Logistique et livraison, clés du e‑commerce

Dossier : Économie numérique : Les succèsMagazine N°675 Mai 2012
Par François COPIGNEAUX

REPÈRES

REPÈRES
Plus de 30 mil­lions de Fran­çais ont réa­li­sé un achat sur Inter­net en 2011. Le com­merce en ligne est deve­nu en dix ans un mode de consom­ma­tion cou­rant. Mais, pour les biens phy­siques, un achat en ligne n’est réus­si que lorsque le consom­ma­teur peut prendre pos­ses­sion de son acqui­si­tion rapi­de­ment et sans mau­vaise sur­prise. La logis­tique et la livrai­son consti­tuent ain­si des condi­tions clefs du déve­lop­pe­ment du com­merce sur Inter­net. Et les opé­ra­teurs pos­taux se sont ain­si trou­vés au début des années 2000 sur le che­min cri­tique du déve­lop­pe­ment de ce nou­veau mode de commercialisation.

La révolution de la vente à distance

L’arrivée d’Internet a pris tous les acteurs au dépourvu

Après la Seconde Guerre mon­diale, la vente par cor­res­pon­dance (VPC) s’est déve­lop­pée, essen­tiel­le­ment à par­tir de l’industrie tex­tile du nord de la France, et La Poste a pro­po­sé des ser­vices de livrai­son de colis à domi­cile. Le modèle éco­no­mique repo­sait sur la consti­tu­tion de deux col­lec­tions par an, sur la dif­fu­sion en grand nombre d’un cata­logue illus­tré, sur des remises accor­dées en fonc­tion du niveau de vente de chaque article, sur des prises de com­mande d’abord par cour­rier puis par télé­phone, sur des soldes pour liqui­der les inven­dus et sur une livrai­son en 5 à 10 jours.

Au Bon­heur des dames
La vente à dis­tance est une pra­tique qui était autre­fois fon­dée sur la dif­fu­sion de cata­logues et la com­mu­ni­ca­tion par cour­rier. Émile Zola décrit com­ment les pre­miers grands maga­sins pari­siens rece­vaient et hono­raient les com­mandes de leurs clientes de pro­vince. À l’époque, les colis étaient trans­por­tés par les com­pa­gnies de che­mins de fer jusqu’à la gare la plus proche de l’adresse du des­ti­na­taire, où des petits trans­por­teurs, les « mes­sa­gers », pre­naient le relais, en fac­tu­rant sou­vent cette pres­ta­tion « des der­niers kilo­mètres » au destinataire.

De grandes enseignes comme La Redoute, Les 3 Suisses ou la CAMIF ont fait la renom­mée de ce mode de com­mer­cia­li­sa­tion. L’arrivée d’Internet a pris tous ces acteurs au dépour­vu. Les nou­veaux arri­vants qui n’utilisaient que le canal de l’Internet (les pure players) ont pro­po­sé plus de choix, des stocks en temps réel per­met­tant de ne pas déce­voir les ache­teurs par des délais de réas­sort, et ils ont réduit leurs charges en s’affranchissant du coû­teux cata­logue ou en n’acceptant que les com­mandes payées en ligne par carte ban­caire. Ils se sont éga­le­ment effor­cés de pré­pa­rer rapi­de­ment les com­mandes et ont tous opté pour une livrai­son rapide.

Des spécialistes aux généralistes

Cer­tains de ces nou­veaux ven­deurs à dis­tance ont com­men­cé par un posi­tion­ne­ment de spé­cia­listes (Ama­zon sur les livres, Pix­ma­nia sur les appa­reils pho­to numé­riques, CDis­count sur les DVD) avant de deve­nir géné­ra­listes en fai­sant béné­fi­cier d’autres petits ven­deurs de l’audience de leurs sites à tra­vers des « gale­ries mar­chandes », comme les hyper­mar­chés ont en leur temps atti­ré d’autres commerces.

