L’état de transition dans les politiques de transformation et d’évolution de territoires

Dossier : Libres proposMagazine N°591 Janvier 2004
Par David MORGANT (86)

Cette cita­tion, aima­ble­ment four­nie par une col­la­bo­ra­trice d’un direc­teur de Grand Pro­jet de Ville, opé­ra­tions de restruc­tu­ra­tion urbaine, sociale et éco­no­mique de quar­tiers de ban­lieue en dif­fi­cul­té1, vaut bien pour ces mis­sions par­ti­cu­lières et com­plexes de direc­tion de pro­jet. Comme pour l’al­pi­nisme, mieux vaut être, dans ces fonc­tions, ten­du vers son objec­tif, concen­tré, tenace mais aus­si agile, alerte, voire retors. Une cer­taine intel­li­gence donc, non point aca­dé­mique, intel­lec­tuelle ou ins­tinc­tive mais une intel­li­gence de l’ac­tion, sachant com­bi­ner au mieux approche ration­nelle et poli­tique, stra­té­gie et tactique.

Ces mis­sions, dont l’ob­jec­tif est bien de trans­for­mer et de faire évo­luer un ter­ri­toire en dif­fi­cul­té, en s’ap­puyant de façon cohé­rente sur dif­fé­rentes thé­ma­tiques, relèvent en effet de l’or­ga­ni­sa­tion d’un état de tran­si­tion, qua­si au sens phy­si­co­chi­mique du terme, entre deux états radi­ca­le­ment dif­fé­rents, pré­sent et futur. Il n’est guère éton­nant dès lors que ther­mo­dy­na­mique et ciné­tique de l’ac­tion publique s’en mêlent.

Le pro­pos de cet article est jus­te­ment d’y regar­der d’un peu plus près, après une expé­rience vécue de direc­tion de tels pro­jets. Un des aspects inté­res­sants de ces pro­jets est en effet, au tra­vers de la diver­si­té des champs cou­verts et des dif­fi­cul­tés ren­con­trées, de tou­cher à des pro­blé­ma­tiques somme toute fon­da­men­tales de l’ac­tion publique et de la socié­té française.

Au risque de pro­vo­quer et d’in­dis­po­ser, on peut affir­mer que le main­tien dans le temps des dif­fi­cul­tés de ces quar­tiers, qui forme dès lors un état stable au sens évo­qué pré­cé­dem­ment, est le signe d’une solu­tion lar­ge­ment accep­tée par la socié­té fran­çaise et ancrée dans des inté­rêts conver­gents, même si, bien évi­dem­ment, ils ne sont pas affir­més comme tels : ségré­ga­tion et rejet par­ti­ci­pant à la construc­tion en retour d’un sen­ti­ment de pro­tec­tion, vio­lence vécue par pro­cu­ra­tion pour l’im­mense majo­ri­té de la popu­la­tion non confron­tée au quo­ti­dien de ces quar­tiers (92,4 % des Fran­çais habitent hors Zones urbaines sen­sibles et ceux qui y vivent n’en ont pas l’i­mage que l’on en donne), affir­ma­tion de sa pro­mo­tion sociale par dif­fé­ren­cia­tion dépré­cia­tive, blo­cage des mar­chés du loge­ment au pro­fit des mieux lotis, valo­ri­sa­tion et noto­rié­té des acteurs, phra­séo­lo­gie et acti­visme de la puis­sance publique au béné­fice de poli­tiques, consul­tants et spé­cia­listes en tous genres.

Nul doute que sor­tir de cet état, gérer cette tran­si­tion, faire agir et réagir les uns et les autres sur d’autres modes n’est pas une mince affaire.

