Couverture de la BD Le Monde sans fin

Une critique de la BD Le Monde sans fin de Jean-Marc Jancovici (81)

Dossier : ExpressionsMagazine N°773 Mars 2022
Par François Xavier MARTIN (63)

Notre cama­rade François Xavier Mar­tin (63) a lu avec intérêt et pré­ci­sion la bande dess­inée Le Monde sans fin de Jean-Marc Jan­covi­ci (81) et Christophe Blain, qui con­naît un grand suc­cès en librairie puisqu’elle en est à sa deux­ième édi­tion, depuis son lance­ment le 29 octo­bre 2021. Par-delà son con­stat de l’aspect incon­testable­ment péd­a­gogique et réus­si de la BD, il en pro­pose une lec­ture cri­tique, rel­e­vant çà et là des élé­ments trop rapi­de­ment exposés, voire inexacts.

C’est sous la forme inat­ten­due d’une imposante bande dess­inée (BD) de près de 200 pages que Jean-Marc Jan­covi­ci (81) et le dessina­teur Christophe Blain se livrent à un utile exer­ci­ce de péd­a­gogie sur l’énergie et l’environnement. Tout au long de cet ouvrage, illus­tré de très nom­breux sché­mas expli­cat­ifs, sou­vent humoris­tiques, les auteurs passent leurs mes­sages exclu­sive­ment sous forme de bulles de BD, tou­jours en des ter­mes très acces­si­bles : par exem­ple l’unité de puis­sance est com­parée à celle dévelop­pée par un cycliste, celle de tra­vail à l’activité d’un tra­vailleur de force pen­dant une journée. Voilà qui sera bien utile à une large par­tie de la pop­u­la­tion française qui a sou­vent oublié ou n’a même jamais béné­fi­cié d’un enseigne­ment de physique. Les dirigeants de mou­ve­ments écol­o­gistes, plus sou­vent diplômés en sci­ences poli­tiques ou en économie qu’en physique ou en biolo­gie y appren­dront vraisem­blable­ment cer­tains détails dont ils ne sem­blent pas tou­jours conscients.


Lire aus­si : Réac­tion à la cri­tique de la BD Le Monde sans fin par Bernard LEROUGE (52)


Production économique et énergie, un lien qui s’atténue

La pre­mière par­tie du Monde sans fin (jusqu’à la page 125) traite de sujets irréfuta­bles ou large­ment con­sen­suels, à l’exception de l’affirmation prêtée à Charles Dupin, page 88 : « La pro­duc­tion économique varie exacte­ment comme l’énergie », rel­a­tive­ment véri­fiée jusqu’à la fin du XXe siè­cle, mais qui ne sem­ble plus l’être depuis que l’humanité est con­sciente de l’obligation de réduire ses émis­sions de gaz à effet de serre.


CONSOMMATION FINALE ÉNERGÉTIQUE PAR SECTEUR

Total : 1 562 TWh en 2020 (données corrigées des variations climatiques)

Consommation finale énergétique par secteur
* La répar­ti­tion de la chaleur par secteur con­som­ma­teur n’est pas disponible entre 2000 et 2006.
Champ : jusqu’à l’année 2010 incluse, le périmètre géo­graphique est la France mét­ro­pol­i­taine. À par­tir de 2011, il inclut en out­re les cinq DROM.
Source : SDES, Bilan énergé­tique de la France

Les chiffres sont sans appel dans le cas de la France : de 2001 (début de la baisse de la con­som­ma­tion d’énergie) à 2019 (dernière année avant l’épidémie de Covid), le doc­u­ment « Chiffres clés de l’énergie » pour la ver­sion web du Ser­vice des don­nées et études sta­tis­tiques du min­istère de la Tran­si­tion écologique nous indique, page 30, que la con­som­ma­tion française d’énergie a bais­sé d’environ 0,3 % par an. Pen­dant ce temps, le PIB français aug­men­tait de 52 % en euros courants (21 % en euros con­stants). Une diminu­tion de 6 % de la con­som­ma­tion d’énergie (en quan­tités physiques) et une aug­men­ta­tion simul­tanée de 21 % du PIB en euros con­stants : il est clair que la prise de con­science des méfaits des rejets de gaz à effet de serre sem­ble ren­dre caduc le pos­tu­lat de la page 88.

Notons au pas­sage que la part excep­tion­nelle­ment élevée du nucléaire dans la pro­duc­tion française d’électricité dope les besoins appar­ents en énergie pri­maire. En effet, le lance­ment du pro­gramme mas­sif de con­struc­tions de cen­trales nucléaires a été ini­tiale­ment accom­pa­g­né d’une forte inci­ta­tion à adopter le chauffage élec­trique des loge­ments, procédé qui con­duit à mul­ti­pli­er l’énergie provenant d’une com­bus­tion locale de gaz ou de fuel par env­i­ron 3 pour génér­er la vapeur entrant dans les groupes tur­bo-alter­na­teurs des cen­trales élec­triques. Ce phénomène est aggravé par le ren­de­ment ther­mo­dy­namique mod­este des réac­teurs nucléaires à eau d’où celle-ci ne sort qu’à env­i­ron 300 °C. À titre de com­para­i­son, la généra­tion précé­dente de réac­teurs graphite-gaz envoy­ait vers les échangeurs générant la vapeur un gaz car­bonique à plus de 400 °C.

Mieux exposer la différence entre énergie primaire et consommation finale

Dans cette pre­mière par­tie du Monde sans fin on note deux lacunes aux­quelles d’éventuelles réédi­tions devraient remédi­er. Tout d’abord, la dif­férence entre énergie pri­maire et con­som­ma­tion finale n’est pas suff­isam­ment expliquée, ce qui peut ren­dre le lecteur récep­tif à des com­para­isons spé­cieuses : dans des sta­tis­tiques de con­som­ma­tion d’énergie finale peut-on accorder la même valeur à un kilo­wattheure venant du pét­role et à un kilo­wattheure élec­trique qui a demandé pour sa pro­duc­tion près de 3 kWh d’énergie fos­sile (char­bon, pét­role, gaz ou ura­ni­um) ? Oui, si le kilo­wattheure élec­trique sert à chauf­fer un apparte­ment… bien évidem­ment non, si le kilo­wattheure élec­trique sert à faire rouler un véhicule qui devrait con­som­mer plus de 3 kWh d’énergie fos­sile pour ren­dre le même service.

D’autre part les per­spec­tives révo­lu­tion­naires, même incer­taines, de la fusion nucléaire ne sont pas évo­quées, à un moment où on assiste à une cer­taine accéléra­tion des pro­grès, en par­ti­c­uli­er dans les déci­sives tech­niques de con­fine­ment mag­né­tique, à tel point que cer­tains élé­ments clés d’Iter risquent d’être obsolètes avant même d’avoir com­mencé à fonctionner. 