Un client qui attend son colis ou ne le reçoit pas risque de ne pas refaire d’achat en ligne

D’autres ont décou­vert com­ment Inter­net pou­vait étendre au monde entier leur zone de cha­lan­dise, et qu’ils pou­vaient ain­si deve­nir des spé­cia­listes mon­diaux du maté­riel de pêche, de bro­de­rie ou des équi­pe­ments de moto. Pour cer­tains articles, Inter­net a per­mis de com­pen­ser la faible effi­ca­ci­té de la dis­tri­bu­tion tra­di­tion­nelle : le suc­cès de la vente de chaus­sures en ligne s’explique ain­si en grande par­tie par le fait qu’un client qui entre dans un maga­sin de chaus­sures a une chance sur deux de ne pas trou­ver chaus­sure à son pied. De même, pour l’électroménager, vendre en ligne per­met d’économiser des sur­faces d’exposition coû­teuses et bien peu uti­li­sées. En quelques années, même chez des enseignes his­to­riques de la vente à dis­tance, la com­mande en ligne est deve­nue majo­ri­taire et les prin­cipes du e‑commerce se sont imposés.

Une livraison en toute confiance

Les e‑commerçants ont redé­cou­vert les impé­ra­tifs de la pré­pa­ra­tion de com­mande depuis long­temps maî­tri­sés par leurs pré­dé­ces­seurs de la VPC : opti­mi­sa­tion du sto­ckage et du par­cours de consti­tu­tion du colis (picking), sécu­ri­sa­tion des entre­pôts et du pro­ces­sus de trans­port, pro­blé­ma­tique des retours et de leur ges­tion, coût des embal­lages de trans­port, néces­si­té de dis­po­ser d’un bon ser­vice client, etc.

Ventes évé­ne­men­tielles
Grâce à Inter­net, le métier tra­di­tion­nel de la bra­de­rie, filière his­to­rique d’écoulements des inven­dus, a même don­né nais­sance au sec­teur flo­ris­sant des « ventes évé­ne­men­tielles » avec le fran­çais Vente-Privée.com comme lea­der mondial.

En effet, un client qui attend son colis ou, pire, qui ne le reçoit pas, risque évi­dem­ment de ne pas refaire d’achat en ligne. Les e‑commerçants ont éga­le­ment décou­vert la varia­bi­li­té du rythme des com­mandes (sai­son­na­li­té, effet des cam­pagnes de pro­mo­tion, charge du lun­di suite aux com­mandes du week-end, etc.) et la dif­fi­cul­té à répondre tou­jours rapi­de­ment aux com­mandes enregistrées.

Et ils ont bien sûr immé­dia­te­ment réa­li­sé que leur acti­vi­té dépen­dait inté­gra­le­ment de la livrai­son et donc du pres­ta­taire capable de l’assurer.

Les points relais, une solution

Boîtes nor­ma­li­sées
L’e‑commerce fran­çais béné­fi­cie de l’initiative prise par l’administration pos­tale à la fin des années 1970 : la boîte aux lettres nor­ma­li­sée (NF D 27404 ou 405), obli­ga­toire pour toute construc­tion auto­ri­sée depuis le 12 juillet 1979, a un for­mat qui per­met la livrai­son de colis de 260 x 260 x 340 mm même en l’absence du des­ti­na­taire. Grâce à ces boîtes aux lettres qui équipent 70% des adresses fran­çaises, La Poste arrive à livrer direc­te­ment plus de 70% des colis qui lui sont confiés. Cette méthode de dis­tri­bu­tion est évi­dem­ment par­ti­cu­liè­re­ment adap­tée aux petits objets de faible valeur.

Paral­lè­le­ment, les spé­cia­listes his­to­riques de la vente à dis­tance ont déve­lop­pé en France la livrai­son en « points relais », c’est-à-dire dans des com­merces de proxi­mi­té. Cette solu­tion a d’abord été déve­lop­pée pour s’affranchir des risques liés aux grèves des ser­vices publics, alors que le conflit de 1995 avait été dévas­ta­teur pour la vente à dis­tance. Mais ce mode de livrai­son a très vite répon­du aux attentes de cer­tains consom­ma­teurs rare­ment pré­sents chez eux lorsque les livreurs peuvent s’y pré­sen­ter. Par ailleurs, la livrai­son en un même point de plu­sieurs colis et le dédom­ma­ge­ment fort modeste ver­sé au com­mer­çant en ont fait un mode de livrai­son low-cost.

Livrer à domicile, un travail de spécialiste

Inter­net a créé de nou­velles oppor­tu­ni­tés commerciales

La livrai­son aux par­ti­cu­liers à leur domi­cile se révèle en effet beau­coup plus com­pli­quée que celle des entre­prises. Loca­li­ser un loge­ment pré­cis dans un ensemble peut prendre du temps et le des­ti­na­taire d’un envoi n’est pas tou­jours chez lui. Les spé­cia­listes de la livrai­son des entre­prises ont donc sou­vent évi­té de prendre des flux à des­ti­na­tion des par­ti­cu­liers et La Poste a long­temps confor­té sa posi­tion de spé­cia­liste de livrai­son des par­ti­cu­liers à domi­cile. Ses fac­teurs dis­posent en effet d’une connais­sance intime de leurs cir­cuits de livrai­son, au point de s’adapter par­fois aux habi­tudes des habi­tants et de pou­voir iden­ti­fier un voi­sin de confiance pour lui deman­der de prendre en charge un envoi.

