Barrage de Roselend (© EDF / Dominique Guillaudin).

L’hydroélectricité en France : une énergie qui a de l’avenir !

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°786 Juin 2023
Par Emmanuelle VERGER

Dans un con­texte où le mix énergé­tique de la France et de l’Europe évolue pour faire face aux enjeux de neu­tral­ité car­bone, de décar­bon­a­tion et aux aléas géopoli­tiques, l’énergie hydraulique et l’hydroélectricité ont un très fort poten­tiel. Emmanuelle Verg­er, direc­trice d’EDF Hydro, nous en dit plus.

EDF Hydro est un acteur incontournable de l’hydraulique à échelle nationale et européenne. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Avec 20 000 MW de puis­sance instal­lée en France, EDF est le leader de l’énergie hydraulique au sein de l’Union européenne. 5 000 femmes et hommes d’EDF Hydro exploitent plus de 600 bar­rages, pour pro­duire la pre­mière des éner­gies renou­ve­lables en France et dans le monde.

Présente au cœur des val­lées depuis par­fois plus de 100 ans, l’histoire d’EDF Hydro est intime­ment liée depuis des décen­nies au développe­ment de nos ter­ri­toires. EDF Hydro porte une énergie qui a beau­coup d’atouts : renou­ve­lable, locale, elle est un des moyens de garan­tir la sou­veraineté énergé­tique de la France. L’énergie hydraulique facilite égale­ment l’intégration des nou­velles éner­gies renou­ve­lables, jouant un rôle piv­ot dans l’équilibre du réseau élec­trique, notam­ment lors des pics de consommation.

Dans un contexte où la décarbonation de l’énergie et des usages s’accélère, l’hydraulique a un rôle clé à jouer. Quel est-il ? Et comment l’hydraulique contribue à la réussite de la transition énergétique ?

Dans un con­texte de développe­ment de l’éolien et du pho­to­voltaïque, l’hydraulique a un rôle stratégique car, comme je viens de le pré­cis­er, il par­ticipe à assur­er l’équilibre entre la pro­duc­tion et la con­som­ma­tion d’électricité, grâce à sa capac­ité de stock­age. L’hydraulique, c’est 12% de la pro­duc­tion élec­trique annuelle en France, mais plus de 20 % lors des pics de consommation.

70 % de la capac­ité instal­lée du parc hydraulique d’EDF per­met de stock­er l’électricité, sur une durée plus ou moins longue. Et donc de l’injecter sur le réseau au moment où on a besoin. C’est le cas notam­ment grâce aux retenues d’EDF, ou lacs, mais aus­si grâce aux sta­tions de trans­fert d’énergie par pom­page, les STEP.

“70 % de la capacité installée du parc hydraulique d’EDF permet de stocker l’électricité, sur une durée plus ou moins longue.”

Arrê­tons-nous un moment sur les STEP. Con­crète­ment, ce sont de grandes bat­ter­ies, qui fonc­tion­nent en cir­cuit fer­mé avec deux retenues, une retenue supérieure et une retenue inférieure. Quand il y a une con­som­ma­tion très forte d’électricité, l’eau passe de la retenue supérieure vers la retenue inférieure pour être turbinée. Quand le besoin d’électricité est faible, l’eau est remon­tée, par pom­page, de la retenue inférieure vers la retenue supérieure. EDF en exploite 6 répar­ties sur le ter­ri­toire français, représen­tant 5 000 MW de capac­ités instal­lées. C’est ain­si que l’on dit que l’hydroélectricité est une source d’énergie très réac­tive. Moins de 10 min­utes suff­isent pour démar­rer les cen­trales hydrauliques et mobilis­er jusqu’à 14 000 MW. L’énergie hydraulique con­tribue ain­si à près de 50 % des moyens de pro­duc­tion util­isés pour l’ajustement final de l’offre et de la demande d’électricité.

Cet hiv­er est une bonne illus­tra­tion : lors des péri­odes ten­dues sur l’équilibre offre-demande, EDF Hydro a été par­ti­c­ulière­ment présente. Je tiens d’ailleurs à saluer tout par­ti­c­ulière­ment la mobil­i­sa­tion des équipes durant toute l’année 2022 pour assur­er un taux de disponi­bil­ité record de nos instal­la­tions dans le pas­sage de l’hiver.

