Carlos GHOSN (74) chez Nissan

Les conditions de réussite de l’alliance Renault-Nissan

Dossier : L'automobileMagazine N°557 Septembre 2000
Par Carlos GHOSN (74)

Renault et Nis­san ont signé une alliance le 27 mars 1999, accord par lequel Renault est devenu action­naire de Nis­san à hau­teur de 36,8 %.

Mais à cette péri­ode-là, Nis­san, deux­ième con­struc­teur japon­ais, qui a pro­duit en 1999 plus de 2 400 000 véhicules, se trou­vait dans une sit­u­a­tion finan­cière alar­mante, avec un endet­te­ment net de 2,4 tril­lions de yens (150 mil­liards de FF — au taux actuel du yen). L’en­tre­prise avait enreg­istré des résul­tats négat­ifs au cours des huit dernières années (excep­té en 1996) et voy­ait ses parts de marché mon­di­ales décroître de 6,6 % en 1991, à 4,9 % en 1999 (ce qui représente un vol­ume supérieur à 600 000 voitures, la pro­duc­tion totale de la mar­que Vol­vo en 1998).

Cette alliance Renault-Nis­san a pu appa­raître, lors de son annonce, comme un pari un peu fou, com­por­tant des risques par­fois qual­i­fiés d’in­sur­monta­bles : dis­tance et choc des cul­tures, d’une part, sit­u­a­tion finan­cière dra­ma­tique de Nis­san d’autre part. Après un peu plus d’une année de tra­vail, il est temps de revenir sur ce qui a été accom­pli pour en tir­er quelques enseignements.

Trois con­di­tions au moins me parais­sent essen­tielles : la renais­sance de Nis­san, la stratégie de crois­sance rentable et cohérente de l’ensem­ble Renault-Nis­san dans une approche équili­brée du parte­nar­i­at, enfin la coex­is­tence de deux iden­tités de mar­ques dis­tinctes et fortes.

Il est indé­ni­able que la pre­mière con­di­tion, à court terme, de réus­site de l’Al­liance est de redress­er la sit­u­a­tion finan­cière et de remet­tre Nis­san sur le chemin de la crois­sance rentable. Il faut que Nis­san se rap­proche de la per­for­mance de Renault qui lui-même a encore beau­coup de poten­tiel. Le con­trat de base est clair : ce que nous faisons chez Nis­san, c’est d’abord pour Nis­san et c’est dans l’in­térêt de l’al­liance Renault-Nissan.

Autrement dit ce qui est bon pour Nis­san est bon pour l’Al­liance. Nous ver­rons, dans un pre­mier temps, com­ment l’équipe de Nis­san a com­mencé à relever ce défi.

Mais cette équipe s’ap­puie en par­tie sur l’ex­péri­ence et les posi­tions actuelles de Renault.

Ce qui nous con­duit à la sec­onde con­di­tion intime­ment liée à la pre­mière et qui pro­duira ses pleins effets à moyen terme : le développe­ment des syn­er­gies entre les deux entre­pris­es, qui per­met de dot­er l’ensem­ble Renault-Nis­san d’une stratégie cohérente et coor­don­née de crois­sance rentable mais égale­ment de soutenir l’ef­fort de redresse­ment de Nis­san : parce que les suc­cès de l’Al­liance sont néces­saires à Nis­san autant que le redresse­ment de Nis­san est indis­pens­able à l’Alliance.

Le troisième élé­ment essen­tiel c’est le respect absolu et intan­gi­ble des mar­ques de cha­cun, dans le cadre d’une vision glob­ale et partagée. C’est un des principes fon­da­teurs de l’al­liance Renault-Nis­san. Il con­stitue le socle d’un parte­nar­i­at équilibré.

Transformer une entreprise orientée volume en une entreprise orientée clients — profits : le plan de redressement de Nissan

Com­ment avons-nous mis en œuvre ce plan de crois­sance et de réduc­tion de coûts ?

La pre­mière étape de notre action chez Nis­san a con­sisté à établir un diag­nos­tic appro­fon­di, pré­cis et chiffré, sans com­pro­mis ni com­plai­sance. Pen­dant toute cette péri­ode, qui a duré env­i­ron trois mois, il s’agis­sait de com­pren­dre de l’in­térieur les raisons du déclin de Nis­san et de sa perte de com­péti­tiv­ité — le con­texte, la stratégie, les choix et les actions engagées, en étant réelle­ment à l’é­coute des employés et respon­s­ables de Nis­san. Nous avons pro­scrit toute atti­tude con­quérante, arro­gante ou agressive.

