Le juge du commerce et l’expert

Dossier : Juges - Experts - CitoyensMagazine N°610 Décembre 2005
Par Serge RUEL (63)
Par Roland SCHIFF (60)
Par Philippe FLEURY (59)

.L’organisation de la justice en France1

.L’organisation de la justice en France1

On parle géné­ra­le­ment du » tri­bu­nal » pour évo­quer le lieu où les per­sonnes en conflit viennent cher­cher jus­tice et où celles qui n’ont pas res­pec­té les lois sont jugées et sanc­tion­nées. En fait, il existe plu­sieurs caté­go­ries de tri­bu­naux, appe­lés juri­dic­tions, répar­ties en deux grands ordres, l’ordre judi­ciaire et l’ordre admi­nis­tra­tif, selon la nature des litiges ou des per­sonnes en cause, leur impor­tance ou la gra­vi­té des infractions.

En cas de doute ou de contes­ta­tion pour savoir si une affaire relève de l’ordre judi­ciaire ou de l’ordre admi­nis­tra­tif, le Tri­bu­nal des conflits désigne le tri­bu­nal compétent.

Il est clair que l’ex­per­tise judi­ciaire, mesure par laquelle le juge confie à des pro­fes­sion­nels une mis­sion d’in­for­ma­tion ou de consta­ta­tion visant à l’é­clai­rer sur des élé­ments d’une affaire va concer­ner tous les tri­bu­naux. Tou­te­fois il y a une dif­fé­rence dans la nature des exper­tises ordonnées.

Ain­si, des exper­tises sur les Tra­vaux publics, par exemple, seront très sou­vent ordon­nées par le juge admi­nis­tra­tif ou le juge du tri­bu­nal de grande ins­tance et rare­ment voire jamais par le juge pénal sauf acci­dent de per­sonnes (ter­mi­nal E de Rois­sy…). Elles sont sou­vent ordon­nées avant toute ins­tance au fond (réfé­ré2 exper­tise). De même, le réexa­men d’une affaire comme le contrôle de la bonne appli­ca­tion des règles de droit3 (cas­sa­tion) ne néces­si­te­ront que rare­ment des exper­tises (mais par­fois des compléments).

Peu importent cepen­dant la nature des exper­tises et la juri­dic­tion4, le rôle de l’ex­pert reste tou­jours d’é­clai­rer le juge sur les aspects tech­niques qu’il ne maî­trise pas et aus­si de faire une pre­mière ana­lyse d’un dos­sier sou­vent complexe.

L’ordre judiciaire

Le pre­mier juge­ment (dit » en pre­mière instance »)

Une pre­mière caté­go­rie de juri­dic­tions règle les litiges entre les per­sonnes et sanc­tionne les atteintes contre les per­sonnes, les biens et la socié­té. Lors­qu’elles sont char­gées de juger les per­sonnes soup­çon­nées d’une infrac­tion, ce sont les juri­dic­tions pénales ou répres­sives. Celles qui n’in­fligent pas de peines mais tranchent un conflit sont les juri­dic­tions civiles. Enfin, cer­taines affaires sont exa­mi­nées par des tri­bu­naux spé­cia­li­sés. Par exemple, un sala­rié conteste un licen­cie­ment qu’il estime abu­sif ; il peut sai­sir le conseil de prud’hommes.

PREMIER JUGEMENT5
Juri­dic­tions civiles Juri­dic­tions spécialisées Juri­dic­tions pénales
JUGE DE PROXIMITÉ Petits litiges jusqu’à 1500 euros (consom­ma­tion, conflit de voi­si­nage, injonc­tions de payer et de faire…). CONSEIL DES PRUD’HOMMES Litiges entre sala­riés ou appren­tis et employeurs por­tant sur le res­pect des contrats de tra­vail ou d’apprentissage. JUGE DE PROXIMITÉ Juge cer­taines contra­ven­tions, pas­sibles d’amendes et d’autres peines, com­mises par des majeurs ou des mineurs.
TRIBUNAL D’INSTANCE Litiges de moins de 7600 euros et litiges de cré­dit à la consom­ma­tion, bail d’habitation. TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE Litiges entre les orga­nismes de sécu­ri­té sociale et les per­sonnes assujetties TRIBUNAL DE POLICE Contra­ven­tions pas­sibles d’amendes ou d’autres peines (exemple : sus­pen­sion de per­mis de conduire).
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE Litiges de plus de 7 600 euros : divorce, auto­ri­té paren­tale, suc­ces­sion, filia­tion, immobilier TRIBUNAL DE COMMERCE Litiges entre com­mer­çants ou socié­tés commerciales. TRIBUNAL CORRECTIONNEL Délits pas­sibles d’emprisonnement jusqu’à dix ans et d’autres peines (amendes, peines com­plé­men­taires, tra­vail d’intérêt général).
TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX Litiges entre pro­prié­taires et exploi­tants de terre ou de bâti­ments agricoles. COUR D’ASSISES Crimes (infrac­tions les plus graves) pas­sibles de la réclu­sion jusqu’à la perpétuité.
Source : site Inter­net du minis­tère de la Justice.

