Le fonctionnement général de l’océan et les incidences possibles du changement climatique

Dossier : Océans et littoralMagazine N°575 Mai 2002
Par Jean-François MINSTER (70)

L’océan est une com­posante clé du sys­tème Terre. Il est par­tie prenante des trans­ports de chaleur, d’eau ou de car­bone sur notre planète. Inter­agis­sant de façon mécanique et ther­mo­dy­namique avec l’at­mo­sphère, il joue un rôle essen­tiel dans les fluc­tu­a­tions naturelles du cli­mat, c’est-à-dire les fluc­tu­a­tions physiques et chim­iques du sys­tème Terre aux échelles de temps allant de la sai­son aux mil­lé­naires, et aux échelles d’e­space allant du con­ti­nent à celle du globe. Plus encore que l’at­mo­sphère, il est le siège de cou­plages entre phénomènes physiques, chim­iques, biologiques et de l’é­cosys­tème, qui font de notre planète une machine intégrée.

Il est donc inévitable que l’océan joue un rôle fon­da­men­tal dans la ques­tion du change­ment cli­ma­tique qui appa­raît prob­a­ble­ment en con­séquence à l’ef­fet de serre induit par les rejets humains de gaz absorbant les ray­on­nements infrarouges dans l’at­mo­sphère. Mais quel est ce rôle ? Je vais ten­ter d’en don­ner une brève descrip­tion en rap­pelant quelques élé­ments de base du fonc­tion­nement de l’océan puis en mon­trant com­ment il peut être per­tur­bé par l’ef­fet de serre d’o­rig­ine anthropique.

L’océan est une machine thermodynamique

Dans les zones trop­i­cales, l’océan reçoit à sa sur­face plus de chaleur du soleil qu’il n’en perd vers l’at­mo­sphère par ray­on­nement infrarouge, par trans­fert de chaleur latente ou encore par sim­ple con­duc­tion. Au con­traire, dans les hautes lat­i­tudes, il se refroid­it vers l’at­mo­sphère, parce que le flux de chaleur du soleil est beau­coup plus faible. En moyenne annuelle, le bilan net région­al est de l’or­dre de 50 W/m2 dans chaque sens. Ces excès ou déficits régionaux sont équili­brés par des trans­ports de chaleur de l’équa­teur vers les pôles, qui sont effec­tués par les courants océaniques. Ces trans­ports sont de l’or­dre de 5 x 1015 W vers 40° de lat­i­tude ; ils sont com­pa­ra­bles à ceux de l’at­mo­sphère, et de l’or­dre de 100 fois le total de l’én­ergie pro­duite par l’homme. L’océan n’est chauf­fé que par sa sur­face, ce qui fait qu’il est strat­i­fié, avec de l’eau chaude en sur­face et de l’eau froide au fond.

Ce trans­port de chaleur implique qu’en moyenne de l’eau chaude se déplace de l’équa­teur vers les pôles, tan­dis que de l’eau froide revient vers l’équa­teur. Le pre­mier flux se fait pour l’essen­tiel à la sur­face de l’océan, par l’in­ter­mé­di­aire des grands courants comme le Gulf Stream. Ces derniers s’é­coulent vers les pôles, à l’ouest des bassins océaniques, sous forme de veines rel­a­tive­ment étroites (quelques cen­taines de kilo­mètres) et de plusieurs cen­taines de mètres de pro­fondeur, à des vitesses de l’or­dre de 1 m/s.

Le flux d’eau froide se fait soit en ” sub­sur­face ” (c’est-à-dire quelques cen­taines de mètres de pro­fondeur), plutôt à l’est des bassins, soit en pro­fondeur (plusieurs mil­liers de mètres de pro­fondeur). Le deux­ième phénomène s’ap­pelle la cir­cu­la­tion ther­mo­ha­line : il résulte du fait que les eaux de sur­face, quand elles se refroidis­sent, devi­en­nent dens­es et coulent vers les pro­fondeurs de l’océan ; cela arrive plus par­ti­c­ulière­ment à la fin de l’hiv­er aux très hautes lat­i­tudes et lorsque les eaux sont déjà dens­es parce que rel­a­tive­ment salées. Les eaux pro­fondes s’é­coulent alors à faible vitesse à l’échelle du globe, en rem­plis­sant les bassins océaniques pro­fonds. Ain­si, on sait iden­ti­fi­er la trace d’eaux ayant quit­té la sur­face de l’océan en mer de Norvège, jusque dans le Paci­fique Nord, plus de mille ans plus tard.

