L’École polytechnique et l’international

Dossier : L'École polytechniqueMagazine N°622 Février 2007
Par Elisabeth CRÉPON (83)

Le recrute­ment d’é­tu­di­ants étrangers a été l’un des axes forts du con­trat pluri­an­nuel précé­dent choisi en pri­or­ité pour amorcer l’in­ter­na­tion­al­i­sa­tion de l’É­cole. Des objec­tifs ambitieux ont été fixés pour cha­cun des cycles de for­ma­tion de l’É­cole. Les objec­tifs fixés ont été atteints. Néan­moins, l’in­ter­na­tion­al­i­sa­tion de l’É­cole néces­site encore des efforts soutenus.

La prochaine étape doit per­me­t­tre plusieurs avancées. D’abord une meilleure artic­u­la­tion entre parte­naires académiques et parte­naires de la recherche, élé­ment indis­pens­able pour le mon­tage de pro­grammes con­joints inter­na­tionaux de formation.

Classe­ments inter­na­tionaux 2006
Times High­er Education Newsweek Shanghaï
Harvard 1 1 1
Cambridge 2 6 2
Stanford 6 2 3
Oxford 3 8 10
MIT 4 7 5
Berkeley 8 5 4
Caltech 7 4 6
Yale 11 3 4
ENS 18 79 99
X 37 43 201–300

Ensuite, un équili­bre entre les nation­al­ités des étu­di­ants étrangers à l’É­cole notam­ment afin de résor­ber le déséquili­bre actuel entre étu­di­ants européens et améri­cains — ces derniers doivent main­tenant con­stituer le pub­lic priv­ilégié de la Grad­u­ate School (for­ma­tions de mas­ter et de doc­tor­at). Une amélio­ra­tion du posi­tion­nement géo­graphique de l’É­cole — cer­taines nations comme l’Inde sont encore trop peu présentes. Enfin, une con­tri­bu­tion active à des réseaux inter­na­tionaux notam­ment européens

Un point de sat­is­fac­tion doit être souligné ici : la notoriété inter­na­tionale de l’É­cole a indé­ni­able­ment pro­gressé depuis quelques années notam­ment dans cer­tains classe­ments inter­na­tionaux comme celui du Times High­er Edu­ca­tion Sup­ple­ment. L’É­cole a ain­si con­quis une réelle notoriété chez cer­tains grands étab­lisse­ments d’en­seigne­ment supérieur étrangers ou au sein des direc­tions d’en­tre­pris­es internationales.

Ce cer­cle reste pour­tant encore trop restreint et l’É­cole souf­fre tou­jours d’un déficit d’im­age qu’elle doit s’employer à combler. C’est sans doute du côté des anciens élèves de l’X qu’un effort doit être fourni.

Dans l’en­seigne­ment supérieur anglo-sax­on, les anciens sont étroite­ment asso­ciés à la pro­mo­tion de leur école dans un cadre nation­al ou inter­na­tion­al. Très effi­cace en France, cette artic­u­la­tion reste trop peu exploitée à l’in­ter­na­tion­al par l’É­cole qui tire peu prof­it en ter­mes d’im­age de la réus­site de ses anciens. Plus générale­ment, l’ob­jec­tif est d’i­den­ti­fi­er des actions ciblées qui per­me­t­tront de met­tre en relief les activ­ités de for­ma­tion et de recherche de l’É­cole ain­si que les car­rières de ses anciens que cela soit dans le monde sci­en­tifique ou industriel.

Les étudiants étrangers en scolarité à l’École

De mul­ti­ples actions ont été menées afin d’at­tein­dre les objec­tifs chiffrés fixés dans le précé­dent con­trat (100 poly­tech­ni­ciens étrangers recrutés chaque année) ou pour élargir le bassin habituel de recrute­ment au niveau gradué (mas­ter et doc­tor­at). Cette démarche volon­tariste a con­duit l’É­cole à admet­tre chaque année dans le cycle poly­tech­ni­cien 20 % d’é­tu­di­ants étrangers, dans le cycle mas­ter 40 % et en doc­tor­at 35 %. Ces chiffres témoignent de l’am­bi­tion affichée par l’École.


