Henri Cyna

Henri Cyna (46), l’esprit des autoroutes

Dossier : TrajectoiresMagazine N°765 Mai 2021Par Jean-François POUPINEL (59)

Décédé le 16 févri­er 2021, Hen­ri Cyna a été l’un des acteurs majeurs de la con­struc­tion et de l’exploitation du réseau autorouti­er français, avec le souci con­stant d’inscrire ces investisse­ments dans le long terme.

Né à Paris en 1925, Hen­ri fait ses études au lycée de Provins puis à Louis-le-Grand. À sa sor­tie de l’X, il intè­gre le corps des Ponts. Pre­mier poste à Nantes, puis Fontainebleau où il est chargé de la con­struc­tion de l’autoroute A6, ce qui décidera de son avenir. Il enseigne en même temps la mécanique des sols à l’ENTPE (l’École nationale des travaux publics de l’État). En 1964, il entre à Mono­prix comme directeur du développement.

C’est en 1970 que les créa­teurs de Cofiroute le recru­tent comme DGA. Hen­ri Cyna en sera PDG de 1985 à sa retraite en 1992. Si Cofiroute a été la seule sur­vivante des sociétés con­ces­sion­naires privées créées à cette époque, c’est parce qu’il rég­nait autour de la table du con­seil et au sein du per­son­nel un esprit par­ti­c­uli­er : out­re la volon­té de prou­ver qu’une société privée pou­vait par­faite­ment assur­er une mis­sion de ser­vice pub­lic, il y avait un sens excep­tion­nel de l’investissement à long terme.

Ajuster les dépenses aux recettes 

Cela s’est traduit par une grande pru­dence sur les prévi­sions de traf­ic et par un souci con­stant de lim­iter les coûts et d’ajuster les dépens­es à la crois­sance des recettes. Il s’agissait bien sûr d’une œuvre col­lec­tive, et Hen­ri n’aurait jamais accep­té qu’on en attribue les mérites à lui seul. Mais il en était l’âme, les action­naires lui fai­saient totale­ment con­fi­ance. Et il avait su éten­dre cette con­fi­ance à tous ses inter­locu­teurs de l’Équipement, qui pour­tant ne voy­aient pas d’un bon œil une société privée réalis­er ce qu’ils esti­maient leur revenir de droit.

Lorsque Hen­ri a été nom­mé PDG et m’a pro­posé de lui suc­céder au poste de DG, le plus dur était passé. Cofiroute dis­tribuait son pre­mier dividende.

Tout n’a pas été sim­ple pour autant. D’un côté il a fal­lu faire com­pren­dre à l’administration et aux jour­nal­istes, qui n’étaient pas des experts en cal­cul actu­ar­iel, que, lorsque des action­naires avaient investi en plein risque un cap­i­tal qui n’avait pas été rémunéré pen­dant quinze ans, il était néces­saire que des béné­fices impor­tants per­me­t­tent d’assurer à ce cap­i­tal un taux raisonnable de ren­de­ment depuis l’origine. De l’autre, il a aus­si fal­lu con­va­in­cre tous les action­naires que « l’esprit Cofiroute » était tou­jours là et qu’une part sig­ni­fica­tive des résul­tats devait être con­sacrée à de nou­veaux investissements.

C’est ain­si que, sous l’impulsion d’Henri, nous nous sommes lancés dans des pro­jets ambitieux, comme la créa­tion d’Autoroute FM, la réal­i­sa­tion à Los Ange­les d’une autoroute à péage automa­tique sur le terre-plein cen­tral d’une autoroute gra­tu­ite à 2 x 4 voies et le bouclage de l’autoroute A86 à l’ouest de Paris par un tun­nel de 10 km, aujourd’hui en ser­vice. Ce qui ne nous empêchait pas de con­tin­uer à éten­dre notre réseau, en nous heur­tant par exem­ple pen­dant plusieurs années au blocage d’un pro­jet par les défenseurs d’un scarabée…

S’engager pour la profession

Hen­ri Cyna a été prési­dent de l’Association inter­na­tionale des exploitants d’ouvrages à péage. Il a aus­si été prési­dent de l’Association des anciens élèves de l’ENPC – poste auquel lui a suc­cédé quelques années plus tard, à sa grande fierté, sa fille Michèle – et prési­dent de l’association créée pour la célébra­tion du 250e anniver­saire de cette école.

Pas­sion­né d’innovation, d’une très grande com­pé­tence tech­nique, d’une intel­li­gence excep­tion­nelle, il voy­ait les prob­lèmes avant tout le monde et en trou­vait en même temps la solu­tion. Il avait une vision et la fai­sait partager avec une grande sim­plic­ité. D’une grande bien­veil­lance, il s’intéressait aux autres, savait écouter ses inter­locu­teurs, se met­tre à leur place, leur inspir­er con­fi­ance. Tout cela accom­pa­g­né d’un humour devenu prover­bial. Il avait une réserve inépuis­able de petites his­toires, je ne suis pas sûr de lui avoir enten­du racon­ter deux fois la même !

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