À par­tir de la page 126, la BD glisse vers un raison­nement de type TINA (There is no alter­na­tive, l’acronyme favori de feue Mar­garet Thatch­er). Le lecteur est enfer­mé dans une logique cher­chant à con­va­in­cre que, si l’humanité ne veut pas régress­er par rap­port à l’époque où elle pou­vait dis­pos­er pra­tique­ment sans lim­ites des éner­gies fos­siles, le pas­sage par l’énergie nucléaire s’impose.

Les limites de la solution nucléaire

Loin de nous l’idée de rejeter a pri­ori cette tech­nolo­gie, mais les raisons, qui mili­tent pour cette solu­tion, mérit­eraient d’être claire­ment énon­cées. Nous savons que, face à la bien­v­enue réduc­tion dras­tique des émis­sions de gaz car­bonique qu’entraînerait le recours mon­di­al au nucléaire, exis­tent cer­tains incon­vénients : durée très impor­tante de réal­i­sa­tion d’un tel pro­gramme avant que ses effets béné­fiques sur l’évolution du cli­mat se fassent sen­tir, coût crois­sant des investisse­ments cor­re­spon­dants, ges­tion de dan­gereux déchets, risque d’incidents mineurs dégénérant en perte bru­tale et défini­tive de réac­teurs (ce qui est arrivé à Three Mile Island à un mod­èle à eau sous pres­sion (PWR), très sem­blable aux instal­la­tions EDF actuelles, mais où fort heureuse­ment la cuve du réac­teur a pu résis­ter aux sous-pro­duits d’une fusion de son cœur portés par leur radioac­tiv­ité résidu­elle à plusieurs mil­liers de degrés). 

Mais tout cela n’est rien par rap­port à la ques­tion fon­da­men­tale du choix entre les avan­tages du recours au nucléaire et le risque d’une cat­a­stro­phe majeure (ren­dant par exem­ple défini­tive­ment inhab­it­able une zone hébergeant une pop­u­la­tion très impor­tante), éven­tu­al­ité absol­u­ment min­ime, mais pas totale­ment nulle. Il est clair que la seule rai­son ne per­met pas de tranch­er un tel dilemme. Le choix cor­re­spon­dant est un pari de type qua­si pas­calien qui doit résul­ter d’une infor­ma­tion d’une totale trans­parence exclu­ant en par­ti­c­uli­er toute pres­sion d’éventuels lobbies.

La part du solaire et de l’éolien trop minimisée

L’argumentation de la BD tend dès la page 126 à min­imiser les pos­si­bil­ités de rem­place­ment rapi­de des éner­gies exis­tantes par du renou­ve­lable accom­pa­g­né du stock­age des­tiné à en pal­li­er les inter­mit­tences. Est tout d’abord mise en exer­gue « la part (actuelle) infime de l’éolien (1,3 %) et du solaire (2,3 %) » sans men­tion­ner qu’au niveau mon­di­al leur pro­duc­tion d’électricité (crois­sante) est déjà supérieure à celle du nucléaire (stag­nante et con­damnée à le rester pen­dant de nom­breuses années, compte tenu du délai incom­press­ible de mise en route de nou­veaux réacteurs).

« Au niveau mondial la production d’électricité (croissante) de l’éolien et du solaire est déjà supérieure à celle du nucléaire. »

De plus le lecteur peu com­pé­tent risque d’être influ­encé par l’affirmation qui con­siste à présen­ter la part de l’éolien et du solaire, qui génèrent directe­ment des kilo­wattheures élec­triques, non pas par leur part dans la pro­duc­tion actuelle d’électricité (actuelle­ment env­i­ron 11 %), mais par rap­port à une énergie totale pri­maire majorée par la recon­sti­tu­tion arti­fi­cielle de celle qui ne cor­re­spond pas à une généra­tion par le cou­ple com­bus­tion-alter­na­teur. Quant au stock­age d’énergie envis­agé sous forme d’un réser­voir de 100 m de large courant tout le long des côtes d’un pays, il a été à des­sein indiqué pour l’Allemagne (2 400 km de côtes) plutôt que la France (19 000 km) ou le Roy­aume-Uni (16 000 km) afin de faire appa­raître une hau­teur de 100 mètres ridi­culisant le principe même du stock­age par pom­page d’eau.

Inexactitudes et « rassurisme » sur le nucléaire

Inverse­ment les bulles trai­tant du nucléaire se veu­lent générale­ment ras­sur­antes. Pour cha­cun des acci­dents his­toriques évo­qués, il est expliqué que la faille qui a con­duit à cette cat­a­stro­phe n’existe pas dans les réac­teurs EDF et que, de toute façon, le nom­bre de morts résul­tant du nucléaire a tou­jours été beau­coup plus faible que celui dû aux acci­dents de la route ou aux mines de charbon.

Ce « ras­surisme » va jusqu’à l’exploitation d’informations inex­actes. À cet égard la descrip­tion de la cat­a­stro­phe de Fukushi­ma (page 142) est éton­nante. Une bulle déclare que, dès détec­tion du trem­ble­ment de terre, « le réac­teur s’est mis en sécu­rité. Les bar­res de con­trôle sont tombées à l’intérieur », ce qui a un effet tran­quil­lisant sur le lecteur qui pense immé­di­ate­ment : « Bra­vo ! les con­cep­teurs ont vrai­ment pen­sé à tout, et instal­lé au-dessus du réac­teur des bar­res tueuses de la réac­tion en chaîne, sus­pendues à des élec­troaimants. Si plus rien ne marche, il n’y a plus de courant élec­trique : les bar­res tombent et le réac­teur s’arrête immé­di­ate­ment car la grav­ité, elle, ne peut pas tomber en panne. » Notons en pas­sant que si les guides des bar­res de con­trôle ont été défor­més par une mon­tée de tem­péra­ture exces­sive avant la chute des bar­res (comme sem­ble-t-il à Tch­er­nobyl), celles-ci ne pour­ront pas stop­per la réac­tion en chaîne.

Précisions à propos de l’accident de Fukushima

Mais il y a beau­coup plus grave. Dans le cas de Fukushi­ma et de la plu­part des réac­teurs à eau bouil­lante (BWR), ce qui précède est totale­ment faux car en réal­ité on devrait écrire : « Dès détec­tion du trem­ble­ment de terre, le réac­teur s’est mis en sécu­rité. Pro­jetées vio­lem­ment vers le haut par un mécan­isme – pneu­ma­tique ? hydraulique ? mécanique ? – situé sous la cuve du réac­teur, les bar­res de con­trôle ont atteint leur posi­tion, per­chées au som­met de cette cuve d’où le mécan­isme les a ensuite empêchées de retomber. » Net­te­ment moins ras­sur­ant… et pour­tant vrai, regardez la véri­ta­ble dis­po­si­tion des bar­res de con­trôle dans un réac­teur type Fukushi­ma (elle a été vraisem­blable­ment mod­i­fiée dans le sché­ma équiv­a­lent du Monde sans fin).

disposition des barres de contrôle dans un réacteur type Fukushima
Dis­po­si­tion des bar­res de con­trôle dans un réac­teur type Fukushi­ma.
Source : Wiki­me­dia Commons

