Marseille, vue aérienne du vieux port et des installations portuaires.

Le développement des ports français.

Dossier : Les portsMagazine N°601 Janvier 2005Par Francine LOISEAU

Un vent de renou­veau souf­fle sur les trans­ports mar­itimes et la nav­i­ga­tion flu­viale en France. En par­tie, bien sûr sous l’ef­fet de la con­cur­rence de plus en plus vive entre ports européens pour capter des parts de marché du traf­ic mar­itime mon­di­al en forte pro­gres­sion. Mais sans doute aus­si parce que la France, tout comme ses parte­naires européens, dans le cadre d’un développe­ment plus durable, entre­prend un rééquili­brage en faveur des modes alter­nat­ifs à la route — mar­itime, flu­vial et rail — tant pour des motifs économiques et écologiques, que pour des raisons d’épuise­ment des ressources énergé­tiques fossiles.

Le secteur portuaire maritime en pleine évolution

En France, la Direc­tion du trans­port mar­itime, des ports et du lit­toral (DTMPL) a la charge de la mise en valeur des côtes et de la pro­mo­tion de la flotte de com­merce bat­tant pavil­lon français. Égale­ment chargée de la ges­tion du domaine pub­lic mar­itime, la DTMPL doit veiller à main­tenir l’équili­bre entre amé­nage­ment et pro­tec­tion du littoral.

En 2003, les ports mar­itimes français ont traité 357,4 mil­lions de tonnes (Mt) de fret dont la moitié sont des vracs liq­uides (essen­tielle­ment du pét­role), un quart de vracs solides (céréales, char­bon, min­erais), 20 % de marchan­dis­es divers­es hors con­teneurs et 8 % — une part crois­sante — de conteneurs.

En 2003, indique la DTMPL, les trafics por­tu­aires ont retrou­vé un taux de crois­sance de + 3,5 %, après avoir pro­gressé de + 4 % en 2000, reculé de — 1,4 % en 2001 et avant de pro­gress­er à nou­veau de + 1,1 % en 2002.

Le traf­ic mar­itime mon­di­al de con­teneurs explose : + 8 à 10 % par an env­i­ron ; sur les 90 mil­lions d’u­nités trans­portées en 2003, la Chine représente aujour­d’hui à elle seule 20 % du traf­ic mondial.

Enfin, hors fret, n’ou­blions pas l’ac­tiv­ité pas­sagers des ports français, puisque, tous les ans, 34 mil­lions de pas­sagers entrent ou sor­tent par un port mar­itime français, dont plus de 20 mil­lions pour le seul port de Calais qui est le plus grand port de pas­sagers d’Eu­rope continentale.

Les ports maritimes français…


Mar­seille, vue aéri­enne du vieux port et des instal­la­tions por­tu­aires. © PORT AUTONOME DE MARSEILLE

Sur ses 5 500 km de côtes mét­ro­pol­i­taines et ses 1 500 km de lit­toral d’outre-mer, la France compte 7 ports autonomes, 23 ports d’in­térêt nation­al et 532 ports de com­merce, de plai­sance et de pêche gérés par les Con­seils généraux et les communes.

Les ports d’in­térêt nation­al (ports de com­merce et de pêche rel­e­vant des com­pé­tences de l’É­tat, générale­ment con­cédés aux Cham­bres de com­merce et d’in­dus­trie) assurent env­i­ron 20 % du ton­nage de marchan­dis­es mais représen­tent 50 % des marchan­dis­es divers­es non con­teneurisées et plus de 80 % du traf­ic pas­sagers. Avec 74,3 Mt, leur traf­ic est en pro­gres­sion de 1,8 % par rap­port à 2002 qui était déjà une année favorable.

