L’écocertification

Dossier : Le bois (suite)Magazine N°581 Janvier 2003Par Henri ADAM (51)

Il y eut d’abord le rap­pel du Club de Rome sur les lim­ites de la crois­sance (1968), puis la Con­férence de Stock­holm (1972) sur l’en­vi­ron­nement humain ; le principe n° 1 de cette con­férence dis­pose que “L’homme a un droit fon­da­men­tal (…) à des con­di­tions de vie sat­is­faisantes dans un envi­ron­nement dont la qual­ité lui per­met de vivre dans la dig­nité et le bien-être. Il a le devoir solen­nel de pro­téger et d’amélior­er l’en­vi­ron­nement pour les généra­tions présentes et futures…”

La Déc­la­ra­tion de Rio (Som­met de la Terre, juin 1992) indique dans son principe n° 4 : “La pro­tec­tion de l’en­vi­ron­nement doit faire par­tie inté­grante d’un proces­sus de développe­ment et ne peut être con­sid­érée isolé­ment.” Autrement dit, la pro­tec­tion de l’en­vi­ron­nement ne doit pas être opposée sys­té­ma­tique­ment au développe­ment économique, aux fonc­tions de l’en­tre­prise, au pro­grès tech­nologique, bien au con­traire. L’en­vi­ron­nement est con­sid­éré ici comme “l’ensem­ble des com­posantes où une activ­ité se développe inclu­ant les ressources naturelles, l’eau, la terre, le sol, l’air, la flo­re, la faune et le milieu humain“1.

La charte des droits fon­da­men­taux de l’U­nion européenne adop­tée récem­ment indique dans son arti­cle 16 qu’il con­vient d’as­soci­er ” développe­ment équili­bré et durable, pro­tec­tion de l’en­vi­ron­nement et liber­té d’entreprendre “.

Ces rap­pels de textes fon­da­men­taux parais­sent utiles au moment où les con­cepts de développe­ment et de ges­tion durables devi­en­nent un leit­mo­tiv dans les dis­cours, les pro­grammes et les pub­li­ca­tions, si bien qu’on ne sait plus très bien de quoi on par­le, sauf à pré­cis­er les con­di­tions d’ap­pli­ca­tion de ce concept.

La gestion durable appliquée à la forêt : une situation contrastée dans le monde

La forêt occupe une place par­ti­c­ulière vis-à-vis de cette évo­lu­tion des con­sciences poli­tiques et de l’at­tente de l’opin­ion publique : elle con­stitue un réser­voir d’un grand nom­bre d’e­spèces ani­males et végé­tales ; elle est un espace de décou­verte de la nature par excel­lence, elle con­stitue un puits de car­bone avec une pos­si­bil­ité de stock­age dans le temps ; c’est enfin une source renou­ve­lable de pro­duits utiles à l’homme, au pre­mier rang desquels fig­ure le bois. Autant de raisons d’at­tach­er une impor­tance par­ti­c­ulière à la ges­tion durable de cette ressource essentielle.

Ce sont les forêts trop­i­cales qui ont été, dès les années 1970, un objet de préoc­cu­pa­tion, notam­ment de la part des habi­tants des pays indus­tri­al­isés ; il est vrai qu’elles étaient — et sont tou­jours — défrichées ou dégradées à un rythme inquié­tant, avec une men­ace réelle sur la bio­di­ver­sité de la planète réduite d’au­tant. Trente ans après, mal­gré les nom­breuses ini­tia­tives inter­na­tionales telles que le Plan d’ac­tion foresti­er trop­i­cal (PAFT) coor­don­né par l’Or­gan­i­sa­tion des Nations unies pour l’al­i­men­ta­tion et l’a­gri­cul­ture (FAO), et les inter­ven­tions de l’Or­gan­i­sa­tion inter­na­tionale des bois trop­i­caux (OIBT), la sit­u­a­tion demeure préoc­cu­pante dans cer­taines régions d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie du Sud-Est2.

Depuis 1990, dans les dis­cus­sions au niveau inter­na­tion­al sur les principes de la ges­tion durable, les pays en voie de développe­ment, qui pos­sè­dent la qua­si-total­ité des forêts trop­i­cales, ont obtenu de ne pas être les seuls accusés en matière de ges­tion forestière et de déforesta­tion (dis­pari­tion d’en­v­i­ron de plus de 14 mil­lions d’hectares par an de forêt trop­i­cale, soit à peu près la sur­face totale de la forêt française), et que le débat soit élar­gi à toutes les régions du monde ; et, dans l’hémis­phère Nord, pas seule­ment au Cana­da ou aux États-Unis, accusés de gaspiller leurs ressources, mais égale­ment à d’autres pays, y com­pris ceux de l’Eu­rope occi­den­tale, alors que ces derniers esti­maient que la ges­tion pat­ri­mo­ni­ale (en bon père de famille) de leurs forêts et de strictes mesures régle­men­taires les exonéraient de cette mise en cause.

