Les Cultures de l’humanité

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°560 Décembre 2000Par : Michel MALHERBE (50)Rédacteur : Michel SAILLARD (48)

L’aventure de la tour de Babel n’a pas eu pour seule cause la diver­sité des lan­gages, mais aus­si la diver­sité des philoso­phies, des reli­gions et des cul­tures. Pour s’en per­suad­er, il suf­fit de con­sul­ter l’œuvre de Michel Malherbe.

Après Les Reli­gions de l’humanité, Les Lan­gages de l’humanité, Les Musiques de l’humanité, Les Philoso­phies de l’humanité, voici Les Cul­tures de l’humanité qu’il nous livre comme une sorte de couron­nement… en nous démon­trant que le développe­ment est une ques­tion de culture.

Depuis longtemps, je suis con­va­in­cu que le développe­ment, la for­ma­tion et l’éducation des peu­ples sont très étroite­ment con­di­tion­nés par leur cul­ture, mais je n’ai jamais ren­con­tré un tel ouvrage qui traite ce prob­lème à fond, dans sa glob­al­ité mal­gré sa grande complexité.

Bien que la clarté et la méth­ode d’exposition de ce livre soient tout à fait remar­quables, ce n’est pas en quelques lignes que l’on peut en faire un compte ren­du exhaus­tif et syn­thé­tique. Je me con­tenterai donc de soulign­er les points qui me sem­blent les plus intéres­sants et les plus novateurs.

Dans la pre­mière par­tie, la diver­sité des cul­tures dans le monde est très bien mise en évi­dence par un exa­m­en appro­fon­di des grands ensem­bles géo­graphiques et de la sit­u­a­tion géopoli­tique de cinquante pays car­ac­téris­tiques. L’auteur plonge égale­ment dans la struc­ture des sociétés, en évo­quant les minorités et les groupes soci­aux. On serait ten­té de descen­dre ain­si jusqu’à l’individu pour trou­ver enfin une cer­taine homogénéité culturelle.

Certes, la mon­di­al­i­sa­tion tend à créer des passerelles entre les ensem­bles cul­turels. La mise en lumière de cer­taines élites ou class­es sociales favorisées, le suc­cès de cer­taines idéolo­gies répan­dues, les modes médi­a­tiques peu­vent don­ner l’illusion d’une cul­ture mon­di­ale com­mune. En fait il n’en est rien car les traits cul­turels fon­da­men­taux des peu­ples sont ancrés pro­fondé­ment et la mon­di­al­i­sa­tion n’apporte, du moins pour l’instant, qu’un ver­nis plus ou moins résistant.

Dans la deux­ième par­tie de son ouvrage, Michel Mal­herbe se livre à une analyse per­ti­nente du développe­ment et de la culture.

On a don­né de mul­ti­ples déf­i­ni­tions de la culture.

J’aime bien rap­pel­er avec Mal­herbe que la base d’une cul­ture repose sur une con­cep­tion com­mune de la vie, le respect des mêmes valeurs et le même degré de con­vic­tion dans l’action. Les dif­férences cul­turelles ont con­duit à des mod­èles de sociétés présen­tant des aspects si con­trastés qu’ils se con­fron­tent par­fois avec violence.

“ Le pro­grès ou le recul d’une société dépend étroite­ment de son sys­tème de valeurs ” dit encore l’auteur. C’est encore plus évi­dent quand on par­le de développe­ment qui com­prend une com­posante volon­tariste. Le développe­ment est, en effet, une accéléra­tion délibérée du pro­grès, et l’on ne peut obtenir des résul­tats posi­tifs que si les actions exer­cées sont soigneuse­ment adap­tées. Ain­si, la général­i­sa­tion du pro­grès matériel suiv­ant un mod­èle stéréo­typé nég­lig­era fatale­ment l’épanouissement des cul­tures locales, coûtera très cher et con­duira, le plus sou­vent, à des échecs au moins partiels.

Le livre résume les con­di­tions néces­saires au développe­ment, les freins qu’il peut ren­con­tr­er, et les moteurs qui lui con­vi­en­nent le mieux. Mais, il y a aus­si des effets per­vers : c’est le cas des actions volon­taristes qui accrois­sent les iné­gal­ités au point d’augmenter le nom­bre des lais­sés-pour-compte et qui con­duisent à neu­tralis­er les effets atten­dus du développement.

Dans la troisième par­tie du livre, on attaque l’étude des mod­èles de développe­ment des grands ensem­bles géopoli­tiques. Mais il est pos­si­ble d’inventer d’autres mod­èles qui tien­nent mieux compte des spé­ci­ficités cul­turelles. L’imagination et l’expérimentation trou­veront là un domaine de choix.

En évo­quant les boule­verse­ments que le monde peut subir et toutes les cat­a­stro­phes qui nous guet­tent, Michel Mal­herbe ne nous promet pas “ des lende­mains qui chantent ”. Cepen­dant, sa con­clu­sion est tein­tée d’optimisme : il nous invite à être suff­isam­ment ent­hou­si­astes pour agir et gag­n­er cette œuvre col­lec­tive qu’est le développe­ment. S’il n’y a pas de solu­tions pré­fab­riquées ou de recettes infail­li­bles, on ne trou­vera d’issue qu’à deux con­di­tions oblig­a­toires : le main­tien de la paix et la pro­tec­tion du monde où nous vivons. Nous devrons nous mobilis­er pour attein­dre ces deux objectifs.

C’est cer­tain…, mais je retiendrai prin­ci­pale­ment de ma lec­ture que notre respon­s­abil­ité fon­da­men­tale est de faire preuve de plus d’humanisme

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