Perception de l'environnement en conduite autonome

La voiture autonome : défis technologiques et juridiques

Dossier : L'automobileMagazine N°717 Septembre 2016
Par Vincent ABADIE

Les instances inter­na­tionales se con­cer­tent pour résoudre les prob­lèmes juridiques posés par les véhicules autonomes. Pri­or­ité à la sécu­rité, mais fin du dogme uni­versel du con­duc­teur maître à tout moment du con­trôle de son véhicule. D’autres paramètres sont étudiés con­cer­nant l’in­fra­struc­ture routière et la déter­mi­na­tion des respon­s­abil­ités en cas d’accident. 

La voiture autonome per­met de retrou­ver du temps de qual­ité à bord des véhicules dans les sit­u­a­tions de con­duites monot­o­nes ou rébar­ba­tives, et per­met, quand la tech­nolo­gie en est com­plète­ment maîtrisée, d’ amélior­er la sécu­rité d’utilisation des véhicules en évi­tant les erreurs humaines. 

L’automatisation de la con­duite com­mence par les fonc­tions d’ assis­tance comme le freinage automa­tique en cas de risque de col­li­sion, jusqu’à l’autonomie com­plète où le con­duc­teur n’a pas même besoin d’être présent dans le véhicule. 

REPÈRES

Les constructeurs se sont mis d’accord sur une classification des niveaux d’autonomie en cinq niveaux :
  • Niveau 1 : assistance
  • Niveau 2 : avec supervision conducteur
  • Niveau 3 : sans supervision temporaire
  • Niveau 4 : sans supervision
  • Niveau 5 : sans chauffeur.

PRIORITÉ À LA SÉCURITÉ

Le défi majeur est de pou­voir pro­pos­er ces tech­nolo­gies au niveau de sûreté req­uis pour un déploiement en grande série. Le véhicule doit à tout instant être en mesure de percevoir par­faite­ment son envi­ron­nement, de pren­dre la bonne déci­sion sur l’action à entre­pren­dre et d’exécuter cette action en toute sécurité. 

Cela doit être vrai même en cas de défail­lance d’une par­tie du sys­tème, d’où une néces­sité de redon­dances sur les sys­tèmes, c’est-à-dire qu’il y ait tou­jours un sec­ond dis­posi­tif capa­ble de pal­li­er un dysfonctionnement. 

Les méthodolo­gies per­me­t­tant d’apporter les preuves de la sûreté de fonc­tion­nement sont en cours de développe­ment et font l’objet de nom­breux travaux en col­lab­o­ra­tion au sein de l’ISO et avec d’autres parte­naires au sein et en dehors de la fil­ière automobile. 

DES PROBLÈMES TECHNIQUES À RÉSOUDRE

Par ailleurs, les travaux de con­cep­tion font encore l’objet de dif­fi­cultés tech­niques qui restent à résoudre. 


Le véhicule doit à tout instant être en mesure de percevoir par­faite­ment son envi­ron­nement, de pren­dre la bonne déci­sion sur l’action à entre­pren­dre et d’exécuter cette action en toute sécu­rité. © CHOMBOSAN

Cer­tains scé­nar­ios comme les travaux, les infra­struc­tures dégradées ou les com­porte­ments atyp­iques d’autres usagers peu­vent par­fois échap­per à l’intelligence arti­fi­cielle des algo­rithmes de pilotage des prototypes. 

De plus, l’analyse des sit­u­a­tions par la fusion de don­nées hétérogènes (c’est-à- dire issues de cap­teurs de dif­férentes tech­nolo­gies et de la car­togra­phie) pose aus­si des prob­lé­ma­tiques tech­niques qui font encore l’objet de travaux au stade de la recherche scientifique. 

Les ingénieurs font évoluer en per­ma­nence les sys­tèmes pour résoudre les nou­velles prob­lé­ma­tiques ren­con­trées chaque jour au cours des expéri­men­ta­tions et intè­grent au fur et à mesure les avancées tech­nologiques dans les algo­rithmes en développement. 