Dans le même temps, cette phase d’ob­ser­va­tion et de diag­nos­tic nous a per­mis d’é­tudi­er et de recon­naître les atouts indis­cuta­bles de Nis­san, dans des domaines tels que la qual­ité et la fia­bil­ité des pro­duits, les com­pé­tences tech­nologiques et indus­trielles mais aus­si la dimen­sion inter­na­tionale de cette entre­prise : Nis­san est en effet présent en Asie, en Europe et aux États-Unis, avec à chaque fois des implan­ta­tions indus­trielles et com­mer­ciales sig­ni­fica­tives. Au-delà de ces trois grandes zones stratégiques, Nis­san a une présence effec­tive au Mex­ique et en Amérique cen­trale, au Moyen-Ori­ent, en Australie.

Ce diag­nos­tic exigeant nous l’avons con­duit en asso­ciant les mem­bres de Nis­san. Nous avons d’ailleurs con­staté, sans que cela con­stitue véri­ta­ble­ment une sur­prise, qu’ils étaient par­faite­ment con­scients de la dégra­da­tion des résul­tats, qu’ils en avaient bien sou­vent analysé les caus­es et que de sur­croît ils avaient un cer­tain nom­bre de solu­tions à pro­pos­er pour en sortir.

L’ad­hé­sion du per­son­nel est une con­di­tion de réus­site du plan de renaissance.

Nous avons ensuite con­stru­it le plan comme un ensem­ble de mesures de redresse­ment et de recon­quête, et l’avons annon­cé le 18 octo­bre 1999 (soit six mois après la sig­na­ture de l’Al­liance) à la presse et de façon simul­tanée en interne et à nos parte­naires extérieurs, four­nisseurs et con­ces­sion­naires. Un plan de ce type doit être expliqué et argu­men­té. Il était très impor­tant de partager notre diag­nos­tic ain­si que les solu­tions que nous pré­con­i­sions et avions décidé de met­tre en œuvre.

Et cet effort de com­mu­ni­ca­tion nous le pour­suiv­ons, en infor­mant régulière­ment nos col­lab­o­ra­teurs et parte­naires sur les résul­tats et l’a­vance­ment du plan. Car plus la sit­u­a­tion de l’en­tre­prise est déli­cate, plus la com­mu­ni­ca­tion doit être pré­cise, sim­ple et claire. Elle doit être com­prise depuis l’ou­vri­er jusqu’à l’an­a­lyste financier. Elle doit ren­forcer la moti­va­tion de cha­cun et la con­fi­ance dans les actions entreprises.

Briève­ment, ce plan peut se résumer à trois engage­ments majeurs : le retour à la prof­itabil­ité en mars 2001, une hausse à un min­i­mum de 4,5 % de la marge opéra­tionnelle et une dette réduite de moitié (6,3 mil­liards de dol­lars) d’i­ci mars 2003. Le pre­mier de ces engage­ments est en passe d’être atteint. Fin mars 2001, à l’is­sue de la pre­mière année fis­cale pleine, Nis­san devrait con­naître son pre­mier exer­ci­ce béné­fi­ci­aire depuis qua­tre ans.

Le respect de ces engage­ments passe par un plan de réduc­tion des coûts impor­tant, une réal­lo­ca­tion de ressources au prof­it de la crois­sance, un plan de développe­ment pro­duits ambitieux et une remise à plat de l’or­gan­i­sa­tion mon­di­ale et du man­age­ment de l’entreprise.

Nous avons élaboré ce plan dans un temps très court, puis l’avons mis en route sans atten­dre, à la fois parce que la sit­u­a­tion ne pou­vait plus dur­er et parce qu’il fal­lait réin­suf­fler le sens de l’ur­gence à Nissan.

Aujourd’hui, où en sommes-nous de ce plan de redressement parfois qualifié de ” mission impossible ” ?

Glob­ale­ment le Nis­san Revival Plan se déroule selon nos prévi­sions, avec quelques dif­férences suiv­ant les secteurs.

