Le développement du e‑commerce bouleverse la donne

Dossier : Les secrets de la Supply ChainMagazine N°700 Décembre 2014
Par Olivier DUBOUIS (83)

REPÈRES

Quelques chiffres de 2013 montrent le développement du e‑commerce en France. Le chiffre d’affaires a été de 51,1 milliards d’euros, soit 13,5 % de plus qu’en 2012. À titre de comparaison, le chiffre d’affaires 2012 des 100 premières enseignes de la distribution en France est, selon la revue LSA (Libre Service Actualités), d’environ 280 milliards d’euros. 600 millions de transactions en ligne ont été effectuées et, selon la FEVAD (Féderation e‑commerce et vente à distance), 52 % de Français déclarent effectuer au moins un achat par mois sur Internet.

Qu’il s’agisse d’industriels dévelop­pant une activ­ité de vente directe ou de dis­trib­u­teurs gérant de mul­ti­ples points de con­tact avec leurs clients, l’avènement du e‑commerce a entraîné plusieurs change­ments radicaux.

Les « zones de cha­lan­dise » ont changé de dimen­sion et s’étendent à des ter­ri­toires aupar­a­vant inac­ces­si­bles. De nou­veaux modes de vente se dévelop­pent, par exem­ple le dri­ve – com­mande en ligne et enlève­ment en mag­a­sin – qui est un axe fort du développe­ment de la grande distribution.

“ Le flux de retour peut varier de 5% à 50% ”

Les lieux de livrai­son se mul­ti­plient : les mar­ques livraient les dis­trib­u­teurs qui appro­vi­sion­naient leurs réseaux de mag­a­sins, main­tenant elles doivent être capa­bles de livr­er sur l’ensemble du ter­ri­toire, soit poten­tielle­ment des dizaines de mil­lions d’adresses.

Les com­man­des sont morcelées : d’une livrai­son par jour et par point de vente à des mil­liers, voire beau­coup plus pour des géants comme Amazon.

Temps réel

Les clients veu­lent être infor­més en qua­si-temps réel sur l’état de leur com­mande, de la pré­pa­ra­tion jusqu’à la livrai­son. Il faut être capa­ble de traiter vite et bien le flux retour qui, selon les secteurs d’activité et les pays, peut vari­er de 5% à 50%.

Dans un con­texte de con­cur­rence sans mer­ci, toutes ces évo­lu­tions ont eu un impact sur l’ensemble des dimen­sions de la sup­ply chain.

Définir les bons objectifs

Avant de régler les opéra­tions, il est impératif de bien définir le ser­vice atten­du et celui que l’on souhaite offrir (objec­tifs de disponi­bil­ité des pro­duits, délais de livrai­son ou de mise à dis­po­si­tion selon la local­i­sa­tion et les modal­ités de retrait – domi­cile, point relais, mag­a­sin, etc.) tout en antic­i­pant l’impact sur les organ­i­sa­tions, les points et modes de stock­age, la ges­tion du flux, etc.

Quels investisse­ments, quel coût des opérations ?

Quatre axes d’amélioration

Les adap­ta­tions por­tent prin­ci­pale­ment sur le pilotage des flux, la logis­tique, le trans­port et les sys­tèmes d’information.

UNE CONCURRENCE TRÈS RUDE

La transparence sur les prix et la finesse des informations relatives aux comportements des consommateurs génèrent de la part des marchands une activité promotionnelle intense, qui accentue fortement la volatilité des ventes, voulue (parce que décidée) ou subie (parce qu’un concurrent l’a décidé).

En matière de pilotage, il est indis­pens­able d’avoir une vision en temps réel des stocks des encours sur l’ensemble de la sup­ply chain, de manière à pou­voir, selon les com­man­des, opti­miser le cost to serve en util­isant au mieux les ressources disponibles. Ce pilotage néces­site des sys­tèmes d’information per­me­t­tant d’être en « mode automa­tique », de génér­er des alertes en cas de risque ou d’autoriser une déci­sion humaine en cas de nécessité.

La coor­di­na­tion per­ma­nente entre les équipes mar­ket­ing-com­merce et les respon­s­ables de la sup­ply chain est égale­ment un fac­teur clé de succès.