Comment vous projetez-vous sur ce secteur ?

Il existe un poten­tiel de développe­ment pour l’hydroélectricité en France : c’est une énergie qui a de l’avenir !
La Pro­gram­ma­tion Pluri­an­nuelle de l’Énergie actuelle prévoit en effet 1000 MW sup­plé­men­taire d’ici 2028 et 1500 MW de STEP à l’horizon 2030–2035. Dans son rap­port sur les Futurs énergé­tiques, RTE voit aus­si un besoin sup­plé­men­taire de STEP de 3 000 MW, dans tous les scé­nar­ios, d’ici 2050.

Nous dévelop­pons, améliorons sig­ni­fica­tive­ment la per­for­mance de nos instal­la­tions exis­tantes, con­stru­ire et met­tre en ser­vice de nou­veaux équipements hydroélec­triques en France sup­posent que soit défini­tive­ment réglée la ques­tion d’une poten­tielle mise en con­cur­rence des con­ces­sions hydroélec­triques. Alors que l’hydraulique con­tribue plus que jamais à la sou­veraineté énergé­tique de la France, nous devons, aux côtés des ser­vices de l’État, trou­ver la solu­tion nous per­me­t­tant de sécuris­er nos con­ces­sions pour pou­voir inve­stir dans la durée.

Dans ce cadre, quels sont les projets qui vous mobilisent ? Quelles sont leurs spécificités ?

D’ici à 2035, EDF est en mesure d’augmenter la capac­ité instal­lée de son parc hydraulique de 2000 MW. Ce qui reviendrait à met­tre à dis­po­si­tion du sys­tème élec­trique l’équivalent d’environ deux nou­veaux réac­teurs nucléaires.

Ce poten­tiel de développe­ment à hori­zon 2035 est com­posé par deux types de projets :
Des pro­jets dont l’objectif est d’augmenter et d’optimiser la pro­duc­tion des instal­la­tions hydroélec­triques exis­tantes, ce qui représen­terait 500 MW sup­plé­men­taires par rap­port à la sit­u­a­tion actuelle. Aujourd’hui, le cadre juridique nous per­met de lancer des pro­jets de petite puis­sance. En 2022, nous en avons déposés 7 auprès des ser­vices de l’État, pour une puis­sance totale d’environ 60 MW. Mais nous avons égale­ment des pro­jets d’optimisation de plus grande ampleur, prêts à être déployés et pour lesquels nous atten­dons un déblocage admin­is­tratif là aus­si lié au sujet des concessions.

Des pro­jets de STEP, pour une puis­sance sup­plé­men­taire de 1500 MW. Pour n’en citer que quelques-uns : un pro­jet à Saut-Morti­er, dans le Jura, est très avancé. À Mon­téz­ic, en Avey­ron, le pro­jet d’une nou­velle cen­trale de 430 MW, attenante à celle déjà exis­tante, est prêt à démar­rer. Out­re-mer, nous tra­vail­lons égale­ment active­ment à un pro­jet de STEP marine sur l’île de la Réunion.
À not­er qu’EDF tra­vaille égale­ment à des pro­jets de réhausse de bar­rages, notam­ment dans les Pyrénées, dont l’objet sera d’abord de répon­dre aux besoins des col­lec­tiv­ités aux autres usages de l’eau (eau potable, irri­ga­tion agri­cole, tourisme, etc.).

Quelles sont les compétences que vous recherchez pour renforcer vos équipes ?

Nous recru­tons dans des domaines très var­iés : exploitants, main­teneurs, chargés d’affaires, soudeurs, ingénieurs spé­cial­isés en topogra­phie, génie civ­il, spé­cial­istes en hydrolo­gie, chefs de pro­jet, etc.