Ce sont les pays européens qui ont réa­gi les pre­miers. Dans le cadre du proces­sus des Con­férences min­istérielles paneu­ropéennes sur la pro­tec­tion des forêts en Europe (ini­tié par la France et la Fin­lande en 1990 à Stras­bourg), une déf­i­ni­tion com­mune de la ges­tion forestière durable est adop­tée à Helsin­ki en 1993, et deux ans plus tard un accord se fait sur une liste de six critères (les critères d’Helsin­ki) et de 27 indi­ca­teurs quan­ti­tat­ifs cor­re­spon­dants au niveau nation­al, liste com­plétée avec des recom­man­da­tions pour la ges­tion forestière au niveau opéra­tionnel à Lis­bonne en 1998.

Tous ces élé­ments con­stituent autant de références pou­vant servir pour des démarch­es au niveau européen visant à garan­tir la “dura­bil­ité” de la ges­tion et sur lesquelles va s’ap­puy­er le dis­posi­tif de cer­ti­fi­ca­tion forestière paneu­ropéenne (Pan- Euro­pean For­est Cer­ti­fi­ca­tion ou PEFC) décrit plus loin.

Les autres pays dévelop­pés, avec quelques pays tem­pérés en développe­ment comme le Chili, met­tront eux aus­si en œuvre un proces­sus plus informel à par­tir de 1993 avec une pre­mière réu­nion à Mon­tréal (d’où le nom de Proces­sus de Mon­tréal) aboutis­sant à l’adop­tion de sept critères (les six d’Helsin­ki plus un sur les out­ils de la ges­tion forestière) et 67 indi­ca­teurs de ges­tion forestière durable3.

Les six critères d’Helsin­ki, qui englobent les fonc­tions économiques, écologiques et sociales des forêts, offrent une grille de lec­ture de la ges­tion durable appliquée à la forêt et sont :

  • con­ser­va­tion et amélio­ra­tion appro­priée des ressources forestières et de leur con­tri­bu­tion aux cycles mon­di­aux du carbone,
  • main­tien de la san­té et de la vital­ité des écosys­tèmes forestiers,
  • main­tien et encour­age­ment des fonc­tions de pro­duc­tion des forêts (bois et pro­duits non ligneux),
  • main­tien, con­ser­va­tion et amélio­ra­tion appro­priée de la diver­sité biologique dans les écosys­tèmes forestiers,
  • main­tien et amélio­ra­tion appro­priée des fonc­tions de pro­tec­tion de la ges­tion des forêts (notam­ment sols et eau),
  • main­tien d’autres béné­fices et con­di­tions socioéconomiques.


Par­al­lèle­ment aux démarch­es ci-dessus qui impli­quaient les gou­verne­ments a été dévelop­pé, dès 1993, par des ONG envi­ron­nemen­tal­istes et plus par­ti­c­ulière­ment à l’ini­tia­tive du Fonds mon­di­al pour la nature (WWF), un sys­tème de règles pour la ges­tion durable et d’at­tes­ta­tion de celle-ci (ou cer­ti­fi­ca­tion) appelé FSC (For­est Stew­ard­ship Coun­cil) qui établit dix principes et critères pou­vant être déclinés suiv­ant les pays et les régions et dont le respect doit per­me­t­tre d’ap­porter la preuve d’une ges­tion forestière durable.

D’autres pays comme le Cana­da ou les États-Unis dans la même péri­ode (1990–1995) ont cher­ché à met­tre en place leur pro­pre sys­tème d’at­tes­ta­tion d’une ges­tion durable face aux cri­tiques d’ex­ploita­tion exces­sive de leurs ressources (sys­tèmes de l’As­so­ci­a­tion cana­di­enne de nor­mal­i­sa­tion (CSA), et du Sus­tain­able Forestry Ini­tia­tive (SFI) aux États-Unis).

Toutes ces réflex­ions et ini­tia­tives au niveau mon­di­al avaient pour but de pass­er de principes généraux et rel­a­tive­ment flous sur la ges­tion durable à la mise en place de sys­tèmes per­cep­ti­bles et véri­fi­ables par l’a­cheteur ou le con­som­ma­teur pour mon­tr­er que le pro­duit bois acheté prove­nait bien d’une forêt gérée selon des critères recon­nus, accep­tés et publiés.

