L’industrie automobile : dinosaure ou phœnix ?

L’industrie automobile : dinosaure ou phœnix ?

Dossier : AutomobileMagazine N°765 Mai 2021
Par Christophe MIDLER (74)

Le terme de muta­tion revient péri­odique­ment pour décrire la sit­u­a­tion du secteur auto­mo­bile. On le retrou­ve évidem­ment dans les années d’avant-guerre, où s’est con­stru­it le paysage indus­triel que l’on con­naît ; dans les années 70 avec les crises du pét­role ; dans les années 80 avec la révo­lu­tion des nou­velles normes d’efficacité venant du Japon et le déploiement spec­tac­u­laire de la robo­t­i­sa­tion des usines. Mais prob­a­ble­ment jamais n’a‑t-on assisté à la con­jonc­tion de fac­teurs que l’on con­state dans la sit­u­a­tion actuelle, qui crée pour le secteur un momen­tum inédit.

On en veut pour preuve que les impérat­ifs de lutte con­tre la crise cli­ma­tique, qui voit une intru­sion forte des poli­tiques publiques dans les déci­sions tech­nologiques et pro­duits des con­struc­teurs ; que les évo­lu­tions des com­porte­ments de mobil­ité où les clients poten­tiels priv­ilégient de plus en plus l’accès à des ser­vices de mobil­ité effi­caces, par rap­port à la pos­ses­sion de véhicules perçus de plus en plus comme des objets pol­lu­ants, coû­teux et finale­ment peu pra­tiques ; la dynamique de la com­péti­tion, avec le déplace­ment d’un jeu con­cur­ren­tiel dur mais policé entre les con­struc­teurs de la tri­ade (Europe, Japon, USA) vers une dom­i­na­tion de plus en plus évi­dente d’acteurs de zones géo­graphiques nou­velles (Corée, Chine) d’un côté et l’intrusion bru­tale de nou­veaux pré­da­teurs de valeur issus du monde numérique de l’autre ; les évo­lu­tions des dynamiques indus­trielles, où l’image de fleu­ron d’industrie nationale cède le pas à celle de l’emblème des délo­cal­i­sa­tions et de sup­pres­sions d’emploi à un moment où la recon­quête de l’autonomie nationale devient un enjeu fort ; et enfin une image d’organisation du tra­vail typ­ique de « l’ancien monde », où les jeunes n’ont plus guère envie de se projeter.

Le tableau est certes som­bre et les défis mul­ti­ples, mais l’histoire mon­tre que l’industrie auto­mo­bile a su par le passé, tel un phœnix, trou­ver face à de telles crises les ressources pour assur­er sa résilience, pour rebondir en se réin­ven­tant. Quel est aujourd’hui plus pré­cisé­ment l’état de ces con­traintes et des acteurs qui les por­tent ? Quelles sont aujourd’hui les per­spec­tives de réponse et de dépassement ?

Tel est l’objet de ce dossier. Des per­spec­tives où, comme on le ver­ra, l’imagination et l’intelligence des ingénieurs tien­dront cer­taine­ment un rôle cen­tral. Car c’est dans les moments de rup­ture, plus que dans le main­tien des régimes per­ma­nents, que l’exigence d’une asso­ci­a­tion de com­pé­tences sci­en­tifiques et tech­niques, d’une intel­li­gence et d’une moti­va­tion con­cep­trice inno­vantes, et d’une capac­ité organ­isatrice devient cen­trale dans la réus­site des projets.

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