Sans oublier qu’à la vio­lence de ces jeunes, incom­pré­hen­sible et injus­ti­fiable aux yeux de la socié­té, cor­res­pond une forme de vio­lence res­sen­tie de façon incom­pré­hen­sible et injus­ti­fiable par eux-mêmes, compte tenu de ce qu’ils per­çoivent de l’ac­tion et de la vie publiques, du regard qui est por­té sur eux par cette socié­té et de leurs res­sources psy­cho­lo­giques propres2.

Ces 30 jeunes qui posent problème

Voi­ci une don­née récur­rente des sites en dif­fi­cul­té : » Il suf­fi­rait de trai­ter le cas de ces quelques jeunes3 qui posent pro­blème, et il n’y aurait plus de pro­blème. » Évident sim­plisme ? Illu­sion plus exac­te­ment, puis­qu’en fait, en ne trai­tant pas le pro­blème de façon struc­tu­relle mais symp­to­ma­tique, de nou­velles géné­ra­tions vien­dront se suc­cé­der pour » poser pro­blème « , ali­men­tant la suc­ces­sion de » dis­po­si­tifs » tou­jours plus com­plexes et néces­saires à la fois, qui sont la marque de fabrique de la Poli­tique de la Ville. C’est ain­si qu’une logique de ges­tion et d’ad­mi­nis­tra­tion de dis­po­si­tifs se sub­sti­tue à celle d’une action publique qui aurait pour objec­tif de reve­nir sur les méca­nismes de spé­cia­li­sa­tion de ces sites dans l’ac­cueil de familles en grande dif­fi­cul­té sociale. Cette accu­mu­la­tion et cet empi­le­ment de dis­po­si­tifs4 deviennent pré­gnants, affai­blis­sant ain­si la qua­li­té des inter­ven­tions des acteurs locaux, ceux-ci étant de plus en plus mobi­li­sés par des tâches de ges­tion – avec le sou­ci de l’ef­fet d’au­baine qui fait que cette dérive n’est pas si déplai­sante – et per­dant de plus en plus leur capa­ci­té d’a­na­lyse locale et stra­té­gique, tant van­tée dans les cénacles.

La pro­li­fé­ra­tion contrac­tuelle en vigueur actuel­le­ment conduit, en l’ab­sence de vision stra­té­gique claire, à ce que fina­le­ment cha­cun étant res­pon­sable de tout, per­sonne ne l’est plus de rien. Ceci ne peut qu’ac­croître le désar­roi d’ins­ti­tu­tions qui sont, sur des ter­rains dif­fi­ciles, elles-mêmes en dif­fi­cul­té (concep­tuelle, orga­ni­sa­tion­nelle, opé­ra­tion­nelle…), avec la dérive du report de res­pon­sa­bi­li­té sur les autres et ses effets inhé­rents de blo­cage. Ain­si de voir un res­pon­sable de Caisse d’al­lo­ca­tions fami­liales deman­der à la mai­rie d’as­su­rer la sécu­ri­té de ses agents sur le site, sans même en avoir par­lé pré­cé­dem­ment à la Police natio­nale ! Plus les » par­te­naires » se mul­ti­plient, plus les jeux d’ac­teurs pour se défaus­ser ont le champ large.

Il y a pour­tant de quoi s’é­ton­ner de voir tant de puis­sance publique para­ly­sée par des ques­tions qui, loca­li­sées, n’at­teignent quand même pas des pro­por­tions terrifiantes.

L’inaction publique

Les effets d’an­nonce5, inhé­rents à la vie publique média­tique, l’ac­ti­visme, l’au­to­per­sua­sion » il faut faire quelque chose « , le recours à la loi (pro­jet de loi d’o­rien­ta­tion et de pro­gram­ma­tion) n’ont en fait plus d’ef­fets et de prise sur la réa­li­té6. Ceci d’au­tant que leur annonce pré­cède très géné­ra­le­ment la concep­tion même de leur mise en œuvre, celle-ci se met­tant à peine en place qu’une nou­velle orga­ni­sa­tion opé­ra­tion­nelle est annoncée.

