Promotion #1 de chefs de projet en rénovation énergétique accompagnés par des membres de l’équipe de La Solive : Ariane (1er rang à gauche), Carole (1er rang, 3e en partant de la gauche) et Côme (1er rang, 4e en partant de la gauche).

La Solive, un jeune polytechnicien s’engage pour la rénovation énergétique

Dossier : Environnement et sociétéMagazine N°776 Juin 2022
Par Côme de COSSÉ-BRISSAC (X16)

En 2021, Côme de Cossé-Bris­sac (X16) a cofondé La Solive, une école de réno­va­tion énergé­tique, pour répon­dre aux besoins en com­pé­tences d’un domaine par­ti­c­ulière­ment en ten­sion, au croise­ment du bâti­ment et de l’énergie.
La Solive forme et accom­pa­gne des per­son­nes en recon­ver­sion pro­fes­sion­nelle à ces métiers, qui sont au cœur de la tran­si­tion écologique. À tra­vers la réno­va­tion énergé­tique, il s’agit égale­ment de val­oris­er ces métiers et de ren­dre la tran­si­tion énergé­tique acces­si­ble au plus grand nombre.

Pour me présen­ter très rapi­de­ment, je viens de Picardie, près de Sen­lis ; j’ai inté­gré l’X en 2016, puis je me suis investi à la Kès en tant que kessier relex. Ensuite, j’ai rejoint les Mines en 4A, comme ingénieur civ­il en option Machines & Énergie. Comme beau­coup, j’ai prof­ité de ma sco­lar­ité à l’X pour creuser les enjeux énergie et cli­mat, qui me pas­sion­nent, à tra­vers des lec­tures, des con­férences, et sur la fin plus active­ment en par­tic­i­pant au développe­ment du Man­i­feste étu­di­ant pour un réveil écologique, à ses débuts. Pour clore cette rapi­de présen­ta­tion, c’est avec la volon­té de me frot­ter plus con­crète­ment à ces enjeux que j’ai rejoint Car­bone 4, le cab­i­net de con­seil fondé par Jean-Marc Jan­covi­ci (X81), en stage de fin d’études, puis le cab­i­net de la min­istre du Loge­ment, auprès d’Emmanuel Con­stan­tin (X08), con­seiller chargé de la réno­va­tion énergé­tique et de la con­struc­tion neuve, en dou­blant mon stage de fin d’études. C’est cette dernière expéri­ence qui a été déter­mi­nante pour moi.

La réno, késako ? 

Avant de présen­ter ce que je fais aujourd’hui, je vais ten­ter une rapi­de présen­ta­tion de la réno­va­tion énergé­tique, pour que l’on par­le de la même chose. Ce que j’appelle réno­va­tion énergé­tique au sens large, ce sont toutes les actions qui per­me­t­tent de dimin­uer la con­som­ma­tion énergé­tique des bâti­ments. Les prin­ci­pales, ce sont évidem­ment les travaux : iso­la­tion, change­ment des menuis­eries, amélio­ra­tion des sys­tèmes de chauffage et de ven­ti­la­tion ; mais on peut égale­ment y ajouter les sys­tèmes de pilotage et de régu­la­tion de la con­som­ma­tion. Pour don­ner quelques chiffres, le bâti­ment représente en France près de 45 % de notre con­som­ma­tion d’énergie, soit un peu moins de 25 % de nos émis­sions de gaz à effet de serre. On peut avancer sans mau­vais jeu de mots que le chantier qui nous attend est titanesque, puisque moins de 15 % du parc exis­tant (rési­den­tiel et ter­ti­aire) respecte la cible que l’on se fixe pour 2050 : le niveau BBC – bâti­ment basse con­som­ma­tion. Il y a du boulot !

Un élève de La Solive réalise un audit énergétique avec une caméra thermique.
Un élève de La Solive réalise un audit énergé­tique avec une caméra thermique.

