Le paysage aéroportuaire français en forte évolution

Dossier : AéroportsMagazine N°602 Février 2005
Par Hubert du MESNIL (69)
Par Jacques SABOURIN

Les (grands) aéro­ports ont dû se met­tre en mou­ve­ment selon Hubert du Mes­nil, directeur général d’Aéro­ports de Paris, et doivent s’adapter, y com­pris dans leur mode de ges­tion, parce que les com­pag­nies aéri­ennes, leur prin­ci­pale clien­tèle, ont elles-mêmes beau­coup évolué. Comme d’ailleurs les clients des com­pag­nies qui passent dans les aéro­ports et ceux qui expé­di­ent fret ou col­is express par avion cargo.

Les aéro­ports doivent faire face, depuis quelques années, non seule­ment à une forte crois­sance de la demande de mobil­ité, à une très vive con­cur­rence nationale et inter­na­tionale, mais ils doivent aus­si pren­dre en compte — fait nou­veau — la fragilité du trans­port aérien et s’adapter à des sit­u­a­tions de crise, aus­si bien des tem­pêtes de neige que des inci­dents de sûreté, des men­aces d’épidémie…, qui néces­si­tent une mobil­i­sa­tion très rapi­de de tout le “sys­tème” aéroport.

Évolution du trafic aéroportuaire

Dans le monde, l’an­née 2003 a été dif­fi­cile, même si, selon Aéro­ports Mag­a­zine1, elle s’est ter­minée sur une note opti­miste — qui se con­firme d’ailleurs en France pour 2004.

Atterrissage devant un champ de colza
© ADP

Le traf­ic aéro­por­tu­aire mon­di­al, de l’or­dre de 3,5 mil­liards de pas­sagers, soit 1,7 mil­liard de voyageurs (1 voyageur = 2 pas­sagers aéro­por­tu­aires) est en baisse de 1 à 3 % selon les modes de compt­abil­i­sa­tion. Dans ce con­texte, mar­qué par la guerre en Irak et le Sras, le traf­ic français a mal­gré tout assez bien résisté en 2003 (- 1,1 %) ; il représente 127,6 mil­lions de pas­sagers dont 118,2 mil­lions en métro­pole et 9,4 mil­lions out­re-mer. Aéro­ports de Paris réalise la grande majorité de ce traf­ic avec 70,7 mil­lions de pas­sagers, les aéro­ports régionaux total­isant 47,6 mil­lions de passagers.

Les dis­par­ités sont donc grandes, fait remar­quer Jacques Sabourin, délégué général de l’UC­CE­GA2 entre les aéro­ports français. De la bonne per­for­mance d’Aéro­ports de Paris à celles, vari­ant forte­ment d’un aéro­port région­al à l’autre, qui ont glob­ale­ment con­nu une baisse de 4,3 % du traf­ic nation­al, alors que l’in­ter­na­tion­al s’est mieux com­porté (+ 5,3 %) en rai­son de l’ap­port de traf­ic des com­pag­nies à bas coûts. À Nice, par exem­ple, 2e aéro­port en traf­ic pas­sagers après ADP avec 9,2 mil­lions de pas­sagers, la présence de 11 com­pag­nies à bas coûts (30 % du traf­ic de l’aéro­port) a per­mis de com­penser la dis­pari­tion d’Air Lib, d’Aéris et d’Air Lit­toral ; à Lyon (+ 2,9 %), la sit­u­a­tion est tout autre : le “hub” d’Air France ren­force l’ac­tiv­ité de ce troisième aéro­port français (5,9 mil­lions de passagers).

Étrangeté française par rap­port au reste de l’Eu­rope, note J. Sabourin, à quelques excep­tions près (une ou deux lignes à Nice), le traf­ic inter­con­ti­nen­tal est pra­tique­ment inex­is­tant dans les aéro­ports régionaux, tout ce traf­ic se con­cen­trant sur Paris et sur d’autres “hubs” européens.

Compagnies à bas coûts et développement local

Grâce aux com­pag­nies à bas coûts, apparues au milieu des années 1990, qui sont dev­enues un élé­ment struc­turant du trans­port aérien, le traf­ic des aéro­ports dits “de prox­im­ité” s’est dévelop­pé de manière spec­tac­u­laire en France en 2003. Comme à Beau­vais qui en 1999 n’ac­cueil­lait que 388 000 pas­sagers et où le traf­ic a crû de 43 % en 2003, de sorte qu’il jouera dans la cour des grands aéro­ports (plus de 1 mil­lion de pas­sagers) dès 2004 ou à Rodez (+ 78 %), Berg­er­ac (+ 84,3 %) et Dinard (+ 16,9 %), les trois derniers entrant dans la famille de ceux au traf­ic supérieur à 100 000 passagers.