Cette posi­tion de l’entrée des bar­res de con­trôle par le fond de la cuve du réac­teur a eu des con­séquences beau­coup plus graves que la sim­ple présence du risque indiqué plus haut. En effet les fonds des six cuves des réac­teurs à eau bouil­lante de Fukushi­ma ont été per­cés lors de leur fab­ri­ca­tion de cen­taines de trous par où coulis­sent les bar­res de con­trôle. En cas de fusion du cœur (ce qui a été le cas pour les trois réac­teurs alors en fonc­tion­nement), du cori­um (nom don­né au résidu de cette fusion) porté par sa radioac­tiv­ité résidu­elle à une très forte tem­péra­ture a détru­it les joints entourant les bar­res de con­trôle à hau­teur de la tra­ver­sée de la cuve et s’est écoulé sous les trois cuves, ce qui dans la hiérar­chie des acci­dents nucléaires vient juste après l’explosion com­plète d’un réac­teur et de son bâti­ment comme à Tchernobyl.

Cuve sous pression d'un réacteur à eau bouillante.
Cuve sous pres­sion d’un réac­teur à eau bouil­lante.
Source : Bus­by, Jere­my & Nanstad, Randy Pri­or­i­ti­za­tion and Imple­men­ta­tion Plan for Col­lab­o­ra­tive Case Study on RPV Steels Dur­ing Extend­ed Ser­vice 

Le domaine est telle­ment sen­si­ble que les autorités japon­ais­es ont fait croire pen­dant des heures à un faux sus­pense (les cuves allaient-elles résis­ter ?) alors qu’elles savaient, ain­si que les con­cep­teurs et les con­struc­teurs de ce type de cen­trales et les autorités de sûreté des pays où elles sont actuelle­ment en exploita­tion, que c’était absol­u­ment impos­si­ble puisque les fonds de cuves étaient déjà per­cés. Ce secteur d’activité ne respire donc pas la transparence…


Quelques données de base

  • L’humanité con­somme annuelle­ment une énergie pri­maire totale de 636 exa­joules (636 x 1018 joules) soit 177 000 TWh (1 TWh = 109 kWh) (valeur approx­i­ma­tive en rai­son du traite­ment arbi­traire du chiffre des térawattheures élec­triques obtenus sans pass­er par l’intermédiaire d’une pro­duc­tion de vapeur ou de gaz chaud).
  • Le Soleil envoie vers la Terre un ray­on­nement de 174 pétawatts (174 x 1015 watts) soit pen­dant un an une énergie de 1 550 mil­lions de térawattheures soit encore 9 000 fois l’énergie pri­maire totale util­isée annuelle­ment par l’humanité. Une par­tie de ce ray­on­nement est réfléchie ou red­if­fusée vers l’espace.
  • La chaleur générée par la radioac­tiv­ité du noy­au ter­restre et les échanges ther­miques entre noy­au à plusieurs mil­liers de degrés et croûte ter­restre (quelques dizaines de térawatts) joue un rôle nég­lige­able par rap­port au ray­on­nement solaire.
  • Un réac­teur EPR génère une puis­sance ther­mique de 4,3 GW cor­re­spon­dant à 1,6 GW élec­trique. S’il fonc­tionne à 80 % du temps, sa pro­duc­tion annuelle est d’environ 11 TWh.
  • En 2020 la pro­duc­tion d’électricité totale de l’humanité a été de 27 000 TWh, soit celle de 2 500 EPR.

Le Monde sans finLe Monde sans fin,
mir­a­cle énergé­tique et dérive climatique
Jean-Marc Jan­covi­ci et Christophe Blain
Édi­tions Dar­gaud, 2021, 196 pages

18 Commentaires

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Jean-Nico­lasrépondre
29 mars 2022 à 19 h 31 min

- le cou­plage énergie/PIB décrit dans la BD est mon­di­al. Il est expliqué dans cette pub­li­ca­tion pourquoi cela induit en erreur de regarder les choses à la seule maille d’un pays : https://www.carbone4.com/publication-decouplage
— je ne com­prends pas ce que l’au­teur entend “con­tredire” quand il évoque l’én­ergie pri­maire et l’én­ergie finale. La dis­tinc­tion est évidem­ment présente dans le cours des Mines Paris­Tech ou sur cette page par exem­ple : https://jancovici.com/transition-energetique/vous-etes-plutot-primaire-ou-plutot-final/
— nous n’évo­quons pas la fusion parce que l’hori­zon de temps est bien trop éloigné
— il n’est absol­u­ment pas dit dans la BD que “à part le nucléaire il n’y a rien à faire” : toute la par­tie finale dit le contraire
— nous avons effec­tive­ment mal posi­tion­né les bar­res de con­trôle dans le dessin représen­tant les BWR. Ca ne change pas vrai­ment la con­clu­sion d’ensemble.
Le pro­fil de l’au­teur de la cri­tique est là : https://www.lajauneetlarouge.com/auteur/francois-xavier-martin-63/
Jaune et la Rouge n’est pas une revue à comité de lec­ture… c’est juste l’opin­ion du redac­teur de l’article …

François Xavier Martinrépondre
31 mars 2022 à 15 h 37 min
– En réponse à: Jean-Nicolas

– le cou­plage énergie/PIB décrit dans la BD est mon­di­al. Il est expliqué dans cette pub­li­ca­tion pourquoi cela induit en erreur de regarder les choses à la seule maille d’un pays : https://www.carbone4.com/publication-decouplage

La BD affirme page 88 que : « la pro­duc­tion économique varie exacte­ment comme l’énergie ».

La pub­li­ca­tion de Car­bone 4 con­firme (à la fin de son 1er §) le décou­plage très net que j’ai indiqué dans l’article entre PIB et con­som­ma­tion d’énergie pour la France de 2001 à 2019.

Le fait que le PIB français aug­mente de 21% (en € con­stants) alors que la con­som­ma­tion totale d’énergie (en TWh) bais­sait simul­tané­ment de 6% n’a pas pour rai­son essen­tielle la part excep­tion­nelle du nucléaire dans notre pays, puisqu’à l’exception de Civaux tous les réac­teurs français avaient déjà été mis en ser­vice avant 2001.

Les raisons de ce décou­plage réel (prise de con­science de la néces­sité de pass­er à une crois­sance plus « sobre », mise en place des pre­mières mesures cor­re­spon­dantes, délo­cal­i­sa­tion vers d’autres pays d’activités indus­trielles très con­som­ma­tri­ces d’énergie, … ) entraî­nent des con­séquences voisines dans la plu­part des économies développées.

Je ne mets pas en doute l’observation de Car­bone 4 sur une absence de décou­plage au niveau mon­di­al. Ceci veut sim­ple­ment dire que les pays en voie de développe­ment ont eu simul­tané­ment, compte tenu de pri­or­ités dif­férentes, une tra­jec­toire très éner­gi­vore, sit­u­a­tion qui devrait évoluer à mesure que leurs économies se rap­prochent des stan­dards des pays développés.