Cette évo­lu­tion, notable pour les ONG envi­ron­nemen­tal­istes, qui récu­saient jusqu’alors le recours à des méth­odes s’ap­puyant sur l’é­conomie de marché, provient du fait que les pres­sions sur les États n’aboutis­saient pas à des résul­tats sat­is­faisants, et que les opéra­tions de boy­cott de pro­duits à base de bois trop­i­caux peu­vent induire des effets per­vers : privés des revenus liés au com­merce du bois, les pays trop­i­caux et leurs pop­u­la­tions n’ont d’autres solu­tions que de défrich­er la forêt pour pra­ti­quer des cul­tures de rente ; le remède alors est pire que le mal4. Il fal­lait donc apporter d’autres élé­ments d’inci­ta­tion ou d’oblig­a­tion et ceci en recourant aux règles du marché, c’est-à-dire en prô­nant auprès des acheteurs une exi­gence de “cer­ti­fi­ca­tion” vis-à-vis de leurs fournisseurs.

L’apport et les limites de la certification : processus volontaire en fort développement

Il n’est pas inutile de rap­pel­er la déf­i­ni­tion qui a été retenue en France dans le Code de la con­som­ma­tion pour les pro­duits et ser­vices, mais qui peut s’ap­pli­quer aus­si au mode de management.

“Activ­ité par laque­lle un organ­isme dis­tinct du fab­ri­cant, de l’im­por­ta­teur, du vendeur ou du prestataire atteste qu’un pro­duit ou un ser­vice est con­forme à des car­ac­téris­tiques décrites dans un référen­tiel et faisant l’ob­jet de contrôles.”

Code de la consommation
art. L 115–27

Le développe­ment de la cer­ti­fi­ca­tion, proces­sus volon­taire et acte com­mer­cial soumis aux lois de la con­cur­rence, assez étranger à la fureur régle­men­taire française, provient de l’in­flu­ence et de la demande des pays anglo-sax­ons ; ses principes sont régis par des sys­tèmes nor­mat­ifs inter­na­tionaux (une norme est un doc­u­ment répon­dant à un besoin répété, établi de manière con­sen­suelle et d’ap­pli­ca­tion volon­taire). Il cor­re­spond à l’ac­croisse­ment rapi­de des échanges mon­di­aux qui sup­posent un min­i­mum d’ac­cords et de règles de base entre les parte­naires ; à cet égard, la nor­mal­i­sa­tion com­plétée par la cer­ti­fi­ca­tion four­nit en quelque sorte un lan­gage com­mun nécessaire.

En Europe, l’U­nion européenne a con­sti­tué son Comité européen de nor­mal­i­sa­tion (CEN). En France, la sim­pli­fi­ca­tion des règles applic­a­bles à la cer­ti­fi­ca­tion par le min­istère de l’In­dus­trie en 1994, la demande crois­sante de pro­duits avec des car­ac­téris­tiques cer­ti­fiées par les indus­triels, le développe­ment réguli­er des pro­duits agri­coles sous labels (donc cer­ti­fiés par un tiers), la mise en place du Comité français d’ac­crédi­ta­tion (COFRAC) chargé d’é­val­uer les organ­ismes cer­tifi­ca­teurs ont con­tribué, depuis les années 1990, à l’es­sor de la certification.

Il est pos­si­ble de cer­ti­fi­er les car­ac­téris­tiques ou l’o­rig­ine d’un pro­duit (à con­di­tion que la traça­bil­ité soit établie) ; il est égale­ment pos­si­ble de cer­ti­fi­er une organ­i­sa­tion ou un sys­tème de man­age­ment (soit un sys­tème interne d’as­sur­ance de la qual­ité, soit un sys­tème de man­age­ment envi­ron­nemen­tal). On utilise pour cela les référen­tiels nor­mat­ifs ISO 9002 et ISO 14001 bien connus.

Dans le domaine de la forêt et du bois, c’est en recourant à cette dou­ble démarche (cer­ti­fi­ca­tion de sys­tème et suivi du pro­duit) qu’à par­tir d’ini­tia­tives d’ONG (FSC) ou de gou­verne­ments (con­férences d’Helsin­ki et de Lis­bonne) s’est mise en place la cer­ti­fi­ca­tion. La demande est mul­ti­forme, hétérogène et incon­stante : il s’ag­it d’abord de répon­dre à un souci des pro­prié­taires forestiers d’as­sur­er la recon­nais­sance de leur démarche de ges­tion durable, mais aus­si à une demande d’a­cheteurs (clubs d’a­cheteurs) ou dis­trib­u­teurs, ou encore à une pres­sion plus ou moins claire et explicite de l’opin­ion publique prompte à croire que couper un arbre équiv­aut à un crime con­tre “l’é­colo­gie” sans chercher à com­pren­dre que la forêt est un sys­tème vivant qui se renouvelle.