Le reengi­neer­ing de la fonc­tion achats et la mise en œuvre d’une procé­dure de sélec­tion des four­nisseurs basée sur des critères de per­for­mance don­nent des résul­tats très encour­ageants, et même meilleurs que prévus. Nous serons en ligne avec notre objec­tif de réduc­tion des coûts de 8 %, puisque 80 % de nos four­nisseurs se sont engagés dans ce sens, et nous sommes con­fi­ants sur l’ob­jec­tif de 20 % à la fin de l’ex­er­ci­ce fis­cal 2002.

La par­tie indus­trielle du plan, qui vise à con­cen­tr­er et réduire les capac­ités de pro­duc­tion, est engagée. Toutes les opéra­tions préal­ables aux fer­me­tures d’usines sont dans les temps. Nous avons déplacé cet été les lignes de pro­duc­tion de la March et de la Sky­line. 80 % du per­son­nel de l’u­sine de Muraya­ma, l’u­sine la plus impor­tante que nous allons fer­mer en mars 2001, sont prêts pour un transfert.

Mais trop sou­vent les com­men­ta­teurs reti­en­nent le volet ” réduc­tion des coûts ” du plan de renais­sance. Or on ne relance pas une entre­prise en dif­fi­culté en ” attaquant ” unique­ment ce ver­sant-là de la montagne.

Nous sommes en train de remet­tre en place les fonde­ments mêmes d’un développe­ment durable et prof­itable de Nissan.

Notre diag­nos­tic a fait appa­raître que, pour assur­er son développe­ment, Nis­san avait besoin de nou­veaux pro­duits, d’une ori­en­ta­tion client plus affir­mée, d’un ren­force­ment de la mar­que, d’un parte­nar­i­at plus exigeant avec le réseau de dis­tri­b­u­tion et d’un mar­ket­ing inno­vant et plus démar­qué de la concurrence.

Une réflex­ion appro­fondie pour dot­er la mar­que Nis­san d’une nou­velle iden­tité a été engagée ain­si qu’un plan pro­duit très ambitieux : 22 nou­veaux pro­duits seront lancés dans les trois ans à venir et les années suiv­antes nous pro­poserons une moyenne de 7 nou­veaux pro­duits par an. Ils seront le reflet de la nou­velle iden­tité de la mar­que. Ce plan pro­duit est soutenu par des investisse­ments con­séquents. Ils représen­teront 60 % du total de nos investisse­ments pour l’an­née fis­cale 2000. C’est bien d’un recen­trage de nos ressources vers ce qui est pour un con­struc­teur auto­mo­bile le core busi­ness : un plan pro­duit solide en phase avec les attentes de nos clients ou des ten­dances perçues.

Enfin sig­nalons les évo­lu­tions dans l’or­gan­i­sa­tion et le man­age­ment : début avril nous avons retouché l’or­gan­i­sa­tion du groupe, pour le ren­dre plus réac­t­if, plus trans­ver­sal et plus glob­al. Nous avons aus­si intro­duit dans la ges­tion du per­son­nel et dans le man­age­ment des principes nou­veaux. Ils remet­tent par­fois en cause des tra­di­tions, mais ils sont néan­moins bien accep­tés par des acteurs qui, pour la plu­part, avaient soif de performance.

En octo­bre 2000, nous aurons les résul­tats du pre­mier semes­tre de l’an­née ” 1 ” du ” Nis­san Revival Plan “. Nous aurons ensuite une vis­i­bil­ité beau­coup plus claire en mai 2001, quand nous aurons passé le cap de la pre­mière année de ce plan.

La presse ne s’y est pas trompée, qui voit dans les pre­miers indices du redresse­ment de Nis­san je cite [un signe que] ” l’al­liance […] présen­tée ini­tiale­ment comme un pari extrême­ment dif­fi­cile est bien engagée “1.

Pas­sons main­tenant à la sec­onde con­di­tion de réus­site de l’al­liance Renault-Nissan.

