Le service maintenance au sein de quelques industries tunisiennes

Dossier : La maintenanceMagazine N°564 Avril 2001Par : Mekki Zidi (54), Ancien directeur général de l’Entreprise tunisienne d’activités pétrolières (ETAP).

L’équili­bre réal­isé dans la répar­ti­tion des équipes ” cen­trales ” et celles décen­tral­isées per­met de voir que l’époque des fric­tions (pro­duc­tion-main­te­nance) est révolue. Mal­gré les pro­grès et le degré de maîtrise réal­isés, le souci de mieux faire et de cumul d’ex­péri­ence est permanent.

On voit par les exem­ples décrits que l’ac­tiv­ité de la main­te­nance au-delà de la sim­ple maîtrise tech­nique s’élar­git à l’ef­fi­cac­ité de la ges­tion et au dia­logue avec le marché par la sous-trai­tance et l’échange de prestations.

La raffinerie

La raf­finer­ie de Biz­erte traite 1 700 000 tonnes de brut par an (pro­duits finis 96,7 %, con­som­ma­tion interne de com­bustibles 2,9 % et 0,4 % de pertes).

Le matériel est clas­sique et rel­a­tive­ment ancien ; il a subi des réno­va­tions et quelques exten­sions. La capac­ité de stock­age (brut + pro­duits) est de 950 000 tonnes.

Rat­tachée à la direc­tion du matériel, la main­te­nance s’ar­tic­ule sur deux ser­vices essen­tiels : l’un fonc­tion­nel (études, méth­odes, inspec­tion, mag­a­sin et suivi budgé­taire) l’autre opéra­tionnel (ate­liers, instru­men­ta­tion, lab­o­ra­toire élec­tron­ique). Une équipe égale­ment opéra­tionnelle, auprès de la pro­duc­tion assure les réglages, les dépan­nages et l’aigu­il­lage des mou­ve­ments de pro­duits dans les conduites.

Cette équipe traite sur place près de 35 % des deman­des d’in­ter­ven­tion ; le sol­de va pour 45 % aux méth­odes (pro­gram­ma­tion) et pour 20 % aux ate­liers. Ici, comme ailleurs, on s’ef­force de réduire le taux des pannes et le nom­bre des arrêts préven­tifs sys­té­ma­tiques. Ceux-ci sont coû­teux car l’ar­rêt et les change­ments de pièces s’avèrent sou­vent pré­maturés. On s’ef­force par con­tre de faire plus d’ar­rêts préven­tifs con­di­tion­nels sur le vu de paramètres physiques, mécaniques, ther­miques ou d’analyses.

La péri­od­ic­ité des vis­ites (et éventuelle­ment inter­ven­tions) est de un à trois jours pour le matériel jugé vital ou impor­tant pour la pro­duc­tion ; la péri­od­ic­ité est l’an­née pour les matériels élec­triques et l’in­stru­men­ta­tion ; l’ar­rêt général est tri­en­nal, actuellement.

Depuis 1994, la main­te­nance est aidée par un sys­tème de GMAO qui a fait la syn­thèse de l’in­for­ma­ti­sa­tion précé­dente réal­isée par étapes.

La raf­finer­ie sous-traite une par­tie des travaux (chau­dron­ner­ie, soudure, cer­tains travaux mécaniques). D’autres sous-trai­tances sont possibles.

La main­te­nance s’ap­puie sur un cen­tre de for­ma­tion act­if. Ses pro­grammes sont adapt­a­bles aux besoins avec le sou­tien d’in­ter­venants extérieurs. La main­te­nance représente 22 % env­i­ron des effec­tifs et son coût à la tonne de brut traitée se situe à 14 %.

Le taux glob­al de disponi­bil­ité est estimé à plus de 95 %.