Rejoin­dre EDF Hydro, c’est être au cœur des enjeux d’aujourd’hui et de demain : pro­duire une énergie renou­ve­lable et bas car­bone, tout en con­ciliant préser­va­tion de l’environnement et ges­tion con­certée de l’eau. C’est aus­si s’offrir la pos­si­bil­ité d’un par­cours riche avec des postes à respon­s­abil­ités et à forte autonomie, dans des val­lées aus­si var­iées que magnifiques.

C’est enfin rejoin­dre une énergie qui n’a cessé d’évoluer, que ce soit pour gag­n­er en per­for­mance ou pour mieux répon­dre aux nou­veaux enjeux envi­ron­nemen­taux et socié­taux. Nos ingénieries s’appuient sur un cap­i­tal de don­nées issues de 70 ans d’exploitation et exploitent sur toutes les pos­si­bil­ités offertes par le Big Data et les Data Ana­lyt­ics : analyse du sig­nal, machine learn­ing, ou encore Intel­li­gence Arti­fi­cielle. Nous nous asso­cions par ailleurs avec des start-up, comme Sweetch Ener­gy, pour déploy­er à grande échelle l’énergie osmo­tique, une énergie renou­ve­lable per­ma­nente encore inex­ploitée, générée par la dif­férence de salin­ité de l’eau douce des riv­ières et de l’eau salée de la mer, lorsqu’elles se rencontrent.

Au-delà, au cœur de votre métier, on retrouve également la dimension de gestion de l’eau, qui est assez méconnue. Quelques mots sur cette dimension ?

L’eau est un bien com­mun, rap­pelons-le. La sécher­esse de 2022 a démon­tré le rôle stratégique d’EDF et des bar­rages dans la ges­tion con­certée de cette ressource vitale. En effet, au-delà de la pro­duc­tion d’électricité, les bar­rages facili­tent l’alimentation en eau potable, le développe­ment économique des ter­ri­toires (irri­ga­tion, indus­trie, tourisme, loisirs, nav­i­ga­tion, etc.) et la préser­va­tion de la biodiversité.

Prenons l’exemple du bar­rage de Serre-Ponçon, et le Canal EDF de la Durance. Il per­met de :

  • garan­tir l’eau potable pour 3 mil­lions de personnes ;
  • assur­er l’irrigation de 120 000 hectares de ter­res agri­coles. EDF tient à dis­po­si­tion de l’agriculture 120 mil­lions de m3 d’eau sur la Durance et 250 mil­lions de m3 d’eau sur le Verdon ;
  • ali­menter 440 entre­pris­es en eau indus­trielle (CEA, Iter, Sanofi, etc.) ;
  • lut­ter con­tre l’impact des crues (ges­tion des crues, opéra­tions d’essartement et de décolmatage) ;
  • dévelop­per l’offre touris­tique, autour des lacs. Le lac de Serre-Ponçon représente ain­si 40 % de la fréquen­ta­tion esti­vale des Hautes Alpes.
“La sécheresse de 2022 a démontré le rôle stratégique d’EDF et des barrages dans la gestion concertée de cette ressource vitale. ”

Et, bien sûr, de pro­duire de l’électricité pour plus de deux mil­lions de per­son­nes, via les amé­nage­ments hydroélec­triques d’EDF instal­lés sur les cours d’eau du Ver­don, de la Durance, du Buëch et de la Bléone.

C’est aus­si en cela que les bar­rages hydroélec­triques sont de for­mi­da­bles instru­ments de lutte con­tre le change­ment cli­ma­tique et de facil­i­ta­teur de la tran­si­tion énergé­tique. Et leur rôle est amené à devenir de plus en plus impor­tant dans l’adaptation au change­ment climatique.

Face aux défis crois­sants de la ressource en eau, EDF Hydro sera au cœur de la ges­tion, aux côtés de l’ensemble des acteurs des ter­ri­toires, qui se sen­tent de plus en plus con­cernés par le sujet. Nous devons trou­ver le bon équili­bre dans les dif­férents usages tout en con­tin­u­ant à dévelop­per la pre­mière des éner­gies renou­ve­lables dont les atouts, vous l’aurez com­pris, sont indis­pens­ables pour pré­par­er notre futur énergétique.

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