UN CADRE JURIDIQUE À CONCEVOIR

Pour per­me­t­tre la cir­cu­la­tion des véhicules à con­duite déléguée, un cer­tain nom­bre d’évolutions juridiques et régle­men­taires sont néces­saires. En pre­mier lieu, la con­ven­tion de Vienne, sur laque­lle s’appuient les codes de la route européens, doit évoluer. Cette con­ven­tion pré­cise que le con­duc­teur doit con­serv­er à tout moment le con­trôle de son véhicule. 

De pre­mières évo­lu­tions ont été décidées récem­ment pour autoris­er les pre­miers dis­posi­tifs d’assistance, mais des amé­nage­ments com­plé­men­taires sont néces­saires pour aller plus loin vers l’automatisation de la con­duite. La plu­part des con­struc­teurs tra­vail­lent avec les autorités sur ces mod­i­fi­ca­tions dont on peut sup­pos­er qu’elles aboutiront avant 2020. 

FAIRE ÉVOLUER LE CODE DE LA ROUTE

Ensuite, les codes de la route nationaux devront évoluer pour autoris­er les fonc­tions autonomes ain­si que les régle­men­ta­tions tech­niques auto­mo­biles liées à l’homologation des véhicules. 

Pour cela, plusieurs groupes de tra­vail de la Com­mis­sion économique des Nations unies pour l’Europe (CEEONU) sont act­ifs pour amender cer­tains règle­ments ECE et per­me­t­tre la con­duite autonome (ECE 79 sur les sys­tèmes de direc­tion et ECE 48 sur l’éclairage et la signalisation). 

DÉTERMINER LES RESPONSABILITÉS

Autre point clé : la déter­mi­na­tion de la respon­s­abil­ité en cas d’accident éventuel d’un véhicule autonome. 

UN CADRE INTERNATIONAL

La convention de Vienne sur la circulation routière est un traité international conçu pour faciliter la circulation routière internationale et pour améliorer la sécurité routière en harmonisant la réglementation routière entre les parties contractantes.
Cette convention a été admise lors de la conférence sur la circulation routière du Conseil économique et social des Nations unies en novembre 1968. Elle est entrée en vigueur le 21 mai 1977. Cette conférence a aussi produit la convention de Vienne sur la signalisation routière (source : Wikipédia).

Il faut not­er que ces cas seront de plus en plus rares car l’électronique de pilotage du véhicule per­me­t­tra une sûreté supérieure à celle d’un con­duc­teur, notam­ment du fait d’un com­porte­ment naturelle­ment « pré­cau­tion­neux » de l’automatisme.

En effet, par con­struc­tion, l’automate respectera le code de la route, les vitesses régle­men­taires, les inter­dic­tions de fran­chisse­ment de lignes ou encore les dis­tances de sécurité. 

De plus, les temps de réac­tion du sys­tème – pour le déclenche­ment d’un freinage automa­tique par exem­ple – seront plus courts que ceux d’un con­duc­teur humain et per­me­t­tront de mieux éviter les collisions. 

UN SUJET EN DISCUSSION

Pour les cas résidu­els d’accidents, le partage des respon­s­abil­ités devra être déter­miné, en véri­fi­ant que le véhicule était bien en mode autonome lors de l’accident et en déter­mi­nant, le cas échéant, le partage de la respon­s­abil­ité avec les tiers. 

Enfin, en cas de mise en cause du véhicule autonome, les niveaux de respon­s­abil­ité respec­tifs du con­struc­teur et du con­duc­teur seront aus­si à définir. Pour cela, l’intégration d’un dis­posi­tif d’enregistrement dans le véhicule per­me­t­tant de recon­stituer les cir­con­stances de l’accident est à l’étude.

Les modal­ités d’introduction de ce sys­tème et son con­tenu sont actuelle­ment étudiés par les con­struc­teurs et l’ensemble des autorités con­cernées. Le sujet, dans sa glob­al­ité, est en cours de dis­cus­sion au sein de la fil­ière auto­mo­bile française en con­cer­ta­tion avec les juristes et des com­pag­nies d’assurances.

LES EXPÉRIMENTATIONS SE MULTIPLIENT

Les tests sur route ouverte ont démar­ré en France depuis mi-2015 avec qua­tre pro­to­types roulants PSA (Cit­roën C4 Picas­so autonomes) cor­re­spon­dant à des niveaux d’automatisation 2 et 3 qui ont été autorisés à cir­culer sur plus de 10 000 km de voies rapi­des. Des autori­sa­tions ont été aus­si obtenues pour ces véhicules en Espagne fin 2015 et aux Pays-Bas en avril 2016. 