La cer­ti­fi­ca­tion suppose :

  • un référen­tiel, c’est-à-dire un ensem­ble d’ex­i­gences écrites qu’il con­vient de respecter et qui est établi en har­monie avec un cadre général définis­sant les grands principes de la ges­tion durable ;
  • un organ­isme deman­deur qui prend l’en­gage­ment d’ap­pli­quer le référen­tiel (et peut être ou un pro­prié­taire foresti­er pub­lic ou privé, ou un ges­tion­naire man­daté, ou un ensem­ble de pro­prié­taires et ges­tion­naires ou parte­naires asso­ciés à la ges­tion forestière) ;
  • un organ­isme cer­tifi­ca­teur qui procède à l’é­val­u­a­tion de la con­for­mité des modal­ités de la ges­tion forestière pra­tiquée par rap­port au référen­tiel pro­posé, et qui attribue ensuite le cer­ti­fi­cat ou peut le retirer.


La ges­tion de la forêt com­prend l’ensem­ble des activ­ités de sylvi­cul­ture et d’ex­ploita­tion forestière. Le pro­prié­taire indique ensuite à son acheteur que le bois provient d’une forêt gérée durable­ment quand il y a eu certification.

Est établie alors dans un cer­tain nom­bre de sys­tèmes (dont FSC et PEFC) la “chaîne de con­trôle” dont la véri­fi­ca­tion per­met d’as­sur­er que le bois issu de forêts cer­ti­fiées est suivi jusqu’à la livrai­son au client final. Inter­vient là encore un organ­isme de con­trôle indépen­dant et com­pé­tent. La chaîne de con­trôle con­cerne les exploitants forestiers, les indus­triels de pre­mière et deux­ième trans­for­ma­tions, les dis­trib­u­teurs et négo­ciants ; elle repose sur une analyse doc­u­men­tée des appro­vi­sion­nements et des flux de bois ; et est à la charge finan­cière de l’industriel.

À par­tir de cette descrip­tion, il appa­raît que l’in­térêt, la portée ou la valeur attribués à la cer­ti­fi­ca­tion pour attester de la ges­tion durable dépendent :

  • du con­tenu du référen­tiel, de la per­ti­nence des objec­tifs ou con­traintes fixés, et des modal­ités choisies pour les attein­dre ou les respecter ;
  • de la com­pé­tence de l’or­gan­isme cer­tifi­ca­teur (autant de l’au­di­teur qui véri­fie que du comité de cer­ti­fi­ca­tion qui prend la déci­sion à par­tir du rap­port d’au­dit qui lui est fourni). À cet égard, la garantie d’ac­crédi­ta­tion, c’est-à-dire d’é­val­u­a­tion régulière par un organ­isme supérieur au niveau nation­al, paraît con­stituer une garantie min­i­male et néces­saire. En France, c’est le COFRAC qui intervient.


Il est encore trop tôt, comme on va le voir, pour se pronon­cer sur les résul­tats dans notre pays. Au niveau mon­di­al comme pour d’autres appli­ca­tions de la cer­ti­fi­ca­tion, il appa­raît bien sûr des dis­tor­sions entre pays, organ­ismes cer­tifi­ca­teurs et référen­tiels, sou­vent pour des raisons his­toriques ou cul­turelles, si bien que la com­para­i­son n’est pas aisée. Elle a cepen­dant été ten­tée et mérite d’être pour­suiv­ie car elle est fac­teur de progrès.

Enfin, en sup­posant que des répons­es sat­is­faisantes aient été apportées aux ques­tions précé­dentes, il ne faut pas se cacher qu’en forêt deux spé­ci­ficités en com­pliquent la mise en œuvre et l’é­val­u­a­tion : ce sont l’é­ten­due pos­si­ble des mas­sifs forestiers, avec en Europe leurs mul­ti­ples petites pro­priétés forestières, et l’échelle de temps néces­saire pour une éval­u­a­tion (le cycle — ou la “révo­lu­tion” dans le lan­gage tech­nique — d’une unité de ges­tion forestière pou­vant sou­vent attein­dre, ou même dépass­er, un siècle).

