L’état de transition dans les politiques de transformation et d’évolution de territoires

Dossier : Libres proposMagazine N°591 Janvier 2004
Par David MORGANT (86)

Cette cita­tion, aimable­ment fournie par une col­lab­o­ra­trice d’un directeur de Grand Pro­jet de Ville, opéra­tions de restruc­tura­tion urbaine, sociale et économique de quartiers de ban­lieue en dif­fi­culté1, vaut bien pour ces mis­sions par­ti­c­ulières et com­plex­es de direc­tion de pro­jet. Comme pour l’alpin­isme, mieux vaut être, dans ces fonc­tions, ten­du vers son objec­tif, con­cen­tré, tenace mais aus­si agile, alerte, voire retors. Une cer­taine intel­li­gence donc, non point académique, intel­lectuelle ou instinc­tive mais une intel­li­gence de l’ac­tion, sachant com­bin­er au mieux approche rationnelle et poli­tique, stratégie et tactique.

Ces mis­sions, dont l’ob­jec­tif est bien de trans­former et de faire évoluer un ter­ri­toire en dif­fi­culté, en s’ap­puyant de façon cohérente sur dif­férentes thé­ma­tiques, relèvent en effet de l’or­gan­i­sa­tion d’un état de tran­si­tion, qua­si au sens physic­ochim­ique du terme, entre deux états rad­i­cale­ment dif­férents, présent et futur. Il n’est guère éton­nant dès lors que ther­mo­dy­namique et ciné­tique de l’ac­tion publique s’en mêlent.

Le pro­pos de cet arti­cle est juste­ment d’y regarder d’un peu plus près, après une expéri­ence vécue de direc­tion de tels pro­jets. Un des aspects intéres­sants de ces pro­jets est en effet, au tra­vers de la diver­sité des champs cou­verts et des dif­fi­cultés ren­con­trées, de touch­er à des prob­lé­ma­tiques somme toute fon­da­men­tales de l’ac­tion publique et de la société française.

Au risque de provo­quer et d’indis­pos­er, on peut affirmer que le main­tien dans le temps des dif­fi­cultés de ces quartiers, qui forme dès lors un état sta­ble au sens évo­qué précédem­ment, est le signe d’une solu­tion large­ment accep­tée par la société française et ancrée dans des intérêts con­ver­gents, même si, bien évidem­ment, ils ne sont pas affir­més comme tels : ségré­ga­tion et rejet par­tic­i­pant à la con­struc­tion en retour d’un sen­ti­ment de pro­tec­tion, vio­lence vécue par procu­ra­tion pour l’im­mense majorité de la pop­u­la­tion non con­fron­tée au quo­ti­di­en de ces quartiers (92,4 % des Français habitent hors Zones urbaines sen­si­bles et ceux qui y vivent n’en ont pas l’im­age que l’on en donne), affir­ma­tion de sa pro­mo­tion sociale par dif­féren­ci­a­tion dépré­cia­tive, blocage des marchés du loge­ment au prof­it des mieux lotis, val­ori­sa­tion et notoriété des acteurs, phraséolo­gie et activisme de la puis­sance publique au béné­fice de poli­tiques, con­sul­tants et spé­cial­istes en tous genres.

Nul doute que sor­tir de cet état, gér­er cette tran­si­tion, faire agir et réa­gir les uns et les autres sur d’autres modes n’est pas une mince affaire.

Sans oubli­er qu’à la vio­lence de ces jeunes, incom­préhen­si­ble et injus­ti­fi­able aux yeux de la société, cor­re­spond une forme de vio­lence ressen­tie de façon incom­préhen­si­ble et injus­ti­fi­able par eux-mêmes, compte tenu de ce qu’ils perçoivent de l’ac­tion et de la vie publiques, du regard qui est porté sur eux par cette société et de leurs ressources psy­chologiques pro­pres2.

