hydrolien fluvial

L’hydrolien fluvial, une composante méconnue du mix énergétique renouvelable français

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°788 Octobre 2023
Par Arnaud CHALRET du RIEU

À par­tir d’une expéri­ence famil­iale, Arnaud Chal­ret du Rieu a remis à l’ordre du jour l’hydrolien flu­vial, une tech­nique util­isée en France au XVIIe siè­cle qui per­met de pro­duire une énergie renou­ve­lable pilotable et con­tin­ue. Dans un con­texte mar­qué par la tran­si­tion énergé­tique et le réchauf­fe­ment cli­ma­tique, cette tech­nolo­gie dévelop­pée par sa start-up Hyma­go Energie a voca­tion à devenir une com­posante essen­tielle du mix énergé­tique nation­al. Le point avec son cofon­da­teur.

Comment est née l’idée de Hymago Energie ? 

Ma famille a une pro­priété famil­iale en Avey­ron qui est tra­ver­sée par un cours d’eau. Mon père s’y est instal­lé pour prof­iter de sa retraite. À la sor­tie de son pre­mier hiv­er dans cette rési­dence de vil­lé­gia­ture, durant lequel il a con­servé un con­fort ther­mique équiv­a­lent à celui qu’il avait en ville, il a vu le mon­tant de ses fac­tures d’électricité aug­menter dras­tique­ment. C’est cette mésaven­ture qui m’a don­né l’idée d’exploiter le cours d’eau avoisi­nant pour génér­er de l’hydroélectricité. Je me suis alors lancé des recherch­es pour explor­er et iden­ti­fi­er les dif­férentes pistes et solu­tions hydrauliques flu­viales. Dans le cadre de ces recherch­es prélim­i­naires, les struc­tures flot­tantes ont plus par­ti­c­ulière­ment retenu mon atten­tion. À par­tir d’un vieux cata­ma­ran, j’ai com­mencé à tra­vailler sur un pre­mier pro­to­type arti­sanal. En par­al­lèle, j’avais soumis mon idée à un groupe d’amis qui a très vite adhéré au pro­jet et ensem­ble nous avons créé Hyma­go Energie en juin 2019.

Hymago Energie développe donc une solution pour produire une énergie renouvelable disponible 24/24 grâce à l’écoulement gravitaire fluvial. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette solution et la technologie à laquelle elle est adossée ?

L’ambition de Hyma­go Energie est d’atteindre une autonomie énergé­tique en util­isant des ressources naturelles et tout en préser­vant l’environnement. Dans le cadre de mes recherch­es, j’ai éval­ué de nom­breux pro­jets et tech­nolo­gies pour affin­er la propo­si­tion de valeur de Hyma­go Energie. Par­mi ceux-ci, on retrou­ve notam­ment l’hydrolien marin qui con­siste en quelque sorte à faire de l’« éolien immergé », une tech­nique qui appor­tait peu, voire pas de résul­tats. En pour­suiv­ant mes recherch­es, j’ai décou­vert qu’auXVIIe siè­cle dans les grandes métrop­o­les, des moulins flot­tants étaient instal­lés sur les fleuves. 

J’ai repris ce con­cept afin de l’adapter au con­texte actuel et d’apporter une alter­na­tive inno­vante basée la pro­duc­tion d’hydroélectricité pour faire face aux prob­lé­ma­tiques d’urgence cli­ma­tique et de tran­si­tion énergétique.

Notre tech­nolo­gie per­met d’avoir une capac­ité de pro­duc­tion au plus proche du con­som­ma­teur final. D’ailleurs, 80 % des vil­lages en France et dans le monde sont générale­ment implan­tés à prox­im­ité de cours d’eau. Au-delà, ces instal­la­tions flot­tantes peu­vent facile­ment être déployées en série et rac­cordées au réseau pub­lic. En cas de baisse d’écoulement à un endroit don­né, il est donc pos­si­ble de les déplac­er con­traire­ment à une cen­trale hydraulique conventionnelle. 

Con­crète­ment, il s’agit d’une roue à aubes qui tourne comme un moulin. Elle trans­forme une par­tie de l’énergie ciné­tique de l’eau en énergie mécanique, puis élec­trique, et les vol­umes d’eau repren­nent tout naturelle­ment leur écoule­ment grav­i­taire par la suite. L’installation est réal­isée sur un faible tirant d’eau et les moulins sont sim­ple­ment amar­rés sur les berges des cours d’eau, riv­ières, fleuves ou canaux. L’installation peut être faite dans la journée et l’exploitation peut com­mencer immédiatement.

Nous pro­posons ain­si une tech­nolo­gie qui per­met d’avoir une pro­duc­tion d’énergie renou­ve­lable aus­si soutenue que le solaire et l’éolien, mais qui a l’avantage d’être maîtrisée con­traire­ment à ces deux éner­gies renou­ve­lables qui sont inter­mit­tentes. L’INPI nous a, par ailleurs, délivré l’autorisation d’un dépôt de brevet et d’exploitation.

En quoi votre démarche est-elle différenciante ? 