Uni­ver­sité de Colum­bia New-York USA

Ces chiffres sont com­pa­ra­bles à ceux des grands étab­lisse­ments de for­ma­tion et de recherche de dimen­sion inter­na­tionale. Ain­si, l’É­cole a choisi de main­tenir dans le prochain con­trat pluri­an­nuel la même pro­por­tion d’é­tu­di­ants étrangers admis dans chaque pro­gramme. Pour autant, l’équili­bre entre les nation­al­ités doit être mod­i­fié. Con­crète­ment, l’É­cole n’ac­cueille pas suff­isam­ment d’é­tu­di­ants européens au niveau mas­ter alors que la pro­por­tion est tout à fait sat­is­faisante pour le cycle doc­tor­al (80 % des étu­di­ants étrangers). La con­sol­i­da­tion du ray­on­nement inter­na­tion­al ne sera effec­tive que si l’É­cole est capa­ble d’at­tir­er de façon pérenne des étu­di­ants des pays dévelop­pés et en par­ti­c­uli­er des étu­di­ants de niveau mas­ter dans ses formations.

Pour ce qui con­cerne le cycle poly­tech­ni­cien, l’am­bi­tion ne peut être que mesurée car de nom­breux élé­ments (durée du cur­sus, ori­en­ta­tion sci­en­tifique du pro­gramme…) le ren­dent moins attrac­t­if vis-à-vis d’é­tu­di­ants européens et un objec­tif d’une dizaine voire d’une quin­zaine d’é­tu­di­ants européens sur les cent étu­di­ants étrangers que compte une pro­mo­tion du cycle poly­tech­ni­cien est adapté.


Célébra­tion des fêtes nationales de la Norvège, du Camer­oun et de l’Ethiopie
© Philippe Lavialle — EP

Les pro­grammes de mas­ters con­stituent un cadre priv­ilégié pour l’ac­cueil d’é­tu­di­ants européens notam­ment à tra­vers des pro­grammes de mas­ter joint ou de par­cours inter­na­tionaux spé­ci­fiques. L’es­sor des pro­grammes mas­ter doit nous per­me­t­tre de recruter chaque année 250 étu­di­ants au lieu des 120 actuels avec une part sig­ni­fica­tive d’é­tu­di­ants issus du cycle poly­tech­ni­cien d’une part et un nom­bre impor­tant d’é­tu­di­ants étrangers d’autre part. Par­mi ces derniers, une large pro­por­tion sera d’o­rig­ine européenne.

L’ob­jec­tif de 80 étu­di­ants européens sur un total de 250 traduit la démarche volon­tariste que l’É­cole souhaite adopter. Cette démarche ne peut se con­cevoir qu’avec l’ap­pui d’un pro­gramme de bours­es d’é­tudes per­me­t­tant dans un con­texte très com­péti­tif d’at­tir­er de très bons can­di­dats étrangers et de les ori­en­ter vers les lab­o­ra­toires de recherche de l’École.

Enfin, l’É­cole souhaite égale­ment cap­i­talis­er sur la for­ma­tion des élèves étrangers du cycle poly­tech­ni­cien et prof­iter de leur séjour sur le cam­pus pour leur faire décou­vrir les activ­ités de recherche des lab­o­ra­toires de l’É­cole et les inciter à y réalis­er leur stage d’op­tion. Un objec­tif d’une trentaine d’élèves poly­tech­ni­ciens effec­tu­ant leur stage de recherche dans les lab­o­ra­toires de l’É­cole sera pour­suivi ; il implique la mise en place d’un dis­posi­tif de bours­es attrac­t­if à l’in­star de ce qui existe dans de nom­breuses uni­ver­sités étrangères internationales.

Les X en formation de spécialisation à l’étranger

La for­ma­tion des étu­di­ants français à l’é­tranger a été intro­duite dans le cur­sus ingénieur il y a une dizaine d’an­nées et a con­sti­tué une pri­or­ité pen­dant cette péri­ode. Aucune oblig­a­tion n’est pour l’in­stant imposée. Mais, un séjour à l’é­tranger de trois mois min­i­mums est forte­ment recom­mandé par l’É­cole et le Con­seil d’ad­min­is­tra­tion a fixé un objec­tif de 25 % pour les séjours longs de for­ma­tion (25 % des étu­di­ants français doivent effectuer leur for­ma­tion de 4e année à l’é­tranger). Cet objec­tif est large­ment atteint depuis deux ans ce qui témoigne de la réelle sen­si­bil­i­sa­tion des élèves poly­tech­ni­ciens au con­texte inter­na­tion­al qui sera celui de leur future activ­ité professionnelle.