 
L’appel

Lors­qu’une ou plu­sieurs per­sonnes ne sont pas satis­faites du pre­mier juge­ment, elles peuvent faire appel. La cour d’ap­pel réexa­mine alors l’affaire.

Depuis le 1er jan­vier 2001, les ver­dicts des cours d’as­sises peuvent faire l’ob­jet d’un appel devant une nou­velle cour d’as­sises com­po­sée de trois juges pro­fes­sion­nels et de douze jurés.

Le contrôle (pour­voi en cassation)

La Cour de cas­sa­tion, unique pour l’en­semble des juri­dic­tions judi­ciaires, ne rejuge pas l’af­faire mais elle véri­fie si les lois et la juris­pru­dence ont été cor­rec­te­ment appli­quées par les tri­bu­naux de pre­mière ins­tance et les cours d’ap­pel. Elle est située à Paris.

L’ordre administratif

Les juri­dic­tions de l’ordre admi­nis­tra­tif sont orga­ni­sées en trois éche­lons hié­rar­chi­sés. Les admi­nis­tra­tions sou­mises à leur juri­dic­tion en dépendent. Jus­qu’en 1953, le conten­tieux admi­nis­tra­tif rele­vait du Conseil d’É­tat créé par Napo­léon Bona­parte en 1799 et des conseils de pré­fec­ture, trans­for­més en 1926 en conseils inter­dé­par­te­men­taux. Une réforme en 1953 ins­ti­tue les tri­bu­naux admi­nis­tra­tifs, puis une loi de 1987 crée les cours admi­nis­tra­tives d’ap­pel. Les magis­trats de l’ordre admi­nis­tra­tif sont recru­tés à la sor­tie de l’É­cole natio­nale d’ad­mi­nis­tra­tion ou au tour exté­rieur par­mi les fonc­tion­naires et offi­ciers ; leur sta­tut et leur for­ma­tion dif­fèrent donc de ceux des magis­trats de l’ordre judiciaire.

1er juge­ment : tri­bu­nal administratif

Litiges entre les usa­gers et les pou­voirs publics, c’est-à-dire :

  • les admi­nis­tra­tions de l’É­tat, les col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales, les éta­blis­se­ments publics admi­nis­tra­tifs ou assimilés,
  • les entre­prises publiques dans cer­tains cas.


Exemples : refus de per­mis de construire, contes­ta­tion d’un plan d’oc­cu­pa­tion des sols ou du tra­cé d’une auto­route, expro­pria­tion, demande de répa­ra­tion des dom­mages cau­sés par l’ac­ti­vi­té des ser­vices publics, refus de titre de séjour, expul­sion d’un étran­ger, contes­ta­tions rela­tives aux impôts et à leur recou­vre­ment, litiges rela­tifs aux mar­chés publics… C’est un tri­bu­nal interdépartemental.

Juri­dic­tions spécialisées

  • Com­mis­sion de recours des réfugiés,
  • Com­mis­sion dépar­te­men­tale d’aide sociale,
  • Sec­tion dis­ci­pli­naire des ordres professionnels,
  • Com­mis­sion d’in­dem­ni­sa­tion des rapatriés.


Cer­tains orga­nismes nor­ma­tifs admi­nis­tra­tifs ont éga­le­ment le carac­tère d’une juri­dic­tion de pre­mière ins­tance (Conseil de la concur­rence, Auto­ri­té des mar­chés finan­ciers) mais l’ap­pel de leurs déci­sions peut rele­ver de la cour d’ap­pel judiciaire.