Le transport ferroviaire

C’est l’ac­tiv­ité de la Société nationale des chemins de fer tunisiens (SNCFT). L’ac­tiv­ité de main­te­nance y est tra­di­tion­nelle­ment très large. Nous n’en évo­querons ici qu’un seul aspect : la place qu’oc­cupe la main­te­nance dans l’or­gan­i­sa­tion nou­velle. Celle-ci dis­tingue sept unités d’af­faires dis­tinctes : cinq pour le trans­port (voyageurs, fret, pondéreux), une unité pour le réseau (affec­ta­tion de voies, répar­ti­tion des trains) et une unité de main­te­nance indus­trielle. Cette unité-ci four­nit de la main­te­nance aux unités de trans­port. Le matériel est répar­ti sur trois divi­sions prin­ci­pales : loco­mo­tives, voyageurs et wag­ons de divers types.

La main­te­nance dis­pose d’ate­liers (ou d’ensem­bles d’ate­liers) qui sont répar­tis en divers sites du ter­ri­toire et qui pren­nent en charge un ou plusieurs types de matériels. L’ac­tiv­ité des ate­liers d’une zone reflète en général la nature des trans­ports pré­valant dans la zone.

Les tâch­es de la main­te­nance obéis­sent aux mêmes con­cep­tions et procé­dures qu’ailleurs dans l’in­dus­trie. La mise en place d’une aide par un sys­tème de GMAO est prévue. Pour cer­taines zones comme Tunis, ces tâch­es sont très diver­si­fiées et nom­breuses. Cela vient de la com­plex­ité de cer­tains matériels (une loco­mo­tive par exem­ple). L’or­gan­i­sa­tion de la main­te­nance en unité indus­trielle répond à un souci d’ef­fi­cac­ité de la ges­tion. L’u­nité est four­nisseur de presta­tions aux autres unités de trans­port avec la con­trainte de base du chemin de fer : régu­lar­ité et qual­ité de ser­vice. L’u­nité s’or­gan­ise pour s’ou­vrir pro­gres­sive­ment sur le marché : un cer­tain nom­bre de travaux sont déjà con­fiés à la sous-trai­tance (sablage, pein­ture, bois­erie, con­fec­tion de pièces). Des presta­tions (mon­tage, démon­tage, mécanique diesel, ate­liers élec­tron­iques) sont fournies aux tiers. Une fil­iale existe déjà pour les travaux de la voie.

La société nationale dis­pose d’une école pour la for­ma­tion et le per­fec­tion­nement interne de ses tech­ni­ciens. Sa coopéra­tion tech­nique avec les entre­pris­es homo­logues dans le Maghreb et en Europe (France, Alle­magne, Suède) lui per­met de situer ses résul­tats et ses performances.

La production de l’électricité

La STEG (Société tunisi­enne de l’élec­tric­ité et du gaz) pro­duit, trans­porte et dis­tribue l’élec­tric­ité et le gaz (notons ici que la pro­duc­tion indépen­dante existe désor­mais). L’ef­fi­cac­ité de la main­te­nance est ici une exi­gence tra­di­tion­nelle liée à l’im­pératif de qual­ité de service.

La STEG exploite un parc d’une trentaine de cen­trales dont les unités les plus récentes sont Rades B (2 x 180 MW) et Sousse (cycle com­biné avec deux tur­bines à gaz de 2 x 120 MW cha­cune et une tur­bine à vapeur pour la récupéra­tion de 117 MW). Sig­nalons aus­si la toute récente cen­trale éoli­enne de 10 MW.

Chaque cen­trale du parc assure sa pro­pre main­te­nance. L’ac­tiv­ité de celle-ci résulte d’un con­cours de plusieurs entités :

  • l’u­nité tech­nique de la cen­trale qui englobe les tâch­es fonc­tion­nelles (méth­odes, sta­tis­tiques, suivi des per­for­mances et analy­ses — par exem­ple de l’eau) et les tâch­es opéra­tionnelles (équipes d’in­ter­ven­tion, instru­men­ta­tion et magasins) ;
  • les unités d’ap­pui (cen­tral­isées à l’échelle de toute la pro­duc­tion) com­pren­nent deux départe­ments : tech­niques générales avec un effec­tif d’en­v­i­ron 80 per­son­nes et tech­niques de pro­duc­tion d’en­v­i­ron 30 per­son­nes. Ce sont des cadres et des tech­ni­ciens spé­cial­isés et expéri­men­tés. Ils sont en appui pour aider à résoudre un prob­lème ou à le pren­dre en charge, ou à élargir le champ de la main­te­nance préven­tive conditionnelle ;
  • les autres équipes de la cen­trale, en cas de besoin ;
  • des sous-traitants ;
  • éventuelle­ment les con­struc­teurs (pour le cas d’in­ci­dents par­ti­c­uliers, de révi­sions lour­des ou de pro­lon­ga­tion de durée de vie du matériel).