À Car­cas­sonne, dont on se demandait encore il y a quelques années s’il fal­lait le main­tenir ouvert avec son petit 6 000 pas­sagers, pointe Jacques Sabourin, le traf­ic atteint aujour­d’hui 250 000 à 300 000 pas­sagers (+ 34,2 % 03/02) qui se répar­tis­sent entre plusieurs liaisons, sachant qu’une ligne représente entre 80 000 et 100 000 pas­sagers. Puisque ce traf­ic est à 80 % à l’im­port, il a don­né un for­mi­da­ble élan économique local (tourisme, com­merces, BTP…) et a même per­mis dans cer­tains endroits comme le Lim­ou­sin ou le Poitou de main­tenir ouvertes des class­es dans les écoles, un cer­tain nom­bre de Bri­tan­niques s’é­tant instal­lés à demeure, faisant la navette une ou deux fois par semaine avec leur pays d’o­rig­ine et tra­vail­lant le reste du temps à distance !

Autre élé­ment qui a mod­i­fié le paysage aéro­por­tu­aire français mais en sens inverse, la con­cur­rence du TGV qui n’a pas tou­jours été com­pen­sée par l’ap­port de traf­ic des quelque 25 com­pag­nies à bas coûts (dont aucune n’est française…). Il en va ain­si de l’aéro­port de Nîmes.

Fret

Avec 1 793 106 tonnes, le fret aérien embar­qué et débar­qué sur les aéro­ports de métro­pole aug­mente de 4,8 %. Évo­lu­tion due surtout, pour Jacques Sabourin, aux résul­tats d’ADP (+ 5,2 %) représen­tant 88,6 % du fret total, soit 1 589 260 tonnes en 2003, qui accentuent l’é­cart entre Paris (Rois­sy-Orly) et les aéro­ports régionaux, ces derniers total­isant 200 000 tonnes en 2003, soit moins que le seul aéro­port de Liège ou de Lux­em­bourg fer­mé la nuit.

Après Paris, c’est Toulouse qui con­solide sa deux­ième posi­tion en 2003 avec 47 000 tonnes de fret (+ 5,2 %), tan­dis que Mar­seille reste en troisième posi­tion avec près de 39 000 tonnes ; Lyon-Saint-Éxupéry se posi­tionne à la 4e place en matière de fret avec 30 000 tonnes (+ 8,7 %).

En fret, souligne Hubert du Mes­nil, Aéro­ports de Paris se développe à un rythme soutenu (+ 4,4 % par an) et dépasse aujour­d’hui Franc­fort en taux de crois­sance (+ 2,2 %), mal­gré la con­trainte que représente l’in­ter­dic­tion des nou­veaux vols de nuit et la stag­na­tion du fret postal3 (- 0,1 % en 2003). Il con­tin­ue à s’ac­croître, surtout à Rois­sy où Air France Car­go et Fedex sont les prin­ci­paux opéra­teurs, sachant que plus de la moitié du fret est trans­portée par les avions de passagers.

Le TGV arrive à Roissy
Le TGV arrive directe­ment à Rois­sy 1 et 2.
© ADP

La néces­sité de réduire au min­i­mum les nui­sances des aéro­ports pour les riverains (bruit, inter­dic­tion des vols de nuit…), tout en con­ser­vant les emplois liés au fret, a con­duit les opéra­teurs comme Air France Car­go, les grandes com­pag­nies aéri­ennes et les con­struc­teurs à rechercher l’op­ti­mi­sa­tion de l’ex­ploita­tion par des avions gros por­teurs au ray­on d’ac­tion plus large que leurs prédécesseurs et surtout aux capac­ités d’emport en fret et en pas­sagers plus impor­tantes. Le Boe­ing 777ER, mis en ligne par Air France en mai 2004 par exem­ple, peut emmen­er 35 tonnes de fret avec 385 pas­sagers à bord et l’Air­bus A380, avion tout-car­go, dont l’en­trée en ser­vice est prévue pour 2007 ou 2008, emmèn­era 145 tonnes de fret.