L’ap­pel : cour admi­nis­tra­tive d’appel

Si l’une des par­ties n’est pas satis­faite du pre­mier juge­ment, elle peut faire appel. La cour admi­nis­tra­tive d’ap­pel réexa­mine alors l’af­faire déjà jugée.

Le contrôle de l’er­reur de droit (pour­voi) : le Conseil d’État

Il véri­fie que les cours admi­nis­tra­tives d’ap­pel ont cor­rec­te­ment appli­qué la loi et la juris­pru­dence. Il sta­tue direc­te­ment sur cer­taines affaires concer­nant les déci­sions les plus impor­tantes des auto­ri­tés de l’É­tat. Pour cer­taines affaires (rares), il est juge d’ap­pel. Il est situé à Paris, au Palais-Royal.

Tribunal de commerce6

Nous ne nous inté­res­sons dans la suite de cet article qu’aux tri­bu­naux de commerce.

Quelques rappels

Les tri­bu­naux de com­merce7 sont des juri­dic­tions de l’ordre judi­ciaire du pre­mier degré com­po­sées de juges élus par leurs pairs. Ils sta­tuent sur les litiges com­mer­ciaux qui opposent des com­mer­çants à l’oc­ca­sion de leurs acti­vi­tés pro­fes­sion­nelles ou entre com­mer­çants et socié­tés com­mer­ciales, et ceux qui portent sur les actes de com­merce, c’est-à-dire en pra­tique tous les inter­ve­nants de la vie éco­no­mique à l’ex­cep­tion des mutuelles (sauf ban­caires), des asso­cia­tions loi de 1901 et des pro­fes­sions libé­rales, entre asso­ciés de socié­tés com­mer­ciales et aus­si dans les actions à l’en­contre d’un com­mer­çant ou d’une socié­té com­mer­ciale. Les tri­bu­naux de com­merce traitent aus­si des défaillances des entre­prises com­mer­ciales et arti­sa­nales » les faillites « .

Par exemple :

  • les litiges entre les entre­prises, y com­pris bour­siers et finan­ciers, en droit com­mu­nau­taire et en droit natio­nal en matière de com­merce et de concurrence ;
  • les litiges rela­tifs aux actes de com­merce entre toutes les personnes ;
  • les litiges rela­tifs à une lettre de change ;
  • les litiges oppo­sant des par­ti­cu­liers à des com­mer­çants ou à des socié­tés com­mer­ciales dans l’exer­cice de leur commerce ;
  • les contes­ta­tions entre les asso­ciés d’une socié­té commerciale ;
  • le trai­te­ment des défaillances d’en­tre­prises com­mer­ciales et arti­sa­nales : pré­ven­tion, mise en redres­se­ment judi­ciaire, mise en liqui­da­tion judiciaire.


Le tri­bu­nal de com­merce est com­po­sé de juges non pro­fes­sion­nels, des com­mer­çants béné­voles, élus pour deux ou quatre ans par d’autres com­mer­çants. Ils sont cen­sés bien connaître le monde dans lequel ils vivent. Ils sont par­ti­cu­liè­re­ment à même de défi­nir la mis­sion des experts et de com­prendre le lan­gage du tech­ni­cien, étant eux-mêmes des tech­ni­ciens dans leur domaine professionnel.

Une longue histoire

Nous emprun­tons l’es­sen­tiel de ce para­graphe à Louis DOMAIN8 (39) qui a rédi­gé une belle syn­thèse sur le sujet. Il rap­pelle notam­ment que l’o­ri­gine des tri­bu­naux de com­merce est la mise en œuvre d’un droit plus simple que le droit romain.

C’est en Ita­lie en effet, qu’il faut cher­cher les ori­gines de cette ins­ti­tu­tion. Après la chute de l’Em­pire romain de nom­breuses cor­po­ra­tions se consti­tuèrent dans les villes libres de la péninsule.

À la tête de ces cor­po­ra­tions, des » consuls » élus par la col­lec­ti­vi­té des mar­chands (d’où le nom de » juri­dic­tion consu­laire » qui sur­vit encore) prê­taient ser­ment, fai­saient connaître les règles appli­cables aux tran­sac­tions et créaient ain­si un droit plus simple, moins for­ma­liste, que le droit romain.

