Puissance éolienne dans différents pays d'Europe, février 2013

L’électricité renouvelable intermittente : le contre-exemple allemand

Dossier : ExpressionsMagazine N°731 Janvier 2018
Par Bernard LEROUGE (52)

Ici, il n’est pas recom­mandé de suiv­re l’ex­em­ple alle­mand car en matière de pro­duc­tion élec­trique, l’Allemagne pro­duit dix fois plus de gaz à effet de serre que la France. Bien que très dévelop­pées les éner­gies renou­ve­lables, appelées par­fois inter­mit­tentes, oblig­ent en com­plé­ment à une pro­duc­tion par des cen­trales au char­bon très polluantes. 

Chacun sait l’engouement des médias et de beau­coup d’hommes poli­tiques pour la pro­duc­tion d’électricité à l’aide de cap­teurs solaires (dont le prix a, de fait, forte­ment bais­sé depuis dix ans) et d’éoliennes. Ces éner­gies sont par nature inter­mit­tentes et leur util­i­sa­tion à grande échelle pose ques­tion dans la mesure où le stock­age de l’électricité à grande échelle est loin d’être assuré. 

“ L’Allemagne produit aujourd’hui dix fois plus de gaz à effet de serre par kilowattheure que la France ”

Ne peut-on crain­dre des black-out dévas­ta­teurs, comme le mon­tre Hervé Machenaud (68) dans son livre La France dans le noir. Les méfaits de l’idéologie en poli­tique énergé­tique (édi­tions Man­i­to­ba. Les belles lettres) ? 

Or, ces éner­gies ont été mis­es en oeu­vre à grande échelle par notre voisin alle­mand dont on vante, à tort ou à rai­son, les ver­tus « écologiques ». Il est donc ten­tant d’analyser ses résul­tats avant de vouloir l’imiter les yeux fer­més. C’est ce que nous allons faire. 

LES RENOUVELABLES DANS LA PRODUCTION FRANÇAISE

L’hydraulique est de loin l’énergie renou­ve­lable la plus intéres­sante, par son ampli­tude d’abord, par ses qual­ités pro­pres ensuite, car sa pro­duc­tion sans à‑coups est même en par­tie mod­u­la­ble grâce à des actions délibérées sur les bar­rages con­stru­its dans nos montagnes. 

Ces instal­la­tions intéressent au pre­mier chef les dis­trib­u­teurs d’électricité qui sont tenus d’accepter les pro­duc­tions cycliques du solaire et celles, plus erra­tiques, de l’éolien et doivent répon­dre à une demande fluctuante. 

Mais le débit de nos riv­ières dépend de la plu­viosité et il est dif­fi­cile d’envisager de nou­veaux bar­rages, compte tenu des résis­tances locales. N’étant pas inter­mit­tente comme les autres renou­ve­lables, l’énergie hydraulique de mon­tagne joue un rôle essen­tiel dans l’équilibre de l’offre et de la demande d’électricité, car il n’est guère d’autre moyen prou­vé de « stock­er » cette dernière en grande quan­tité à un coût acceptable. 

EN ALLEMAGNE, UN RÉSULTAT DÉSOLANT…

Les acci­dents de Tch­er­nobyl puis de Fukushi­ma ont beau­coup mar­qué les esprits en Alle­magne, et le nucléaire y a fait l’objet d’enjeux poli­tiques impor­tants. En con­séquence, les études en cours depuis 1990 avec la France sur l’EPR ont été stop­pées et huit réac­teurs ont été pro­gres­sive­ment arrêtés (sans compter ceux hérités de la RDA, jugés immé­di­ate­ment non con­formes aux normes occidentales). 

LES RENOUVELABLES : 20 % DU MIX ÉLECTRIQUE FRANÇAIS

En 2016, la France a produit 531,3 TWh (notre consommation est un peu inférieure du fait d’un solde exportateur appréciable).
Le nucléaire en représentait 72 % et le thermique fossile près de 9 %. La part de toutes les énergies renouvelables s’établit à 19 % et atteindra probablement 20 % en 2017.

L’abondant char­bon reste accep­té, mais c’est offi­cielle­ment en tant que relai avant l’essor des éner­gies renou­ve­lables, essen­tielle­ment vent et soleil, pour lesquelles ont été con­sen­tis des efforts con­sid­érables d’investissement : 200 mil­liards d’euros fin 2017, en com­prenant les frais de ren­force­ment néces­saire du réseau élec­trique, opéra­tion qui n’est encore qu’ébauchée. Le chiffre de 500 mil­liards en 2025 est par­fois articulé. 

Or le résul­tat brut est désolant : l’éolien et le solaire four­nissent certes 20,1 % de l’électricité alle­mande (con­tre 5,1 % en France), mais l’Allemagne pro­duit aujourd’hui dix fois plus de gaz à effet de serre par kilo­watt-heure que la France et se place désor­mais au 29e rang (en recul de 7 places) d’un tableau établi chaque année par Ger­man­watch et climate.actions.network (la France s’y hisse de la 4e à la 1re place… grâce aus­si au suc­cès poli­tique de la COP 21). 

