Les échangeurs thermiques nucléaires, un investissement à long terme

Dossier : Dossier FFEMagazine N°698 Octobre 2014
Par Philippe PIRON (D2000)

Faire évoluer son métier de fournisseur :
Du chaudronnier au pourvoyeur de solutions d’échange thermique

Pour l’entreprise, la vague d’expérimentations puis de con­struc­tions nucléaires – tant sur le plan des cen­trales élec­triques que des unités d’enrichissement ou de retraite­ment des com­bustibles — des années 70 et 80 a pu nour­rir une exper­tise sur la con­struc­tion d’échangeurs aérother­miques, notam­ment pour le CEA, EDF, la Coge­ma et Framatome.

Lorsque la crois­sance fut inter­rompue par la fin de la con­struc­tion du parc français, la société accom­pa­gna le développe­ment inter­na­tion­al en suiv­ant ses don­neurs d’ordres, notam­ment en Afrique et en Asie. Rapi­de­ment, la ques­tion fut toute­fois de dépass­er le sim­ple statut de façon­nier, expert en fab­ri­ca­tion, à celui d’équipementier en charge à la fois de la con­cep­tion ther­mique et mécanique, de la pro­duc­tion et de son sou­tien à l’installation sur site dans le respect des codes de con­struc­tion nucléaire.

Ce fut le cas avec la déf­i­ni­tion et la réal­i­sa­tion d’aéroréfrigérants secs pour les piscines de stock­age de com­bustibles usés, d’échangeurs tubu­laires pour les cir­cuits sec­ondaires de cen­trales élec­triques ou de sys­tème de propul­sion nucléaire.

Plus récem­ment, l’essor des activ­ités de ser­vice et la néces­sité d’offrir des solu­tions con­cour­antes au ren­force­ment de la sécu­rité post-Fukushi­ma ont amené la société à faire évoluer son offre vers un stade ultérieur. GEA BTT a ain­si conçu et réal­isé des solu­tions d’échangeurs hybrides : sys­tème de bru­mi­sa­tion d’échangeurs aérother­miques classés, aéroréfrigérants cou­plés à des sys­tèmes d’humidification de l’air, pra­tique­ment sta­tiques, économes en sources froides et en énergie, per­me­t­tant la mise en œuvre d’une boucle de sécu­rité supplémentaire.

Ain­si, en cas d’incident ou de mode dégradé du réac­teur, cette dernière per­met de main­tenir la tem­péra­ture des cir­cuits pri­maires et sec­ondaires à un niveau sta­bil­isé, sans avoir à recourir à de nou­velles sources froides.

Gagner la confiance des ensembliers pour pouvoir innover

La capac­ité à faire évoluer son offre et son posi­tion­nement provient non seule­ment du croise­ment des com­pé­tences entre plusieurs secteurs (Nucléaire, Pét­role & Gaz, Ener­gies renou­ve­lables), de l’expertise des dif­férents codes de con­struc­tion (RCC‑M, RCC-MX, ASME‑N, KTA) mais surtout de la pos­si­bil­ité à codévelop­per avec l’ensemble des par­ties prenantes : pre­scrip­teur (CEA, MoD), opéra­teur-ensem­bli­er (EDF, GdF), sys­témi­er (Are­va, MHI, DCNS), four­nisseurs de dif­férents rangs (aciéristes, tubistes, motoristes,…).

Pour cela, il faut acquérir la con­fi­ance de ces dif­férents don­neurs d’ordres sur de nom­breuses années et main­tenir sans relâche son effort d’investissement en tech­nolo­gie et en com­pé­tences. Dernière­ment, GEA BTT a con­tin­ué d’investir sur la con­cep­tion et la fab­ri­ca­tion d’échangeurs à plaque de dernière généra­tion, soudée par dif­fu­sion, per­me­t­tant une tenue aux très hautes pres­sions (800 bars) et tem­péra­tures (600 °C), qui trou­vent des retombées tant en Oil&Gas off-shore ain­si qu’en nucléaire civ­il et militaire.

La ten­ta­tion est grande pour l’industrie nucléaire française devant les per­tur­ba­tions actuelles du marché post-Fukushi­ma de se repli­er seule­ment sur son mod­èle de ges­tion et sur sa base de four­nisseurs his­toriques. Cela serait cer­taine­ment se priv­er d’une capac­ité de mon­tée en com­péti­tiv­ité, tant par des solu­tions plus inno­vantes sur cha­cun des mail­lons de la chaîne de valeur nucléaire que par la perte d’une fer­til­i­sa­tion croisée avec d’autres secteurs énergé­tiques offrant des appli­ca­tions cri­tiques, comme le GNL off-shore et on-shore.

De manière sim­i­laire à l’industrie pétrolière, l’industrie nucléaire européenne en quête d’une com­péti­tiv­ité-coût ren­for­cée face à la bas­cule des marchés de la zone OCDE vers les pays émer­gents, devra con­tin­uer à accorder sa con­fi­ance aux acteurs les plus engagés dans la mod­erni­sa­tion du tis­su-four­nisseurs national.

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