Un partenariat équilibré à la recherche des synergies

Les groupes de tra­vail con­joints, mis en place dans tous les métiers, dans le cadre de l’Al­liance, ont deux objec­tifs prin­ci­paux : iden­ti­fi­er toutes les oppor­tu­nités de crois­sance com­mune et repér­er les oppor­tu­nités de gains par la mise en com­mun des com­pé­tences et savoir-faire, des acquis ou des posi­tions respec­tives de chaque parte­naire. Les sommes ain­si dégagées étant mis­es au ser­vice de la crois­sance future.

C’est dans l’équili­bre entre deux parte­naires forts qu’il y aura une véri­ta­ble alliance effi­cace avec d’im­por­tantes synergies.

Con­crète­ment plusieurs chantiers sont engagés : une plate-forme2 com­mune équipera les rem­plaçantes des Micra, March, Cube de Nis­san et Clio et Twingo de Renault soit plus de 1,2 mil­lion de véhicules ; un plan de plate-forme doit nous con­duire à un total de 10 plates-formes com­munes en 2010 ; un plan d’or­ganes mécaniques com­mun ; un plan d’achat com­mun pour béné­fici­er au max­i­mum des effets d’échelle très impor­tants dans l’in­dus­trie auto­mo­bile. Dans le domaine de la dis­tri­b­u­tion, nous met­tons en com­mun nos savoir-faire et nos implan­ta­tions respec­tives, afin de réalis­er des économies sur tout ce qui n’est pas vis­i­ble pour les clients — ce que nous appelons les back-office — en suiv­ant le principe de base : le mieux implan­té sou­tient le développe­ment du partenaire.

C’est le cas en Europe où Nis­san s’ap­puie très large­ment sur le réseau dense de Renault, pour attein­dre à moyen terme une part de marché cumulée de 17 %. Dans d’autres pays comme le Mex­ique, c’est Nis­san qui facilite le retour de Renault sur ce marché et qui assur­era même la pro­duc­tion de véhicules Renault dans son usine de Cuer­nava­ca, dès le début de 2001.

Au pas­sage, ces pro­duc­tions addi­tion­nelles per­me­t­tent à Nis­san d’op­ti­miser l’u­til­i­sa­tion de ces capac­ités de pro­duc­tion, dans ce pays. Une illus­tra­tion très con­crète de ” ce qui est béné­fique à l’Al­liance est béné­fique à Nis­san, et bien sûr béné­fique à Renault “.

Dans le même temps cha­cun pour­suit une stratégie de crois­sance rentable, avec des pro­duits, des gammes et des iden­tités de mar­que distinctes.

Apprentissages réciproques et ouverture d’esprit au service de la croissance

Nous avons iden­ti­fié des domaines de com­pé­tences et de savoir-faire où des dif­férences exis­tent entre Nis­san et Renault. Au sein de groupes de tra­vail con­joints, nous met­tons sys­té­ma­tique­ment en œuvre les échanges pour favoris­er au max­i­mum les appren­tis­sages de ” best prac­tices ” et éla­bor­er, chaque fois que c’est néces­saire, des références com­munes. C’est un proces­sus con­tinu, qui vise à créer ensem­ble de la valeur pour les deux entreprises.

C’est le cas, par exem­ple, dans le domaine de la qualité.

La qual­ité et la fia­bil­ité des pro­duits Nis­san sont réputées mon­di­ale­ment et con­tribuent à l’i­den­tité de la mar­que. Notre qual­ité est faite de rigueur et de méthode. Elle ne s’im­pro­vise pas. Les stan­dards de qual­ité Nis­san intéressent Renault qui peut com­pren­dre de l’in­térieur com­ment, chez Nis­san, nous réal­isons la qual­ité. Sur cette base nous sommes en train d’éla­bor­er des stan­dards com­muns, car si nous voulons dévelop­per des plates-formes com­munes, si nous devons utilis­er des usines com­munes, nous ne pou­vons pas avoir deux instru­ments dis­tincts pour mesur­er la qual­ité de nos pro­duits. Nous avions décidé dès l’o­rig­ine de l’Al­liance qu’en aucun cas la qual­ité ne devait être un fac­teur dif­féren­ciant entre Renault et Nissan.

Sur le plan indus­triel, Nis­san a des usines très per­for­mantes, dont la pro­duc­tiv­ité est recon­nue pour être par­mi les plus élevées au monde.