– je ne com­prends pas ce que l’auteur entend « con­tredire » quand il évoque l’énergie pri­maire et l’énergie finale. La dis­tinc­tion est évidem­ment présente dans le cours des Mines Paris­Tech ou sur cette page par exem­ple : https://jancovici.com/transition-energetique/vous-etes-plutot-primaire-ou-plutot-final/

Effec­tive­ment, la dis­tinc­tion entre énergie pri­maire et énergie finale fig­ure dans ce cours des Mines Paris­Tech à des­ti­na­tion d’élèves-ingénieurs dont on peut espér­er qu’ils la con­nais­saient déjà depuis les class­es pré­para­toires ou même le lycée.

En revanche elle n’est pra­tique­ment pas expliquée dans la BD. Cette absence rend « les nuls en physique » (vraisem­blables cibles pri­or­i­taires de la BD) per­méables à des manip­u­la­tions de chiffres dans les com­para­isons entre divers­es formes d’énergie, par exem­ple dans la mise en exer­gue page 126 de la BD d’une appar­ente « part infime dans le monde du solaire – 1,3 % — et de l’éolien – 2,3 % — » alors que leur con­tri­bu­tion actuelle de 11 % à la pro­duc­tion mon­di­ale d’électricité dépasse déjà celle du nucléaire, cette hiérar­chie étant des­tinée à dur­er pen­dant plusieurs décen­nies, quelles que soient les déci­sions d’investissements à venir).

– nous n’évoquons pas la fusion parce que l’horizon de temps est bien trop éloigné

L’horizon de temps de la con­tri­bu­tion sig­ni­fica­tive du nou­veau nucléaire par fis­sion (je ne par­le pas de la pro­lon­ga­tion du fonc­tion­nement de l’existant, mais de celui qui n’a pas encore été décidé !) est égale­ment bien éloigné, ce qui rend hasardeux les cal­culs de rentabil­ité des investisse­ments cor­re­spon­dants basés sur des durées de fonc­tion­nement des réac­teurs extrême­ment longues (60 ans ou plus).

La fusion mérit­erait au moins une ou deux bulles dans la BD, car il est impor­tant que les « nuls » pren­nent con­science du fait qu’un groupe de pays con­sacre actuelle­ment des dizaines de mil­liards d’€ à un démon­stra­teur qui pour­rait (ou non !) débouch­er sur des réal­i­sa­tions con­crètes avant 2100 (donc pen­dant cette longue péri­ode d’amortissement des investisse­ments – encore à décider — dans du nou­veau nucléaire par fission).

– il n’est absol­u­ment pas dit dans la BD que « à part le nucléaire il n’y a rien à faire » : toute la par­tie finale dit le contraire

L’article ne reproche « absol­u­ment pas » à la BD d’affirmer qu’ « à part le nucléaire il n’y a rien à faire », mais de soutenir que sans une aug­men­ta­tion de la part du nucléaire il sera impos­si­ble de main­tenir notre mode de vie.

– nous avons effec­tive­ment mal posi­tion­né les bar­res de con­trôle dans le dessin représen­tant les BWR. Ça ne change pas vrai­ment la con­clu­sion d’ensemble.

Il y a dans la BD une volon­té sys­té­ma­tique de gom­mer les aspects les plus inquiétants :

- Tch­er­nobyl (destruc­tion d’un réac­teur RBMK) : aucune men­tion du fait qu’a eu lieu le phénomène le plus red­outé des con­cep­teurs de réac­teurs (con­sid­éré jusque-là comme qua­si-impos­si­ble) : l’emballement d’une réac­tion en chaîne qui n’a été stop­pé que par l’explosion du réac­teur entraî­nant la dis­per­sion de ses com­posants. L’explosion a été causée tout à la fois par cet emballe­ment de la réac­tion en chaîne et la généra­tion d’hydrogène – seule rai­son men­tion­née dans la BD, car plus ras­sur­ante ! Aucune men­tion du fait que les bar­res de con­trôle con­te­naient une par­tie en graphite dont l’insertion a accéléré la réac­tion en chaîne au lieu de l’arrêter !

- Fukushi­ma (destruc­tion de 3 réac­teurs BWR) : util­i­sa­tion du thème récur­rent et ras­sur­ant des bar­res de con­trôle qui tombent spon­tané­ment quand tout va mal, inap­plic­a­ble aux six réac­teurs du site (voir sché­mas erronés page 142 de la BD, à com­par­er au sché­ma de l’article). Aucune men­tion du fait que les fonds des six cuves avaient des formes de pas­soires ou de presse-purées. Rien sur la fuite de cori­um à tra­vers les bas de cuves-pas­soires des trois réac­teurs en service.

Au pas­sage ceci mon­tre que cer­tains ingénieurs de ce secteur ont pu con­cevoir et faire con­stru­ire sans veto des organ­ismes de sûreté nucléaire des types de réac­teurs inclu­ant des car­ac­téris­tiques com­plète­ment aber­rantes sur le plan de cette sûreté.

A not­er que des BWR et des RBMK sont encore en ser­vice, dont deux RBMK à 70 km de Saint-Péters­bourg (plus de 5 mil­lions d’habitants).

Le pro­fil de l’auteur de la cri­tique est là : https://www.lajauneetlarouge.com/auteur/francois-xavier-martin-63/
Jaune et la Rouge n’est pas une revue à comité de lec­ture… c’est juste l’opinion du rédac­teur de l’article …

Ce qui précède mon­tre que la BD n’a pas non plus été soumise à un comité de lecture …