Cinq modes de livraison

Réseau de proximité
La Poste béné­fi­cie, avec son réseau de plus de 17000 points de contact, d’une solu­tion de grande proxi­mi­té pour mettre à dis­po­si­tion les colis qu’elle n’a pas été en mesure de livrer à domi­cile, faute de pré­sence du des­ti­na­taire. En 2011, plus de 88 % des envois ont été effec­ti­ve­ment livrés à l’adresse de des­ti­na­tion, et plus de 80% des des­ti­na­taires ayant reti­ré un envoi dans un bureau de poste se sont décla­rés satis­faits ou très satis­faits de cette solution.

La Poste peut main­te­nant offrir le choix entre cinq modes de livrai­son : la livrai­son à domi­cile ou au bureau, la livrai­son le soir sur ren­dez- vous à Paris, la livrai­son dans une consigne auto­ma­tique acces­sible 24 heures sur 24, la livrai­son dans l’un des 10 000 bureaux de poste pro­po­sés ou dans plus de 3 500 com­merces de proxi­mi­té. Des trans­por­teurs spé­cia­li­sés effec­tuent par ailleurs sur toute la France les livrai­sons sur ren­dez-vous des objets lourds et encom­brants, le cas échéant avec des pres­ta­tions annexes d’installation.

Il n’est donc pas éton­nant que plus de 97% des ache­teurs en ligne se soient décla­rés satis­faits de leur achat en 2011.

Moins de CO2

Moins de déplacements
La Poste mutua­lise for­te­ment les livrai­sons de colis et de cour­rier : lorsqu’une camion­nette jaune livre 100 colis, ce sont peut-être 100 par­ti­cu­liers qui n’ont pas eu à se dépla­cer. L’e‑commerce contri­bue ain­si à limi­ter la conges­tion urbaine.

La vente à dis­tance est fon­da­men­ta­le­ment favo­rable à la pré­ser­va­tion de notre envi­ron­ne­ment. Une étude réa­li­sée par la Fédé­ra­tion des entre­prises de vente à dis­tance (FEVAD) auprès de plus de 6 000 ache­teurs à dis­tance a démon­tré que ce mode de consom­ma­tion per­met­tait d’éviter des dépla­ce­ments et pou­vait conduire à quatre fois moins d’émissions de CO2 que l’achat en magasin.

Aujourd’hui, tout le monde ou presque achète en ligne et, avec Inter­net, cha­cun peut vendre de par­tout et vers le monde entier, à peu près n’importe quoi.

Chaque consommateur peut devenir e‑commerçant

Une internaute contenteInter­net a non seule­ment per­mis à de nou­veaux acteurs pure players de déve­lop­per leur acti­vi­té, mais concourt aujourd’hui au déve­lop­pe­ment d’un com­merce « mul­ti­ca­nal ». On peut choi­sir son pro­duit en ligne et l’acheter en maga­sin, ou repé­rer un modèle en maga­sin sans trou­ver la bonne taille et fina­le­ment la rece­voir en 48 heures à domi­cile. Si Inter­net a faci­li­té la dés­in­ter­mé­dia­tion et ouvert la voie à un contact direct entre consom­ma­teur et pro­duc­teur ou dis­tri­bu­teur, sans pas­ser par des com­merces locaux, il a sur­tout créé de nou­velles oppor­tu­ni­tés commerciales.

Tout un cha­cun peut ain­si pro­po­ser sur la Toile ses créa­tions ou ses objets inuti­li­sés. Ce com­merce entre par­ti­cu­liers se déve­loppe et rem­place les bro­cantes d’autrefois tout en favo­ri­sant le recy­clage ou l’usage mul­tiple de cer­tains objets, comme les livres, par exemple. Il peut même consti­tuer une solu­tion pour moné­ti­ser ses pos­ses­sions dans un moment dif­fi­cile, rem­pla­çant ain­si le prêt sur gage de « Ma Tante ».

Un facteur Une factrice

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