À vrai dire, ces erre­ments n’ont guère plus d’im­pact sur les pro­jets, pour peu qu’ils soient affir­més sur la base d’une stra­té­gie solide et fassent l’ob­jet d’une déter­mi­na­tion à toute épreuve, ce qui ne semble pas tou­jours le cas. Le pro­jet suit son propre che­min cap­tant ou délais­sant par­mi les outils ins­ti­tu­tion­nels ce qui peut le faire pro­gres­ser ou perdre son temps. La qua­li­té d’une stra­té­gie et de son énon­cia­tion est cer­tai­ne­ment le meilleur via­tique contre ces sou­bre­sauts, y com­pris sur le plan financier.

Sou­vent, d’ailleurs, ces pro­jets peuvent se résu­mer à un objec­tif clair et pré­cis duquel il faut savoir ne pas se faire diver­tir et par rap­port auquel toutes les actions ne sont que des moyens subor­don­nés à ce but. Par exemple, remettre un ensemble social sur le mar­ché du loge­ment dont il s’é­tait, au fil du temps, éloi­gné de façon irré­ver­sible, révé­ler le poten­tiel de déve­lop­pe­ment d’un ter­ri­toire bien situé mais péna­li­sé par cer­tains fac­teurs, réin­té­grer un quar­tier ou une ville dans une dyna­mique d’ag­glo­mé­ra­tion, etc.

En pra­tique, pour mettre en œuvre un tel pro­jet, il ne fau­dra guère s’embarrasser de socio­lo­gie admi­nis­tra­tive qui vou­drait que les réunions ne puissent pas être courtes et déci­sives, que l’ac­tion publique ne puisse pas se mettre en œuvre rapi­de­ment7, qu’il faille trou­ver des pro­blèmes plu­tôt que de cher­cher des solu­tions, qu’un délai maxi­mal est un délai nor­mal, que l’u­sage l’emporte sur les textes pré­cis appli­cables, que les règles soient immuables et que leurs concep­teurs soient insen­sibles à des retours de pra­tique pour les modi­fier. Pour par­ve­nir au but fixé, il ne faut pas croire ceux qui n’y croient pas et ne pas se lais­ser contraindre par des contraintes qui n’existent pas.

En effet, aus­si bien en termes de pro­jet que de mise en œuvre, il convient de se déga­ger du poids de l’his­toire qui pèse sou­vent sur ces ter­ri­toires, que ce soit en per­cep­tion ou en modes opé­ra­toires, pour lais­ser la place à l’a­ve­nir et à des figures nouvelles.

Du militantisme à l’habitantisme

Dans ces pro­jets, le para­digme de la par­ti­ci­pa­tion des habi­tants est deve­nu le fer de lance de la Poli­tique de la Ville, appa­rais­sant comme le der­nier ava­tar du défunt mili­tan­tisme, dont les acteurs osent encore se récla­mer, bien loin de ce qui devrait fon­der une poli­tique publique. Par, pour et avec les habi­tants, voi­ci la figure impo­sée et la devise affi­chée au fron­ton des Grands Pro­jets de Ville.

Devant un tel dogme, sup­po­sé démo­cra­tique donc intou­chable, les cri­tiques sont encore bien timides. Il n’existe pour­tant pas un point de vue des habi­tants mais plu­sieurs, contra­dic­toires, confus, et pas tou­jours jus­te­ment repré­sen­tés, sans par­ler des jeux d’ac­teurs entre et au sein des asso­cia­tions cen­sées repré­sen­ter les habi­tants. Par ailleurs, les asso­cia­tions étant irres­pon­sables poli­ti­que­ment, elles ont un droit à l’in­co­hé­rence et à la pro­tes­ta­tion qu’elles ne se font pas faute d’exer­cer, refu­sant aujourd’­hui ce qu’elles avaient accep­té hier, ou encore menant des actions cen­sées ser­vir leur cause mais dans des cir­cons­tances contraires8. La démo­cra­tie repré­sen­ta­tive, avec son suf­frage uni­ver­sel et toutes ses imper­fec­tions, reste bien la plus mau­vaise repré­sen­ta­tion des habi­tants, à l’ex­cep­tion de toutes les autres9.