Comme le sou­ligne un rap­port récent du Sénat9 sur le sujet :
 » … l’exis­tence d’un droit, d’une pro­cé­dure par­ti­cu­lière et de juri­dic­tions spé­cia­li­sées10 spé­ci­fi­que­ment adap­tées aux rela­tions com­mer­ciales ne sau­rait être contes­tée. En effet, les tran­sac­tions com­mer­ciales carac­té­ri­sées par leur répé­ti­tion, leur fré­quence et leur rapi­di­té s’ac­com­mo­de­raient dif­fi­ci­le­ment de la pro­cé­dure civile. »

Ces ins­ti­tu­tions nou­velles se pro­pa­gèrent en France à l’oc­ca­sion des grandes foires inter­na­tio­nales qui réunis­saient pério­di­que­ment tous les mar­chands de l’Eu­rope, notam­ment à Lyon, à Beau­caire, en Champagne…

Le roi Charles IX ins­ti­tua les » Juges-consuls » à Paris, par l’é­dit célèbre de novembre 1563, que nous devons au chan­ce­lier Michel de L’Hospital.

La juri­dic­tion consu­laire pro­pre­ment dite était née.

L’expert judiciaire devant les Tribunaux de Commerce

L’ex­per­tise devant les tri­bu­naux de com­merce obéit aux règles géné­rales expo­sées par ailleurs. Les experts sont des pro­fes­sion­nels qua­li­fiés choi­sis par le tri­bu­nal sur une liste éta­blie par la cour d’ap­pel. Leur mis­sion est d’ap­por­ter si néces­saire des élé­ments utiles pour per­mettre au tri­bu­nal de juger une affaire en connais­sance de cause. Néan­moins, comme ces juri­dic­tions connaissent des litiges entre com­mer­çants, des moda­li­tés par­ti­cu­lières vont affec­ter l’ex­per­tise judiciaire.

Les sta­tis­tiques du tri­bu­nal de com­merce de Paris sont révé­la­trices des types d’ex­per­tises ordonnées.

Quelques statistiques du Tribunal de Commerce de Paris

Le nombre total d’ex­per­tises par année s’é­ta­blit comme suit au tri­bu­nal de com­merce de Paris :

1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 Total
589 615 677 521 470 418 336 3626

Les coûts et délais de l’expertise

La répar­ti­tion par spé­cia­li­té11, tou­jours au tri­bu­nal de com­merce de Paris, s’é­ta­blit comme suit de 1995 à 2001
TOTAL PROFESSIONS du CHIFFRE et ASSIM. 1077 31,04%
TOTAL PROFESSIONS DU BÂTIMENT 1038 29,91%
TOTAL INGENIEURS HORS BATIMENT 1237 35,65%
TOTAL DIVERS 88 2,54%
Non classé 30 0,86%
TOTAL 3470 100%

Pour les pro­fes­sions du chiffre et assi­mi­lées, le tableau ci-après montre l’é­cra­sante supré­ma­tie des exper­tises de comp­ta­bi­li­té et de finances
DE 1995 A 2001
PROFESSIONS DU CHIFFRE ET ASSIM. Nombre % sur la catégorie % sur le total
COMPTABILITE 733 68,1% 21,1%
FINANCES 220 20,4% 6,3%
ESTIM. FONDS ET IMMOBILIERES 45 4,2% 1,3%
TOTAL PROF. DU CHIFFRE ET ASSIM. 1077 100% 31%

Les exper­tises des pro­fes­sions du bâti­ment sont plus dispersées
DE 1995 A 2001
PROFESSIONS DU BÂTIMENT Nombre % sur la catégorie % sur le total
ARCHITECTES 200 19,3% 5,8%
GÉNIE CIVIL, SOLS – FONDATIONS 185 17,8% 5,3%
CHAUFFAGE – ISOLATION – FROID 153 14,7% 4,4%
MENUISERIE 136 13,3% 3,9%
AMENAGEMENT – DECORATION 102 9,8% 2,9%
ELECTRICITE 95 9,2% 2,7%
TOTAL PROFESSIONS DU BÂTIMENT 1038 100% 29,9%