Dans l’é­tude com­par­a­tive menée par l’EIU3, l’u­sine de Sun­der­land, dans le nord de l’An­gleterre, appa­raît comme la plus pro­duc­tive en Europe depuis trois ans. De son côté, l’u­sine de Smyr­na, dans le Ten­nessee, s’est égale­ment placée en pre­mière posi­tion aux États-Unis, en 1999, d’après une étude du Har­bour report4.

Eh bien, nous inci­tons au max­i­mum d’un côté les ingénieurs de Renault à vis­iter et étudi­er en pro­fondeur cette usine, de l’autre les ingénieurs de Nis­san à être ouverts à l’échange, à expli­quer leurs méth­odes afin que cha­cun des parte­naires puisse prof­iter de cette avance que nous avons sur nos concurrents.

De son côté Nis­san a des choses à appren­dre de Renault en matière de man­age­ment de la réduc­tion des coûts ou de poli­tique d’achat — ce qui a été utile dans l’élab­o­ra­tion du Plan de renais­sance de Nis­san — mais aus­si en matière de design, d’in­no­va­tion et de créativité.

Depuis trop longtemps Nis­san com­mer­cialise des voitures d’ingénieurs, des voitures fiables et tech­nologique­ment très avancées mais sans âme par­ti­c­ulière et au design trop clas­sique. Prenez la Sky­line GTR, le bijou de la gamme. Cette voiture est un tigre aux allures de cha­ton. Sa tech­nolo­gie et ses per­for­mances remar­quables sont hand­i­capées par un design décalé par rap­port à ses qual­ités routières. Renault, recon­nu pour son design auda­cieux, peut soutenir Nis­san dans son souci de mieux coller aux exi­gences de ses clients dans ce domaine.

Nous avons instau­ré un comité com­mun de Design (“ Joint Design Pol­i­cy Group ”) asso­ciant les 2 patrons du Design de Renault et de Nis­san. Ce comité a pour voca­tion de faciliter l’échange d’in­for­ma­tion sur les pra­tiques et pro­jets respec­tifs, d’in­ten­si­fi­er l’ou­ver­ture au parte­naire — au tra­vers par exem­ple d’échanges de design­ers — ou de met­tre à niveau les équipements et out­ils pour les ren­dre com­mu­ni­cants. Tout cela au ser­vice de gammes dis­tinctes mais cohérentes, du point de vue de leur iden­tité et de leur design.

À titre d’ex­em­ple, grâce à Renault, Nis­san, qui par le passé s’adres­sait à des prestataires pour con­cevoir ses con­cept-cars, va main­tenant dévelop­per une véri­ta­ble poli­tique de con­cept-cars conçus en interne, et util­isés autant pour mon­tr­er aux clients les ten­dances du design Nis­san que pour imprégn­er les design­ers mai­son d’une nou­velle cul­ture de la marque.

Ces échanges appro­fondis et réguliers, menés en toute loy­auté dans le respect de l’his­toire de cha­cun, sont la base du tra­vail mené en com­mun. La trans­parence dans les échanges ain­si que la sincérité et la fia­bil­ité des infor­ma­tions mis­es en com­mun sont encour­agées à tous les niveaux.

Des marques fortes et distinctes au service de l’Alliance

Pour faire de Renault-Nis­san un ensem­ble plus riche que la seule addi­tion de nos chiffres d’af­faires, nous avons imag­iné un con­cept orig­i­nal, celui d’al­liance bina­tionale. Des dif­férences man­i­festes entre ces deux entre­pris­es, sou­vent pointées comme un fac­teur de risques, nous faisons une oppor­tu­nité pour l’ensem­ble : un ensem­ble où la dou­ble nation­al­ité et la dou­ble cul­ture sont con­sid­érées comme des fac­teurs com­plé­men­taires et enrichissants, plutôt que pénal­isants ; un ensem­ble où chaque mar­que reste indépen­dante pour éviter can­ni­bal­i­sa­tion ou redon­dance entre les mod­èles. La sépa­ra­tion des mar­ques est garantie par l’i­den­tité tech­nique et cul­turelle forte de cha­cune des entreprises.

Un véhicule Nis­san est et restera un véhicule dont les fon­da­men­taux sont conçus au Japon par des Japon­ais. Il est et restera rad­i­cale­ment dif­férent d’un véhicule Renault à l’i­den­tité française recon­nue par tous.

