Le numérique pour marier grands prestataires et PME innovantes

Dossier : ExpressionsMagazine N°722 Février 2017
Par Tru DÔ KHAC (79)

Une place de marché numérique, telle celle de l’É­tat, offre un avan­tage pour innover aux soumis­sion­naires dans la mesure où elle per­met une inter­ac­tion avec le don­neur d’or­dre, au vu et au su des autres par­tic­i­pants, avant la soumis­sion définitive. 

Le 30 novem­bre dernier, le Col­loque AX traitait qua­tre thèmes : l’énergie, l’emploi, l’insertion sociale et le numérique. Sous le mot d’ordre « du rêve à la réal­ité », les inter­ven­tions de la table ronde sur le numérique attes­tent que celui-ci pro­duit d’ores et déjà ses effets. 

À ces inter­ven­tions, on peut ajouter l’émergence d’un nou­v­el accéléra­teur d’innovation. Cet accéléra­teur est une place de marché numérique, mais munie d’une gou­ver­nance spé­ci­fique et por­tant des pra­tiques de don­neurs d’ordre renouvelées. 

CONSTITUER UNE COMMUNAUTÉ D’OFFREURS

Grâce au numérique, la place de marché est large­ment ouverte à tout acteur, qu’il soit un grand prestataire, une PME ou une start-up.

« La place de marché numérique est largement ouverte à tout acteur »

L’accès à un dossier de con­sul­ta­tion est libre, mais le can­di­dat doit être authen­tifié, pour assur­er le sérieux de sa par­tic­i­pa­tion et installer la con­fi­ance dans la com­mu­nauté de candidats. 

En effet, la place de marché numérique per­met la mise en rela­tion entre les can­di­dats en vue d’une réponse con­jointe à une demande. Le dis­posi­tif est une bourse à la cotrai­tance ou à la sous-trai­tance, ce qui per­met aux can­di­dats ouverts de se déclar­er et d’indiquer leurs apports respec­tifs à une offre con­jointe potentielle. 

Pour les PME inno­vantes, c’est une oppor­tu­nité de se faire con­naître tant du don­neur d’ordre que des grands prestataires lancés dans la compétition. 

SAVOIR POSER LES QUESTIONS OPPORTUNES

Lors d’un appel à candidature pour un accord-cadre de prestations intellectuelles informatiques, il a été demandé aux candidats de démontrer que leurs capacités techniques, professionnelles et financières les qualifient à recevoir l’appel d’offres subséquent. Les preuves usuelles attendues sont les effectifs moyens du candidat, les chiffres d’affaires annuels et des références de projets réalisés pour des clients.
Pour une PME porteuse d’une solution innovante sur le plan méthodologique ou technologique, il peut être opportun de poster sur le forum une question du genre « Attendez-vous un mémoire sur les évolutions de la capacité projet informatique dans les prochaines années ? »
Même si le donneur d’ordre reste neutre en répondant par exemple : « Il appartient au candidat de faire preuve de discernement dans la juste quantité et le niveau pertinent des informations communiquées », il n’en reste pas moins que cette réponse et la question seront partagées avec l’ensemble des candidats.
Alors, la PME veillera à bien faire figurer dans la question des domaines particuliers de projet informatique où ses solutions s’inscrivent. Pour 2017, de tels domaines sont la gouvernance multi-speed IT, le design management, le copyright management, la blockchain, le machine learning

AMENER UNE DÉFINITION COLLABORATIVE DU BESOIN

Une sec­onde oppor­tu­nité, pour pouss­er une inno­va­tion devant l’ensemble des can­di­dats, est apportée par un forum numérique où toute ques­tion et sa réponse sont partagées avec la com­mu­nauté des can­di­dats, même si l’identité du can­di­dat émet­teur d’une ques­tion reste réservée au seul don­neur d’ordre.

Par ce mécan­isme de semi-con­fi­den­tial­ité, une PME inno­vante peut com­pléter sa con­nais­sance du con­texte client au-delà de l’expression du dossier de con­sul­ta­tion, tout en amorçant des échanges avec le don­neur d’ordre.

Avec une ques­tion judi­cieuse­ment for­mulée, elle peut met­tre en évi­dence une exi­gence du dossier de con­sul­ta­tion à laque­lle son offre est à même de répondre. 

INSTALLER LA CONFIANCE

La rela­tion amor­cée entre une PME inno­vante et un grand prestataire can­di­dat, il faut créer la con­fi­ance pour faire lancer des dis­cus­sions en vue d’un accord mutuelle­ment profitable. 

“ Inciter les PME innovantes et les grands prestataires à convoler ! ”

En com­mu­ni­quant dans le dossier de con­sul­ta­tion les con­di­tions générales d’achat, en oblig­eant la déc­la­ra­tion des sous-trai­tants dans la réponse ou en imposant une fac­tura­tion directe, le don­neur d’ordre installe des con­di­tions de confiance. 

Pour traiter la ques­tion épineuse de la pro­priété intel­lectuelle, il peut prévoir un régime prop­ice à sa sauve­g­arde et sa val­ori­sa­tion équili­brée le long de la chaîne de four­ni­ture. On préfér­era ain­si un régime de con­ces­sion d’utilisation des résul­tats à un régime de ces­sion de l’exploitation des résultats. 

INCITER À CONVOLER

Enfin, il reste à inciter les PME inno­vantes et les grands prestataires à con­v­ol­er : ce sera le rôle d’un dis­posi­tif de sélec­tion des offres com­mu­niqué dans le règle­ment de consultation. 