Le développement de la certification de la gestion forestière durable : une situation paradoxale

Il est para­dox­al de soulign­er que l’é­co­cer­ti­fi­ca­tion, qui visait à apporter un remède à la sit­u­a­tion des forêts men­acées (essen­tielle­ment les forêts trop­i­cales), ne s’est que très peu appliquée à celles-ci, mais s’est par con­tre répan­due rapi­de­ment aux forêts des pays dévelop­pés, pour­tant en bien meilleur état5. Ce développe­ment est très mar­qué en Europe et en Amérique du Nord, avec des sur­faces qui aug­mentent de façon expo­nen­tielle dans des pays comme la Suède et le Canada.

Les forêts dont la ges­tion est cer­ti­fiée comme durable, selon l’un des cinq sys­tèmes les plus dévelop­pés, représen­tent 2,3 % des forêts du monde (en surface).

La mon­tée en puis­sance de la cer­ti­fi­ca­tion traduit la prise de posi­tion, en faveur de la cer­ti­fi­ca­tion, des prin­ci­paux pro­duc­teurs de bois expor­tant sur les marchés européens et nord-améri­cains. Ces acteurs jus­ti­fient générale­ment leur choix par un souci d’an­tic­i­pa­tion sur l’évo­lu­tion de la demande en pro­duits cer­ti­fiés. Aujour­d’hui, cette demande émane essen­tielle­ment des dis­trib­u­teurs de cer­tains pays, notam­ment Pays-Bas, Roy­aume-Uni, Alle­magne et États-Unis. En 2000, des entre­pris­es de dimen­sion inter­na­tionale, lead­ers sur leurs marchés, et divers don­neurs d’or­dre se sont engagés à favoris­er les pro­duits cer­ti­fiés dans leur poli­tique d’achat. De tels engage­ments con­for­tent un nom­bre crois­sant de pro­duc­teurs de bois dans l’idée que la cer­ti­fi­ca­tion est dev­enue néces­saire pour préserv­er leurs parts de marché6.

La naissance et le développement de PEFC en Europe

Le dynamisme pro­pre du sys­tème non gou­verne­men­tal FSC et le sou­tien que lui appor­tent des asso­ci­a­tions envi­ron­nemen­tales multi­na­tionales comme WWF expliquent en par­tie son développe­ment impor­tant dans le monde (28 mil­lions d’hectares, dont 70 % en Suède, Pologne, Roy­aume-Uni et États-Unis). Mais la struc­ture des référen­tiels qu’il utilise, qui spé­ci­fient dans le détail un grand nom­bre d’ex­i­gences for­mal­isées, paraît mal adap­tée au car­ac­tère très morcelé de la pro­priété forestière en Europe, et entraîne un coût réd­hibitoire de cer­ti­fi­ca­tion au niveau de cha­cune des très nom­breuses petites pro­priétés. En out­re, la représen­ta­tion des pro­prié­taires et ges­tion­naires forestiers et des indus­triels dans les organes de déci­sion est apparue insuff­isante. Tout ceci explique que la grande majorité des pays européens a cher­ché à éla­bor­er un sys­tème pro­pre mieux adap­té à leurs con­di­tions et fondé sur des principes ayant fait l’ob­jet d’ac­cords gouvernementaux.

PEFC en Bourgogne

La Bour­gogne a été la pre­mière région française éco­cer­ti­fiée. C’est le résul­tat de qua­torze mois de tra­vail, du 13 octo­bre 2000, créa­tion de l’Association bour­guignonne de cer­ti­fi­ca­tion forestière (ABCF), au 13 décem­bre 2001, obten­tion de l’agrément de la part de la Société d’audit indépen­dante Eco­pass. Depuis la fin 2001, l’ABCF délivre des cer­ti­fi­cats PEFC qui attes­tent que les bois ven­dus sont issus de forêts gérées durablement.

Actuelle­ment, plus de 10% de la super­fi­cie des forêts bour­guignonnes sont cer­ti­fiées PEFC, et l’objectif ambitieux que nous avons est, à fin 2003, d’atteindre 40% de notre super­fi­cie forestière, soit env­i­ron 400 000 ha. Cet objec­tif peut être atteint : si le plus petit pro­prié­taire éco­cer­ti­fié pos­sède en Bour­gogne 1 ha , 2 500 pro­prié­taires ont un plan de ges­tion (lequel est oblig­a­toire, aux ter­mes de la loi, pour les pro­priétés forestières de plus de 25 ha d’un seul ten­ant), ce qui cor­re­spond à une sur­face de près de 300 000 ha. Les pre­miers lots de bois bour­guignons éco­cer­ti­fiés PEFC ont été sciés en Bour­gogne le 30 avril 2002 aux étab­lisse­ments DUCERF, et, à l’automne, les cahiers des charges de ventes de bois vont voir appa­raître la men­tion “Bois issus de forêts gérées durablement ”.