Une priorité nationale délaissée par les X

Peut-être un peu délais­sé – qui, par­mi nous, se pose la ques­tion de tra­vailler dans la réno en sor­tie d’École ? – c’est un secteur que j’ai décou­vert récem­ment et dont j’aimerais vous faire partager la pas­sion. Car il a tout pour plaire ! Au croise­ment entre le bâti­ment et l’énergie, c’est une pri­or­ité nationale pour des raisons à la fois écologiques (25 % de nos émis­sions), sociales (5,5 mil­lions de Français en sit­u­a­tion de pré­car­ité énergé­tique), de sou­veraineté nationale (30 % de notre con­som­ma­tion des éner­gies fos­siles importées), qui répond à ces trois enjeux majeurs en créant des emplois qual­i­fiés non délo­cal­is­ables, partout en France. Par ailleurs, le défi intel­lectuel est par­ti­c­ulière­ment stim­u­lant, puisqu’il néces­site de pren­dre en compte les con­traintes du bâti exis­tant, qui se cou­plent aux diver­sités archi­tec­turales régionales et qui oblig­ent le plus sou­vent à traiter les bâti­ments au cas par cas. 

Un peu de contexte réglementaire

Dans le cadre de mes mis­sions au sein du cab­i­net de la min­istre du Loge­ment, j’ai eu à tra­vailler sur les deux axes de la poli­tique publique, le bâton et la carotte, les con­traintes régle­men­taires et les inci­ta­tions finan­cières. Pour com­mencer par les con­traintes, ces dernières se font de plus en plus pres­santes : inter­dic­tion de louer les loge­ments éti­quetés G à par­tir du 1er jan­vi­er 2025, puis 2028 pour les F, 2032 pour les E… Les bâti­ments ter­ti­aires ne sont pas en reste, puisqu’ils devront attester d’une diminu­tion de leur con­som­ma­tion énergé­tique au comp­teur de 40 % en 2030, 50 % en 2040, 60 % en 2050 par rap­port à une référence 2010–2020. Et, en face de ces oblig­a­tions, la restruc­tura­tion des aides autour de MaPrimeRénov’, du mécan­isme des Cer­ti­fi­cats d’économies d’énergie (CEE) et de quelques autres per­me­t­tent d’aligner plusieurs mil­liards d’euros de sub­ven­tions chaque année. Lorsque l’on ajoute à cela l’augmentation des prix de l’énergie, on com­prend que la réno ait explosé ces trois dernières années !

La pénurie de main‑d’œuvre, le principal frein à la massification des travaux

En quit­tant le cab­i­net, en mars 2021, j’ai eu la chance de ren­con­tr­er Ari­ane Komorn, qui est aujourd’hui mon asso­ciée. Elle avait iden­ti­fié l’irritant prin­ci­pal du secteur, qui est com­mun au secteur du bâti­ment : la dif­fi­culté à recruter. Ces secteurs n’arrivent pas à attir­er suff­isam­ment les jeunes et le BTP est aujourd’hui con­sid­éré (à tort) comme la poubelle de l’orientation… Toutes les entre­pris­es du secteur font face à ce défi du recrute­ment et, avec la pres­sion qui monte du côté des pro­prié­taires, on débouche sur une sit­u­a­tion inédite : la demande de travaux est supérieure à ce que les arti­sans sont capa­bles de réalis­er. Très con­crète­ment, cela sig­ni­fie que, pour aug­menter le nom­bre de travaux de réno, il ne suf­fit plus de rajouter de l’argent dans la machine, il faut surtout for­mer de nou­veaux professionnels. 

La genèse de La Solive

On a démar­ré en tes­tant l’idée auprès des entre­pris­es, avec l’idée folle que l’on pour­rait chang­er l’image de ces métiers, les reval­oris­er. C’est aujourd’hui une des mis­sions prin­ci­pales de La Solive, se dire qu’un jour être chauffag­iste ou chef de pro­jet en réno­va­tion énergé­tique fasse réelle­ment rêver les gens. Pour ça, on s’est inspiré de ce qui s’était passé dans l’univers du numérique il y a une dizaine d’années : à l’époque, peu de per­son­nes rêvaient de devenir infor­mati­ciens. Et puis, à mesure que l’univers de la tech s’est dévelop­pé, les métiers sont devenus sexy, ten­dus, et sont apparus les pre­miers boot­camps pour appren­dre à coder : Le Wag­on, Iron­hack, Sim­plon, etc. ; sur un mod­èle de for­ma­tion courte, inten­sive et très appliquée. Certes, les métiers de la réno­va­tion énergé­tique ne paient pas encore autant que les métiers de la tech, mais ils ont le mérite d’être acces­si­bles à n’importe qui et de pay­er tout de même bien mieux que la majorité des métiers à niveau de diplôme égal. 