Pour expli­quer les courants océaniques, il faut pren­dre en compte égale­ment l’ef­fet mécanique du vent, qui entraîne les couch­es de sur­face des océans (une cen­taine de mètres, pour fix­er les idées). Pour don­ner un exem­ple, dans les zones tem­pérées, ces dérives de sur­face empi­lent les eaux au milieu des bassins océaniques et créent des gra­di­ents hor­i­zon­taux de pres­sion dans l’océan. En réponse à ces gra­di­ents de pres­sion, les eaux se met­tent en mou­ve­ment dans toute la colonne d’eau. En fait, comme notre planète est une sphère en rota­tion, ces mou­ve­ments se font autour des hautes ou bass­es pres­sions de l’océan, tout comme les vents tour­nent autour des hautes pres­sions ou des dépres­sions de l’at­mo­sphère ; les forces de Cori­o­lis, liées à la rota­tion de la Terre, équili­brent ces gra­di­ents de pres­sion. C’est ain­si que le Gulf Stream fait une grande boucle autour de la mer des Sar­gasses. Il trans­porte de très grandes quan­tités d’eau : par exem­ple, au sud de Terre-Neuve, ce trans­port atteint 100 x 106 m3/s, soit 100 fois le total des riv­ières de la Terre !

L’océan physique couple les différents compartiments du système Terre

L’océan est un sys­tème ther­mo­dy­namique et un réac­teur biogéochim­ique cou­plant océan, glaces de mer et atmosphère.

D’une part, les grandes quan­tités de chaleur trans­portées par l’océan sont évac­uées vers l’at­mo­sphère. Elles con­tribuent donc au fonc­tion­nement dynamique de celle-ci, c’est-à-dire à ses flux de chaleur et à ses vents… qui affectent les courants océaniques. De même, ces échanges de chaleur entre océan et atmo­sphère déter­mi­nent l’é­ten­due des glaces de mer, car celles-ci se for­ment quand les eaux de sur­face se refroidis­sent suff­isam­ment. Or, les glaces de mer déter­mi­nent en retour ce bilan d’échange de chaleur, parce qu’elles réfléchissent la lumière du soleil bien mieux que l’eau de mer et parce qu’elles for­ment des couch­es isolantes.

D’autre part, l’océan con­trôle le cycle de l’eau sur Terre : les échanges de chaleur entre océan et atmo­sphère se font en grande par­tie sous forme de trans­fert de chaleur latente, lorsque l’eau de l’océan s’é­va­pore, puis se con­dense dans l’at­mo­sphère. En moyenne, il s’é­va­pore près d’un mètre par an à la sur­face des océans.

Seule­ment 10 % de cette eau tombe par pré­cip­i­ta­tion sur les con­ti­nents pour ali­menter les riv­ières. 90 % pré­cip­ite directe­ment sur l’océan. Bien sûr, il y a un excès d’é­va­po­ra­tion dans les zones trop­i­cales, et un excès de pré­cip­i­ta­tions aux plus hautes lat­i­tudes. Plus curieuse­ment, on observe égale­ment un excès d’é­va­po­ra­tion dans l’océan Atlan­tique, l’at­mo­sphère se chargeant de trans­fér­er cette eau vers l’océan Paci­fique. Ces trans­ferts affectent d’une part l’océan, puisqu’ils induisent des change­ments de salin­ité, et donc de den­sité de l’eau de mer ; c’est ain­si que l’océan Atlan­tique est plus salé que l’océan Paci­fique. Ils affectent aus­si l’at­mo­sphère, puisque la con­den­sa­tion de la vapeur d’eau est une source d’én­ergie interne de l’at­mo­sphère, et que la vapeur d’eau comme les nuages pro­duisent un effet de serre, et mod­i­fient les trans­ferts de ray­on­nement dans l’atmosphère.

Le cycle océanique du car­bone établit égale­ment des cou­plages entre la physique et la biogéochimie de notre planète. Tout d’abord, les courants océaniques con­trô­lent les trans­ports de car­bone dans l’océan, soit directe­ment par trans­port des com­posés chim­iques dis­sous dans l’eau, soit indi­recte­ment, par le trans­port des nutri­ments néces­saires à l’ac­tiv­ité biologique ; celle-ci joue un rôle clé dans la redis­tri­b­u­tion du car­bone entre les couch­es de sur­face et les couch­es pro­fondes de l’océan, ain­si que vers les sédi­ments marins (voir l’ar­ti­cle de Cather­ine Jean­del et Yves Dan­don­neau). Comme la pro­duc­tion de phy­to­planc­ton con­stitue le pre­mier mail­lon de la chaîne biologique de l’océan de sur­face, c’est tout l’é­cosys­tème marin qui est ain­si cou­plé au sys­tème physique.

