________
(1) Rarement prévu à court terme (en pour­cent­age des entre­pris­es enquêtées

Fac­teurs d’augmentation
  • Crois­sance de la pro­duc­tion indus­trielle : aug­men­ta­tion des équipes (pas­sage en 3 x 8 par exemple)
  • Pas­sage aux 35 heures avec embauche de per­son­nel de maintenance
  • Exten­sion de capac­ités de pro­duc­tion (années antérieures) : aug­men­ta­tion du capital
  • Recen­trage équipes internes du don­neur d’ordres sur pré­pa­ra­tion, méth­odes et encadrement équipes extérieures
  • Délé­ga­tion des travaux de réal­i­sa­tion (préven­tif par exemple)
  • Pas­sage aux 35 heures, chez le don­neur d’ordres sans embauche (baisse des capac­ités de réal­i­sa­tion interne à pro­duc­tion constante)
  • Insuff­i­sance des effec­tifs internes par rap­port à la charge, sous-trai­tance de capacité
  • Baisse des effec­tifs internes (stratégie don­neurs d’ordres
Source : BIPE d’après enq​uêtes 2000.


Si les mou­ve­ments de fond ne sont pas remis en cause par la très bonne con­jonc­ture 2000 et les per­spec­tives encour­ageantes à court terme, il est toute­fois impor­tant de retenir la réac­tiv­ité très forte du marché de la main­te­nance par rap­port à la con­jonc­ture indus­trielle. Enfin, on retien­dra qu’il doit prob­a­ble­ment exis­ter un seuil au-dessus duquel bud­gets et marchés crois­sent rapi­de­ment. Ce seuil cor­re­spond en fait au rythme moyen de la pro­duc­tiv­ité interne du don­neur d’or­dres sur la fonc­tion main­te­nance elle-même : c’est-à-dire 3 à 4 % par an. 

___________________________________
1. Dans cer­tains domaines, début de la reprise dès l’an­née 1997 (auto­mo­bile par exemple).
2. Léger ” effet 35 heures ” ayant entraîné des embauch­es en maintenance.

Poster un commentaire