On s’ef­force d’aug­menter la pro­por­tion de l’en­tre­tien préven­tif con­di­tion­nel (actuelle­ment d’en­v­i­ron 25 %) au détri­ment de l’en­tre­tien préven­tif sys­té­ma­tique (estimé env­i­ron 65 %) et le curatif (10 %).

Cer­taines exi­gences de la main­te­nance de la cen­trale sont pris­es en compte au stade pré­coce de l’é­tude du pro­jet. C’est la main­ten­abil­ité : prévoir de l’e­space, des amé­nage­ments, plus de mani­a­bil­ité, des facil­ités de mou­ve­ment de matériels ou d’outils lourds vers la cen­trale ou à par­tir d’elle.

L’ef­fi­cac­ité de la main­te­nance est appré­ciée par un cer­tain nom­bre de critères dont le taux de disponi­bil­ité estimé actuelle­ment à 90 % et pou­vant attein­dre dans cer­tains cas les 98 %. Un autre indi­ca­teur est la con­som­ma­tion spé­ci­fique qui est de 265 TEP par GWh pour l’ensem­ble du parc : on com­prend en effet que l’ar­rêt intem­pes­tif d’une unité de bon ren­de­ment relayée par une unité de ren­de­ment moin­dre puisse détéri­or­er le taux moyen de l’ensemble.

La sidérurgie

La Société tunisi­enne de sidérurgie pro­duit 250 000 tonnes par an de rond à béton (prin­ci­pale­ment à haute adhérence), 20 000 tonnes de tré­filés et 10 000 tonnes de struc­tures soudées en rond ordi­naire. Dans l’u­sine qua­tre départe­ments d’ex­ploita­tion (haut fourneau, aciérie à l’oxygène et four élec­trique, laminoir, tré­fi­lerie) com­pren­nent cha­cun deux ser­vices : l’un de pro­duc­tion et l’autre de maintenance.

Les inter­ven­tions préven­tives sont pro­gram­mées avec un max­i­mum de pré­parat­ifs et de détails visant à respecter la durée des arrêts. La liste des travaux à pro­gram­mer se forme à par­tir des deman­des internes, des résul­tats d’ob­ser­va­tions sur le matériel, de pré­con­i­sa­tions de réno­va­tions ou d’amélio­ra­tions. Les durées d’ar­rêts et leurs péri­od­ic­ités sont très var­iées (à titre d’ex­em­ple : une journée par semaine pour une machine à coulée con­tin­ue, une journée tous les deux mois pour le sys­tème de charge­ment du haut fourneau, une semaine tous les deux ans pour la cen­trale à oxygène et par voie de con­séquence pour l’aciérie et le haut fourneau, vingt jours par an pour chaque train de laminoir et enfin des arrêts de plus longue durée pour les réfec­tions du haut fourneau, et les revamp­ing).

De par son organ­i­sa­tion, l’u­sine sidérurgique a fait appel large­ment à la sous-trai­tance pour la main­te­nance et pour les arrêts de longue durée. Cela a per­mis le développe­ment d’un tis­su indus­triel de sous-trai­tance (chau­dron­ner­ie, char­p­ente métallique, con­fec­tion de pièces, travaux élec­triques et de régulation).

L’or­gan­i­sa­tion évo­quée ci-dessus de la main­te­nance décen­tral­isée au sein de départe­ments d’ex­ploita­tion est appliquée depuis 1995. Elle est appré­ciée comme une solu­tion plus équili­brée et plus effi­cace. Les niveaux de pro­duc­tion sig­nalés plus haut sont déjà (moins de deux ans après la réno­va­tion du haut fourneau) au max­i­mum des capac­ités de l’usine.