Il ne s’a­git bien évi­dem­ment pas de nier la valeur intrin­sèque de ces enga­ge­ments, ni leur inté­rêt pra­tique dans la mise au point et la réa­li­sa­tion des pro­jets, pour les­quels la prise en compte des usages et des détails est sou­vent un gage de qua­li­té et de suc­cès10. Mais encore faut-il ne pas les abso­lu­ti­ser, don­nant l’im­pres­sion d’un pou­voir, voire dans cer­tains cas un pou­voir effec­tif, dans un cadre indé­fi­ni, notam­ment sur le plan de la mise en œuvre ou des consé­quences finan­cières des déci­sions. L’ex­pé­rience regorge d’a­nec­dotes où le pro­jet d’a­mé­na­ge­ment change du tout au tout en fonc­tion de l’heure de la consul­ta­tion des habi­tants (l’a­près-midi avec les mères de famille, le soir avec les pères) ou encore lorsque les habi­tants ont des exi­gences tota­le­ment hors de pro­por­tion11 (quatre sta­tion­ne­ments par logement…).

Enfin, il convient aus­si de se posi­tion­ner dans la dyna­mique du pro­jet : celui-ci n’est pas for­cé­ment réa­li­sé uni­que­ment pour les habi­tants en place mais, au contraire, pour créer une dyna­mique avec l’ar­ri­vée de nou­velles popu­la­tions, dyna­mique pour laquelle il serait alors contre-pro­duc­tif de s’en­fer­mer dans une logique pure­ment locale » au ser­vice » des habi­tants, qui ne peut être, dans ce cas de figure, qu’un leurre, tant pour les inter­ve­nants publics que pour les habi­tants eux-mêmes.

Une approche binaire inopérante par rapport à la complexité de la question

La com­plexi­té des pro­blèmes ren­con­trés ne vient pas, comme indi­qué pré­cé­dem­ment, de leur ampleur insur­mon­table mais du fait qu’ils concernent de nom­breux pou­voirs déci­sion­nels et thé­ma­tiques imbriqués.

Face à cela, il semble que les acteurs aient été entraî­nés à pen­ser sur un mode binaire : approche tech­nique ver­sus poli­tique, urbain d’une part, social d’autre part, déci­deurs et habi­tants, droite-gauche, déve­lop­pe­ment endo­gène ou exo­gène, public et pri­vé, archi­tecte et ingé­nieur, etc. Or, bien sou­vent, dans ces pro­jets, cha­cun des élé­ments sont inti­me­ment liés et insé­pa­rables12 et pen­ser stra­té­gi­que­ment avec des approches exclu­sives n’a, comme toute approche stric­te­ment ana­ly­tique ou cor­po­ra­tiste, aucun sens, ni aucune chance d’être efficiente.

En fait, pour dépas­ser le degré zéro de la poli­tique publique consis­tant à accep­ter un pro­jet parce que » c’est la der­nière chance et que l’on a déjà tout essayé » – le pru­rit expé­ri­men­tal de la Poli­tique de la Ville -, il convient de savoir prendre du recul de façon dis­tan­ciée13, ana­ly­ser ce qui se passe, avec empa­thie mais sans com­plai­sance, en débus­quant les » trous noirs » de l’ac­tion publique, et déga­ger assez rapi­de­ment une stra­té­gie de sor­tie à laquelle cha­cun des acteurs sera en mesure de se ral­lier, direc­te­ment ou à terme.