Philippe Renautrépondre
6 avril 2022 à 0 h 38 min

Même si un acci­dent majeur est tou­jours pos­si­ble sur une cen­trale nucléaire en France, je ne met­trais pas sur le même plan toutes les tech­nolo­gies évo­quées précédem­ment : fil­ière graphites-gaz certes avec un meilleur ren­de­ment, mais arrêtée après 2 acci­dents en France (sans grav­ité pour la pop­u­la­tion) qui ont vu l’ar­rêt de la fil­ière, la the­cholo­gie RBMK qui utilise le graphite comme mod­éra­teur et l’eau comme calo­por­teur, dan­gereux car sans boucle néga­tive de rétro action, la tech­nolo­gie PWR en ser­vice en France qui utilise l’eau pour mod­éra­teur et flu­ide calo­por­teur, avec une boucle de rétro action négative.
Quels ont été les con­séquences des acci­dents nucléaires ? Three Miles Islands (tech­nolo­gie PWR et enceinte de con­fine­ment), 3 semaines d’é­vac­u­a­tion tem­po­raire, la perte matérielle d’un réac­teur et c’est tout. Cher­nobyl sans enceinte de con­fine­ment, a pol­lué 5 fois plus que Fukushi­ma qui avait 2 fois plus de puis­sance instal­lée et a fait l’ob­jet d’une agres­sion extérieure. Le prob­lème à Fukushi­ma ce n’é­tait pas la descente des bar­res de con­trôle, qui a très bien fonc­tion­né et neu­tral­isé les réac­tions de l’u­ra­ni­um, mais l’ar­rêt du refroidisse­ment (il con­vient de garder env­i­ron 10% de la capac­ité de refroidisse­ment). En effet les pro­duits de fis­sion con­tin­u­ent à se dés­in­té­gr­er pen­dant plusieurs jours tout en dégageant de l’én­ergie. Suite au trem­ble­ment de terre et au Tsuna­mi, la cen­trale a per­du son ali­men­ta­tion élec­trique extérieure, donc ses pom­pes prin­ci­pales, et ses pom­pes de sec­ours inondées. L’ASN et EDF ont appris de l’ac­ci­dent de Fukushi­ma, en ren­forçant notam­ment les redon­dances de pom­pes bien posi­tion­nées. Il est ras­sur­ant de con­stater que les cen­trales français­es ont béné­fi­cié d’un REX sincère.
Ceci n’est sans doute pas suff­isant et je souhaite égale­ment que les prochaines généra­tions de cen­trales soient encore plus sures, en lim­i­tant les con­séquences par design, après avoir beau­coup tra­vail­lé sur la réduc­tion de la prob­a­bil­ité d’accident.
Quelques élé­ments de rentabil­ité, il ne faut pas atten­dre 60 ans pour que le nucléaire soit moins cou­teux que l’éolien, mais env­i­ron 10–15 ans, ce qui peut ren­dre le pro­jet un peu long pour un acteur privé (quoique Ama­zon a per­du de l’ar­gent pen­dant plus de 10 ans).
En atten­dant, il faut faire des choix face à l’é­val­u­a­tion des risques, cer­tains poten­tiels, d’autres cer­tains. Je vois les alter­na­tives suiv­antes : se ser­rer la cein­ture énergé­tique en sac­ri­fi­ant notre niveau de vie ce qui sig­ni­fie pour les pays en développe­ment des famines, avoir une cat­a­stro­phe nucléaire poten­tielle­ment dans les 50 prochaines années pro­duisant une zone de 500 km² non-hab­it­able, voir l’élé­va­tion du niveau des mers ray­er de la carte la moitié des Pays-Bas ain­si que de nom­breuses zones côtières, éten­dre encore l’emprise de l’Homme sur des espaces naturels (éoli­ennes en mer, dans les parcs) ce qui va néces­saire­ment per­turber encore davan­tage la faune sauvage. Mesurons bien les ordres de grandeur et les enjeux réels avant de pren­dre des décisions.

francois-xavier.martin.1963répondre
6 avril 2022 à 12 h 40 min

Une pré­ci­sion. ” Le prob­lème à Fukushi­ma ce n’était pas la descente des bar­res de con­trôle, qui a très bien fonc­tion­né et neu­tral­isé les réac­tions de l’uranium “. Non, c’est la mon­tée des bar­res de con­trôle (sujette à une éventuelle panne du mécan­isme qui la provoque) qui a neu­tral­isé la réac­tion en chaîne. En dehors de ce risque de panne, une con­séquence col­latérale de cette archi­tec­ture est que la cuve d’un BWR dont la base est per­cée d’une cen­taine de trous ne peut pas con­fin­er totale­ment un cœur en fusion, ren­dant cette tech­nolo­gie poten­tielle­ment plus pol­lu­ante que celle des PWR en cas d’in­ci­dent grave. Fort heureuse­ment la ten­ta­tive d’in­tro­duc­tion de BWR en France a échoué (mais de peu !). Rap­pel (Wikipé­dia) : ” En sep­tem­bre 1972, la CGE présente le BWR‑6, un réac­teur à eau bouil­lante de Gen­er­al Elec­tric . Le 4 févri­er 1974, EDF noti­fie offi­cielle­ment à la CGE la com­mande de huit réac­teurs, dont deux fer­mes. Le 4 août 1975, EDF annule cette com­mande. Il s’agit d’un échec cuisant pour la CGE qui se retire dès lors de la fil­ière nucléaire française “.
Une réflex­ion : “Je vois les alter­na­tives suiv­antes (au nucléaire) : se ser­rer la cein­ture énergé­tique en sac­ri­fi­ant notre niveau de vie ce qui sig­ni­fie pour les pays en développe­ment des famines” ce qui est effrayant est qu’une hypothé­tique déci­sion de développe­ment mas­sif du nucléaire dans ces pays n’au­ra pas d’ef­fet sen­si­ble pen­dant toute la durée de con­struc­tion d’un parc sig­ni­fi­catif de réacteurs …

Guil­laume Monnetrépondre
23 avril 2022 à 22 h 10 min

Bon­jour,
Pour faire une petite réac­tion rapi­de, il est quand même sur­prenant d’écrire une réac­tion à un arti­cle en reprochant le manque de pré­ci­sion et les rac­cour­cis tout en faisant la même chose dans son arti­cle. En effet, il faut env­i­ron 3kWh d’én­ergie fos­sile pour faire un kWh d’élec­tric­ité qui ali­mentera une voiture élec­trique. Sauf qu’un moteur élec­trique a un ren­de­ment d’en­v­i­ron 95–98%. Donc grosso modo, 1 kWh d’én­ergie élec­trique per­met de pro­duire 1kWh d’én­ergie ciné­tique pour la voiture. A l’op­posé, un moteur à com­bus­tion interne util­isant de l’én­ergie fos­sile à un ren­de­ment d’en­v­i­ron 30–35%. Donc 3kWh d’én­ergie fos­sile per­me­t­tent de pro­duire 1kWh d’én­ergie ciné­tique. Si on résume :
— voiture élec­trique : à l’u­sine 3kWh d’én­ergie fos­sile -> 1kWh d’én­ergie élec­trique ; à la voiture 1kWh d’én­ergie élec­trique -> 1kWh d’én­ergie cinétique
— voiture à com­bus­tion : à “l’u­sine” 3kWh d’én­ergie fos­sile -> 3kWh d’én­ergie fos­sile ; à la voiture 3kWh d’én­ergie fos­sile -> 1kWh d’én­ergie cinétique.
Donc dans tous les cas 3kWh d’én­ergie fos­sile donne le même ser­vice en sor­tie con­traire­ment à ce que vous affirmer.
Pour aller plus loin, la grosse dif­férence est que nous avons de bien meilleur per­spec­tive d’amélior­er l’ef­fi­cac­ité de la pro­duc­tion élec­trique, que l’ef­fi­cac­ité des moteurs ther­miques. Aujour­d’hui les moteurs de voitures les plus per­for­mants sont ceux des for­mules 1, mais ils atteignent à peine les 50–55% d’ef­fi­cac­ité (et encore c’est en par­tie grâce à des sys­tèmes de récupéra­tion d’én­ergie ciné­tique et ther­mique par une con­ver­sion en énergie élec­trique!). Sachant que les inno­va­tions pro­duites en F1 met­tent en générale 10–20 pour arriv­er dans les voitures commerciales.
Bref sur l’ensem­ble de la chaine du car­bu­rant pour une voiture, l’élec­tric­ité est aus­si effi­cace que le fos­sile. Et en plus les per­spec­tives sont bien meilleures.

francois-xavier.martin.1963répondre
25 avril 2022 à 14 h 43 min

A G. Mon­net. Je vous remer­cie de votre intérêt pour mon article.
Vous écrivez :
” Donc dans tous les cas 3kWh d’én­ergie fos­sile donne le même ser­vice en sor­tie con­traire­ment à ce que vous affirmez “.
Je suis bien sûr d’ac­cord avec ce tru­isme, sauf avec le “con­traire­ment à ce que vous affirmez” final qui ne cor­re­spond pas à ce que j’ai écrit.
Voici ce que je voulais dire et ai peut-être exprimé de façon trop succincte.