D’autre part, la répar­ti­tion du car­bone dans l’océan et les sédi­ments se traduit par une rel­a­tive­ment faible con­cen­tra­tion de car­bone à la sur­face de la mer, qui à son tour main­tient une faible quan­tité de gaz car­bonique dans l’at­mo­sphère. Cette faible con­cen­tra­tion a une con­séquence physique, puisque ce gaz crée un effet de serre dans l’at­mo­sphère, et une con­séquence biologique, puisque notre planète a pu ain­si dévelop­per la biosphère que nous connaissons.

La machine climatique est un système dynamique et donc soumis à des fluctuations à toutes les échelles

Tout d’abord, les courants marins sont ani­més de fluc­tu­a­tions dites ” mésoéchelles “, ana­logues aux dépres­sions atmo­sphériques ; ces insta­bil­ités des courants con­tribuent à dis­siper l’én­ergie du sys­tème sous forme de cas­cades tur­bu­lentes. Ces phénomènes agis­sent peu sur les autres com­posantes du sys­tème Terre, mais dépen­dent des struc­tures à plus grandes échelles d’e­space, comme le Gulf Stream dans l’océan, ou les fronts dans l’atmosphère.

En revanche, les grandes struc­tures du sys­tème cli­ma­tique sont essen­tielle­ment pro­pres au sys­tème cou­plé, et ce sont des fluc­tu­a­tions dynamiques de tout le sys­tème qui les font vari­er : les mod­i­fi­ca­tions d’une com­posante affectent les autres qui réagis­sent en retour sur la pre­mière aus­si bien que sur toutes les autres…

Les exem­ples les plus impor­tants sont le phénomène El Niño (appelé aus­si ENSO pour El Niño — South­ern Oscil­la­tion) et l’oscil­la­tion Nord-atlan­tique (NAO en anglais). Ce qui frappe dans ces phénomènes, ce sont leurs con­stantes de temps, de qua­tre à six ans pour ENSO, ou de huit ans pour la NAO. En effet, celles-ci sont surtout con­trôlées par les mécan­ismes dynamiques de l’océan, et les ajuste­ments de celui-ci à des mod­i­fi­ca­tions des forçages atmo­sphériques sont lents. En effet, comme il est strat­i­fié, ces ajuste­ments doivent se faire dans la masse de l’eau, à l’in­ter­face entre les couch­es chaudes de sur­face et les couch­es froides du fond.

Ces fluc­tu­a­tions des grandes struc­tures se trans­met­tent vers les petites struc­tures qui en dépen­dent ; ain­si, l’in­ten­sité et la tra­jec­toire des dépres­sions atmo­sphériques en Europe vari­ent avec la NAO. Elles induisent en out­re des fluc­tu­a­tions du cycle du car­bone et de tout l’é­cosys­tème. On remar­que ain­si des baiss­es tem­po­raires de la con­cen­tra­tion de gaz car­bonique dans l’at­mo­sphère asso­ciées aux phas­es chaudes du phénomène ENSO : ces années-là, dans la région de l’océan Paci­fique trop­i­cal com­prise entre 20° N. et 20° S., le flux de car­bone, qui va en moyenne de l’océan vers l’at­mo­sphère dans cette zone, est réduit de 50 %.

Il y a un grand nom­bre d’autres phénomènes de fluc­tu­a­tion cli­ma­tique moins con­nus qu’EN­SO. Compte tenu des échelles de temps mis­es en jeu dans l’océan, on peut d’ailleurs s’at­ten­dre à trou­ver des phénomènes sécu­laires, mais les obser­va­tions per­me­t­tant d’éventuelle­ment les détecter sont beau­coup trop rares. Com­pren­dre et suiv­re ces fluc­tu­a­tions naturelles du cli­mat est impor­tant en rela­tion avec le change­ment cli­ma­tique. D’une part, ce sont les témoins des mécan­ismes dynamiques en jeu dans le sys­tème Terre. D’autre part, il est néces­saire de sépar­er les phénomènes d’o­rig­ine anthropique des vari­a­tions naturelles du cli­mat. Enfin, le change­ment cli­ma­tique peut induire des mod­i­fi­ca­tions des fluc­tu­a­tions naturelles.

Impacts des changements climatiques sur l’océan

L’ac­tiv­ité de l’homme explique vraisem­blable­ment le réchauf­fe­ment de 0,7 °C observé depuis un peu plus d’un siè­cle. Quel est l’ef­fet sur l’océan ?