Pour pouss­er les grands prestataires à embar­quer dans leurs répons­es des inno­va­tions de tiers, la sélec­tion repose sur un mod­èle d’évaluation des offres qui est la somme pondérée d’une nota­tion tech­nique et d’une nota­tion finan­cière ; la nota­tion tech­nique reflète la con­for­mité du ser­vice offert aux spé­ci­fi­ca­tions tout en offrant une prime à l’innovation ; la nota­tion finan­cière est le rap­port du prix de l’offre la moins-dis­ante par celui de l’offre jugée. 

Pour bien com­pren­dre l’efficience du mod­èle, con­sid­érons un grand prestataire en mesure de porter une offre nom­i­nale com­plète avec ses seules ressources. 

S’il le fait effec­tive­ment, son offre tend vers le moins-dis­ant. S’il décide d’incorporer dans son offre nom­i­nale l’innovation d’une PME tierce, il vise une sit­u­a­tion plus-dis­ante ; la nota­tion tech­nique est aug­men­tée, mais le prix de l’offre con­jointe inno­vante est supérieur à celui de son offre nom­i­nale seule. 

Il appar­tient alors aux parte­naires à trou­ver le bon prix, mais dans le temps lim­ité par l’échéance de remise des offres. Par rap­port à des lieux de dis­cus­sion tels que les pôles de com­péti­tiv­ité, cette con­trainte n’est pas le moin­dre avantage. 

UTILISATION AVISÉE DE LA FONCTION D’ÉVALUATION

Soit un appel d’offres de prestations intellectuelles dont la notation des offres est exprimée ci-dessous :
Le donneur d’ordre invitant les candidats à représenter les méthodes utilisées, la notation technique T de l’offre est augmentée de ΔT en cas de réponse positive.
En revanche, dès lors qu’une méthode est éditée par un tiers, le porteur de l’offre globale doit prendre en compte le coût P(méth) de la licence de la méthode. Si ce porteur ne souhaite pas rogner sur sa marge, le prix P de l’offre améliorée est augmenté du coût de la licence, ce qui en diminue la notation financière.
Le calcul montre qu’il existe un coût de licence P0(méth) en deçà duquel survient une triple création de valeur : pour le donneur d’ordre, qui reçoit une meilleure offre ; pour le porteur de l’offre, qui représente une offre supérieure à celle qui aurait été basée sur ses seules ressources propres ; et pour le porteur de la méthode, qui valorise son savoir-faire [1].
 
[1] Open savoir-faire, une innovation radicale inspirée de l’open source, Tru Dô-Khac, La Jaune et La Rouge, mai 2012.

RÉFORMER LES PLACES DE MARCHÉ DES GRANDS GROUPES

Une telle place de marché existe d’ores et déjà : c’est PLACE, la plate­forme des achats de l’État. Lors de la con­sul­ta­tion publique, Europe des start-ups, lancée en juil­let dernier par le secré­tari­at d’État au Numérique, ce dernier a indiqué qu’il rete­nait, pour une note devant être adressée à la Com­mis­sion européenne, une propo­si­tion d’adaptation de PLACE au niveau européen. 

Mais au niveau français, cette indi­ca­tion sur le site même de la con­sul­ta­tion est une invi­ta­tion aux directeurs des achats des grands groupes à revis­iter le fonc­tion­nement des places de marché mis­es en œuvre au prof­it de leur entreprise.
 

Plate-forme des achats de l’État

3 Commentaires

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Do-Khacrépondre
10 février 2017 à 18 h 33 min

Com­plé­ment : for­mules du sec­ond encadré

Bon­jour, les for­mules asso­ciées au texte du sec­ond encadré sont sur un bil­let pub­lié sur le site “Le réper­toire de l’en­tre­prise numérique créative”. 

http://tdk-presse.blogspot.ch/2017/02/numerique-marier-grand-prestataires-pme.html

Cor­diale­ment Tru Do-Khac

Do-Khacrépondre
13 février 2017 à 10 h 14 min

La propo­si­tion d’adap­ta­tion de PLACE au niveau européen

Bon­jour, voici le lien vers la propo­si­tion “Créer des places de marché ouvertes, trans­par­entes et loyales”, postée lors de la con­sul­ta­tion “Europe des star­tups” lancée par le secré­tari­at d’État au numérique. 

Réponse du secré­tari­at d’État au numérique “La propo­si­tion vise (…) à pro­pos­er la créa­tion d’une plate­forme sim­i­laire [à PLACE] au niveau européen et pilotée par la Com­mis­sion”. [Cette propo­si­tion sera] inté­grée dans la Note des Autorités Françaises.” 

https://www.europe-des-startups.eu/projects/titre-de-la-consultation/consultation/consultation/opinions/developper-l-attractivite-des-ecosystemes-technologiques-europeens/creer-des-places-de-marche-ouvertes-transparentes-et-loyales

Cor­diale­ment Tru Dô-Khac

Do-Khacrépondre
15 février 2017 à 14 h 29 min

Source des échanges men­tion­nés dans le pre­mier encadré

Bonjour, 

Les échanges (pra­tique­ment sous leur forme orig­i­nale) “Atten­dez-vous un mémoire sur les évo­lu­tions de la capac­ité pro­jet infor­ma­tique dans les prochaines années ?” 

” Il appar­tient au can­di­dat de faire preuve de dis­cerne­ment dans la juste quan­tité et le niveau per­ti­nent des infor­ma­tions com­mu­niquées ” ont été observés lors d’un appel d’of­fre sur PLACE lancé par un grand min­istère régalien. 

Pour plus d’in­for­ma­tion : http://innovation-numerique-d-entreprise.blogspot.fr/2016/12/capacite-multi-speed-it-methodes.html

Bien cor­diale­ment Tru Do-Khac

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