Le même kWh élec­trique faisant par­tie du total de la pro­duc­tion d’élec­tric­ité indiqué dans les sta­tis­tiques peut être util­isé pour :
— faire rouler une voiture élec­trique et fournir 1 kWh d’én­ergie ciné­tique + poten­tielle (côtes) + frot­te­ments (dont résis­tance de l’air). Il a alors la même util­ité qu’en­v­i­ron 3 kWh ther­miques venant de la com­bus­tion de car­bu­rant dans la même voiture munie d’un moteur thermique.
— chauf­fer un apparte­ment. Il a alors la même util­ité que 1 kWh ther­mique venant de la com­bus­tion de gaz ou de fuel dans la chaudière de l’ap­parte­ment (si on nég­lige la par­tie de l’én­ergie venant de la com­bus­tion locale qui part par la cheminée).

Guil­laume Monnetrépondre
28 avril 2022 à 19 h 34 min
– En réponse à: francois-xavier.martin.1963

On peut con­tin­uer comme cela longtemps… Une chaudière à gaz à un ren­de­ment de 80–90% con­tre 98–100% pour un radi­a­teur élec­trique. Et si vous avez une pompe à chaleur le ren­de­ment est supérieur à 300%. Tout ça pour dire que la BD fait bien de met­tre l’ac­cent sur l’élec­tric­ité comme énergie pour le future et de rétro­grad­er le fioul et le gaz.

Arnaud B.répondre
27 avril 2022 à 1 h 54 min

Je reviens sur la com­para­i­son des pro­duc­tions d’én­ergie. Dans la BD, à l’en­droit évo­qué, il s’ag­it de com­par­er toutes les sources éner­gies entre elles ; cela s’est tou­jours fait en énergie primaire.
Il n’y a pas de mal­ice dans la BD, les pro­por­tions des éner­gies pri­maires sont : 38EJ en hydroélec­trique, 24EJ en nucléaire, 14EJ en éoli­enne et 7,6EJ en solaire, par­mi un total de 636 EJ. En % cela donne : nucléaire 3,7%, éoli­enne 2,2%, solaire 1,2%. (source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ressources_et_consommation_%C3%A9nerg%C3%A9tiques_mondiales)
Dans cette com­para­i­son toutes les éner­gies béné­fi­cient du même coef­fi­cient de con­ver­sion virtuel, avec un ren­de­ment de 40%, l’éolien et le solaire ne sont pas défavorisées.
J’ex­plicite la dif­férence entre l’én­ergie pri­maire et l’én­ergie finale, comme évo­quée déjà de nom­breuses fois. Je reprends un exem­ple avec du fioul :
— Si vous brûlez le fioul dans la chaudière, vous avez pro­duit 1MJ en énergie pri­maire, que vous récupérez au finale en 1MJ ther­mique pour le chauffage.
— Si vous utilisez le fioul dans une cen­trale ther­mique en brûlant 1MJ en énergie pri­maire, vous récupérez au finale 0,4MJ en énergie élec­trique, si votre sys­tème a un ren­de­ment clas­sique de 40%.
La con­som­ma­tion d’én­ergie finale est la plu­part du temps inférieure à l’én­ergie pri­maire qu’on a util­isée pour en béné­fici­er, le rap­port entre les 2 est le ren­de­ment. Lorsqu’on com­pare des pro­duc­tions d’én­ergie pri­maire, on ne regarde pas l’én­ergie élec­trique réelle en kWh, on regarde com­bi­en de pét­role serait néces­saire pour la pro­duire dans une cen­trale, avec un ren­de­ment clas­sique de 40%. C’est la méthode améri­caine, il faut faire atten­tion, parce que dans cer­taines méth­odes inter­na­tionales ou française, les coef­fi­cients peu­vent être dif­férents pour le nucléaire et pour l’éolien par exemple.
Dans les chiffres de la BD je retrou­ve bien les con­ven­tions où toutes les pro­duc­tions élec­triques sont mis­es à égal­ité avec les autres, avec un ren­de­ment de 40%. Il n’y a pas de défa­voritisme con­tre l’éolien et le solaire.

François Xavier MARTINrépondre
27 avril 2022 à 12 h 37 min

A Arnaud B. « Je reviens sur la com­para­i­son des pro­duc­tions d’énergie. Dans la BD, à l’endroit évo­qué, il s’agit de com­par­er toutes les sources éner­gies entre elles ; cela s’est tou­jours fait en énergie pri­maire. Il n’y a pas de mal­ice dans la BD »
Je trou­ve au con­traire qu’il y une cer­taine « mal­ice » à écrire en tête de chapitre : « l’éolien et le solaire représen­tent une part « INFIME » des éner­gies dans le monde » sans com­par­er au nucléaire exis­tant (et à venir pen­dant les 20 prochaines années). Après avoir lu cette phrase et des pour­cent­ages – un peu anciens – cal­culés par rap­port à l’énergie pri­maire et non à l’énergie élec­trique, le lecteur-cible de cette BD (c’est-à-dire le grand pub­lic, la plu­part des poli­tiques et des jour­nal­istes) serait vraisem­blable­ment très sur­pris d’apprendre qu’à par­tir de 2021 cette part « infime » a déjà dépassé celle du nucléaire, sit­u­a­tion qui va de toute façon per­dur­er pen­dant quelques décen­nies compte tenu du temps néces­saire à décider la con­struc­tion de nou­velles cen­trales nucléaires et à les met­tre en ser­vice. (d’après https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/parc-nucleaire-mondial-production-delectricite il y a actuelle­ment 450 réac­teurs de tous âges en ser­vice et une cinquan­taine en construction).
Dans la suite de la BD le nou­veau nucléaire est représen­té comme un para­chute ven­tral sal­va­teur face tous les « trucs plus pro­pres » (éolien, hydrogène ou « n’importe quelle con­ner­ie » — sic ! mer­ci pour ceux qui y tra­vail­lent -) dont la mise en œuvre serait trop lente pour éviter de s’écraser sur le sol. Dans la réal­ité, quelles que soient les déci­sions au niveau mon­di­al, le nou­veau nucléaire aura un effet beau­coup plus lent que la plu­part de ces « trucs ». Compte tenu du coût très impor­tant de l’investissement néces­saire au nou­veau nucléaire, il me sem­ble qu’une bonne ges­tion devrait con­duire à lim­iter son rôle au strict min­i­mum néces­saire à la com­pen­sa­tion du car­ac­tère inter­mit­tent de la plu­part des éner­gies renou­ve­lables et au rem­place­ment éventuel des cen­trales exis­tantes qui doivent, elles, « quoi qu’il en coûte » être sécurisées au max­i­mum pour con­tin­uer à être exploitées.