ATTENTION : TRAVAUX !

La gestion des zones de travaux est un point difficile pour les systèmes automatisés, de par la variété des situations rencontrées et la difficulté de signalisation suffisamment anticipée pour une gestion de situations par le véhicule.
Ce point fait l’objet de discussions spécifiques avec les gestionnaires d’infrastructure et les autorités en charge du sujet au niveau français comme international, avec un besoin de définir et d’appliquer des normes qui favoriseront l’application des véhicules autonomes de la manière la plus large possible.

Les véhicules ont par­cou­ru plusieurs dizaines de mil­liers de kilo­mètres sur ces routes et des expéri­ences promet­teuses de roulage avec des pro­to­types ont été réal­isées : 580 km en roulage autonome entre Paris et Bor­deaux en octo­bre 2015, 3 000 km en roulage autonome entre la France et l’Espagne en novem­bre 2015, encore un roulage de 500 km entre Paris et Sochaux en mars 2016, sans tenir le volant. 

Deux véhicules ont même par­cou­ru un tra­jet en mode autonome entre Paris et Ams­ter­dam pour par­ticiper à l’événement « The Expe­ri­ence » con­sis­tant à trans­porter des min­istres de la Com­mu­nauté européenne en véhicule autonome à Amsterdam. 

D’autres ont emboîté le pas en France et ce sont main­tenant plus d’une dizaine de pro­to­types automa­tisés et autonomes qui arpen­tent les routes françaises. 

VEILLER À L’ÉTAT DES INFRASTRUCTURES

Pour ses pre­mières appli­ca­tions, le véhicule autonome utilis­era les mêmes voies de cir­cu­la­tion que les autres véhicules. La qual­ité des infra­struc­tures est donc essen­tielle au déploiement de la con­duite automa­tisée. En pre­mier lieu, les mar­quages au sol doivent être en bon état pour être détecta­bles par les cap­teurs du véhicule (en par­ti­c­uli­er les caméras), afin de garan­tir le guidage latéral du véhicule. 

On utilis­era en com­plé­ment les sys­tèmes fondés sur la car­togra­phie et le posi­tion­nement GPS, qui sont eux-mêmes soumis à cer­taines lim­i­ta­tions comme leur pré­ci­sion ou encore leur taux de disponi­bil­ité (tun­nels, canyons urbains, etc.). 

Comportement atypique à prendre en compte dans la conduite autonome
Cer­tains scé­nar­ios comme les travaux, les infra­struc­tures dégradées ou les com­porte­ments atyp­iques d’autres usagers peu­vent par­fois échap­per à l’intelligence arti­fi­cielle des algo­rithmes de pilotage des pro­to­types. © MISU

C’est un point de vig­i­lance, car les expéri­men­ta­tions ont mis en avant la grande var­iété de l’état des routes en matière de qual­ité des mar­quages. D’autres points sont impor­tants, comme la qual­ité de la sig­nal­i­sa­tion, notam­ment les pan­neaux d’indication de travaux et de lim­i­ta­tion de vitesse, la qual­ité générale du revête­ment ou le respect des stan­dards par l’ensemble des ges­tion­naires d’infrastructure publics ou privés. 

DES SYSTÈMES DE TRANSPORT INTELLIGENTS

Les pre­mières appli­ca­tions des fonc­tions autonomes seront acces­si­bles sur des routes prop­ices, en par­ti­c­uli­er les voies à chaussées séparées qui per­me­t­tent de se met­tre en sit­u­a­tion favor­able par rap­port à la qual­ité des infrastructures. 

De plus, cela per­met de garan­tir des con­di­tions de cir­cu­la­tion favor­ables vis-à-vis des autres usagers avec des scé­nar­ios plus sim­ples à gér­er (absence de pié­tons, de cyclistes, etc.). 

Dans un sec­ond temps, l’arrivée des infra­struc­tures intel­li­gentes qui seront déployées pour les sys­tèmes de trans­port intel­li­gents coopérat­ifs apportera une amélio­ra­tion des per­for­mances et de la disponi­bil­ité des fonc­tions autonomes.

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