Autre étrangeté française qui découle de la pre­mière — manque de liaisons longs cour­ri­ers au départ des aéro­ports régionaux - selon Jacques Sabourin, le fret, activ­ité à haute valeur ajoutée, emprunte surtout la route qui, il est vrai, relie en moins d’une nuit de camion toutes les villes français­es et européennes. Ailleurs en Europe, la prox­im­ité n’empêche pas les aéro­ports comme Man­ches­ter et Liv­er­pool par exem­ple — 40 min­utes par autoroute — d’en­reg­istr­er un fret impor­tant et d’en­granger 2 mil­lions de pas­sagers par an pour la pre­mière et 3,5 mil­lions pour la sec­onde. En Alle­magne et même en Ital­ie et en Espagne, l’équili­bre fret routi­er et aérien est meilleur qu’en France. Même Air France Car­go ne réalise d’ailleurs que 25 % de ses recettes car­go sur le marché export de l’Hexa­gone ; à Rois­sy, 50 % du fret provient des autres pays européens et 25 % de pays du monde entier. Même chose aux Pays-Bas, notait Les Echos4 dans un dossier con­sacré au mariage d’Air France et de KLM, où le marché nation­al ne représente que 15 % du fret KLM. Par le sys­tème inté­gré des ” mul­ti-hubs ” créés par ce mariage, on peut penser trou­ver doré­na­vant moins de camions sur les routes, du moins entre Paris et Schiphol, près d’Am­s­ter­dam, comme le notait dans ce même dossier Claude Elbaz, respon­s­able du développe­ment du fret inter­na­tion­al à ADP.

Réformes et décentralisation

Pour Hubert du Mes­nil, Le mod­èle unique d’aéro­port en vigueur depuis très longtemps a dis­paru. Il y avait partout en Europe de grandes com­pag­nies nationales et publiques util­isant des aéro­ports eux-mêmes nationaux et publics avec un lien très fort et une grande sta­bil­ité. On a vu appa­raître, à côté des com­pag­nies tra­di­tion­nelles, d’un côté des alliances s’ap­puyant sur des ” hubs “, de l’autre des entre­pris­es nou­velles, les ” low cost ” qui se situent sur le marché des cour­tes dis­tances. Ce trans­port se dis­tingue du mod­èle aérien tra­di­tion­nel, haut de gamme et plutôt pres­tigieux, par la rapid­ité, la sim­plic­ité, les bas prix et les bas coûts !

Pour toutes ces raisons il a donc bien fal­lu s’adapter à ces dif­férentes demandes.

La Com­mis­sion de Brux­elles a en quelque sorte ” légal­isé ” les aides accordées par des aéro­ports ou des Régions aux com­pag­nies à bas coûts pour l’ou­ver­ture de nou­velles lignes ce qui a per­mis à celles-ci de devenir des acteurs à part entière du trans­port aérien. En France, enfin, avec la pro­mul­ga­tion de la loi du 13 août 2004 rel­a­tive aux lib­ertés et respon­s­abil­ités locales, dite loi de décen­tral­i­sa­tion, le paysage aéro­por­tu­aire chang­era de manière con­sid­érable. Après les ports5, il s’ag­it main­tenant de trans­fér­er la com­pé­tence aéro­por­tu­aire, de manière dif­férente selon qu’il s’ag­it des grands aéro­ports français, des autres plates-formes régionales ou d’ADP.

Il s’ag­it grosso modo du même texte que celui soumis au Par­lement dans le cadre des lois Def­ferre des années 1980 qui, à l’époque, avait été retiré, pré­cise Jacques Sabourin, sat­is­fait que les grandes lignes du livre blanc des aéro­ports régionaux pub­lié par l’UC­CE­GA en décem­bre 2002 aient été retenues, notam­ment en matière de créa­tion de sociétés, d’al­longe­ment des con­ces­sions à quar­ante ans et du rôle impor­tant accordé aux col­lec­tiv­ités locales en matière aéroportuaire.