L’enjeu en Bour­gogne n’était pas mince. Dans le monde, il y a env­i­ron soix­ante-dix fois la sur­face de la Bour­gogne forestière qui est éco­cer­ti­fiée. La plu­part du temps, il s’agit de pro­prié­taires, ou de con­ces­sion­naires, très impor­tants à l’échelle française (plusieurs dizaines de mil­liers d’hectares, voire plusieurs cen­taines de mil­liers d’hectares). Or, la Bour­gogne compte 165 000 pro­prié­taires, et l’écocertification est effec­tive­ment ouverte à tous ces pro­prié­taires qu’ils aient un, cent, mille, dix mille ou cent mille hectares.

Cette offre du ser­vice de l’écocertification à tous les sylvicul­teurs bour­guignons per­met ain­si d’éviter que se crée une forêt à deux vitesses : la forêt mon­di­ale, avec de grands ensem­bles, par­fois cotés en Bourse, qui vend sous une mar­que mon­di­ale, et la forêt française, morcelée entre qua­tre mil­lions de pro­prié­taires, où seuls les plus gros sylvicul­teurs auraient pu avoir accès à ces mar­ques mon­di­ales et donc au marché mondial.

“ S’écocertifier” en Bour­gogne, c’est non seule­ment béné­fici­er de la mar­que numéro un mon­di­al – PEFC –, c’est aus­si régler sa coti­sa­tion (10 € de frais fix­es et 0,10 € par hectare et par an, cette par­tie vari­able n’étant prélevée que pour les pro­prié­taires de plus de 4 ha), et c’est pren­dre les quinze engage­ments du sylvicul­teur bour­guignon. Ces engage­ments sont publics, ils sont sim­ples et ils respectent les principes du développe­ment durable : le développe­ment économique (c’est-à-dire la prospérité du sylvicul­teur) respectueux de l’environnement, et favorisant le pro­grès social.

L’ABCF a réal­isé un état des lieux de la forêt bour­guignonne, et défi­ni une poli­tique de qual­ité de cette forêt avec quinze objec­tifs revus tous les cinq ans après éval­u­a­tion. Ceci s’est fait par con­sen­sus avec tous les parte­naires représen­tés dans trois col­lèges : celui des pro­duc­teurs, celui des trans­for­ma­teurs, et celui des “util­isa­teurs de la forêt ” – écol­o­gistes, con­som­ma­teurs, ran­don­neurs, chas­seurs, respon­s­ables des sites…

Ce sont ce con­sen­sus et cette impli­ca­tion de tous ces parte­naires, qui se man­i­fes­tent dans la mise en oeu­vre du sys­tème PEFC, qui font la richesse et la force de la poli­tique forestière de développe­ment durable en Bourgogne.

R. Abord de Chatil­lon (69),
prési­dent de l’Association bourguignonne
de cer­ti­fi­ca­tion forestière

En juil­let 1998, les fédéra­tions de pro­prié­taires forestiers de six pays forestiers européens les plus impor­tants — Alle­magne, Autriche, Fin­lande, France, Norvège et Suède -, des indus­tries du papi­er, du car­ton et de la cel­lu­lose, et des asso­ci­a­tions de pro­tec­tion de la nature et de con­som­ma­teurs ont pro­posé de créer un sys­tème, le Pan Euro­pean For­est Cer­ti­fi­ca­tion (PEFC).

Le PEFC se donne deux objectifs :

  • créer un cadre com­mun à l’ensem­ble des pays adhérents afin de pro­mou­voir la ges­tion durable de la forêt ;
  • pro­pos­er aux con­som­ma­teurs des pro­duits cer­ti­fiés et label­lisés provenant de forêts gérées durablement.


À par­tir de cette démarche ini­tiée par les prési­dents des fédéra­tions nationales de pro­prié­taires forestiers de ces six pays, le Con­seil paneu­ropéen de cer­ti­fi­ca­tion forestière, asso­ci­a­tion à but non lucratif, a été créé le 30 juin 1999 au Luxembourg.

Le 20 juil­let 2001, la France a été le huitième pays à pou­voir dis­pos­er pour sa fil­ière bois-papi­er d’un sys­tème de cer­ti­fi­ca­tion recon­nu par le Con­seil PEFC, après la Fin­lande, la Suède, la Norvège, l’Alle­magne, l’Autriche, la Let­tonie et la République tchèque. Le 15 octo­bre 2001, la Suisse a égale­ment été recon­nue par le Con­seil PEFC. Depuis, qua­tre autres pays dis­posent d’un sys­tème de cer­ti­fi­ca­tion recon­nu par le Con­seil PEFC : l’Es­pagne, le Roy­aume-Uni, le Dane­mark et la Belgique.