Daniel Fis­ch­errépondre
27 avril 2022 à 17 h 29 min

Le lun. 25 avr. 2022 à 18:49, Daniel Fis­ch­er a écrit :
L’Article pub­lié sous la sig­na­ture de notre cama­rade François Xavier Mar­tin paru dans la Jaune et la Rouge de mars 2022 mérite quelques com­men­taires que je voudrais apporter ici..
Notre cama­rade cri­tique le par­ti pro nucléaire de la BD « Le Monde sans fin » de Jean Marc Jan­covi­ci et je retiens 2 élé­ments qui l’amènent à pos­er des lim­ites à la solu­tion nucléaire : la ges­tion des déchets , le risque d’incidents graves .
— Plutôt que de par­ler de « dan­gereux » déchets , il aurait été plus rigoureux de par­le des seules caté­gories « moyenne activ­ité vie longue » et « haute activ­ité » pour lesquels les pays nucléarisés Fin­lande, Suède, Etats Unis et France ont un pro­gramme con­stru­it de stock­age , le pro­gramme français sous le nom de Cigeo étant large­ment doc­u­men­té sur le site de l’ANDRA .
— Le risque d’incident : par cette for­mu­la­tion délibéré­ment vague qui prend le con­tre pied du « ras­surisme » de JMC , notre cama­rade enfourche les vieux dadas de la men­ace nucléaire , men­ace qui que réfu­tent toutes les sta­tis­tiques sur le sujet . Et reprenant les pro­pres mots de FXM , « la descrip­tion de la cat­a­stro­phe de Fukushi­ma est éton­nante » Cette cat­a­stro­phe a provo­qué plus de 20.000 décès sur lesquels moins de 10 sont dus à des irra­di­a­tions , le sol­de étant la con­séquence du tsuna­mi . Pour s’en con­va­in­cre , il suf­fit de se référ­er aux pub­li­ca­tions de l’ UNSCEAR libre­ment acces­si­bles sur Inter­net . Cette insti­tu­tion de l’ONU au sigle bar­bare , créée en 1955 avec comme objet d’évaluer les niveaux et les effets de la radio­ex­po­si­tion , est beau­coup moins con­nue que sa jeune con­soeur, le GIEC , créée en 1988 , et , curieuse­ment ses travaux n’attirent pas l’attention du grand public .

Enfin quand FXM abor­de la ques­tion des éner­gies renou­ve­lables , il me sem­ble com­met­tre une erreur d’analyse en ne con­statant pas que la réponse au choix nucléaire / ENR est large­ment dépen­dante de con­sid­éra­tions géo­graphiques – ce qui est vrai pour un pays du Sahel large­ment ensoleil­lé et dépourvu de réseau HT robuste ne l’est par pour notre pays- et il pêche par opti­misme en ten­ant implicite­ment pour acquis le prob­lème du stock­age . Or il est clair que tant que cette ques­tion du stock­age n’aura pas été résolu de manière rentable , le recours aux éner­gies renou­ve­lables est pour notre pays une fausse solution .
Daniel Fis­ch­er X59

François Xavier MARTINrépondre
28 avril 2022 à 11 h 47 min

A Daniel Fis­ch­er Cher camarade,
Mer­ci pour cette lec­ture atten­tive de mon arti­cle. Je réponds aux 3 points que tu évoques :
GESTION DES DECHETS : J’ai écrit « Nous savons que, face à la bien­v­enue réduc­tion dras­tique des émis­sions de gaz car­bonique qu’entraînerait le recours mon­di­al au nucléaire, exis­tent cer­tains incon­vénients : … ges­tion de dan­gereux déchets », ce qui ne veut pas dire que ces déchets ont été ou vont être respon­s­able de mil­liers de décès, mais que leur nature impose une ges­tion com­plexe, longue (pen­dant des décen­nies ? des siè­cles ? des mil­lé­naires ?) et donc coû­teuse dont on doit tenir compte quand on com­pare le nucléaire aux autres moyens de pro­duc­tion d’électricité.
RISQUE D’INCIDENTS GRAVES … que tu qual­i­fies de « men­ace que réfu­tent toutes les sta­tis­tiques sur le sujet ». Je con­sid­ère que la destruc­tion d’un réac­teur ren­du subite­ment inutil­is­able est un inci­dent grave ; encore plus (dans le cas de réac­teurs à eau sous pres­sion ou bouil­lante) si le cœur en fusion (cori­um) peut s’échapper au moins par­tielle­ment de la cuve ; et stade ultime si c’est l’ensemble du réac­teur qui explose. Or pour un parc de moins d’un mil­li­er de réac­teurs élec­trogènes (450 actuelle­ment en ser­vice + un cer­tain nom­bre main­tenant arrêtés) on a déjà con­staté 5 destruc­tions de réac­teurs, dont 3 avec fuite « sim­ple » de cori­um et destruc­tion (par explo­sion chim­ique) des bâti­ments con­tenant les réac­teurs et 1 destruc­tion totale (mixte par perte de con­trôle de la réac­tion en chaîne + explo­sion chimique).
En France les 2 cen­trales graphite-gaz de Saint-Lau­rent-des-Eaux ont con­nu des fusions par­tielles de cœur. Et par chance nous avons échap­pé, mal­gré un intense lob­by­ing de leurs pro­mo­teurs, aux funestes réac­teurs à eau bouil­lante à fond de cuve pré-per­cé d’une cen­taine de trous en usine
(Rap­pel Wikipedia : En sep­tem­bre 1972, la CGE présente le BWR‑6, un réac­teur à eau bouil­lante de Gen­er­al Elec­tric . Le 4 févri­er 1974, EDF noti­fie offi­cielle­ment à la CGE la com­mande de huit réac­teurs, dont deux fer­mes. Le 4 août 1975, EDF annule cette com­mande. Il s’agit d’un échec cuisant pour la CGE qui se retire dès lors de la fil­ière nucléaire française).
ENERGIES RENOUVELABLES : « le recours aux éner­gies renou­ve­lables est pour notre pays une fausse solu­tion ». Le tout nucléaire serait une solu­tion tout aus­si « fausse » puisqu’investir unique­ment dans du nou­veau nucléaire n’apportera pas un kWh sup­plé­men­taire avant 2035, alors que le besoin en élec­tric­ité va vraisem­blable­ment aug­menter et que cer­taines cen­trales nucléaires actuelles risquent d’arriver en fin de vie.