Ces 30 jeunes qui posent problème

Voici une don­née récur­rente des sites en dif­fi­culté : ” Il suf­fi­rait de traiter le cas de ces quelques jeunes3 qui posent prob­lème, et il n’y aurait plus de prob­lème. ” Évi­dent sim­plisme ? Illu­sion plus exacte­ment, puisqu’en fait, en ne trai­tant pas le prob­lème de façon struc­turelle mais symp­to­ma­tique, de nou­velles généra­tions vien­dront se suc­céder pour ” pos­er prob­lème “, ali­men­tant la suc­ces­sion de ” dis­posi­tifs ” tou­jours plus com­plex­es et néces­saires à la fois, qui sont la mar­que de fab­rique de la Poli­tique de la Ville. C’est ain­si qu’une logique de ges­tion et d’ad­min­is­tra­tion de dis­posi­tifs se sub­stitue à celle d’une action publique qui aurait pour objec­tif de revenir sur les mécan­ismes de spé­cial­i­sa­tion de ces sites dans l’ac­cueil de familles en grande dif­fi­culté sociale. Cette accu­mu­la­tion et cet empile­ment de dis­posi­tifs4 devi­en­nent prég­nants, affaib­lis­sant ain­si la qual­ité des inter­ven­tions des acteurs locaux, ceux-ci étant de plus en plus mobil­isés par des tâch­es de ges­tion — avec le souci de l’ef­fet d’aubaine qui fait que cette dérive n’est pas si déplaisante — et per­dant de plus en plus leur capac­ité d’analyse locale et stratégique, tant van­tée dans les cénacles.

La pro­liféra­tion con­tractuelle en vigueur actuelle­ment con­duit, en l’ab­sence de vision stratégique claire, à ce que finale­ment cha­cun étant respon­s­able de tout, per­son­ne ne l’est plus de rien. Ceci ne peut qu’ac­croître le désar­roi d’in­sti­tu­tions qui sont, sur des ter­rains dif­fi­ciles, elles-mêmes en dif­fi­culté (con­ceptuelle, organ­i­sa­tion­nelle, opéra­tionnelle…), avec la dérive du report de respon­s­abil­ité sur les autres et ses effets inhérents de blocage. Ain­si de voir un respon­s­able de Caisse d’al­lo­ca­tions famil­iales deman­der à la mairie d’as­sur­er la sécu­rité de ses agents sur le site, sans même en avoir par­lé précédem­ment à la Police nationale ! Plus les ” parte­naires ” se mul­ti­plient, plus les jeux d’ac­teurs pour se défauss­er ont le champ large.

Il y a pour­tant de quoi s’é­ton­ner de voir tant de puis­sance publique paralysée par des ques­tions qui, local­isées, n’at­teignent quand même pas des pro­por­tions terrifiantes.

L’inaction publique

Les effets d’an­nonce5, inhérents à la vie publique médi­a­tique, l’ac­tivisme, l’au­top­er­sua­sion ” il faut faire quelque chose “, le recours à la loi (pro­jet de loi d’ori­en­ta­tion et de pro­gram­ma­tion) n’ont en fait plus d’ef­fets et de prise sur la réal­ité6. Ceci d’au­tant que leur annonce précède très générale­ment la con­cep­tion même de leur mise en œuvre, celle-ci se met­tant à peine en place qu’une nou­velle organ­i­sa­tion opéra­tionnelle est annoncée.

À vrai dire, ces erre­ments n’ont guère plus d’im­pact sur les pro­jets, pour peu qu’ils soient affir­més sur la base d’une stratégie solide et fassent l’ob­jet d’une déter­mi­na­tion à toute épreuve, ce qui ne sem­ble pas tou­jours le cas. Le pro­jet suit son pro­pre chemin cap­tant ou délais­sant par­mi les out­ils insti­tu­tion­nels ce qui peut le faire pro­gress­er ou per­dre son temps. La qual­ité d’une stratégie et de son énon­ci­a­tion est cer­taine­ment le meilleur via­tique con­tre ces soubre­sauts, y com­pris sur le plan financier.

Sou­vent, d’ailleurs, ces pro­jets peu­vent se résumer à un objec­tif clair et pré­cis duquel il faut savoir ne pas se faire diver­tir et par rap­port auquel toutes les actions ne sont que des moyens sub­or­don­nés à ce but. Par exem­ple, remet­tre un ensem­ble social sur le marché du loge­ment dont il s’é­tait, au fil du temps, éloigné de façon irréversible, révéler le poten­tiel de développe­ment d’un ter­ri­toire bien situé mais pénal­isé par cer­tains fac­teurs, réin­té­gr­er un quarti­er ou une ville dans une dynamique d’ag­gloméra­tion, etc.

