INNOVATION ET DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE autour des chantiers souterrains

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°785 Mai 2023
Par Guillaume SAUVÉ

L’expertise d’Eiffage Génie Civ­il dans les travaux souter­rains est majeure et s’est encore ren­for­cée au cours des dix dernières années grâce aux chantiers du Grand Paris Express. Présente sur tous les fronts en France et en Europe, l’entreprise mul­ti­plie les inno­va­tions en matière envi­ron­nemen­tale et con­tribue au développe­ment économique des ter­ri­toires sur lesquels elle inter­vient. Le point avec son prési­dent, Guil­laume Sauvé.

Dans le monde des travaux souterrains et des tunnels, quels sont votre positionnement et vos principales expertises ?

Eiffage Génie détient une exper­tise très anci­enne en matière de travaux souter­rains en France avec un linéaire de plus de 250 km creusés ces 40 dernières années. Ses équipes ont par­ticipé à tous les grands pro­jets dans ce domaine, qu’il s’agisse de tun­nels fer­rovi­aires, routiers et autoroutiers, indus­triels, col­lecteurs d’assainissement ou instal­la­tions hydrauliques (avec galeries, puits, chem­inées, caverne…).

Elles sont rompues à toutes les techniques,qu’elles soient tra­di­tion­nelles à l’explosif ou à l’aide de machines à attaque ponctuelle, ou encore au tun­neli­er. Au-delà, elles maîtrisent par­faite­ment les aspects géotech­niques et géologiques que réclame cette spécialité.

Enfin, elles ont aus­si dévelop­pé des com­pé­tences spé­ci­fiques en matière de car­ac­téri­sa­tion et d’évacuation des déblais, dont la ges­tion est un élé­ment cru­cial aujourd’hui.
Le Grand Paris reste en France et dans le monde le plus impor­tant pro­jet d’infrastructure.

Dans ce cadre, à quels niveaux êtes-vous intervenus ? Quelles sont les opérations qui vous ont mobilisées et vous mobilisent encore ?

Eiffage Génie Civ­il, et au-delà, l’ensemble des métiers du groupe Eiffage sont impliqués dans les travaux du Grand Paris. Chez Eiffage Génie Civ­il, nous avons rem­porté, dès 2014, le pre­mier marché de ce pro­gramme pour la RATP, avec le lot 1 du pro­longe­ment de la ligne 14, au nord, inclu­ant un tun­nel et deux gares, entre Saint-Lazare et la porte de Clichy. S’en sont suivis :

  • les marchés du lot T2B de la ligne 15 avec plus de 7 km de tun­nel et 3 gares, dont la plus pro­fonde de France à Saint-Maur ;
  • le lot 1 de la ligne 16 qui est le plus impor­tant du Grand Paris Express, avec près de 20 km de tun­nel inclu­ant la pose de voies et cinq gares, ain­si que deux con­trats signés avec la Société du Grand Paris ;
  • le lot 3 du pro­lon-gement de la ligne 14 au sud (3,5 km de tun­nel et 3 gares) pour la RATP ;
  • plusieurs opéra­tions pour Éole ;
  • la ligne E du RER, tant en ouvrage, avec le pont de Bezons, qu’en souter­rain, avec le creuse­ment d’un tun­nel entre Hauss­mann et Nan­terre la Folie ;
  • la gare de Porte-Mail­lot, qu’en rail, enfin, puisque nous avons posé des voies en tun­nel, mais égale­ment sur le tronçon aérien de la ligne jusqu’à Mantes-la-Jolie.

Toutes ces opéra­tions ont représen­té un vol­ume de travaux con­comi­tants inédit, mobil­isant des mil­liers de col­lab­o­ra­teurs et le creuse­ment simul­tané de 10 tun­neliers dans les sous-sols fran­ciliens. Aujourd’hui, les creuse­ments sont ter­minés et nos équipes s’affairent au génie civ­il des gares. En par­al­lèle, les équipes d’Eiffage Énergie Sys­tèmes tra­vail­lent sur les infra­struc­tures élec­triques et celles d’Eiffage Con­struc­tion sur les super­struc­tures des gares. Le domaine des grands travaux d’infrastructures a beau­coup évolué au cours des dernières décen­nies et implique de nou­veaux enjeux tech- niques, tech­nologiques et humains.

Comment un acteur comme Eiffage appréhende-t-il ces dimensions ?

Le Grand Paris con­stitue pour nos métiers un for­mi­da­ble accéléra­teur de développe- ment et d’innovations, dou­blé de forts enjeux en ter­mes de respon­s­abil­ité sociétale.
Au fil des chantiers réal­isés pour le Grand Paris ces dix dernières années, nous avons for­mé des cen­taines de per­son­nes et per­mis l’insertion de dizaines de jeunes et moins jeunes éloignés de l’emploi.