Karimrépondre
24 décembre 2022 à 11 h 12 min

Que le cori­um puisse s’échap­per n’est-il pas une bonne chose ? Une fois tombé il s’é­tale et se refroid­it. S’il reste con­cen­tré au fond de la cuve il fait mon­ter la tem­péra­ture et la pres­sion, la cuve explose, poten­tielle­ment vers le haut…
Et oui, il n’y a pas d’al­ter­na­tive à la fis­sion pour décar­bon­er l’hu­man­ité. Si edf est inca­pable de mon­ter un nou­veau parc nucléaire en moins de 15 ans, alors con­fions la mis­sion à Bouygues.

Jérôme Mar­tinrépondre
24 décembre 2022 à 13 h 03 min

Atten­tion aux dog­ma­tismes sur ces sujets sen­si­bles et d’une portée plus qu’im­por­tante. Mon­sieur Jan­covi­ci (noté “Jan­co” dans la suite de mon pro­pos) a un dis­cours réal­iste sur notre sit­u­a­tion énergé­tique et cli­ma­tique qu’il porte depuis de nom­breuses années. L’én­ergie nucléaire, qu’il sem­ble défendre bec et ongles, a toute­fois bien les mérites qu’il lui attribue : pilotable, décar­bonée, rel­a­tive­ment fiable… Cepen­dant, on con­state tout de même quelques dys­fonc­tion­nements et un manque évi­dent de trans­parence de la fil­ière nucléaire. Cela est surtout du au fait que le nucléaire, dont la France est un des plus grands spé­cial­ités et expor­ta­teurs a longtemps été un sujet politi­co-économique dans un monde qui croy­ait encore à la néces­sité d’un crois­sance galopante. On ne voulait surtout pas affaib­lir la mane du nucléaire en lais­sant penser qu’il pou­vait y avoir des risques et que les sys­tèmes n’é­taient pas aus­si fiables que le dis­aient les marchands français de nucléaire. Or, aujour­d’hui, le monde n’est plus celui d’il y a 30 ans, ni même 10 ans. Les cat­a­stro­phes de Fukushi­ma et les autres inci­dents “maitrisés” doivent nous faire com­pren­dre un point impor­tant : pour réduire les risques et aug­menter la fia­bil­ité, il faut faire sor­tir la pro­duc­tion d’én­ergie en général et le nucléaire en par­ti­c­uli­er de la logique de prof­it, voire d’ex­ploita­tion. Que ce soit pour les investis­seurs privés ou pour les états vendeurs. Les investisse­ments doivent être fait à l’échelle au moins européenne, voire “occi­den­tale” et si pos­si­ble mon­di­ale, pour un nucléaire fia­bil­isé et trans­par­ent, les retours sur investisse­ment doivent être surs mais pas ver­tig­ineux. L’en­jeu aujour­d’hui n’est plus l’ar­gent, la rentabil­ité ou d’autres chimères des 30 glo­rieuses, mais bien la survie de l’hu­man­ité dans une rel­a­tive sécu­rité. Comme le dit notre Jan­co, le pic de pro­duc­tion d’én­ergie fos­sile est passé et celle ci va se raré­fi­er donc se renchérir. Ce n’est donc plus un choix d’avenir, aus­si “verdit” qu’on puisse le faire. Les éoli­ennes et autres éner­gies renou­ve­lables ont ce prob­lème de n’être pas pilota­bles et doivent donc être équili­brées par des éner­gies pilota­bles com­plé­men­taires. Le nucléaire, s’il est bien fait, ne portera en effet ses fruits cli­ma­tiques et énergé­tiques que d’i­ci 30 ans au mieux. Donc, ce que dit Jan­co et qui n’est que du bon sens est : Sor­tons du pét­role intel­ligem­ment, lançons la trans­for­ma­tion du nucléaire pour le ren­dre pro­duc­tif et trans­par­ent, quitte à ce qu’il soit moins prof­itable économique­ment, et, le temps que ces investisse­ments por­tent leurs fruits, util­isons les éner­gies renouvelables.
Le but n’est pas de ven­dre le nucléaire à tout prix, mais d’u­tilis­er les moyens à notre dis­po­si­tion d’une façon effi­cace et raison­née, pour sor­tir du tout pét­role tout en sauve­g­ar­dant un peu de la paix dans le monde, de la bio­di­ver­sité et de notre confort.

thier­ry Mercierrépondre
26 décembre 2022 à 21 h 37 min

Votre arti­cle écrit ” (…) renou­ve­lable accom­pa­g­né du stock­age des­tiné à en pal­li­er les inter­mit­tences”, sans détailler que le stock­age de l’élec­tric­ité, c’est un leurre (une illu­sion ) à grande échelle, que cela con­som­merait en bat­ter­ies une quan­tité folle (en énergie grise)

Christopherépondre
11 janvier 2023 à 15 h 34 min
– En réponse à: thierry Mercier

Vous trou­verez les détails des solu­tions de ges­tion de l’in­ter­mit­tence des renou­ve­lables en France, y com­pris dans le cadre d’un mix élec­trique 100% renou­ve­lable, dans le chapitre « futurs énergé­tiques 2050 » de RTE.

Karimrépondre
16 janvier 2023 à 12 h 11 min
– En réponse à: Christophe

Ce rap­port de rte était une com­mande de Bar­bara Pom­pili. La par­tie « futurs énergé­tiques 2050 » est une fable dont le seul but était de faire plaisir à ses amis écolos.

Julien Gardeuxrépondre
20 janvier 2023 à 18 h 39 min

Petit point à pren­dre en compte dans votre analyse sur le (dé)couplage Energie / PIB … con­sid­ér­er que la délo­cal­i­sa­tion d’une indus­trie par­ti­c­ulière­ment con­som­ma­trice (et donc émet­trice) per­met de décou­pler le rap­port Energie / PIB est une analyse en trompe l’œil. Il faut réin­té­gr­er dans cette analyse les émis­sions de CO2 (et donc l’En­ergie con­som­mée) fait à l’é­tranger sur l’in­té­gral­ité de la chaine de valeur (avant ou après).
Rai­son pour laque­lle cette analyse ne peut se faire au niveau d’un pays mais qu’avec des don­nées glob­ales ou le décou­plage n’ex­iste plus.

BILANDrépondre
21 janvier 2023 à 22 h 35 min

Je ne com­prends tou­jours pas com­ment, avec un réchauf­fe­ment à 1,2° (et les con­séquences que l’on con­naît pour avoir à les vivre…) et prévu à 2° sans doute d’i­ci 2050… on puisse ter­gi­vers­er, con­tredire, se faire plaisir à férailler avec un spé­cial­iste de la physique alors que l’on est soit même quoi ??? J’ai pas trou­vé… Il est quoi le Mon­sieur qui a écrit cet arti­cle ? Vous ne pensez pas qu’il y a plus urgent ? Et ne pas être d’ac­cord empêche d’a­vancer ? Apparem­ment oui !!! Pfffff

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