En pra­tique, pour met­tre en œuvre un tel pro­jet, il ne fau­dra guère s’embarrasser de soci­olo­gie admin­is­tra­tive qui voudrait que les réu­nions ne puis­sent pas être cour­tes et déci­sives, que l’ac­tion publique ne puisse pas se met­tre en œuvre rapi­de­ment7, qu’il faille trou­ver des prob­lèmes plutôt que de chercher des solu­tions, qu’un délai max­i­mal est un délai nor­mal, que l’usage l’emporte sur les textes pré­cis applic­a­bles, que les règles soient immuables et que leurs con­cep­teurs soient insen­si­bles à des retours de pra­tique pour les mod­i­fi­er. Pour par­venir au but fixé, il ne faut pas croire ceux qui n’y croient pas et ne pas se laiss­er con­train­dre par des con­traintes qui n’ex­is­tent pas.

En effet, aus­si bien en ter­mes de pro­jet que de mise en œuvre, il con­vient de se dégager du poids de l’his­toire qui pèse sou­vent sur ces ter­ri­toires, que ce soit en per­cep­tion ou en modes opéra­toires, pour laiss­er la place à l’avenir et à des fig­ures nouvelles.

Du militantisme à l’habitantisme

Dans ces pro­jets, le par­a­digme de la par­tic­i­pa­tion des habi­tants est devenu le fer de lance de la Poli­tique de la Ville, appa­rais­sant comme le dernier avatar du défunt mil­i­tan­tisme, dont les acteurs osent encore se réclamer, bien loin de ce qui devrait fonder une poli­tique publique. Par, pour et avec les habi­tants, voici la fig­ure imposée et la devise affichée au fron­ton des Grands Pro­jets de Ville.

Devant un tel dogme, sup­posé démoc­ra­tique donc intouch­able, les cri­tiques sont encore bien timides. Il n’ex­iste pour­tant pas un point de vue des habi­tants mais plusieurs, con­tra­dic­toires, con­fus, et pas tou­jours juste­ment représen­tés, sans par­ler des jeux d’ac­teurs entre et au sein des asso­ci­a­tions cen­sées représen­ter les habi­tants. Par ailleurs, les asso­ci­a­tions étant irre­spon­s­ables poli­tique­ment, elles ont un droit à l’in­co­hérence et à la protes­ta­tion qu’elles ne se font pas faute d’ex­ercer, refu­sant aujour­d’hui ce qu’elles avaient accep­té hier, ou encore menant des actions cen­sées servir leur cause mais dans des cir­con­stances con­traires8. La démoc­ra­tie représen­ta­tive, avec son suf­frage uni­versel et toutes ses imper­fec­tions, reste bien la plus mau­vaise représen­ta­tion des habi­tants, à l’ex­cep­tion de toutes les autres9.

Il ne s’ag­it bien évidem­ment pas de nier la valeur intrin­sèque de ces engage­ments, ni leur intérêt pra­tique dans la mise au point et la réal­i­sa­tion des pro­jets, pour lesquels la prise en compte des usages et des détails est sou­vent un gage de qual­ité et de suc­cès10. Mais encore faut-il ne pas les abso­lutis­er, don­nant l’im­pres­sion d’un pou­voir, voire dans cer­tains cas un pou­voir effec­tif, dans un cadre indéfi­ni, notam­ment sur le plan de la mise en œuvre ou des con­séquences finan­cières des déci­sions. L’ex­péri­ence regorge d’anec­dotes où le pro­jet d’amé­nage­ment change du tout au tout en fonc­tion de l’heure de la con­sul­ta­tion des habi­tants (l’après-midi avec les mères de famille, le soir avec les pères) ou encore lorsque les habi­tants ont des exi­gences totale­ment hors de pro­por­tion11 (qua­tre sta­tion­nements par logement…).

Enfin, il con­vient aus­si de se posi­tion­ner dans la dynamique du pro­jet : celui-ci n’est pas for­cé­ment réal­isé unique­ment pour les habi­tants en place mais, au con­traire, pour créer une dynamique avec l’ar­rivée de nou­velles pop­u­la­tions, dynamique pour laque­lle il serait alors con­tre-pro­duc­tif de s’en­fer­mer dans une logique pure­ment locale ” au ser­vice ” des habi­tants, qui ne peut être, dans ce cas de fig­ure, qu’un leurre, tant pour les inter­venants publics que pour les habi­tants eux-mêmes.

