Open savoir-faire, une innovation radicale inspirée de l’open source

Dossier : Économie numérique : Les succèsMagazine N°675 Mai 2012
Par Tru DÔ KHAC (79)

REPÈRES
« Un savoir-faire se définit comme un ensem­ble d’informations pra­tiques non brevetées, résul­tantes de l’expérience et testées qui est :
– secret, c’est-à-dire qu’il n’est pas générale­ment con­nu ou facile­ment accessible ;
– sub­stantiel, c’est-à-dire impor­tant et utile pour la pro­duc­tion des résultats ;

REPÈRES
« Un savoir-faire se définit comme un ensem­ble d’informations pra­tiques non brevetées, résul­tantes de l’expérience et testées qui est :
– secret, c’est-à-dire qu’il n’est pas générale­ment con­nu ou facile­ment accessible ;
– sub­stantiel, c’est-à-dire impor­tant et utile pour la pro­duc­tion des résultats ;
– iden­ti­fié, c’est-à-dire décrit d’une façon suff­isam­ment com­plète pour per­me­t­tre de véri­fi­er qu’il rem­plit les con­di­tions de secret et de sub­stan­tial­ité. » (Cahi­er des claus­es admin­is­tra­tives générales applic­a­ble aux marchés publics de presta­tions intel­lectuelles, 2009.)

Le savoir-faire d’une entre­prise est source d’avantages com­péti­tifs durables. Objet de con­voitise de la part de la con­cur­rence, le savoir-faire est pro­tégé par le secret, une qual­ité qui lui est con­sub­stantielle. Pour une entre­prise man­u­fac­turant des pro­duits, on imag­ine aisé­ment que l’on puisse men­er une poli­tique de non-divul­ga­tion de savoir-faire. L’achat d’un pro­duit man­u­fac­turé n’emporte générale­ment pas l’accès à la con­cep­tion ou au procédé de fab­ri­ca­tion, et l’entreprise peut tenir con­tractuelle­ment ses salariés au secret des affaires et à un devoir de réserve pen­dant et après leur collaboration.

Le savoir-faire en services professionnels

En revanche, on voit plus dif­fi­cile­ment quels dis­posi­tifs de pro­tec­tion met­tre en place lors de la four­ni­ture de ser­vices pro­fes­sion­nels tels que le con­seil en ges­tion des affaires ou l’ingénierie de sys­tèmes d’information.

Les entre­pris­es de ser­vices doivent imag­in­er des poli­tiques alternatives

Tout d’abord, le client béné­fi­ci­aire d’un ser­vice peut directe­ment observ­er le savoir-faire mis en œuvre lors des presta­tions. Puis il peut même par­ticiper à cette mise en œuvre lors de pilotage con­joint et des phas­es de conception.

Ensuite, il impose sou­vent des claus­es de trans­fert de savoir-faire. Enfin, quand bien même les deux par­ties en con­viendraient-elles, il est prob­lé­ma­tique de réserv­er l’accès au savoir-faire aux seuls col­lab­o­ra­teurs habil­ités du client alors que des four­nisseurs tiers con­cur­rents du déten­teur du savoir-faire sont con­comi­ta­m­ment employés.

Ain­si, une entre­prise inno­vante de ser­vice est con­damnée, à terme, à per­dre cet avan­tage com­péti­tif par l’effet même de son suc­cès. Encore récem­ment, ce terme était de plusieurs années. Avec les réseaux soci­aux numériques, il se réduit à quelques clics de souris.

Face à ce défi inédit, les entre­pris­es de ser­vices pro­fes­sion­nels por­teuses de savoir-faire doivent imag­in­er des poli­tiques alternatives.

