Le Nouveau testament

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°555 Mai 2000Par : Sacha GUITRYRédacteur : Philippe OBLIN (46)

Par tem­péra­ment, on peut inclin­er au respect des tra­di­tions et des pra­tiques con­fir­mées par l’ex­péri­ence. Et pour­tant n’ap­préci­er guère les anci­ennes salles dites ” à l’i­tal­i­enne “. De la moitié des places, on ne voit la scène qu’au prix d’en rester tor­ti­cole des heures après la fin du spec­ta­cle. pareil aux demoi­selles Fenouil­lard, toutes déviées d’avoir trop longtemps cher­ché la tour Eiffel.

L’autre jour. la cause de tels maux fut une baig­noire du Théâtre des Var­iétés. où nous mijotâmes sur des chais­es au rem­bour­rage mer­veilleuse­ment cori­ace. Il ne saurait cepen­dant être ques­tion d’a­ban­don­ner ces salles enrichies par le sou­venir de tant de pièces jouées au milieu des ors et des velours rouges. C’est aux Var­iétés par exem­ple que fut créée Topaze, qui y tint l’af­fiche deux ans mal­gré la dureté des sièges, Prenons les choses comme elles sont.

D’au­tant qu’en fait de dra­maturges, nous autres Français sommes à présent plutôt con­traints, à quelques rares excep­tions près, de vivre aus­si de sou­venirs. Et c’est pour· quoi nous voulions voir jouer Le Nou­veau Tes­ta­ment, de Sacha Gui­t­ry, mon­tée, au milieu d’un décor par­faite­ment 1930, dans une mise en scène bien sage de B. Mur­al, qui n’éprou­ve pas le besoin, comme trop d’autres, d’a­jouter des extrav­a­gances n’ayant d’év­i­dence jamais été dans la pen­sée de l’au­teur, même forte­ment sol­lic­itée, on serait par­fois ten­té de dire gauchie, si l’on ne craig­nait que le mot prétât à confusion.

Sans doute les per­son­nes d’in­quié­tude intel­lectuelle et portées sur les amer­tumes men­tales n’ai­ment pas Sacha Gui­t­ry. Irritées peut-être de voir se mou­voir sur scène ses per­son­nages, jamais oisifs mais vivant Sans traf­ic d’in­flu­ence et de leur seule intel­li­gence dans une large aisance, entourés de domes­tiques stylés et de meubles coû­teux, au besoin cocus mais s’en arrangeant avec humour.

On sent bien qu’il y a là une manière de verve hau­taine, au bord de l’im­per­ti­nence à l’é­gard de la con­science de classe, qui n’est guère poli­tique­ment correcte.

Ceci dit, il n’est pas dou­teux que beau­coup de ses quelque cent trente pièces, si elles don­nent tou­jours de pass­er une agréable soirée, ne lais­sent que rarement de fortes traces dans la mémoire. Tant elles se ressem­blent et demeurent sou­vent à la sur­face des réal­ités humaines, à quelques brèves ful­gu­ra­tions près. Mais elles y demeurent de façon si séduisante qu’il sera beau­coup par­don­né à leur auteur.

Surtout lorsqu’il est bien inter­prété, ce qui est le cas grâce, entre autres, à J.-P. Marielle reprenant avec aisance, mais sans les éton­nants cha­peaux chers au Maître, le rôle qu’il tenait, celui d’un médecin venant de faire, par tes­ta­ment, trois parts de sa for­tune , l’une pour son épouse, l’autre pour une anci­enne mal­tresse, la troisième pour la fille qu’il a eue d’elle.

Par mal­heur pour lui, mais bon­heur pour les spec­ta­teurs, le tes­ta­ment tombe dans les mains de l’épouse (Françoise Fabi­an), qui en prend con­nais­sance en présence d’un cou­ple ami invité à dîn­er, alors qu’on attend le maître de mai­son retardé par une urgence,

Pour tout cors­er, il y a eu, dans le passé, quelques petites coucheries croisées entre les cou­ples, dont ces cir­con­stances excep­tion­nelles réveil­lent le souvenir.

Il est facile d’imag­in­er le par­ti et les répliques déchaî­nant le rire que le grand Sacha aura tiré de cette ” idée “. Elles valent ou valaient, le déplacement.

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