Une approche binaire inopérante par rapport à la complexité de la question

La com­plex­ité des prob­lèmes ren­con­trés ne vient pas, comme indiqué précédem­ment, de leur ampleur insur­montable mais du fait qu’ils con­cer­nent de nom­breux pou­voirs déci­sion­nels et thé­ma­tiques imbriqués.

Face à cela, il sem­ble que les acteurs aient été entraînés à penser sur un mode binaire : approche tech­nique ver­sus poli­tique, urbain d’une part, social d’autre part, décideurs et habi­tants, droite-gauche, développe­ment endogène ou exogène, pub­lic et privé, archi­tecte et ingénieur, etc. Or, bien sou­vent, dans ces pro­jets, cha­cun des élé­ments sont intime­ment liés et insé­para­bles12 et penser stratégique­ment avec des approches exclu­sives n’a, comme toute approche stricte­ment ana­ly­tique ou cor­po­ratiste, aucun sens, ni aucune chance d’être efficiente.

En fait, pour dépass­er le degré zéro de la poli­tique publique con­sis­tant à accepter un pro­jet parce que ” c’est la dernière chance et que l’on a déjà tout essayé ” — le pru­rit expéri­men­tal de la Poli­tique de la Ville -, il con­vient de savoir pren­dre du recul de façon dis­tan­ciée13, analyser ce qui se passe, avec empathie mais sans com­plai­sance, en débusquant les ” trous noirs ” de l’ac­tion publique, et dégager assez rapi­de­ment une stratégie de sor­tie à laque­lle cha­cun des acteurs sera en mesure de se ral­li­er, directe­ment ou à terme.

Direction de projet

Rude tâche pour la direc­tion de pro­jet, compte tenu de la mul­ti­plic­ité des thé­ma­tiques (urbain, loge­ment, ges­tion urbaine, emploi, jus­tice, édu­ca­tion…) et des acteurs (com­mune, aggloméra­tion, départe­ment, région, État, autres insti­tu­tions et ser­vices…) sig­nalée ci-dessus. Si l’a­ban­don de l’É­tat tout-puis­sant a per­mis de faire l’é­conomie de quelques grandes erreurs con­nues par le passé, le maquis de la décen­tral­i­sa­tion n’a pas tou­jours ren­du plus effi­ciente l’ac­tion publique, spé­ciale­ment sur les sites les plus en dif­fi­culté qui en ont le plus besoin et où elle con­fine quelque-fois à l’ex­er­ci­ce de neutralisation.

S’il lui fau­dra éviter l’au­tori­tarisme et l’isole­ment, ne lui seront pas d’un meilleur sec­ours ” l’in­tel­li­gence col­lec­tive “, qui se résume sou­vent à un con­sen­sus mou sans portée, et le ” parte­nar­i­al­isme ” qui jus­ti­fie les insti­tu­tions mais con­fine à l’inopérationnel.

D’une cer­taine façon, il lui revient d’en­doss­er le risque de déci­sions poli­tiques incer­taines afin de catal­yser l’ac­tion publique, assumant l’éventuel échec, lais­sant le suc­cès à ses com­man­di­taires. Bien sûr, la qual­ité du tra­vail per­met de réduire le risque mais ne l’an­ni­hile jamais com­plète­ment, d’au­tant qu’il faut savoir agir sans tou­jours dis­pos­er de tous les élé­ments com­plets de déci­sion. Il faut donc assumer le risque de se tromper14.

Dans cet exer­ci­ce, la capac­ité d’an­tic­i­pa­tion, la prise d’ini­tia­tive au bon moment et la tem­po­ri­sa­tion à d’autres, la prise en compte d’in­térêts con­nex­es, l’usage, hon­nête, de rus­es, voire l’in­docil­ité seront néces­saires, sachant que bien sou­vent les parte­naires se ral­lieront facile­ment à la solu­tion dès que les pre­miers signes de suc­cès appa­raîtront. En la matière, la trans­parence, une exces­sive pru­dence et le con­sen­sus sont cer­taine­ment les enne­mis du bien : de bonnes déci­sions peu­vent devoir être pris­es pour de mau­vais­es raisons, les choses appa­rais­sant plus claire­ment plus tard.