D’autres pays sont actuelle­ment soumis à l’é­tude de leur sys­tème de cer­ti­fi­ca­tion nation­al comme la Lithuanie, le Por­tu­gal. Enfin, l’I­tal­ie, les États-Unis et le Cana­da ont rejoint le Con­seil PEFC en tant que mem­bres depuis juin 2001.

LA PEFC en Bour­gogne (voir arti­cle associé)

Les principes de la certification du système PEFC

Les principes européens de base sont les suivants :

  • con­cer­ta­tion et recherche du con­sen­sus entre tous les acteurs économiques et soci­aux de la fil­ière forêt bois,
  • regroupe­ment des pro­prié­taires à un niveau jugé sig­ni­fi­catif pour appréci­er la qual­ité de la ges­tion durable,
  • util­i­sa­tion des principes d’Helsin­ki et de Lis­bonne pour écrire les référentiels,
  • recours à un tiers indépen­dant accrédité pour la certification.


Out­re ces principes, la France a mis l’ac­cent sur :

  • le rôle essen­tiel de l’Of­fice nation­al des forêts (ONF) pour la forêt publique et des Cen­tres régionaux de la pro­priété forestière (CRPF) pour la forêt privée,
  • l’en­gage­ment indi­vidu­el des pro­prié­taires forestiers,
  • le principe d’amélio­ra­tion con­tin­ue et l’analo­gie de son référen­tiel avec ISO 14001,
  • la com­plé­men­tar­ité de la démarche avec les dis­po­si­tions du Code forestier,
  • le recours aux régions pour con­stituer le cadre de déf­i­ni­tion et d’ap­pli­ca­tion de la poli­tique de ges­tion durable.

La situation en France en 2002

En juil­let 2001 a été créée l’As­so­ci­a­tion française de cer­ti­fi­ca­tion forestière (AFCF) des­tinée à définir au niveau nation­al le cadre général de tra­vail, à don­ner les impul­sions néces­saires et à assur­er le suivi des opéra­tions notam­ment la mise en marche de la chaîne de con­trôle réal­isée de manière homogène sur tout le ter­ri­toire. Les vingt entités (ou asso­ci­a­tions) régionales ont été créées en 2001. Fin octo­bre 2002, 11 régions français­es sont cer­ti­fiées et on peut penser que l’ensem­ble des régions le sera courant 2003 (voir l’en­cadré par Renaud Abord de Chatil­lon pour la région Bour­gogne). La moitié de la pro­duc­tion française pour­rait ain­si être cer­ti­fiée d’i­ci fin 2003.

La chaîne de con­trôle a com­mencé à fonc­tion­ner en mars 2002, et il devrait y avoir bien­tôt une quan­tité de bois sig­ni­fica­tive avec le logo PEFC dans les sur­faces de vente. Jusqu’i­ci en effet la mar­que FSC était mieux con­nue que PEFC des dis­trib­u­teurs à cause de son dynamisme com­mer­cial et du fait de son antéri­or­ité, même si FSC s’est heurté à un prob­lème d’of­fre très lim­itée, et essen­tielle­ment con­sti­tuée de résineux.

Fin octo­bre 2002, 43 entre­pris­es ont déjà obtenu la cer­ti­fi­ca­tion PEFC de leur chaîne de con­trôle dans les dif­férents secteurs d’ac­tiv­ité (exploita­tion forestière, sci­age, fab­ri­ca­tion de pan­neaux, de parquets…).

Des questions pour conclure

Quelle sera la demande du marché ? Il est pré­maturé d’ap­porter une réponse mais il est cer­tain que ce seront les grands don­neurs d’or­dre et les grandes chaînes de dis­tri­b­u­tion qui pèseront sur l’avenir de cette démarche. Le con­som­ma­teur, quant à lui, peut se réjouir d’une démarche qu’il con­state, qu’il com­prend plus ou moins bien, mais qu’il ne sem­ble pas dis­posé à pay­er dans sa grande majorité.

Il faut tout de même rap­pel­er que la final­ité réelle de la cer­ti­fi­ca­tion forestière est de pro­mou­voir la ges­tion durable, et non de “verdir” l’im­age de mar­que de telle ou telle chaîne, ou d’aug­menter le chiffre d’af­faires de tel organ­isme de cer­ti­fi­ca­tion. Par rap­port à cette final­ité pre­mière, la capac­ité de la cer­ti­fi­ca­tion reste encore à prou­ver. Et ceci vaut pour l’ensem­ble des sys­tèmes de cer­ti­fi­ca­tion forestière quels qu’ils soient.