Troc entre savoir-faire et réputation

Pre­mier exem­ple, élé­men­taire, celui d’un expert divul­guant son savoir-faire dans un ouvrage. Out­re une com­mu­ni­ca­tion de savoir-faire, cet ouvrage en pro­pose des représen­ta­tions styl­isées orig­i­nales et dès lors por­teuses de droits d’auteur. Leur util­i­sa­tion impli­quant la cita­tion de l’auteur et de la source, l’expert offre ain­si un troc entre savoir-faire et répu­ta­tion. En cas d’emprunt notable à des fins com­mer­ciales, une com­pen­sa­tion finan­cière est possible.

« Référentiels SI » sous copyright

Pro­tec­tion juridique
Un open savoir-faire est un savoir-faire divul­gué. Sa for­mu­la­tion, nou­velle et styl­isée, est une créa­tion orig­i­nale et dès lors por­teuse de droits d’auteur. Nous exposons ici « HORIT ». Cette créa­tion, qui avance une fig­ure de l’immatériel à cinq com­posantes, est pro­tégée par le droit d’auteur.

Sec­ond exem­ple, com­plexe, celui des « référen­tiels SI », ouvrages en ges­tion infor­ma­tique pub­liés sous copy­right. Présen­tés sou­vent comme des « meilleures pra­tiques » par leurs pro­mo­teurs, ce sont des pro­duits immatériels. On peut faire remon­ter leur essor au début des années 2000. À l’époque, une poignée d’entreprises inter­na­tionales domine de leur savoir-faire le marché des presta­tions informatiques.

Opérant glob­ale­ment, ces entre­pris­es aux mar­ques pres­tigieuses met­tent en œuvre des méth­odes qu’elles ont éprou­vées sur le marché nord-améri­cain et qu’elles pro­tè­gent jalouse­ment par le secret des affaires et le copy­right. Pour leurs con­cur­rents locaux n’ayant ni la sur­face finan­cière ni le temps d’investir dans le développe­ment et la pro­mo­tion d’un savoir­faire com­péti­tif, il s’agit de trou­ver une riposte. Or, out­re-Manche, il existe une offre de savoir­faire infor­ma­tique. Pilotée par l’Office Gov­ern­ment of Com­merce (OGC), celle-ci con­fère un avan­tage com­péti­tif cer­tain à ses souscrip­teurs. Le savoir-faire en ques­tion est celui de la Cen­tral Com­put­er and Telecom­mu­ni­ca­tions Agency (CCTA). La CCTA a con­signé ses pra­tiques en ges­tion de sys­tèmes d’information dans des ouvrages, et les prestataires infor­ma­tiques anglais les utilisent comme un guide qual­ité pour répon­dre à des con­sul­ta­tions. Comme ces ouvrages sont rassem­blés sous une mar­que, leurs souscrip­teurs en tirent un signe dis­tinc­tif de recon­nais­sance ; et ces derniers ont com­mencé à s’organiser en ligue inter­na­tionale. Pour des prestataires infor­ma­tiques débu­tants, c’est une oppor­tu­nité stratégique. Mais, pour l’OGC, c’est une opéra­tion de val­ori­sa­tion de savoir-faire par la col­lecte de roy­al­ties de copyright.

Les stratégies open savoir-faire

Une expéri­ence peut être partagée libre­ment et licitement

Pour éclair­er les alter­na­tives stratégiques au savoir-faire, nous avançons une matrice à deux dimen­sions : la pre­mière, désignée par share, adresse l’exposition de l’expression du savoir-faire ; la sec­onde, désignée par pro­tect, adresse la con­ces­sion des droits afférents à l’expression du savoir-faire. Pour chaque dimen­sion, nous posons deux direc­tions : pour la dimen­sion share, cela sera non divul­gué-pub­lié ; pour la dimen­sion pro­tect, cela sera copy­right-open.