Comme en alpin­isme, il faut savoir utilis­er les failles, grimper en oppo­si­tion, penser à sa stratégie de pas­sage par le bas, par le haut, en affron­te­ment, par con­vic­tion, par ses pro­pres forces ou en s’ap­puyant sur des con­traintes exogènes, trou­ver le bon com­pro­mis entre prise et maîtrise des risques15, de telle manière à dépass­er les antag­o­nismes qui résis­tent ou s’au­toen­tre­ti­en­nent com­mod­é­ment, déblo­quer les sit­u­a­tions qui, en l’é­tat, arrangent bien, même si on les déplore offi­cielle­ment, pal­li­er les faib­less­es en trai­tant des tâch­es de tout niveau16 sans pour autant s’y noy­er, sor­tir des thèmes à la mode qui flat­tent (mix­ité sociale, par­tic­i­pa­tion des habi­tants, ges­tion urbaine, indi­ca­teurs ambitieux…) mais n’at­taque­nt pas le cœur des prob­lèmes (fonc­tion­nement du marché du loge­ment social17…), pour se con­cen­tr­er sur l’opérationnel.

En somme, il s’ag­it de pro­pos­er un chemin de tran­si­tion aux dif­férents parte­naires qui leur per­me­tte de pass­er d’un état, certes peu sat­is­faisant mais dont ils se sont accom­mod­és d’une manière ou d’une autre car ils en con­nais­sent et maîtrisent le fonc­tion­nement, à un autre, certes plus nor­mal­isé mais aus­si nou­veau et moins maîtrisé.

Pour un bailleur, qui, jusqu’à main­tenant, se con­tentait de can­ton­ner les pertes (APLi­sa­tion, loy­ers élevés…) d’un ensem­ble hors marché, l’ob­jec­tif sera le retour à la com­mer­cial­ité, ce qui pour­ra pass­er par des démo­li­tions con­séquentes pour une restruc­tura­tion rad­i­cale (rup­ture d’image).

Pour une col­lec­tiv­ité locale, l’en­jeu sera de pass­er d’un mode de dénon­ci­a­tion agres­sive des faib­less­es des insti­tu­tions inter­venant sur le ter­ri­toire à une coélab­o­ra­tion et une co-respon­s­abil­ité la con­duisant par ailleurs à se con­cen­tr­er sur la qual­ité de sa pro­pre ges­tion et du traite­ment des affaires de sa compétence.

Pour l’É­tat, il con­vien­dra d’in­vers­er les logiques faisant de ces sites des réser­voirs disponibles et des exu­toires pour le loge­ment des plus défa­vorisés (cf. par exem­ple les claus­es d’ac­cords col­lec­tifs État/bailleurs exclu­ant cer­tains sites des rel­o­ge­ments au titre de la loi con­tre les exclusions).

Sur un plan plus général, il s’a­gi­ra de pass­er d’un mode de fonc­tion­nement d’ex­cep­tion, excu­sant par l’ur­gence et la néces­sité bien des accom­mode­ments et des petits arrange­ments, à un fonc­tion­nement plus normalisé.

Il s’a­gi­ra dès lors non seule­ment d’im­pulser, mais aus­si d’aider à pren­dre le risque de cette tran­si­tion et à en par­courir le chemin cri­tique, pen­dant une péri­ode frag­ile où le risque est max­i­mal et les résul­tats pas encore visibles.

Sans oubli­er une préoc­cu­pa­tion opéra­tionnelle con­stante et pres­sante, qui passe aus­si par le soin des détails, dont l’ou­bli peut quelque­fois faire capot­er le meilleur des projets.

C’est de ce posi­tion­nement que les direc­tions de pro­jet de ce type tirent leur force mais c’est aus­si ce qui con­stitue leur faib­lesse. En tout état de cause, elles se doivent d’as­sumer toutes leurs respon­s­abil­ités, en toute clarté, devant et sous le con­trôle direct de l’in­stance poli­tique de décision.