Tout d’abord, l’océan absorbe env­i­ron 30 % du gaz car­bonique injec­té par l’homme dans l’at­mo­sphère. Ensuite, il absorbe la chaleur en excès : dans les couch­es de sur­face, le réchauf­fe­ment observé est sem­blable à celui de l’at­mo­sphère. Compte tenu de l’énorme capac­ité calori­fique de l’eau, cette absorp­tion est un ralen­tis­seur du réchauf­fe­ment. À cette échelle de temps, cette chaleur est répar­tie dans l’océan, par les courants de sub­sur­face et par la cir­cu­la­tion ther­mo­ha­line, mais pas de façon homogène puisqu’il faut plus d’un mil­lé­naire pour homogénéis­er l’océan. C’est bien ce que mon­trent les sim­u­la­tions numériques, mais c’est dif­fi­cile à observer.

Cepen­dant, comme on a affaire à un sys­tème dynamique, on n’as­siste pas seule­ment à une accu­mu­la­tion pas­sive de gaz car­bonique et de chaleur dans un océan fonc­tion­nant sans autre change­ment. Tout d’abord, un tel réchauf­fe­ment doit s’ac­com­pa­g­n­er par une éva­po­ra­tion plus forte et des pré­cip­i­ta­tions plus abon­dantes, là où il pleut. Il se traduit aus­si par une fonte des glaces de mer (en mer Arc­tique, elles auraient dimin­ué de 30 % en épais­seur en quar­ante ans), des glac­i­ers ou du per­mafrost. Cette eau douce arrive à l’océan et c’est donc aus­si la salin­ité de l’océan qui est affec­tée, avec des con­séquences impor­tantes sur la répar­ti­tion de den­sité des eaux et donc sur les courants.

Les con­séquences sont var­iées. D’une part, la struc­ture ther­mo­dy­namique méri­di­enne de l’océan et de l’at­mo­sphère serait mod­i­fiée, parce que les zones trop­i­cales se réchauf­fent moins vite que les hautes lat­i­tudes. Ensuite, les fluc­tu­a­tions naturelles pour­raient être affec­tées, parce que les échanges de chaleur à la sur­face de l’océan sont mod­i­fiés, et parce que la strat­i­fi­ca­tion et donc la dynamique interne de l’océan seraient changées. On se demande d’ailleurs si l’ap­par­ente aug­men­ta­tion sta­tis­tique de l’in­ten­sité et de la fréquence des événe­ments ENSO depuis une cinquan­taine d’an­nées est une con­séquence du réchauf­fe­ment climatique.

Le plus spec­tac­u­laire, et poten­tielle­ment le plus grave, serait d’éventuelles bifur­ca­tions dans le fonc­tion­nement du sys­tème. À cet égard, l’océan Atlan­tique Nord est le plus sen­si­ble. En effet, les sim­u­la­tions numériques indiquent que les apports d’eau douce à l’océan pour­raient réduire la den­sité de ses eaux, et donc réduire, voire blo­quer, la for­ma­tion des eaux pro­fondes dans les mers Arc­tiques. Dans ces con­di­tions, les trans­ports d’eaux chaudes du Gulf Stream vers le nord seraient réduites, et tout le cli­mat de l’Eu­rope du Nord serait net­te­ment plus froid. Ain­si, un réchauf­fe­ment glob­al peut se traduire par un refroidisse­ment région­al intense. Il faut not­er qu’alors le cycle océanique du car­bone et l’é­cosys­tème marin sont égale­ment affec­tés ; cela mod­i­fie la part d’ab­sorp­tion du gaz car­bonique par l’océan, les sim­u­la­tions numériques indi­quant que cela l’augmente.

Les enreg­istrements paléo­cli­ma­tiques mon­trent que de telles bifur­ca­tions sont arrivées naturelle­ment, depuis la dernière péri­ode glaciaire, et qu’elles se déclenchent en quelques décen­nies. Cette ques­tion est actuelle­ment à l’o­rig­ine de grands pro­grammes d’é­tudes de l’At­lan­tique Nord, en par­ti­c­uli­er par les Anglais et les Norvégiens.