Grands aéroports régionaux

Pour la douzaine de grands aéro­ports régionaux et d’outre-mer dont le traf­ic est supérieur à 1 mil­lion de pas­sagers — Bor­deaux, Fort-de-France, Lille, Lyon, Mar­seille, Mont­pel­li­er, Nantes, Nice, Pointe-à-Pitre, Saint-Denis de la Réu­nion, Stras­bourg, Toulouse et peut-être Cayenne — le pro­jet de loi de novem­bre 2004 prévoit la pos­si­bil­ité pour les cham­bres de com­merce déten­tri­ces des con­ces­sions d’É­tat de créer avec celui-ci de véri­ta­bles sociétés aéro­por­tu­aires de droit privé, respon­s­ables de leur gestion.

Hall d'aérogare
Hall avec moni­teurs et voyageurs en partance.
© ADP

Selon Jacques Sabourin, on passerait ain­si d’un sys­tème de con­ces­sions attribuées par l’É­tat aux cham­bres de com­merce, ges­tion­naires uniques, à un sys­tème d’en­tre­pris­es qui per­me­t­trait l’en­trée de nou­veaux acteurs à côté des CCI, comme les col­lec­tiv­ités locales mais aus­si ultérieure­ment de parte­naires du secteur privé. L’É­tat, qui garderait ain­si sa com­pé­tence, resterait pro­prié­taire du fonci­er ; les CCI, en tant qu’opéra­teurs his­toriques, deman­dent à con­serv­er une minorité de blocage. Quant aux per­son­nels qui tra­vail­lent dans les aéro­ports, élé­ment essen­tiel du dis­posi­tif de pro­duc­tion, les agents publics dépen­dant des CCI seront mis à dis­po­si­tion des nou­velles sociétés pour dix ans, les autres salariés de ces mêmes ges­tion­naires, de droit privé, relèveront de l’ar­ti­cle L122.12 du code du tra­vail et seront tous repris par les nou­velles entre­pris­es aéro­por­tu­aires. L’UCCEGA lance les travaux d’une con­ven­tion col­lec­tive des aéro­ports français ce qui devrait con­duire à ras­sur­er les per­son­nels et organ­i­sa­tions syndicales.

Les autres aéroports régionaux

Pour les aéro­ports de province ayant moins d’un mil­lion de pas­sagers par an, appar­tenant eux aus­si à l’É­tat, et dont l’ex­ploita­tion est générale­ment, là encore, con­cédée aux cham­bres de com­merce, il s’ag­it, selon la loi de décen­tral­i­sa­tion, d’or­gan­is­er le trans­fert inté­gral de leur périmètre aux col­lec­tiv­ités locales ou à leurs groupe­ments. Dans ce cadre, ces dernières devien­dront pro­prié­taires du domaine, elles repren­dront les droits et oblig­a­tions de l’É­tat et devront pré­cis­er le régime de ges­tion qu’elles souhait­ent appliquer.

Cette opéra­tion de trans­fert de l’É­tat aux col­lec­tiv­ités devra être ter­minée, selon le pro­jet de loi, au 1er jan­vi­er 2007. Elle se con­cré­tis­era par la sig­na­ture de con­ven­tions entre l’É­tat et les col­lec­tiv­ités locales.

Aéroports de Paris

Con­traire­ment aux autres aéro­ports français qui sont des con­ces­sions de l’É­tat, ADP est un étab­lisse­ment pub­lic, éma­na­tion directe de l’É­tat, tit­u­laire depuis sa créa­tion du droit d’ex­ploiter les aéro­ports parisiens. Selon le pro­jet de loi adop­té par le Sénat le 11 novem­bre 2004 et qui passera à l’Assem­blée nationale en févri­er 2005, Aéro­ports de Paris sera trans­for­mé en société anonyme où l’É­tat restera majori­taire mais qui pour­ra ouvrir son cap­i­tal à par­tir de l’été 2005. Elle devien­dra pro­prié­taire de tous ses act­ifs, domaine fonci­er com­pris et l’É­tat lui main­tien­dra son droit d’ex­ploiter ; le per­son­nel d’ADP, qui est de droit privé, pour­ra garder son statut.

Évolution d’Aéroports de Paris

Aéro­ports de Paris, qui retrou­ve son niveau de traf­ic d’a­vant la crise du 11 sep­tem­bre 20016 et a de nou­veau con­nu en 2003 un chiffre d’af­faires en hausse, a com­mencé à se trans­former dès 2002.