Direction de projet

Rude tâche pour la direc­tion de pro­jet, compte tenu de la mul­ti­pli­ci­té des thé­ma­tiques (urbain, loge­ment, ges­tion urbaine, emploi, jus­tice, édu­ca­tion…) et des acteurs (com­mune, agglo­mé­ra­tion, dépar­te­ment, région, État, autres ins­ti­tu­tions et ser­vices…) signa­lée ci-des­sus. Si l’a­ban­don de l’É­tat tout-puis­sant a per­mis de faire l’é­co­no­mie de quelques grandes erreurs connues par le pas­sé, le maquis de la décen­tra­li­sa­tion n’a pas tou­jours ren­du plus effi­ciente l’ac­tion publique, spé­cia­le­ment sur les sites les plus en dif­fi­cul­té qui en ont le plus besoin et où elle confine quelque-fois à l’exer­cice de neutralisation.

S’il lui fau­dra évi­ter l’au­to­ri­ta­risme et l’i­so­le­ment, ne lui seront pas d’un meilleur secours » l’in­tel­li­gence col­lec­tive « , qui se résume sou­vent à un consen­sus mou sans por­tée, et le » par­te­na­ria­lisme » qui jus­ti­fie les ins­ti­tu­tions mais confine à l’inopérationnel.

D’une cer­taine façon, il lui revient d’en­dos­ser le risque de déci­sions poli­tiques incer­taines afin de cata­ly­ser l’ac­tion publique, assu­mant l’é­ven­tuel échec, lais­sant le suc­cès à ses com­man­di­taires. Bien sûr, la qua­li­té du tra­vail per­met de réduire le risque mais ne l’an­ni­hile jamais com­plè­te­ment, d’au­tant qu’il faut savoir agir sans tou­jours dis­po­ser de tous les élé­ments com­plets de déci­sion. Il faut donc assu­mer le risque de se trom­per14.

Dans cet exer­cice, la capa­ci­té d’an­ti­ci­pa­tion, la prise d’i­ni­tia­tive au bon moment et la tem­po­ri­sa­tion à d’autres, la prise en compte d’in­té­rêts connexes, l’u­sage, hon­nête, de ruses, voire l’in­do­ci­li­té seront néces­saires, sachant que bien sou­vent les par­te­naires se ral­lie­ront faci­le­ment à la solu­tion dès que les pre­miers signes de suc­cès appa­raî­tront. En la matière, la trans­pa­rence, une exces­sive pru­dence et le consen­sus sont cer­tai­ne­ment les enne­mis du bien : de bonnes déci­sions peuvent devoir être prises pour de mau­vaises rai­sons, les choses appa­rais­sant plus clai­re­ment plus tard.

Comme en alpi­nisme, il faut savoir uti­li­ser les failles, grim­per en oppo­si­tion, pen­ser à sa stra­té­gie de pas­sage par le bas, par le haut, en affron­te­ment, par convic­tion, par ses propres forces ou en s’ap­puyant sur des contraintes exo­gènes, trou­ver le bon com­pro­mis entre prise et maî­trise des risques15, de telle manière à dépas­ser les anta­go­nismes qui résistent ou s’au­toen­tre­tiennent com­mo­dé­ment, déblo­quer les situa­tions qui, en l’é­tat, arrangent bien, même si on les déplore offi­ciel­le­ment, pal­lier les fai­blesses en trai­tant des tâches de tout niveau16 sans pour autant s’y noyer, sor­tir des thèmes à la mode qui flattent (mixi­té sociale, par­ti­ci­pa­tion des habi­tants, ges­tion urbaine, indi­ca­teurs ambi­tieux…) mais n’at­taquent pas le cœur des pro­blèmes (fonc­tion­ne­ment du mar­ché du loge­ment social17…), pour se concen­trer sur l’opérationnel.

En somme, il s’a­git de pro­po­ser un che­min de tran­si­tion aux dif­fé­rents par­te­naires qui leur per­mette de pas­ser d’un état, certes peu satis­fai­sant mais dont ils se sont accom­mo­dés d’une manière ou d’une autre car ils en connaissent et maî­trisent le fonc­tion­ne­ment, à un autre, certes plus nor­ma­li­sé mais aus­si nou­veau et moins maîtrisé.