Accompagner vers les métiers en tension de la rénovation énergétique

Aujourd’hui, La Solive pro­pose dif­férents boot­camps (des sortes de camp d’entraînement) pour accom­pa­g­n­er des per­son­nes en recon­ver­sion pro­fes­sion­nelle vers trois métiers en ten­sion de la réno­va­tion énergé­tique : chauffag­iste, poseur d’isolation et chef de pro­jet. Ces boot­camps durent env­i­ron trois mois et demi, en prenant en compte une péri­ode d’immersion en entre­prise, et débouchent sur 100 % d’embauches à la sor­tie. Nous met­tons en œuvre des méth­odes de péd­a­gogie inver­sée, pour que les élèves puis­sent décou­vrir la théorie chez eux et réserv­er les péri­odes en présen­tiel pour pra­ti­quer, pos­er de l’isolation, démon­ter des chaudières et des VMC, ou encore appren­dre à ven­dre des travaux. En par­al­lèle avec la par­tie tech­nique, nous accom­pa­gnons égale­ment les élèves dans leur pro­jet pro. Nous nous sommes entourés d’entreprises parte­naires, qui ont de forts besoins en recrute­ment et qui vien­nent se présen­ter, qui pren­nent des élèves en stage d’immersion et qui pro­posent des offres d’embauche. Ce sont des pro­fils qui sont telle­ment recher­chés que les entre­pris­es sont prêtes à pay­er pour les embauch­er, et on se place vis-à-vis d’elles comme un cab­i­net de placement. 

Les formateurs allient pédagogie et technique 

Pour délivr­er les for­ma­tions, nous nous appuyons sur des pro­fes­sion­nels du secteur qui ont une pas­sion pour la trans­mis­sion. Ils ont tous une activ­ité prin­ci­pale en par­al­lèle avec les cours qu’ils dis­pensent, ce qui nous per­met de nous assur­er que les cours sont truf­fés d’anecdotes, tou­jours au goût du jour, et con­nec­tés au monde réel. Évidem­ment, vous vous en doutez, les pro­fils qui allient péd­a­gogie et tech­nique sont rares, dans tous les secteurs mais par­ti­c­ulière­ment dans le bâti­ment, et faire grandir notre réseau de for­ma­teurs est aujourd’hui un de nos enjeux clés de crois­sance. Néan­moins, si ces for­ma­teurs inter­vi­en­nent pour ani­mer des con­tenus de for­ma­tion et partager leur expéri­ence et leur savoir-faire avec nos élèves, toute l’ingénierie péd­a­gogique (les déroulés, les con­tenus, les exer­ci­ces, etc.) est dévelop­pée en interne de La Solive. De la même manière, nous avons créé nos pro­pres diplômes, qui sont main­tenant recon­nus par le min­istère du Tra­vail et ren­dent nos par­cours « certifiants ». 

Attirer des profils de tous les secteurs dans un métier concret

Notre hypothèse prin­ci­pale – est-ce qu’on arrivera à don­ner envie à quelqu’un de se recon­ver­tir vers ces métiers ? – est chaque jour un peu plus validée. Nous attirons des pro­fils de tous les secteurs (et assez peu du bâti­ment) : indus­trie, évène­men­tiel, banque & assur­ances, com­merce, admin­is­tratif, etc. Leur pre­mier point com­mun, c’est très sou­vent la volon­té de se lancer dans un méti­er con­cret, au cœur de la tran­si­tion écologique, avec un bel avenir (et qui par ailleurs paye bien et recrute partout en France). Le sec­ond, c’est générale­ment une fibre de bricoleur, des per­son­nes qui se sont dit en reta­pant leur baraque qu’elles étaient bien plus épanouies dans leur minichantier qu’au boulot, surtout pen­dant le con­fine­ment. Une bonne par­tie d’entre elles sont égale­ment attirées par le fait de devenir indépen­dant ou de mon­ter sa boîte facile­ment. Enfin, et c’est égale­ment une de nos fiertés, nous accueil­lons plus de 40 % de femmes, lorsque l’on sait que la moyenne du secteur est autour de 5 % ; c’est égale­ment un sig­nal fort.