Cette tech­nolo­gie du XVIIe siè­cle avait été délais­sée au prof­it du char­bon, du pét­role et de l’industrialisation des proces­sus. Dans un con­texte, où nous enten­dons par­ler de sobriété et de tran­si­tion énergé­tique, la solu­tion peut venir de notre His­toire et ne néces­site pas for­cé­ment des investisse­ments colos­saux dans de nou­velles technologies. 

En remet­tant à jour cette solu­tion héritée de notre passé, Hyma­go Energie est un des rares acteurs 100% Made-In-France du domaine de la pro­duc­tion et de l’exploitation d’énergies renou­ve­lables. Au-delà, dans un pays au très fort poten­tiel hydraulique, nous appor­tons une alter­na­tive com­plé­men­taire à la pro­duc­tion hydraulique d’EDF. Actuelle­ment, l’enjeu est donc de val­oris­er cette nou­velle fil­ière de pro­duc­tion d’énergie renouvelable.

Pour passer à l’échelle, quels sont les principaux freins auxquels vous êtes confrontés ?

Si elle s’inspire d’une tech­nique passée, notre tech­nolo­gie reste large­ment mécon­nue. Nous avons donc un impor­tant tra­vail de péd­a­gogie à men­er auprès de l’ensemble des par­ties prenantes pour la vul­garis­er et met­tre en avant ses avan­tages sur le plan énergé­tique et environnemental.

Sur le volet tech­nologique, nous avons dévelop­pé notre pre­mier démon­stra­teur afin de cer­ti­fi­er auprès des organ­ismes publics habil­ités notre capac­ité à pro­duire de l’électricité.

Notre sec­ond enjeu est relatif au marché. Il s’agit, en effet, de trou­ver des acteurs ges­tion­naires ou des exploitants flu­vi­aux pour utilis­er notre tech­nolo­gie. Nous avons notam­ment signé des con­ven­tions avec la Com­pag­nie d’Aménagement des Côteaux de Gascogne (CACG) en Occ­i­tanie, qui est le ges­tion­naire du canal de Neste, où suite à l’obtention des autori­sa­tions néces­saires, nous avons pu installer notre pre­mier site pilote. Nous avons aus­si signé une con­ven­tion d’exploitation sur un canal inter­mé­di­aire entre deux bar­rages d’EDF. Nous explorons, en par­al­lèle, divers­es pistes dans d’autres régions. 

Nous avons présen­té le pro­jet à dif­férents ges­tion­naires de struc­tures flu­viales comme VNF et la Société du Canal de Provence qui nous ont noti­fié leur intérêt pour le pro­jet et qui atten­dent les résul­tats de notre pro­jet pilote.

Enfin, pour lever le ver­rou du rac­corde­ment de nos instal­la­tions avec le réseau exis­tant, nous avons obtenu l’autorisation de rac­corde­ment par ENEDIS. Les travaux de rac­corde­ment au réseau pub­lic vont débuter cet été afin que nous puis­sions pro­duire de l’énergie hydraulique, la réin­jecter dans le réseau et la com­mer­cialis­er auprès de four­nisseurs d’énergies alternatives.

Aujourd’hui, où en est Hymago Energie ? Quelles sont les prochaines étapes pour votre start-up ?

Ma prin­ci­pale pri­or­ité est de créer une activ­ité économique afin de financer notre développe­ment. Notre objec­tif est d’être en mesure de pro­pos­er aux ges­tion­naires de réseau, aux par­ti­c­uliers qui sont à prox­im­ité de cours d’eau, ain­si qu’aux col­lec­tiv­ités locales qui maîtrisent leur ges­tion fon­cière une solu­tion com­plé­men­taire aux autres éner­gies renou­ve­lables pour con­stru­ire un mix énergé­tique qui s’appuie sur l’ensemble des ressources naturelles : le vent, le soleil et l’eau !

Dans cette continuité, la nouvelle loi sur l’accélération des énergies renouvelables a vocation à vous ouvrir de nouvelles perspectives de développement. Qu’en est-il ? 

Avant cette loi, le poten­tiel et l’intérêt des ressources hydrauliques flu­viales pour pro­duire de l’énergie renou­ve­lable n’avaient pas été étudiés au niveau nation­al. Ce con­stat explique notam­ment pourquoi nous avons cet impor­tant tra­vail de péd­a­gogie à men­er auprès des investis­seurs, des entre­pris­es…, mais aus­si la mis­sion de démon­tr­er la per­ti­nence de cette énergie et l’existence d’un marché pour son développement. 

Actuelle­ment, nous atten­dons la final­i­sa­tion du rac­corde­ment de notre pre­mier site pro­jet pour pou­voir met­tre ce parc en exploita­tion et démon­tr­er la matu­rité de notre solu­tion, sa via­bil­ité économique et ses avan­tages sur le plan envi­ron­nemen­tal. Enfin, le déploiement à une plus grande échelle de notre solu­tion soulèvera, sur le moyen et le long terme, une prob­lé­ma­tique de finance­ment afin de péren­nis­er cette fil­ière émer­gente et la pro­duc­tion d’une énergie renou­ve­lable vertueuse capa­ble de venir ren­forcer notre mix énergé­tique national. 

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