Des aérogares plus accueillantes.
Aérog­a­res plus accueil­lantes. © ADP

D’une organ­i­sa­tion tra­di­tion­nelle par métiers, nous sommes passés pro­gres­sive­ment à l’or­gan­i­sa­tion par activ­ités, indique Hubert du Mes­nil. À côté de notre mis­sion pre­mière de ges­tion­naire d’aéro­port c’est-à-dire l’ex­er­ci­ce de la mis­sion d’au­torité aéro­por­tu­aire — qui restera d’ailleurs notre cœur de méti­er — nous nous sommes organ­isés pour assur­er notre développe­ment autour de nos unités d’af­faires et de nos activ­ités com­mer­ciales et immo­bil­ières : la plate-forme aéro­por­tu­aire doit être capa­ble de recevoir des immeubles de toute nature, sauf l’habi­tat, bien enten­du. Nous souhaitons val­oris­er de même nos activ­ités d’opéra­teur des télé­com­mu­ni­ca­tions, nos ser­vices d’ingénierie, et pour­suiv­re notre présence dans le man­age­ment d’autres aéro­ports, en Europe et sur les autres con­ti­nents. Nous recom­posons ain­si un ensem­ble struc­turel qui, tout en pas­sant au statut de société anonyme en 2005, restera une entre­prise publique où l’É­tat con­servera la majorité parce que la dimen­sion nationale d’ADP est forte.

Ce nou­veau statut nous per­me­t­tra d’ac­cueil­lir d’autres action­naires et donc de faire appel au marché pour trou­ver des fonds afin d’as­sur­er notre développe­ment, inve­stir et mieux nous posi­tion­ner face à nos voisins et con­cur­rents les plus proches : Lon­dres, Franc­fort et Schiphol.

Ces aéro­ports ont un statut de SA depuis longtemps, même si leur cap­i­tal s’est ouvert plus ou moins au privé selon les pays.

Une pri­vati­sa­tion a été réal­isée à 100 % et d’un seul coup en Grande-Bre­tagne dans le cadre de la poli­tique de Mme Thatch­er, alors que Franc­fort et Schiphol n’ont ouvert leur cap­i­tal que très pro­gres­sive­ment et sont restés majori­taire­ment publiques.

En Espagne la sit­u­a­tion est encore dif­férente puisque, au lieu d’avoir une société par aéro­port, une société — entière­ment publique — gère l’ensem­ble des aéro­ports de la péninsule.

De nouvelles attentes de la clientèle

Ce qui importe, c’est de trans­former ADP en véri­ta­ble entre­prise de ser­vices comme le notait déjà Pierre Graff, prési­dent d’Aéro­ports de Paris, dans Les Échos7. Là où avant la réforme les aéro­ports avaient pour mis­sion de con­stru­ire et entretenir leurs instal­la­tions, nous enreg­istrons aujour­d’hui, à chaque sondage, des attentes qual­i­ta­tives de plus en plus impor­tantes, note Hubert du Mes­nil. Notre clien­tèle veut pou­voir accéder facile­ment aux aéro­ports, en voiture ou en trans­port pub­lic, elle veut des park­ings accueil­lants, de la musique pour se dis­traire, des fau­teuils pour dormir et des bou­tiques pour faire des achats. Nous devons répon­dre à cette demande de ser­vice, d’aide à une procé­dure d’en­reg­istrement, de chem­ine­ment à tra­vers l’aéro­port pour ren­dre la tra­ver­sée de celui-ci aus­si légère, aus­si rapi­de et aus­si agréable que pos­si­ble. C’est un élé­ment de change­ment essen­tiel qui explique la réor­gan­i­sa­tion d’ADP, qui met nos clients au cen­tre de notre démarche.

L’accessibilité des aéroports de Paris…

Par­mi les prob­lèmes que les voyageurs pla­cent au pre­mier rang de leurs préoc­cu­pa­tions, il y a l’ac­ces­si­bil­ité, c’est-à-dire la manière (dif­fi­cile) dont ils peu­vent accéder aux aéroports.