D’autres exem­ples dans l’in­dus­trie auto­mo­bile mon­trent que la dis­tinc­tion des mar­ques au sein d’un groupe mul­ti­mar­que n’est pas tou­jours facile ; cha­cun recon­naît pour­tant que c’est un fac­teur de suc­cès incon­testable : main­tenir des iden­tités séparées, c’est s’as­sur­er que les clients de cha­cune des mar­ques y trou­vent ce qu’ils atten­dent de spécifique.

C’est pourquoi nous appliquons ce principe à tous les niveaux : en amont dans les phas­es de design et d’ingénierie aus­si bien qu’en aval dans la distribution.

Le ” Joint Design Pol­i­cy Group “, cité plus haut, en est une illus­tra­tion. Il s’as­sure du sub­til équili­bre entre des véhicules aux ” looks ” bien dis­tincts, entre chaque mar­que, autant que de la cohérence des mar­ques entre elles.

Dans l’ingénierie, il s’ag­it de réus­sir la mise en com­mun de fonc­tions pour obtenir les effets d’échelle, pro­pres à réduire nos coûts et nos délais globaux de con­cep­tion, tout en con­tin­u­ant à con­cevoir séparé­ment les fonc­tions dif­féren­ciantes d’un véhicule (éclairage, sièges) ou à procéder aux mis­es au point spé­ci­fiques qui ren­dront un véhicule iden­ti­fi­able à sa mar­que (tenue de route, freinage).

Dans un esprit iden­tique les pro­jets dits de cross-badg­ing, qui con­sis­tent à utilis­er dans une gamme un des pro­duits du parte­naire, plutôt que d’en dévelop­per un soi-même, font l’ob­jet d’analy­ses très pointues pour mesur­er l’ef­fet de ces pro­duits ” emprun­tés ” au parte­naire sur la clien­tèle et sa per­cep­tion de la mar­que. Et chaque fois qu’un risque de con­fu­sion des mar­ques appa­raî­tra nous serons extrême­ment vig­i­lants. Dans les faits, ces pro­jets de cross-badg­ing res­teront limités.

Enfin, en aval le respect des deux mar­ques passe par le main­tien de réseaux de dis­tri­b­u­tion distincts.

On ne ver­ra pas de Nis­san dans un show-room Renault, et inverse­ment. Il est essen­tiel pour un con­struc­teur auto­mo­bile de main­tenir la rela­tion directe avec ses clients, au tra­vers de son réseau.

Même si nous met­tons en com­mun des moyens, des sup­ports ou des activ­ités de back-office, tels que nos sys­tèmes infor­ma­tiques ou notre logis­tique, parce qu’il y a des économies con­sid­érables à faire à ce niveau, nous main­tien­drons une stricte sépa­ra­tion de nos points de ventes.

Les véhicules, leur design, leur qual­ité, leur niveau d’équipement, mais aus­si les ser­vices asso­ciés, de garantie, de finance­ment ou d’as­sur­ance ou encore le ser­vice après-vente sont car­ac­téris­tiques de la mar­que. De même la rela­tion au con­ces­sion­naire, celui de son quarti­er, importe au client.

Une approche com­mune à long terme, la crois­sance rentable con­stru­ite sur la con­fi­ance — et notam­ment celle qui existe au niveau des dirigeants -, dou­blée d’une indépen­dance des mar­ques et d’une véri­ta­ble autonomie de déci­sion, voilà ce qui fait aujour­d’hui l’o­rig­i­nal­ité de l’al­liance Renault-Nis­san et qui nous rend con­fi­ants quant à son avenir.

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1. Auto­mo­tive News, juil­let 2000.
2. Un ensem­ble de pièces et fonc­tions assem­blées, con­sti­tu­ant le soubasse­ment et la base roulante d’un véhicule.
3. The Econ­o­mist Intel­li­gent Unit, Cen­tre d’é­tude anglais indépen­dant qui depuis cinquante ans pro­duit des études com­par­a­tives notam­ment sur l’in­dus­trie auto­mo­bile, mem­bre de ” The Econ­o­mist Group “.
4. Har­bour report : Cen­tre d’é­tude de même nature, qui con­duit des études com­par­a­tives aux États-Unis.

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