Effets ” secondaires ”

On observe enfin des con­séquences plus sec­ondaires, au sens où elles n’agis­sent pas beau­coup sur le reste du sys­tème Terre. Cela ne veut cepen­dant pas dire qu’elles soient moins impor­tantes pour l’homme ! La plus citée est l’élé­va­tion du niveau de la mer qui aurait atteint 1,8 mm par an au cours du XXe siè­cle. Cette valeur découle cepen­dant d’un échan­til­lon­nage très impar­fait de don­nées de maré­graphes, dont les mesures sont ponctuelles et affec­tées par de nom­breux phénomènes régionaux. Les don­nées du satel­lite altimétrique Topex-Poséi­don ont au con­traire l’a­van­tage d’être répar­ties de façon homogène et glob­ale sur l’océan. Au cours des dix dernières années, elles ont mon­tré une élé­va­tion de 3,1 mm par an, mais celle-ci est forte­ment affec­tée par le stock­age tem­po­raire de chaleur dans l’océan Paci­fique trop­i­cal asso­cié au phénomène ENSO de 1997–1998, et à la dilata­tion de cet océan qui en est résulté.

Au moins un tiers de l’élé­va­tion sécu­laire serait dû au réchauf­fe­ment et à la dilata­tion des eaux, mais les don­nées de tem­péra­ture dans l’océan sont trop mal répar­ties pour que cette esti­ma­tion fasse l’ob­jet d’un con­sen­sus. Les don­nées satel­lites ont d’ailleurs mon­tré qu’on n’a pas affaire à un phénomène homogène à l’échelle du globe et que le niveau de la mer s’élève rapi­de­ment dans cer­taines zones (par exem­ple, la Méditer­ranée ori­en­tale s’élève de plus d’un cen­timètre par an), mais au con­traire baisse dans d’autres zones. Cela s’ex­pli­querait par la répar­ti­tion inho­mogène du réchauf­fe­ment de l’eau des océans.

Les con­séquences de l’élé­va­tion du niveau de la mer sur les côtes — et donc pour l’homme — peu­vent être très impor­tantes. Cepen­dant, il ne faut pas y penser comme à l’ef­fet d’une baig­noire qui débor­de sur les con­ti­nents, parce que les zones côtières sont des sys­tèmes dynamiques où chaque sit­u­a­tion locale est un cas par­ti­c­uli­er (voir l’ar­ti­cle de Fer­nand Verger).

Une deux­ième con­séquence con­cern­erait les phénomènes extrêmes. D’une part les mod­i­fi­ca­tions des struc­tures ther­miques de l’at­mo­sphère pour­raient favoris­er l’ap­pari­tion de tem­pêtes dans les zones tem­pérées. Il faut not­er cepen­dant que la rareté de ces phénomènes ne per­met pas aujour­d’hui de dis­pos­er de sta­tis­tiques fiables sur leur occur­rence. D’autre part, l’élé­va­tion du niveau de la mer aug­menterait la fréquence des sur­cotes impor­tantes lors des con­jonc­tions entre tem­pêtes et marées hautes. Celles-ci sont la cause d’i­non­da­tions côtières sou­vent cat­a­strophiques, notam­ment dans l’es­tu­aire de la Tamise et aux Pays-Bas.

Une troisième con­séquence impor­tante pour­rait con­cern­er l’é­cosys­tème marin. Celui-ci est en effet très sen­si­ble à la tem­péra­ture de l’eau, car les pois­sons recherchent les zones où leur effi­cac­ité phys­i­ologique est opti­male. Ain­si observe-t-on de plus en plus fréquem­ment des pois­sons trop­i­caux dans le golfe de Gascogne, et ce tou­jours plus au nord. Observerait-on déjà un effet du réchauf­fe­ment cli­ma­tique sur l’é­cosys­tème ? Là encore, on ne dis­pose pas des don­nées per­me­t­tant de com­pren­dre ce qui se passe, d’au­tant que l’é­cosys­tème marin est prin­ci­pale­ment et forte­ment affec­té par les activ­ités de pêche (voir l’ar­ti­cle de Jean-Paul Troadec).

Conclusion

Ain­si, l’océan est-il une com­posante clé du sys­tème Terre, qui cou­ple toutes ses com­posantes entre elles. Il faut retenir aus­si que le change­ment cli­ma­tique est une réal­ité d’au­jour­d’hui, et qu’à pri­ori, c’est le com­porte­ment dynamique de tout le sys­tème, de la physique à l’é­cosys­tème, qui pour­rait en être affec­té. Comme ces change­ments pour­raient être de grande ampleur, et poten­tielle­ment imprévis­i­bles, il est indis­pens­able de sur­veiller le sys­tème, et en par­ti­c­uli­er l’océan, pour les détecter à temps. Au vu de son fonc­tion­nement, cela doit se faire de façon con­tin­ue et glob­ale. Comme le prob­lème des gaz à effet de serre est inévitable­ment là pour plusieurs siè­cles, c’est à un out­il pérenne qu’il faut penser. Cette idée fait son chemin mais cette sur­veil­lance reste bien dif­fi­cile à met­tre en place. 

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