Pour un bailleur, qui, jus­qu’à main­te­nant, se conten­tait de can­ton­ner les pertes (APLi­sa­tion, loyers éle­vés…) d’un ensemble hors mar­ché, l’ob­jec­tif sera le retour à la com­mer­cia­li­té, ce qui pour­ra pas­ser par des démo­li­tions consé­quentes pour une restruc­tu­ra­tion radi­cale (rup­ture d’image).

Pour une col­lec­ti­vi­té locale, l’en­jeu sera de pas­ser d’un mode de dénon­cia­tion agres­sive des fai­blesses des ins­ti­tu­tions inter­ve­nant sur le ter­ri­toire à une coéla­bo­ra­tion et une co-res­pon­sa­bi­li­té la condui­sant par ailleurs à se concen­trer sur la qua­li­té de sa propre ges­tion et du trai­te­ment des affaires de sa compétence.

Pour l’É­tat, il convien­dra d’in­ver­ser les logiques fai­sant de ces sites des réser­voirs dis­po­nibles et des exu­toires pour le loge­ment des plus défa­vo­ri­sés (cf. par exemple les clauses d’ac­cords col­lec­tifs État/bailleurs excluant cer­tains sites des relo­ge­ments au titre de la loi contre les exclusions).

Sur un plan plus géné­ral, il s’a­gi­ra de pas­ser d’un mode de fonc­tion­ne­ment d’ex­cep­tion, excu­sant par l’ur­gence et la néces­si­té bien des accom­mo­de­ments et des petits arran­ge­ments, à un fonc­tion­ne­ment plus normalisé.

Il s’a­gi­ra dès lors non seule­ment d’im­pul­ser, mais aus­si d’ai­der à prendre le risque de cette tran­si­tion et à en par­cou­rir le che­min cri­tique, pen­dant une période fra­gile où le risque est maxi­mal et les résul­tats pas encore visibles.

Sans oublier une pré­oc­cu­pa­tion opé­ra­tion­nelle constante et pres­sante, qui passe aus­si par le soin des détails, dont l’ou­bli peut quel­que­fois faire capo­ter le meilleur des projets.

C’est de ce posi­tion­ne­ment que les direc­tions de pro­jet de ce type tirent leur force mais c’est aus­si ce qui consti­tue leur fai­blesse. En tout état de cause, elles se doivent d’as­su­mer toutes leurs res­pon­sa­bi­li­tés, en toute clar­té, devant et sous le contrôle direct de l’ins­tance poli­tique de décision.