Les exper­tises des ingé­nieurs hors bâti­ment sont encore plus dispersées
DE 1995 A 2001
INGENIEURS HORS BÂTIMENT Nombre % sur la catégorie % sur le total
INFORMATIQUE 320 29,5% 9,2%
MECANIQUE – METALLURGIE 193 15,6% 5,6%
TEXTILES + CUIRS 90 7,3% 2,6%
ELECTRONIQUE 85 6,9% 2,4%
CHIMIE + MATIERES PLASTIQUES 77 6,2% 2,2%
AUTOMOBILES 72 5,8% 2,1%
IMPRIMERIE 67 5,4% 1,9%
CONSTRUCTION NAVALE 62 5% 1,8%
TOTAL INGENIEURS HORS BÂTIMENT 1237 100% 35,6%

Les mêmes sta­tis­tiques per­mettent de don­ner un ordre de gran­deur du coût de ces exper­tises ain­si que leur durée (en euros), voir tableau ci-après.

Il y a lieu de noter leur long délai moyen (supé­rieur à un an) pré­ju­di­ciable à la bonne marche des affaires et leur coût rela­ti­ve­ment élevé.

Les conflits entre com­mer­çants doivent être réglés rapi­de­ment. La durée des exper­tises rap­pe­lée ci-avant n’est donc pas satis­fai­sante. Heu­reu­se­ment les par­ties apportent sou­vent la preuve du dérou­le­ment des faits (exper­tise sur les mar­chan­dises suite à un inci­dent de trans­port par exemple) sans qu’il soit besoin pour le juge de pro­cé­der à des exper­tises complémentaires.

De même, lors­qu’une entre­prise est en dif­fi­cul­té, le dérou­le­ment de la pro­cé­dure (y com­pris en pré­ven­tion) obéit à un timing pré­cis et à des règles déon­to­lo­giques strictes. Il est impor­tant que les exper­tises néces­saires se déroulent rapi­de­ment faute de quoi la situa­tion peut se révé­ler défi­ni­ti­ve­ment compromise.

Nous don­nons ci-après quelques indi­ca­tions à ce sujet.

L’ex­per­tise sur les marchandises

Les contes­ta­tions sur la qua­li­té ou la quan­ti­té de mar­chan­dises néces­sitent sou­vent de pro­cé­der à une exper­tise. Celle-ci, pour être oppo­sable aux par­ties, doit satis­faire à cer­taines conditions.

Lieu de l’expertise

La règle géné­rale est simple. L’ex­per­tise doit s’ef­fec­tuer au lieu d’exé­cu­tion du contrat. Donc à des­ti­na­tion pour les ventes au débar­que­ment et au port de charge pour les ventes à l’embarquement. Mais l’ap­pli­ca­tion de ce prin­cipe ne va pas sans dif­fi­cul­tés (en par­ti­cu­lier il y a des condi­tions strictes pour l’exé­cu­tion d’o­pé­ra­tions d’ex­per­tise hors de France).

Ain­si, l’ex­per­tise au port d’embarquement est en tout cas un sys­tème plus logique que pra­tique. C’est en effet sup­pri­mer l’un des avan­tages essen­tiels de la vente CAF, que de contraindre l’a­che­teur à être repré­sen­té au port de charge.

Les moda­li­tés d’exé­cu­tion et notam­ment les délais

L’ex­per­tise doit être deman­dée dès l’ar­ri­vée de la mar­chan­dise et, au plus tard, dès que l’a­che­teur a connais­sance du vice qui l’af­fecte. Elle ne sau­rait être accor­dée plu­sieurs mois après le pré­lè­ve­ment d’é­chan­tillons car le ven­deur doit faire toute diligence.

Ain­si : » Pour obte­nir des dom­mages-inté­rêts, l’a­che­teur ne peut se pré­va­loir d’une exper­tise uni­la­té­rale faite sur ses dili­gences, et sur des mar­chan­dises pré­le­vées chez divers des­ti­na­taires plus de quinze jours après le débar­que­ment (CA Paris, 18 déc. 1958 : DMF 1959, p. 472). »

Redres­se­ment et liqui­da­tion judiciaires

Les experts en diag­nos­tic d’en­tre­prise sont dési­gnés en jus­tice pour éta­blir un rap­port sur la situa­tion éco­no­mique et finan­cière d’une entre­prise en cas de règle­ment amiable ou de redres­se­ment judi­ciaire, ou concou­rir à l’é­la­bo­ra­tion d’un tel rap­port en cas de redres­se­ment judiciaire.