Usine de fabrication d’emballages

Il s’ag­it de la fab­ri­ca­tion d’emballages en papi­er spé­cial, car­ton et feuilles de plas­tique pour une diver­sité de pro­duits de con­som­ma­tion courante. Les machines sont des machines pour l’im­pres­sion, la découpe, le for­mage et le col­lage. L’ex­i­gence prin­ci­pale sur ces machines est la pré­ci­sion et la sta­bil­ité des formes et des dimensions.

Dans cette usine la respon­s­abil­ité de la main­te­nance est con­fiée à la pro­duc­tion. Elle en englobe la par­tie opéra­tionnelle. Elle assure les petites inter­ven­tions, le grais­sage, le net­toy­age et avec les ser­vices généraux (main­te­nance) les inter­ven­tions plus longues (arrêts préven­tifs et arrêts pour pannes). L’ef­fec­tif fonc­tion­nel hors pro­duc­tion est estimé à 8 % de l’ef­fec­tif total (150 per­son­nes). La pleine capac­ité de pro­duc­tion est régulière­ment assurée.

Usine de câbles électriques

Le ser­vice de main­te­nance décrit ici est celui d’une usine de fab­ri­ca­tion de câbles élec­triques (dis­tri­b­u­tion élec­trique basse ten­sion et télé­phone). Le parc (machines) var­ié com­prend : machines à tré­fil­er du cuiv­re, extrudeuses, toron­neuses, machines à tress­er. Le départe­ment main­te­nance est dis­tinct du départe­ment de pro­duc­tion et com­porte un bureau de méth­odes, des ser­vices de mécanique et élec­tric­ité, un lab­o­ra­toire d’élec­tron­ique et le magasin.

L’ex­péri­ence de la main­te­nance dans cette usine a per­mis de dégager un cer­tain nom­bre d’op­tions : con­trôle sys­té­ma­tique et péri­odique de toutes les machines, arrêt préven­tif con­di­tion­né par la mesure d’un repère physique déduit de l’ex­péri­ence (par exem­ple pour l’ensem­ble des moteurs à courant con­tinu, la mesure de la longueur du balai).

La lubri­fi­ca­tion est l’ob­jet d’une atten­tion con­tin­ue pour amélior­er les pré­con­i­sa­tions. La ratio­nal­i­sa­tion de la lubri­fi­ca­tion est créditée ici d’une baisse de 40 % des pannes.

Les armoires élec­triques sont vis­itées péri­odique­ment tous les deux mois (dépous­siérages, ser­rages, etc.).

On envis­age enfin de réen­gager les opéra­teurs de pro­duc­tion pour faire de l’en­tre­tien (léger) sur leurs machines (net­toy­age de sur­face, quelques ser­rages, du grais­sage sim­ple et par voie de con­séquence plus d’at­ten­tion). Les pièces de rechange sont iden­ti­fiées et étudiées a pri­ori avec soin pour opti­miser les achats et réalis­er des économies. Toutes les tâch­es de la main­te­nance sont aidées par un sys­tème de GMAO déjà en place. On estime les effec­tifs de la main­te­nance à 10 % du total de l’u­sine. Le taux moyen de panne, en baisse, est au voisi­nage de 3 %.

Conclusion

Les con­cepts et lan­gage de la main­te­nance sont, dans les exem­ples ci-dessus, pra­tique­ment les mêmes, normalisés.

L’or­gan­i­sa­tion et la répar­ti­tion des tâch­es à l’in­térieur du ser­vice main­te­nance cor­re­spon­dent à une sit­u­a­tion équili­brée et stable.

Enfin, les efforts faits par cha­cune de ces indus­tries pour s’ou­vrir sur le marché et dévelop­per la sous-trai­tance (com­mande de travaux à la con­cur­rence ou four­ni­ture com­péti­tive de presta­tions à l’ex­térieur) per­me­t­tront à cha­cune d’elles d’é­val­uer plus sûre­ment l’ef­fi­cac­ité de la ges­tion de sa maintenance.

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