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1. Une cin­quan­taine de pro­jets en France, lan­cés en 2000 à la suite des Grands pro­jets urbains. Pour plus d’informations :
 http://vww.ville.gouv.fr.infos/dossiers/index.html
2. Tout adulte s’é­tant trou­vé en situa­tion de fai­blesse dans un appren­tis­sage, par exemple devant un écran d’or­di­na­teur » Je n’y com­prends rien à cette machine « , peut com­prendre les méca­nismes qui agitent un jeune décon­si­dé­ré dans une inca­pa­ci­té sco­laire » La gram­maire, c’est pour les gon­zesses « .
On peut être l’ob­jet de plus d’actes d’in­ci­vi­li­tés (y com­pris pour les infrac­tions que sont les excès de vitesse) en une jour­née au volant de sa voi­ture qu’en une année dans un quar­tier sensible.
Sans par­ler des conflits de géné­ra­tion récur­rents à diverses époques.
3. Ou familles, ou immeubles, dans des variantes.
4. Pour une liste non exhaus­tive : Contrat de ville, Grand pro­jet de ville (GPV), Opé­ra­tion de renou­vel­le­ment urbain (ORU), Pro­jet social de ter­ri­toire, Pro­jet édu­ca­tif local, Contrat édu­ca­tif local (CEL), Contrat local d’ac­com­pa­gne­ment à la sco­la­ri­té (CLAS), Cel­lule de veille édu­ca­tive, Contrat temps libre (CIL), Contrat local de sécu­ri­té (CLS), Comi­té de pré­ven­tion de la délin­quance (CPCD).
5. 50 Grands pro­jets de ville, 200 000 démo­li­tions, 200 000 réha­bi­li­ta­tions, 200 000 constructions…
6. Cf. les cri­tiques récur­rentes du Conseil d’É­tat sur ces lois qui sont plus des décla­ra­tions de poli­tique géné­rale que des élé­ments créa­teurs de droits effec­ti­ve­ment mis en œuvre dans la réalité.
7. Par exemple, contrai­re­ment à ce qui est sou­vent dit, ce n’est pas le Code des Mar­chés publics en soi qui allonge les délais mais bien plu­tôt l’ap­pli­ca­tion qui en est faite (luxe de pré­cau­tions, pro­cé­dures redon­dantes, mul­ti­pli­ca­tion de contrôles internes qui ne font qu’af­fai­blir le contrôle glo­bal, temps pas­sé sur les pro­cé­dures au détri­ment de la défi­ni­tion de la com­mande ou du sui­vi de la prestation…).
8. Cf. par exemple l’ac­tion du DAL en faveur de squats dans un quar­tier en dif­fi­cul­té, enfon­çant encore plus celui-ci dans la ségré­ga­tion sociale et la per­cep­tion négative.
9. Quel para­doxe de deman­der à un maire d’or­ga­ni­ser une repré­sen­ta­tion des habitants !
10. Quelques détails négli­gés (type d’é­clai­rage, posi­tion­ne­ment de che­mi­ne­ments pié­tons, mobi­lier urbain inadap­té…) ont vite fait de trans­for­mer un excellent prin­cipe d’a­mé­na­ge­ment en échec concret.
11. D’au­tant que ceux qui exigent ne sont pas tou­jours en posi­tion de le faire.
12. Un amé­na­ge­ment urbain est autant un acte social que tech­nique et, à l’in­verse, le fonc­tion­ne­ment d’un équi­pe­ment de ser­vices publics peut avoir un effet urbain de grande qua­li­té (cf. inter­ac­tion école/marché du logement).
13. Les ana­lyses dans ce sec­teur pâtissent sou­vent d’ef­fets de loupe, d’é­chos ou de microcosme.
14. Ce que d’au­cuns, rap­pe­lant l’ab­sence de solu­tions tota­le­ment garan­ties (dites expertes), ont dénom­mé la res­pon­sa­bi­li­té ris­quée. À défaut, les études et exper­tises pro­li­fèrent, per­met­tant de fuir ses responsabilités.
15. Comme, par exemple, pour les ques­tions de vio­lence envers les ser­vices publics : c’est sou­vent par plus d’ou­ver­ture que l’on peut sor­tir de la spi­rale, ce qui consti­tue une prise de risque notam­ment vis-à-vis des per­son­nels, et non pas par plus de fer­me­ture et de sécu­ri­sa­tion qui ren­force cet effet de spirale.
16. La pré­somp­tion de com­pé­tence des maî­trises d’ou­vrage, des admi­nis­tra­tions, des pres­ta­taires ne joue pas, à l’ex­pé­rience, dans ce genre de procès.
17. Peut-on récla­mer en même temps un contrôle plus impor­tant du maire sur les attri­bu­tions et en appe­ler à la soli­da­ri­té pour le trai­te­ment de cer­tains cas difficiles ?
La condi­tion de res­sources s’ap­plique à l’en­trée dans le loge­ment social et jamais ulté­rieu­re­ment, rigi­di­fiant l’oc­cu­pa­tion des parcs les plus qua­li­fiés et attractifs.

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