L’im­por­tance de leur mis­sion n’é­chappe pas au légis­la­teur qui s’in­ter­roge sur les voies et moyens d’a­mé­lio­ra­tion de leur fonc­tion­ne­ment, mais aus­si sur la déon­to­lo­gie de la pro­fes­sion. Ain­si de l’ar­ticle L. 813–1 du Code de com­merce, dans lequel est insé­ré notam­ment l’a­li­néa sui­vant ain­si rédi­gé : » Ces experts ne doivent pas, au cours des cinq années pré­cé­dentes, avoir per­çu à quelque titre que ce soit, direc­te­ment ou indi­rec­te­ment, une rétri­bu­tion ou un paie­ment de la part de la per­sonne phy­sique ou morale fai­sant l’ob­jet d’une mesure d’ad­mi­nis­tra­tion, d’as­sis­tance ou de sur­veillance ou de la part d’une per­sonne qui détient le contrôle de cette per­sonne morale, ni s’être trou­vés en situa­tion de subor­di­na­tion par rap­port à la per­sonne phy­sique ou morale concer­née. Ils doivent, en outre, n’a­voir aucun inté­rêt dans le man­dat qui leur est donné. »

CATEGORIE Délai moyen en jours Prix moyen en euros Nombre de rapports Chiffre d’af­faire en euros
PROFESSIONS DU CHIFFRE 474 12 403,11 787 9 761 243,91
sauf > 45 000 euros 456 8 781,61 753 6 612 552,65
PROFESSIONS DU BÂTIMENT 472 7 661,29 660 5 056 451,83
sauf > 45 000 euros 361 5 255,51 652 3 426 592,50
INGENIEURS HORS BÂTIMENT 419 9 686,74 808 7 826 884,75
sauf > 45 000 euros 386 7 892,52 791 6 242 979,63
TOTAL GENERAL 454 10 041,94 2 255 22 644 580,49

Conclusion

Il est dif­fi­cile de pré­sen­ter l’en­semble des pro­blèmes que pose l’ex­per­tise dans les tri­bu­naux de com­merce de manière aus­si résu­mée. Néan­moins il y a lieu de faire obser­ver que cette acti­vi­té devrait séduire les ingé­nieurs que nous sommes dans la mesure où elle cor­res­pond bien à notre domaine tech­nique. Elle implique une grande dis­po­ni­bi­li­té pour assu­rer une aus­si grande rapi­di­té que pos­sible, ce qui ne va pas tou­jours de soi. 

______________________________
1.
Source : site Inter­net du minis­tère de la Jus­tice, www.justice.gouv.fr/
2. Pro­cé­dure d’ur­gence enga­gée devant le pré­sident d’une juri­dic­tion pour faire ces­ser une situa­tion contraire à la loi. Elle per­met d’ob­te­nir, à titre provisoire :
 • toutes mesures qui ne se heurtent pas à une contes­ta­tion sérieuse ;
 • ou toutes mesures de conser­va­tion ou de remise en état pour pré­ve­nir un dom­mage immi­nent ou faire ces­ser un trouble mani­fes­te­ment illicite.
Le juge des réfé­rés est le juge de l’é­vi­dence mais aus­si et, his­to­ri­que­ment, sur­tout celui de l’ur­gence. . Il est aus­si celui qui ordonne des mesures qui ne pré­ju­di­cient pas au fond et c’est jus­te­ment le cas de l’expertise.

3. La Cour de cas­sa­tion a pour rôle de véri­fier si une déci­sion qui lui est défé­rée a été ren­due en confor­mi­té aux règles de droit.
4. Désigne un tri­bu­nal ou une cour.
5. Il existe des juri­dic­tions spé­ci­fiques pour les mineurs.
6. Ce thème a déjà été par­tiel­le­ment trai­té dans La Jaune et la Rouge.
7. Source : Legitravail.com
8. Cf. : La Jaune et la Rouge, octobre 1988
9. Rap­port sur la réforme des TC. GIROD (Paul) RAPPORT 178 (2001−2002) – com­mis­sion des lois.
10. Encore que les TGI peuvent éga­le­ment connaître des affaires com­mer­ciales, comme cer­tains tri­bu­naux des dépar­te­ments de l’Est de la France.
11. Source : sta­tis­tiques du TC de Paris.

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