Nous sommes là en plein para­doxe, con­state Hubert du Mes­nil, puisque la région Île-de-France qui a le meilleur réseau de trans­port pub­lic au monde enreg­istre le pour­cent­age le plus faible du nom­bre de voyageurs prenant les trans­ports col­lec­tifs pour rejoin­dre les aéro­ports de Rois­sy et d’Or­ly, alors que le tra­jet en voiture est très incer­tain. Tous les autres grands aéro­ports européens ont réal­isé des trans­ports publics dédiés aux seuls voyageurs aériens et aux per­son­nels qui y tra­vail­lent, avec des départs cadencés, des tra­jets directs et rapi­des. En région parisi­enne le RER est peu prisé des étrangers, et pour l’heure, 80 000 véhicules accè­dent chaque jour à CDG, y amenant par un réseau routi­er engorgé 80 % des voyageurs aériens et 90 % des 75 500 per­son­nes qui y tra­vail­lent. D’où l’in­térêt du futur CDG Express, liai­son fer­rovi­aire dédiée, cadencée au quart d’heure qui par­ti­ra des gares de l’Est et du Nord dès 2011 et met­tra moins de 20 min­utes pour rejoin­dre Rois­sy. Après le grand débat pub­lic de 2003, notam­ment sur le tracé, le pro­jet existe et fig­ure au dossier de Paris pour les Jeux Olympiques de 2012. Porté par ADP, RFF et la SNCF, il vise à attir­er 40 % des passagers.

De plus, la RATP met en pro­jet une ligne de tramway de 11 kilo­mètres devant reli­er Ville­juif à Athis-Mons qui desservi­ra Rungis et Orly regroupant plus de 70 000 emplois ; elle sera reliée à la ligne 7 du métro et au RER C et mise en ser­vice en 2009.

… posée dès 1944 par une note au général de Gaulle

En s’in­ter­ro­geant sur le pro­jet d’en­tre­prise d’ADP et sur la stratégie à met­tre en œuvre pour relever les défis d’un monde qui change de plus en plus vite, Hubert du Mes­nil a retrou­vé dans les archives d’ADP une note rédigée en 1944 par un cer­tain M. BOZEL pour le général de Gaulle à Londres.

C’é­tait l’idée d’un homme dou­ble­ment vision­naire qui, non seule­ment, voulait faire œuvre de paix et de recon­struc­tion, mais était surtout per­suadé qu’après-guerre, si la France voulait jouer un rôle de “porte d’en­trée de l’Eu­rope” il lui fal­lait con­stru­ire très rapi­de­ment un aéro­port pou­vant accueil­lir voyageurs et marchan­dis­es, l’en­trée prin­ci­pale sur le ter­ri­toire ne s’ef­fec­tu­ant plus par la mer mais par les airs. Dans sa note M. BOZEL décrit même la “ville aéro­por­tu­aire” où les gens pour­raient trou­ver des ser­vices, des com­merces, des hôtels, des restau­rants, autour d’une sorte de plate-forme mul­ti­fonc­tions à laque­lle les voyageurs devraient pou­voir accéder par un “train spé­cial” à par­tir de Paris. Le général de Gaulle accepte l’idée, Aéro­ports de Paris est créé en 1947 et développe les aéro­ports du Bour­get, puis d’Or­ly, puis de Rois­sy. La réus­site est là, mais sub­sis­tent des points faibles… dont l’ac­cès aux aéro­ports. Il nous a donc fal­lu plus d’un demi-siè­cle pour revenir en quelque sorte aux orig­ines, retrou­ver cet acte fon­da­teur, relancer ce ser­vice dédié et, plus large­ment, nous met­tre au ser­vice du pub­lic, afin que le temps passé dans les aéro­ports soit un temps utile et agréable et non pas un temps perdu.

1. Hors série, mai 2004.
2. La France dis­pose de 500 aéro­dromes, dont 320 (publics) sont ouverts à la cir­cu­la­tion aéri­enne et sus­cep­ti­bles de recevoir du traf­ic com­mer­cial ; sur ce nom­bre, les 190 aéro­ports français exploités par les 115 mem­bres de l’Uc­ce­ga reçoivent 100 % du trafic.
3. Pour se con­former aux déci­sions gou­verne­men­tales du 25 juil­let 2002, lim­i­tant le traf­ic des aéro­ports parisiens entre 0 h et 5 h, La Poste a dû revoir à la baisse la part de l’aérien dans son sys­tème de dis­tri­b­u­tion (source Uccega).
4. Les Échos du 5 avril 2004.
5. Voir le numéro précé­dent de La Jaune et la Rouge.
6. Selon le directeur général de l’avi­a­tion civile (DGAC), Michel Wachen­heim, qui s’ex­pri­mait en 2003 : La crise issue du 11 sep­tem­bre 2001 a coûté qua­tre ans de crois­sance à l’ac­tiv­ité aéri­enne française.
7. Les Échos du 10 octo­bre 2004.

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