Ain­si con­fig­urées, ces dimen­sions sont croisées, faisant appa­raître en dami­er qua­tre straté­gies de savoir-faire : le « secret d’entreprise », qui est un savoir-faire exclusif par­fois objet de titres de pro­priété indus­trielle, le « prag­ma­tisme styl­isé », ouvrages pub­liés sous copy­right par des pro­fes­sion­nels expéri­men­tés aux tal­ents d’écrivain et de graphiste, les « ligues de pra­tique », asso­ci­a­tions dévelop­pant sous des proces­sus ana­logues à ceux du logi­ciel des pra­tiques pro­fes­sion­nelles sous copy­right et signées par des mar­ques, et les « com­mu­nautés de pra­tique », dont l’expérience est partagée libre­ment et licite­ment via les réseaux soci­aux numériques pro­fes­sion­nels publics et des régimes de droits d’auteur per­mis­sifs tels que les licences Cre­ative Com­mons ou les licences Libres Savoirs ParisTech.

Main­tenu enfer­mé dans l’entreprise, le savoir-faire est sous-ten­du par une stratégie d’exclusion. Cette stratégie est celle des édi­teurs de logi­ciels pro­prié­taires qui blo­quent l’accès aux sources et à leur savoir-faire. Inspiré par l’open source, on peut opter pour une stratégie d’ouverture que nous avons désignée par open savoir-faire. Cette stratégie per­met de béné­fici­er du retour d’expérience et des enrichisse­ments apportés par des parte­naires ou des concurrents.

3 Commentaires

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Tru Dô-Khacrépondre
15 mai 2012 à 11 h 16 min

Appli­ca­tion de l’Open savoir-faire : l’ex­pert any­where any­time
Une appli­ca­tion de ce mod­èle : un nou­veau mod­èle de con­sult­ing, l’ex­pert any­where anytime.

Sur Le Cer­cle Les Echos : “Con­sult­ing via inter­net, l’ex­pert any­where any­time” par Tru Dô-Khac

Tru Dô-Khacrépondre
30 mai 2012 à 10 h 21 min

Les trois mod­èles du con­sult­ing analysés avec HORIT
Un exem­ple d’ap­pli­ca­tion de HORIT pour analyser les trois mod­èles de con­sult­ing : le Con­sul­tant per­son­ne physique, le Con­sul­tant per­son­ne morale, le Con­sul­tant per­son­ne “numérique”.

Les act­ifs immatériels du Con­sul­tant per­son­ne physique sont de type humain et rela­tion­nel et ceux du Con­sul­tant per­son­ne morale sont en out­re de type organisationnel.
Pour le Con­sul­tant per­son­ne “numérique”, les act­ifs immatériels sont de type tech­nologique et intellectuel.

cf Les trois mod­èles du con­sult­ing : per­son­ne physique, per­son­ne morale, per­son­ne “numérique” par Tru Dô-Khac sur Le Cer­cle Les Echos

Tru Dô-Khacrépondre
9 mai 2013 à 20 h 41 min

Qua­tre mod­èles d’af­faires Open Savoir Faire

Si l’on définit l’Open Savoir-Faire comme la divul­ga­tion du savoir-faire sous une forme orig­i­nale por­teuse de droit d’au­teur, l’Open Savoir-Faire ouvre, pour sa source, la voie à des oppor­tu­nités remar­quables de co-mpétition.


Lorsqu’un con­cur­rent repro­duit ou représente l’Open Savoir-Faire (dans le respect du Code de la pro­priété intel­lectuelle et sous une con­cur­rence loyale), il fait la pro­mo­tion de la source en la citant. Pour une exploita­tion qui va au delà de ce qui est per­mis pas le Code de la pro­priété intel­lectuelle (excep­tions aux droits d’au­teur, L122‑5), il sera avisé de le faire sous licence d’au­tant plus que l’on revendi­quera une poli­tique d’en­tre­prise sociale­ment respon­s­able et que l’on porte une mar­que forte.


Mais on peut aller plus loin. On peut engager la source pour un sou­tien en “back-office”. Et pour une oppor­tu­nité pré­cise, on peut même inviter la source à réalis­er une offre con­jointe (sou­tien “front office”).

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