Cepen­dant, on peut dès main­tenant not­er en France, comme le fait Lan­ly dans l’ar­ti­cle déjà cité de la Revue forestière française de juin 2001, un cer­tain nom­bre de points positifs :

  • sur le plan lég­is­latif : la nou­velle loi d’ori­en­ta­tion sur la forêt (juil­let 2001) a recon­nu la préémi­nence de la ges­tion durable ; elle a ren­voyé à la cer­ti­fi­ca­tion comme out­il de preuve et de pro­grès mais n’a pas cher­ché à empiéter sur cette démarche volon­taire, ce qui pour un pays de droit comme la France est à souligner ;
     
  • sur un plan pra­tique, le sys­tème qui se met en place, et dont on souhaite le suc­cès, boule­verse des habi­tudes sécu­laires : le sys­tème foresti­er français a tou­jours été très cen­tral­isé, qu’il s’agisse du secteur pub­lic ou du secteur privé ; or, ici, il s’ag­it de don­ner un peu d’e­space de liber­té et d’ini­tia­tive aux régions et aux acteurs locaux. Ceci est d’au­tant plus notable qu’il faut rap­pel­er que c’est par cette voie-là, de l’ini­tia­tive locale, que la poli­tique de qual­ité s’est dévelop­pée dans le secteur agroal­i­men­taire. On peut penser qu’il en sera de même pour la forêt, ce qui sup­pose que les entités régionales voient recon­nues leurs prérog­a­tives et leur capac­ité d’initiative ;
     
  • la créa­tion des entités régionales néces­site et favorise un échange et une con­cer­ta­tion qui doivent aboutir à des déci­sions con­sen­suelles entre dif­férents parte­naires : pro­prié­taires, ges­tion­naires, exploitants, indus­triels, milieu asso­ci­atif (comme France Nature Envi­ron­nement). Ces parte­naires n’avaient pas néces­saire­ment jusqu’i­ci cette habitude.


Cet aspect posi­tif de l’in­for­ma­tion et d’une néces­saire com­mu­ni­ca­tion interne et externe doit être souligné. Il fait par­tie des principes adop­tés au Som­met de Rio et des exi­gences de la norme ISO 14001 de man­age­ment envi­ron­nemen­tal que le PEFC utilise comme outil.

Il s’ag­it là de prémiss­es favor­ables mais il fau­dra dans les années à venir que la rigueur dans l’ap­pli­ca­tion suc­cède à l’am­bi­tion dans les objec­tifs si on veut trans­former l’essai.

Références bib­li­ographiques

► Syn­di­cat des acheteurs et util­isa­teurs de bois de papeterie avec la con­tri­bu­tion de l’AFO­CEL, Ges­tion durable des forêts en France, 2002.
 
► Comité nation­al pour le développe­ment du bois (CNDB) : Pro­gramme européen des forêts cer­ti­fiées, mars 2002.
 
► C. Gar­nier, Pour un développe­ment durable et désir­able, Com­mu­ni­ca­tion à l’A­cadémie des sci­ences morales et poli­tiques, 14 jan­vi­er 2002.
 
► Con­fédéra­tion européenne des indus­tries papetières (CEPI), Com­par­a­tive Matrix of For­est Cer­ti­fi­ca­tion, novem­bre 2000.
 
► Arti­cles dans La Revue forestière française, ENGREF, Nan­cy, n° 6, juin 2001, par :
 — J.-P. LANLY, La cer­ti­fi­ca­tion de la ges­tion forestière, genèse d’un mou­ve­ment annoncé ;
 — H. PLAUCHE-GILLON, Le sys­tème paneu­ropéen de cer­ti­fi­ca­tion forestière (PEFC) ;
 — H. BREDIF, G. COUDERC et J. STURM, Pro­pos indis­crets sur la cer­ti­fi­ca­tion forestière.

___________________________________________________
1. Déf­i­ni­tion de la norme inter­na­tionale ISO 14001.
2. Extrait d’un arti­cle de J.-P. LANLY (57) dans la Revue forestière française, n° 6, 2001.
3. Arti­cle de J.-P. Lan­ly déjà cité.
4. Arti­cle par H. Bred­iff, G. Coud­erc et J. Sturm dans la Revue forestière française, n° 6, 2001.
5. Cf. arti­cle de J.-P. Lan­ly déjà cité.
6. Source AFOCEL.

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