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1. Une cinquan­taine de pro­jets en France, lancés en 2000 à la suite des Grands pro­jets urbains. Pour plus d’informations :
 http://vww.ville.gouv.fr.infos/dossiers/index.html
2. Tout adulte s’é­tant trou­vé en sit­u­a­tion de faib­lesse dans un appren­tis­sage, par exem­ple devant un écran d’or­di­na­teur ” Je n’y com­prends rien à cette machine “, peut com­pren­dre les mécan­ismes qui agi­tent un jeune décon­sid­éré dans une inca­pac­ité sco­laire ” La gram­maire, c’est pour les gonzess­es “.
On peut être l’ob­jet de plus d’actes d’in­ci­vil­ités (y com­pris pour les infrac­tions que sont les excès de vitesse) en une journée au volant de sa voiture qu’en une année dans un quarti­er sensible.
Sans par­ler des con­flits de généra­tion récur­rents à divers­es époques.
3. Ou familles, ou immeubles, dans des variantes.
4. Pour une liste non exhaus­tive : Con­trat de ville, Grand pro­jet de ville (GPV), Opéra­tion de renou­velle­ment urbain (ORU), Pro­jet social de ter­ri­toire, Pro­jet édu­catif local, Con­trat édu­catif local (CEL), Con­trat local d’ac­com­pa­g­ne­ment à la sco­lar­ité (CLAS), Cel­lule de veille éduca­tive, Con­trat temps libre (CIL), Con­trat local de sécu­rité (CLS), Comité de préven­tion de la délin­quance (CPCD).
5. 50 Grands pro­jets de ville, 200 000 démo­li­tions, 200 000 réha­bil­i­ta­tions, 200 000 constructions…
6. Cf. les cri­tiques récur­rentes du Con­seil d’É­tat sur ces lois qui sont plus des déc­la­ra­tions de poli­tique générale que des élé­ments créa­teurs de droits effec­tive­ment mis en œuvre dans la réalité.
7. Par exem­ple, con­traire­ment à ce qui est sou­vent dit, ce n’est pas le Code des Marchés publics en soi qui allonge les délais mais bien plutôt l’ap­pli­ca­tion qui en est faite (luxe de pré­cau­tions, procé­dures redon­dantes, mul­ti­pli­ca­tion de con­trôles internes qui ne font qu’af­faib­lir le con­trôle glob­al, temps passé sur les procé­dures au détri­ment de la déf­i­ni­tion de la com­mande ou du suivi de la prestation…).
8. Cf. par exem­ple l’ac­tion du DAL en faveur de squats dans un quarti­er en dif­fi­culté, enfonçant encore plus celui-ci dans la ségré­ga­tion sociale et la per­cep­tion négative.
9. Quel para­doxe de deman­der à un maire d’or­gan­is­er une représen­ta­tion des habitants !
10. Quelques détails nég­ligés (type d’é­clairage, posi­tion­nement de chem­ine­ments pié­tons, mobili­er urbain inadap­té…) ont vite fait de trans­former un excel­lent principe d’amé­nage­ment en échec concret.
11. D’au­tant que ceux qui exi­gent ne sont pas tou­jours en posi­tion de le faire.
12. Un amé­nage­ment urbain est autant un acte social que tech­nique et, à l’in­verse, le fonc­tion­nement d’un équipement de ser­vices publics peut avoir un effet urbain de grande qual­ité (cf. inter­ac­tion école/marché du logement).
13. Les analy­ses dans ce secteur pâtis­sent sou­vent d’ef­fets de loupe, d’é­chos ou de microcosme.
14. Ce que d’au­cuns, rap­pelant l’ab­sence de solu­tions totale­ment garanties (dites expertes), ont dénom­mé la respon­s­abil­ité risquée. À défaut, les études et exper­tis­es pro­lifèrent, per­me­t­tant de fuir ses responsabilités.
15. Comme, par exem­ple, pour les ques­tions de vio­lence envers les ser­vices publics : c’est sou­vent par plus d’ou­ver­ture que l’on peut sor­tir de la spi­rale, ce qui con­stitue une prise de risque notam­ment vis-à-vis des per­son­nels, et non pas par plus de fer­me­ture et de sécuri­sa­tion qui ren­force cet effet de spirale.
16. La pré­somp­tion de com­pé­tence des maîtris­es d’ou­vrage, des admin­is­tra­tions, des prestataires ne joue pas, à l’ex­péri­ence, dans ce genre de procès.
17. Peut-on réclamer en même temps un con­trôle plus impor­tant du maire sur les attri­bu­tions et en appel­er à la sol­i­dar­ité pour le traite­ment de cer­tains cas difficiles ?
La con­di­tion de ressources s’ap­plique à l’en­trée dans le loge­ment social et jamais ultérieure­ment, rigid­i­fi­ant l’oc­cu­pa­tion des parcs les plus qual­i­fiés et attractifs.

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