Élèves en train de poser une isolation thermique (laine isolante, couche pare-vapeur et placo).
Élèves en train de pos­er une iso­la­tion ther­mique (laine isolante, couche pare-vapeur et placo).

Placer les élèves dans une dynamique d’apprentissage

On sent qu’il y a une vraie ébul­li­tion dans le secteur sur les sujets de recon­ver­sion pro­fes­sion­nelle, et quelques pro­jets se mon­tent sur le même mod­èle que La Solive, comme ÉRE (l’École de la réno­va­tion énergé­tique) à Bor­deaux ou l’École Gus­tave à Paris. Il faut dire que, sinon, les for­ma­tions exis­tantes sont générale­ment beau­coup plus longues (au moins un an), avec des niveaux sou­vent hétérogènes et assez loin du monde de l’entre­prise… En pro­posant un mod­èle court mais intense,
on se rap­proche des con­traintes de la recon­ver­sion pro­fes­sion­nelle : se for­mer au plus vite pour trou­ver rapi­de­ment son prochain poste et con­tin­uer ensuite à appren­dre sur le ter­rain. Évidem­ment, on ne rem­plac­era jamais dix ans d’expérience, encore moins dans le bâti­ment, mais l’objectif est de plac­er les élèves dans une dynamique d’apprentissage, afin qu’ils soient embauchés en sor­tie de for­ma­tion et qu’ils devi­en­nent autonomes en quelques semaines ou quelques mois,
une fois dans leur entreprise. 

Faire monter en compétence les professionnels du secteur

Si notre mis­sion prin­ci­pale reste la recon­ver­sion pro­fes­sion­nelle, nous sommes de plus en plus sol­lic­ités par des entre­pris­es et des arti­sans qui souhait­ent se for­mer pour mon­ter eux-mêmes en com­pé­tences. Ils veu­lent appren­dre de nou­velles tech­niques, mieux accom­pa­g­n­er leurs clients sur des prob­lé­ma­tiques admin­is­tra­tives et finan­cières, ou sim­ple­ment se tenir au courant des dernières évo­lu­tions régle­men­taires. C’est ce nou­veau seg­ment que nous com­mençons à atta­quer, en pro­posant des for­ma­tions beau­coup plus cour­tes, de l’ordre de quelques jours, à des­ti­na­tion de pro­fes­sion­nels du secteur, dont nos anciens élèves. 

Après un campus à Paris, Lyon puis l’Europe

La Solive a fêté sa pre­mière bougie, puisqu’elle a été créée en avril 2021, et nous avons déjà for­mé plus de 75 per­son­nes en recon­ver­sion pro­fes­sion­nelle, ain­si qu’une cen­taine de pro­fes­sion­nels du secteur. Nous sommes basés à Paris et ouvrons un deux­ième cam­pus à Lyon cet été pour répon­dre à la demande dans cette région. Pour se pro­jeter un peu, nos objec­tifs sont à la hau­teur des enjeux et nous visons d’accompagner 2 000 per­son­nes en recon­ver­sion pro­fes­sion­nelle par an d’ici 2025, sur une dizaine de cam­pus en Europe, ain­si que des mil­liers d’artisans sur des mod­ules dédiés. Et peut-être que, d’ici là, on aura fait men­tir le vieux dic­ton qui dit que « si t’es con, fais maçon ! ». 

Finale­ment, ce qui m’anime au quo­ti­di­en, c’est de ren­dre acces­si­ble la tran­si­tion écologique à tout le monde. Indépen­dam­ment de son niveau d’études, que cha­cun puisse pren­dre sa part dans ce grand chantier de la tran­si­tion écologique, à tra­vers un méti­er val­orisant, qui a du sens et dont cha­cun puisse être fier. 

Commentaire

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Bar­beyrépondre
15 juillet 2022 à 21 h 39 min

Bra­vo Côme, je retrou­ve dans ton pro­jet les tro­pismes chers au mem­bres de ta famille :sens, trans­mis­sion, con­struc­tion ! Bonne chance à la Solive !

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