Encore plus que dans des activ­ités tra­di­tion­nelles, il est impor­tant d’être capa­ble d’anticiper ou de réa­gir dans des délais brefs en fonc­tion des sit­u­a­tions ren­con­trées (par exem­ple mod­uler une pro­mo­tion Web en fonc­tion de l’écoulement des pro­duits, des stocks et de la capac­ité d’approvisionnement).

Revoir la logistique physique

Deux postes sont par­ti­c­ulière­ment impactés dans une fonc­tion qui doit s’adapter de manière très réac­tive pour faire face aux vari­a­tions d’activité :

“ La coordination avec les services marketing et commercial est fondamentale ”

la pré­pa­ra­tion des com­man­des, où l’on doit pass­er d’une organ­i­sa­tion capa­ble de traiter des palettes ou des col­is à une activ­ité de détail qui va essen­tielle­ment manip­uler les arti­cles un par un (cela amène générale­ment à revoir les organ­i­sa­tions, les équipements et les sys­tèmes d’information) ; et l’emballage, activ­ité forte­ment con­som­ma­trice de main‑d’œuvre et dif­fi­cile à automatiser.

Livrer à domicile

Le développe­ment du e‑commerce s’est traduit par une forte aug­men­ta­tion des livraisons à domi­cile ou en point relais. Les réseaux mis en place par les grands acteurs de la vente à dis­tance et La Poste ont bien enten­du servi de socle au développe­ment de ces ser­vices, mais les attentes de la clien­tèle nou­velle, plus jeune, plus urbaine, plus technophile aujourd’hui néces­si­tent de fortes évo­lu­tions, notam­ment en matière de ser­vice comme l’extension des plages de livrai­son, voire la prise de ren­dez-vous, ain­si que le suivi de la com­mande en temps réel.

Investir dans le sytème d’information

PRÉPARER NOËL

Dans le e‑commerce, les pics liés à des promotions ou à la période de Noël sont souvent beaucoup plus importants que dans le commerce traditionnel et doivent être anticipés dans le cadre de processus de planification industrielle et commerciale qui permettent à l’ensemble des acteurs de l’entreprise (marketing, ventes, finance, supply chain, etc.) de s’accorder sur des prévisions d’activité.

Le sys­tème d’information est une des com­posantes clés dont on attend d’ajouter de « l’intelligence » pour pou­voir d’une part pilot­er des vol­umes de flux et d’information dans un mode qua­si automa­tique ; et d’autre part offrir aux dif­férents acteurs une vis­i­bil­ité sur l’ensemble de la chaîne logistique.

Les prin­ci­pales attentes vont porter sur les prévi­sions « court terme » inté­grant l’analyse des com­porte­ments con­som­ma­teurs, l’impact des actions pro­mo­tion­nelles, etc. ; le pilotage en temps réel des stocks, en boucle étroite avec la par­tie « offre », voire la ges­tion des prix ; l’optimisation des opéra­tions de pré­pa­ra­tion en entre­pôt, par une analyse fine des car­nets de com­man­des et un ordon­nance­ment per­me­t­tant de max­imiser l’efficacité tout en respec­tant les objec­tifs de délais ; la traça­bil­ité et le report­ing aux clients fin­aux, mais égale­ment aux autres acteurs de la chaîne ; enfin la néces­sité de pou­voir établir une com­mu­ni­ca­tion entre les sys­tèmes des dif­férents acteurs (clients, marchands, logis­ti­ciens, trans­porteurs, four­nisseurs, etc.).

Appliquer une approche systémique

Le développe­ment du e‑commerce a été ini­tié par les évo­lu­tions des tech­nolo­gies de l’information, et notam­ment par le développe­ment du Web. L’adaptation des sup­ply chains est cepen­dant un des élé­ments clés de créa­tion de valeur, puisque ce sont elles qui doivent ren­dre le rêve du client pos­si­ble, dans des con­di­tions économiques sat­is­faisantes pour l’ensemble des acteurs.

La sup­ply chain du e‑commerce est exigeante et com­plexe à appréhen­der et à met­tre en œuvre. C’est un excel­lent domaine d’application pour des esprits for­més à la démarche sci­en­tifique, capa­bles de com­bin­er approche ana­ly­tique et vision sys­témique, per­cep­tion glob­ale des enjeux et sens du détail, indis­pens­able au fonc­tion­nement d’un sys­tème gérant des mil­lions d’activités élémentaires.

Poster un commentaire