Les brevets face à la 4e révolution industrielle

Dossier : Vie des EntreprisesMagazine N°737 Septembre 2018
Par Benoît BATTISTELLI

Dites-nous-en plus sur la mission de l’OEB ?

L’OEB est une orga­ni­sa­tion inter­na­tio­nale, créée en 1973 par sept États, dont la France, sur le fon­de­ment de la Conven­tion sur le bre­vet euro­péen (CBE). Elle réunit aujourd’hui 38 États contrac­tants, par­mi les­quels les 28 États membres de l’Union euro­péenne ain­si que d’autres pays comme l’Islande, la Nor­vège, la Suisse, la Tur­quie. Le Maroc, la Tuni­sie, la Mol­da­vie et le Cam­bodge recon­naissent les bre­vets euro­péens dans leur ter­ri­toire. Au total, le bre­vet euro­péen couvre 44 pays, soit un mar­ché de 700 mil­lions d’habitants. Notre mis­sion est d’examiner les demandes de bre­vets dépo­sées par les entre­prises pour s’assurer qu’elles répondent aux condi­tions de vali­di­té défi­nies par la CBE. L’OEB reçoit chaque année envi­ron 166 000 demandes de bre­vet du monde entier (50 % pro­viennent d’entreprises euro­péennes, 25 % d’entreprises amé­ri­caines et 25 % d’entreprises asia­tiques). Nous assu­rons aus­si une large dif­fu­sion du savoir tech­no­lo­gique conte­nu dans les bre­vets. L’OEB emploie 7 000 agents – dont 4 400 ingé­nieurs tri­lingues hau­te­ment spé­cia­li­sés – répar­tis sur cinq sites, dont le siège de l’Office à Munich. 

Comment vous impacte la digitalisation et comment amorce-t-elle une 4e révolution industrielle (4RI) ?

La 4RI marque l’entrée dans notre quo­ti­dien de tech­no­lo­gies de rup­ture comme l’intelligence arti­fi­cielle à tra­vers le déploie­ment mas­sif de l’internet des objets. D’ici 2025, on estime que de 26 à 30 mil­liards d’appareils équi­pés de cap­teurs, pro­ces­seurs et logi­ciels embar­qués seront connec­tés à l’internet des objets. Dans notre récente étude sur la 4RI *), nous avons consta­té que le nombre de demandes de bre­vets euro­péens liés aux objets connec­tés intel­li­gents a aug­men­té de 54 % de 2013 à 2016. En com­pa­rai­son, la hausse glo­bale du nombre de demandes dépo­sées auprès de l’OEB avait été de 7,65 % sur cette même période. Quant à l’intelligence arti­fi­cielle, sa crois­sance annuelle a été de 43 % en moyenne entre 2011 et 2016 ! Au total, plus de 48 000 demandes de bre­vets anté­rieures à 2017 répondent à notre défi­ni­tion de la 4RI. Comme toutes les enti­tés dont le coeur de métier concerne le trai­te­ment et l’analyse de don­nées à grande échelle, l’OEB inves­tit de manière impor­tante dans ces nou­velles tech­no­lo­gies pour déve­lop­per des outils tou­jours plus per­for­mants et de nou­veaux ser­vices. Et la nature des demandes de bre­vets dépo­sées par les entre­prises évo­lue en mixant des tech­no­lo­gies issues de sec­teurs très dif­fé­rents, ren­for­çant la com­plexi­té de notre tâche. 

Comment cela se traduit-il ?

Ce type d’inventions repré­sente autant de nou­veaux défis que de nou­velles oppor­tu­ni­tés. Elles portent typi­que­ment sur des opé­ra­tions réa­li­sées par des robots, et ont pour effet de ren­for­cer la com­po­sante infor­ma­tique des inven­tions dans presque tous les domaines tech­niques. Cela oblige un office de bre­vets à com­bi­ner davan­tage d’expertise interne pour les exa­mi­ner. L’OEB dis­pose pour cela d’une doc­trine stable et recon­nue en matière d’inventions implé­men­tées par ordi­na­teur. À l’OEB, chaque demande est exa­mi­née par un comi­té de 3 exa­mi­na­teurs, ce qui per­met d’associer les savoirs néces­saires à une ana­lyse mul­ti­dis­ci­pli­naire. En 2017, l’OEB a revu ses struc­tures en créant un dépar­te­ment d’examen regrou­pant 1700 ingé­nieurs et cou­vrant toutes les spé­cia­li­tés du domaine infor­ma­tique. Cette force de frappe nous per­met de four­nir les ser­vices consi­dé­rés comme étant de la plus haute qua­li­té au monde, comme le confirme une étude indé­pen­dante menée chaque année depuis 8 ans auprès des entre­prises du monde entier. 

Qu’en est-il de vos enjeux ?

Nous entrons dans une ère où de plus en plus d’inventions seront géné­rées par des robots ou des pro­grammes car ces machines intel­li­gentes ont la capa­ci­té d’apprendre et d’améliorer. Une ques­tion de base concerne donc la pro­prié­té de l’invention : qui peut en reven­di­quer la pater­ni­té et toutes les consé­quences juri­diques qui en découlent ? Il peut être anti­ci­pé que le volume de ces inven­tions risque de croître de manière expo­nen­tielle. Les offices de bre­vets devront faire évo­luer leur capa­ci­té de trai­te­ment pour évi­ter un engor­ge­ment délé­tère pour l’efficacité et la péren­ni­té du système. 


*) Les bre­vets et la qua­trième révo­lu­tion indus­trielle. Office euro­péen des bre­vets, décembre 2017.

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