Les Annales de l’École de Paris du management

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°533 Mars 1998Par : sous la direction de Michel BERRY (63)Rédacteur : Michel Louis LÉVY (57)

L’École de Paris du man­age­ment est une insti­tu­tion orig­i­nale, certes située à Paris, mais qui n’est ni vrai­ment une école ni n’est essen­tielle­ment con­sacrée au man­age­ment. Elle est ani­mée par Michel Berry (63) qui fut longtemps directeur du Cen­tre de recherche en ges­tion de l’X, et qui a con­servé des liens étroits avec le corps des Mines ain­si qu’avec la revue Annales des Mines et son ancien sup­plé­ment Gér­er et Com­pren­dre devenu aujourd’hui autonome.

Il s’agit d’un lieu de ren­con­tre où fonc­tion­nent plusieurs sémi­naires (Vie des Affaires, Crises et Muta­tions, Enseigne­ment de la Ges­tion) et où sont exposées de pas­sion­nantes “ études de cas ”. Plutôt que de man­age­ment, il faudrait par­ler de sci­ence des organ­i­sa­tions, tant les sujets abor­dés débor­dent la vie des entreprises.

Tous les ans, un fort vol­ume, imprimé avec soin, reprend les con­férences et fait béné­fici­er les absents des infor­ma­tions et expéri­ences débattues. Dans celui-ci, on trou­vera ain­si évo­qués la cat­a­stro­phe de Tch­er­nobyl, l’efficacité de la Banque mon­di­ale, la chas­se aux “ beugs ” des logi­ciels, la résur­rec­tion des stu­dios berli­nois de Babels­berg, la sous-trai­tance en Ital­ie… et envis­agé l’avenir des ser­vices de prox­im­ité, des pro­fes­sions de com­mis­saire- priseur et d’inspecteur du tra­vail, du droit d’auteur, des boîtes à idées chez Renault ou de l’agrégation des sci­ences de gestion…

Cela ne se lit certes pas d’une seule traite, cela se déguste, gorgée après gorgée, et cela se médite, tant la com­pé­tence des auteurs et con­tra­dicteurs donne à réfléchir et remet en cause les idées reçues que nous avons cru tir­er d’un arti­cle de presse ou d’une émis­sion de télévision.

Une doc­trine se dégage-t-elle de tant de var­iété ? Sans doute l’arrière-pensée des organ­isa­teurs est d’abord de faire jus­tice des accu­sa­tions de tech­nocratie incom­pé­tente, aveu­gle et desséchée, volon­tiers portées aujourd’hui con­tre les “ élites ” français­es en général et le corps des Mines en particulier.

Voilà des gens infor­més, rom­pus aux cal­culs tech­niques et financiers, qui obser­vent intel­ligem­ment le monde, tant les admin­is­tra­tions nationales et inter­na­tionales que les entre­pris­es publiques et privées, des multi­na­tionales aux PME, et qui por­tent une grande atten­tion aux rela­tions sociales et à tous les dys­fonc­tion­nements de nos sociétés.

Sans doute ne pro­fessent-ils pas tant une doc­trine qu’une méth­ode de libre exa­m­en cri­tique, dégagée de toute pesan­teur et pré­sup­posés soci­ologiques et idéologiques. Celle-ci se situe à égale dis­tance d’une part de l’ultra-libéralisme qui ne veut con­naître que le jeu des prix et des taux, d’intérêt et de change, d’autre part d’un pseu­do-marx­isme, qui pré­tend voir partout la lutte de cap­i­tal­istes exploiteurs et de tra­vailleurs exploités.

Elle con­siste à repér­er dans le détail les intérêts en présence – cap­i­tal­istes majori­taires et minori­taires, admin­is­tra­tions fis­cales, sociales et économiques divers­es, syn­di­cats et asso­ci­a­tions pro­fes­sion­nelles, direc­tion générale, encadrements supérieur et moyen, tra­vailleurs de divers statuts – et à ten­ter de mod­élis­er, compte tenu des règles du jeu en vigueur, leurs modes de représen­ta­tion et leurs critères de décision.

Avez-vous par exem­ple réfléchi à la créa­tiv­ité inter­cul­turelle ger­mano-japon­aise ? ou bien trou­vez-vous plus con­crète la ges­tion des cen­tres de bus de la RATP ? “Pour pro­duire un ser­vice, il faut un bus en état de marche, un agent apte à la con­duite, présent et disponible pour effectuer une mis­sion, con­nais­sant la ligne […] Il faut organ­is­er la pro­duc­tion en respec­tant les deux repos heb­do­madaires, les 28,5 jours de con­gés par an et d’autres indisponi­bil­ités […] L’entreprise gère par agent un compte de min­utes de temps sup­plé­men­taire, qui per­met d’absorber la vari­abil­ité des temps de par­cours et que l’agent peut soit se faire pay­er, soit récupér­er en jour de repos supplémentaire […]

” Ain­si se des­sine au fil des cas exam­inés l’esquisse d’une théorie des procé­dures de déci­sion reposant sur une analyse de la com­plex­ité des organ­i­sa­tions, théorie que le tome IV pour­rait com­mencer à expliciter.

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