Développer les partenariats internationaux pour l’enseignement et la recherche

Il s’ag­it d’un axe fort du prochain con­trat pluri­an­nuel. En effet, tout en main­tenant les efforts de recrute­ment d’élèves étrangers et l’at­trac­tiv­ité de l’étab­lisse­ment vis-à-vis d’en­seignants ou de chercheurs étrangers ini­tiés dans le con­trat précé­dent, l’É­cole souhaite dévelop­per avec ses parte­naires une poli­tique plus glob­ale de coopéra­tions et d’échanges qui aille au-delà du sim­ple recrute­ment d’élèves étrangers. Cette poli­tique, favorisant les échanges d’en­seignants-chercheurs au niveau des départe­ments, per­me­t­tra l’élab­o­ra­tion de nou­veaux pro­grammes de dou­ble diplôme pour le cycle ingénieur, de mas­ters con­joints en parte­nar­i­at avec des étab­lisse­ments étrangers, de pro­grammes de doc­tor­at en cotutelle dans le cadre notam­ment des col­lèges doc­tor­aux bina­tionaux (Chine, Chili, Brésil, Japon), la créa­tion d’in­sti­tuts con­joints, etc.

Cette approche plus large s’ap­puiera sur deux axes : une par­tic­i­pa­tion plus active de l’É­cole dans des réseaux inter­na­tionaux et notam­ment européens et d’autre part l’élar­gisse­ment de la zone géo­graphique avec laque­lle nous avons con­stru­it des col­lab­o­ra­tions académiques.

Les réseaux internationaux de coopération

La con­struc­tion d’un parte­nar­i­at académique fort repose sur une très bonne con­nais­sance réciproque des dif­férentes com­posantes de chaque insti­tu­tion et tout par­ti­c­ulière­ment de l’étab­lisse­ment de col­lab­o­ra­tions sci­en­tifiques étroites et durables.


Le min­istre Gilles de Robi­en, Xavier Michel, DG de l’é­cole, et les prési­dents des uni­ver­sités chinoises
© Riou Gaela — EP

La par­tic­i­pa­tion à un réseau dont les objec­tifs sont l’étab­lisse­ment d’échanges académiques, la mise en com­mun de pra­tiques et d’outils péd­a­gogiques, l’élab­o­ra­tion de pro­grammes de recherche et d’ate­liers sci­en­tifiques com­muns, l’échange de chercheurs en con­stitue un levi­er très important.

L’É­cole poly­tech­nique a ain­si l’am­bi­tion d’être un acteur impor­tant du réseau européen IDEA League qui rassem­ble qua­tre uni­ver­sités européennes majeures : Impe­r­i­al Col­lege, TU Delft, ETH Zurich et RWTH à Aachen. IDEA League a souhaité que Paris­Tech puisse rejoin­dre ses rangs après une péri­ode de tran­si­tion en tant que « mem­bre obser­va­teur ». Cette péri­ode a débuté en sep­tem­bre 2005 et c’est l’É­cole poly­tech­nique qui est, au sein de Paris­Tech, l’in­sti­tu­tion respon­s­able de ce parte­nar­i­at. La par­tic­i­pa­tion à ce réseau devrait per­me­t­tre à l’É­cole de dévelop­per des par­cours de mas­ters européens, en par­ti­c­uli­er dans le cadre du pro­gramme européen Eras­mus Mundus.

L’É­cole poly­tech­nique est un des mem­bres français du réseau Alliance. Ce réseau orig­i­nal asso­cie trois étab­lisse­ments français aux domaines de com­pé­tence dif­férents et com­plé­men­taires, l’In­sti­tut des sci­ences poli­tiques de Paris, l’u­ni­ver­sité Paris I et l’É­cole poly­tech­nique, à l’u­ni­ver­sité améri­caine Colum­bia (New York). Ce réseau est un des axes prin­ci­paux de la stratégie améri­caine de l’É­cole. Il a déjà pro­duit des résul­tats sig­ni­fi­cat­ifs (échanges d’é­tu­di­ants et de chercheurs, par­tic­i­pa­tion à des appels à pro­jets, créa­tion de mas­ter joint) et nous souhaitons ren­forcer encore notre par­tic­i­pa­tion afin d’aug­menter notre vis­i­bil­ité aux USA.

De nouvelles zones géographiques

L’É­cole s’est attachée ces dernières années à con­solid­er ses rela­tions avec les États-Unis et l’Eu­rope mais égale­ment à ini­ti­er et à dévelop­per de nou­velles col­lab­o­ra­tions avec des pays émer­gents comme le Brésil ou cer­tains pays d’Asie.

La Chine a con­sti­tué, pen­dant cette péri­ode, une cible pri­or­i­taire ; des actions de coopéra­tions mul­ti­ples, un réseau dynamique, des opéra­tions orig­i­nales (for­ma­tion d’ingénieur off­shore implan­tée à Shang­hai) ont été bâtis en parte­nar­i­at avec Paris­Tech. Ces actions sont soutenues et accom­pa­g­nées par les entre­pris­es français­es implan­tées ou souhai­tant s’im­planter en Chine.