Nous avons égale­ment dévelop­pé nom­bre d’innovations. Je cit­erais, une pre­mière en France : l’utilisation de béton fibré pour les vous­soirs d’une grande par­tie du tun­nel de la ligne 16. Ce matéri­au est deux fois moins con­som­ma­teur en ressources que le béton armé. Il per­met de réduire les émis­sions de CO2 dans les cimenter­ies et les aciéries. 10 000 tonnes équiv­a­lents CO2 sont ain­si économisées en moyenne pour 10 km de tun­nel. Autre inno­va­tion d’importance que nous pou­vons citer : un procédé de car­ac­téri­sa­tion rapi­de des déblais breveté par nos équipes. Bap­tisé Cara­sol®, il per­met une analyse des déblais en moins d’une heure, là où il fal­lait aupar­a­vant jusqu’à trois à cinq jours !

Accréditée Cofrac Essais, cette solu­tion réduit les sur­faces de stock­age sur les chantiers, et évite, le cas échéant, le trans­fert des matéri­aux vers un lieu de dépôt inter­mé­di­aire ce qui lim­ite égale­ment le nom­bre de camions sur les routes ! Dans cette même optique, nous avons égale­ment évac­ué, dès que c’était pos­si­ble, les déblais par voies flu­viales ou fer­rovi­aires et acquis une flotte de véhicules pro­pres, au gaz ou élec­triques, là encore pour lim­iter nos émissions.

Sur ce segment, quels sont les projets qui vous mobilisent actuellement en France et dans le monde ?

Aujourd’hui, nous réal­isons l’ouvrage trans- frontal­ier le plus impor­tant de la liai­son fer­rovi­aire Lyon-Turin, qui nous a été attribué en juil­let 2021. Eiffage Génie Civ­il est man- dataire d’un groupe­ment chargé du creuse­ment d’un tun­nel bitube de 22 kilo­mètres, dont 2 x 18 kilo­mètres vers Turin, qui néces­site l’utilisation de 2 tun­neliers, et 2 x 4 kilo­mètres vers Lyon, qui seront réal­isés en méth­ode traditionnelle.

Nous nous posi­tion­nons égale­ment sur la troisième ligne du métro de Toulouse. Nous sommes adju­di­cataires des lots 1 et 2, soit au total près de 13 kilo­mètres de tun­nel, neuf sta­tions, neuf ouvrages annex­es ain­si qu’une tranchée cou­verte. Enfin, sur le plan inter­na­tion­al, nous sommes présents sur le pro­jet de l’autoroute E18 en Norvège. Nous y réal­isons, notam­ment, 10 kilo­mètres de tracé autorouti­er 2 x 2 voies en grande par­tie souter­rain, inclu­ant le creuse­ment de deux tun­nels bitubes sur 7,6 kilo- mètres : le tun­nel de Bjøn­nås (2,5 kilo­mètres) et le tun­nel de Gren­land (5,1 kilomètres).

Aujourd’hui, comment vous projetez-vous ? Quelles sont vos perspectives ?

Notre vol­ume d’activité est con­séquent et les per­spec­tives sont bonnes compte tenu des nou­veaux pro­jets d’infrastructures pré- vus d’ici la fin de la décen­nie. En Île-de-France, le Grand Paris reste notre cœur de cible. Nous avons déjà obtenu, fin 2022, le marché de ges­tion des déblais de la future ligne 15 Est, qui mar­que le lance­ment de la sec­onde phase du pro­gramme. Nos équipes d’études sont pleine­ment mobil­isées sur les nou­veaux appels d’offres lancés par la Société du Grand Paris, notam­ment pour les lignes 15 Est et 15 Ouest. Ces marchés seront, d’ailleurs, attribués selon un nou­veau mode de dévo­lu­tion : en conception-construction.

En France, nous démar­rons, en par­al­lèle, le chantier de l’interconnexion de Saint-Jean-de- Mau­ri­enne entre le futur tun­nel de base du Mont-Cenis de la ligne fer­rovi­aire Lyon-Turin et le réseau fer­rovi­aire exis­tant. Un chantier phasé qui s’achèvera au print­emps 2032.
Nous sommes égale­ment man­dataires du groupe­ment en charge du marché glob­al de per­for­mance por­tant sur la recon­struc­tion du Tech­ni­cen­tre de main­te­nance de la SNCF à Vil­leneuve Prairie (94).

Le pro­jet com­prend la con­cep­tion, la con­struc­tion et la main­te­nance du site, pen­dant six ans (avec une tranche option­nelle de 3 x 3 ans), à con­duire sans aucune inter­rup­tion d’exploitation. À l’étranger, enfin, nous inter­venons sur 80 km de la future ligne à grande vitesse High Speed 2 qui reliera Lon­dres à Birm­ing­ham au Roy­aume-Uni. En Côte d’Ivoire, nous tra­vail­lons sur un pro­jet d’aménagement hydroélec­trique. En par­al­lèle, nous sommes mobil­isés sur des pro­jets d’installations por­tu­aires en Afrique et en Colom­bie ain­si que sur le pro­longe­ment du TER de Dakar au Sénégal.

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