Car c’est le lig­nite, un mau­vais char­bon aux émis­sions pol­lu­antes, qui y est la source prin­ci­pale de son élec­tric­ité. Le secteur élec­trique n’est pas seul à blâmer : le total des émis­sions rel­a­tives à l’énergie en Alle­magne a aug­men­té de 0,7 % de 2014 à 2015 et de 0,9 % de 2015 à 2016. Et l’on sait déjà que l’objectif promis dans le cadre européen de 18 % d’énergies renou­ve­lables en 2020 ne pour­ra être atteint, car il n’est passé que de 14,5 à 14,6 % de 2015 à 2016. 

Le fameux Energiewende (tour­nant énergé­tique) est donc un échec, que recon­nais­sent maints organ­ismes économiques alle­mands consternés. 

GRATUITES, LES ÉNERGIES RENOUVELABLES ?

Le prix de son élec­tric­ité pour les par­ti­c­uliers est deux fois plus élevé qu’en France (il est vrai que l’industrie alle­mande béné­fi­cie de tar­ifs inférieurs, au détri­ment du pub­lic). Les éner­gies renou­ve­lables, cause prin­ci­pale de notre CSPE (con­tri­bu­tion au ser­vice pub­lic de l’électricité : 8 Mds € en 2017) et de son équiv­a­lent out­re-Rhin (EEG-Umlage : pra­tique­ment le triple !), font s’envoler les factures. 


Com­para­i­son des évo­lu­tions de la puis­sance éoli­enne en Europe et en France heure par heure.

On s’imagine à tort qu’il y a tou­jours du vent quelque part en Europe. La fig­ure ci-dessous mon­tre bien, pour un mois d’hiver de 2013, que les régimes des vents ne dif­fèrent guère d’une région à une autre de notre con­ti­nent et comme seraient élevés les risques de black-out européen si on se fiait trop aux éoliennes. 

Le prob­lème clé des renou­ve­lables inter­mit­tentes est le stock­age de leurs excé­dents. Aux pointes de pro­duc­tion, l’électricité est bradée sur le réseau inter­na­tion­al, au point que son prix puisse par­fois être négatif, ce qui désta­bilise le marché. 

On peut imag­in­er pro­duire alors de l’hydrogène par élec­trol­yse, hydrogène qui pour­rait être réin­jec­té dans un réseau en temps oppor­tun, mais il s’agit là d’une spécu­la­tion encore hasardeuse. En atten­dant, les grands dis­trib­u­teurs de courant alle­mands et français, som­més d’assurer la con­ti­nu­ité de four­ni­ture, se trou­vent en dif­fi­culté finan­cière car ils doivent main­tenir con­stam­ment en état de fonc­tion­nement leurs instal­la­tions de sec­ours, avec le per­son­nel asso­cié, sans en retir­er tout le béné­fice possible. 

MOINS DE NUCLÉAIRE, PLUS DE CARBONE

Si l’on accep­tait de se pass­er de courant quand il n’y a ni vent ni soleil, on pour­rait définir un prix d’électricité pure­ment éolien ou pure­ment solaire, mais nos sociétés exi­gent une con­ti­nu­ité de four­ni­ture dont il faut bien pay­er le prix. 

“ Cessons de rêver ! ”

En se dégageant peu à peu de sa pro­duc­tion nucléaire, l’Allemagne s’est trou­vée dépen­dre d’un char­bon dont elle ne réus­sit pas à se passer. 

Que fera-t- elle pour dimin­uer ses émis­sions et tenir ses engage­ments ? Importer du gaz russe, au meilleur ren­de­ment ? Enfouir dans son sous-sol le CO2 qu’elle pro­duit ? Réduire suff­isam­ment sa demande d’électricité ? Il sera pas­sion­nant d’observer ses choix et leurs conséquences. 

PUBLICATION

Tchernobyl, un « nuage » passe… les faits et les controverses (L’Harmattan 2009).
 

De notre côté, conser­vons pré­cieuse­ment le cap­i­tal nucléaire dont nous avons hérité, soyons vig­i­lant sur sa sécu­rité et… pro­té­geons aus­si nos pop­u­la­tions des spécu­la­teurs qui arpen­tent notre sol à la recherche de sites d’implantations d’éoliennes, généra­tri­ces de mul­ti­ples nui­sances locales, dont le coût d’investissement se traduit pour moitié par des impor­ta­tions de matériel étranger aggra­vant notre déficit com­mer­cial, et dont on con­state depuis six ans leur inef­fi­cac­ité à réduire nos émis­sions de CO2.

Ce qui ne nous dis­pense pas de met­tre à prof­it le pro­grès sci­en­tifique et tech­nique et de suiv­re ce qui se passe dans le monde. Mais ces­sons de rêver.

2 Commentaires

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Lau­vauxrépondre
15 janvier 2018 à 15 h 56 min

l’élec­tric­ité renou­ve­lable inter­mit­tente
Mer­ci pour cet arti­cle indis­pens­able après le sem­blant de con­sen­sus du numéro de décem­bre de la jaune et la rouge.
Le solaire a peut-être vu ses prix baiss­er, la puis­sance instal­lée éoli­enne est con­sid­érable mais aucun des deux ne répond à la prob­lé­ma­tique d’une élec­tric­ité abon­dante, bon marché et non polluante.

DELCELLIERrépondre
17 février 2018 à 21 h 14 min

énergie grise et min­erais
y a‑t-il dans les instances con­cernées des gens qui se soucient du coût en énergie grise et de la raré­fac­tion des min­erais util­isés pour la con­struc­tion des cen­trales solaires et éoli­ennes qui de ce fait ne sont pas si renou­ve­lables qu’on veut bien le dire ? 

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