À l’in­star de ce qui a été réal­isé en Chine, d’autres pays méri­tent que l’É­cole s’y intéresse. En pre­mier lieu, l’Inde qui représente un enjeu économique très impor­tant après la Chine ; elle dis­pose d’un sys­tème édu­catif sélec­tif, d’ex­cel­lent niveau et forme chaque année de très nom­breux ingénieurs dont la plus grande par­tie de ceux qui effectuent une mobil­ité inter­na­tionale choi­sis­sent les USA ou la Grande-Bre­tagne. L’É­cole n’a pour l’in­stant que quelques col­lab­o­ra­tions sci­en­tifiques avec les étab­lisse­ments d’en­seigne­ment supérieur indi­ens et l’ob­jec­tif pour­suivi est de mon­ter un pro­gramme d’échanges académiques struc­turé et ambitieux.

La Russie dont la sit­u­a­tion économique et poli­tique a freiné les coopéra­tions académiques inter­na­tionales ces dernières années sem­ble à nou­veau prête à s’in­ve­stir dans des parte­nar­i­ats académiques suiv­is. C’est une réelle oppor­tu­nité pour revi­talis­er les échanges.

TÉMOINS ÉTRANGERS

Ying JIAO, Chinese, X 2003

I came to the Ecole poly­tech­nique because it is the school where Cauchy and Poin­caré attend­ed. I was real­ly sur­prised to find such a glob­al training.

Sunanda PRABHU-GAUNKAR, Indian, X 2004

I came to know of the very spe­cial pro­file of X amongst the top engi­neer­ing schools of the world. I decid­ed to take up the chal­lenge of the con­cours. Not know­ing French made me hes­i­tate but that was no prob­lem at all at that time. Learn­ing the lan­guage there­after was an expe­ri­ence I shall cher­ish. The cam­pus is superb and the rou­tine here is just the right blend of stud­ies, sports and oth­er out­door activ­i­ties. I learn horse rid­ing as sport and have made lots of friends in my sec­tion. Me, like oth­ers com­ing from dif­fer­ent coun­tries find it excit­ing and enrich­ing. It was worth accept­ing this chal­lenge and temp­ta­tion to come to one of the best cam­pus­es of the world to be in.

Mamikon MARGARYAN, X 2004

Je suis un peu arrivé là par hasard : j’étais étu­di­ant à la fac­ulté de math­é­ma­tiques d’Erevan quand un ami de ma famille m’a par­lé de Poly­tech­nique. Mes moti­va­tions ? Décou­vrir un nou­veau pays, avoir un niveau de for­ma­tion sci­en­tifique recon­nu par­mi les meilleurs d’Europe et un diplôme qui donne de vrais débouchés. En apprenant à vivre à l’étranger, je peux élargir ma vision du monde… C’était une oppor­tu­nité ! En Arménie, j’ai fait trois années de maths, très spé­cial­isées. Ici, les études sont très pluridis­ci­plinaires et j’apprends plein de nou­velles choses. C’est une ouver­ture sur d’autres matières : économie, infor­ma­tique… Il y a aus­si une grande dif­férence dans la péd­a­gogie : si les poly­tech­ni­ciens tra­vail­lent plus indi­vidu­elle­ment, par con­tre le con­tact avec les pro­fesseurs de l’X est beau­coup plus facile et ceux-ci sont prêts à nous aider.

ParisTech, un relais pour une dynamique collective à l’international

Le réseau Paris­Tech a été cité à de nom­breuses repris­es. Mem­bre du réseau depuis 2001, l’É­cole poly­tech­nique y a asso­cié son développe­ment inter­na­tion­al dans cer­tains pays à par­tir de 2004. C’est le cas de la Chine mais égale­ment du Brésil. Ces actions et pro­grammes com­muns ont voca­tion à s’am­pli­fi­er : un pro­gramme Amérique latine sur le mod­èle du pro­gramme Chine est à l’é­tude et le développe­ment en Inde ini­tié par l’É­cole poly­tech­nique pour­rait évoluer, après une pre­mière phase pilote, vers un pro­gramme ParisTech.

Les résul­tats remar­quables déjà obtenus et ceux à venir illus­trent l’in­térêt d’une démarche col­lec­tive mutu­al­isée qui, loin de ternir l’im­age de mar­que de chaque étab­lisse­ment mem­bre, en ren­force la visibilité.

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