Ce sont les ports autonomes, étab­lisse­ments publics de l’É­tat — Bor­deaux, Dunkerque, La Guade­loupe, Le Havre, Mar­seille-Fos, Nantes-Saint-Nazaire et Rouen — qui trait­ent plus de 80 % du traf­ic mar­itime de marchan­dis­es, soit 278,1 Mt — chiffre glob­al en hausse de 4,0 % en 2003 par rap­port à l’an­née précé­dente. Le traf­ic est en pro­gres­sion de 3,6 % à Mar­seille (95,6 Mt) par exem­ple, il pro­gresse de 5,4 % au Havre (71,4 Mt), tan­dis que, à Nantes-Saint-Nazaire (30,8 Mt), les résul­tats sont en recul de 2,7 % mal­gré une hausse des marchan­dis­es divers­es et des trafics con­teneurisés due notam­ment à la bonne tenue des feed­ers1, aux trafics avec l’Afrique et à la pro­gres­sion de la ligne de cab­o­tage Dublin-Bristol-Montoir-Bilbao.

… face aux ports européens

La con­cur­rence entre ports étant très vive au plan européen, les résul­tats des ports de Rot­ter­dam et d’An­vers sont intéres­sants à observ­er. Rot­ter­dam, avec un ton­nage de 327,5 Mt, a con­nu une hausse de 1,8 % (+ 2,3% en 2002) due surtout à la hausse forte (+ 8,3%) des marchan­dis­es divers­es (89,5 Mt) sous l’ef­fet d’une hausse con­jointe des trafics con­teneurisés (70,7 Mt, soit + 7,4 %) en ton­nage, avec notam­ment un accroisse­ment des échanges avec le Roy­aume-Uni et l’Asie, du traf­ic rouli­er2 (+ 10,8%) et du con­ven­tion­nel (+ 12,6%).

À Anvers, les échanges sont restés sta­bles en 2002 mais ont pro­gressé de 8,3 % en 2003 (142 Mt) avec une forte pro­gres­sion des trafics con­teneurisés (61 Mt) + 15 % en ton­nage ; Ham­bourg con­tin­ue de pro­gress­er : + 8 % (105 Mt) après une hausse de 5,7 % déjà en 2002 ; Gênes est en hausse de 4,7 %, Barcelone de 5,7 % et Valence de 6,5 %.

Décentralisation

Fin juil­let 2004, le “pro­jet de loi relatif aux lib­ertés et respon­s­abil­ités locales” a été défini­tive­ment adop­té par le Par­lement. Il com­porte deux arti­cles spé­ci­fiques con­cer­nant les ports mar­itimes non autonomes rel­e­vant de l’É­tat — les actuels ports d’in­térêt nation­al — qui organ­isent le trans­fert de com­pé­tences, des moyens financiers et des ser­vices de l’É­tat (en 2005 et 2006, la date lim­ite étant fixée au 1er jan­vi­er 2007) aux col­lec­tiv­ités ter­ri­to­ri­ales à l’is­sue d’une con­cer­ta­tion locale. L’ar­tic­u­la­tion entre les com­pé­tences de l’É­tat en matière de police por­tu­aire, de sécu­rité et de sûreté et celles des col­lec­tiv­ités locales en tant que nou­velles autorités por­tu­aires sera pré­cisée par une ordon­nance qui adaptera le code des ports maritimes.

Transport et logistique

Les ports, leurs zones indus­trielles et logis­tiques jouent un rôle stratégique pour le développe­ment de l’é­conomie des régions français­es et européennes et sont généra­teurs d’emploi : 40 000 emplois por­tu­aires directs, 70 000 postes indus­triels et 200 000 emplois liés à la logis­tique por­tu­aire ou induits (source : DTMPL, 2004). Étant don­né qu’en matière mar­itime, il y a tou­jours un (ou plusieurs) pré- et postacheminement(s), les ser­vices offerts aux indus­triels et autres chargeurs sont de plus en plus com­plets et intè­grent tous les modes — mar­itime, rail, route et flu­vial — afin de pro­pos­er une presta­tion porte-à-porte com­plète. Ce qui a don­né nais­sance à un nou­veau méti­er, les com­mis­sion­naires, organ­isa­teurs de trans­ports inter­na­tionaux, affré­teurs et autres logis­ti­ciens qui devi­en­nent de véri­ta­bles “inté­gra­teurs de ser­vices” ; ensem­ble, tous modes de trans­port con­fon­dus, ils représen­tent en France 3 000 entre­pris­es qui emploient 120 000 salariés ce qui fait d’elles les pre­miers employeurs des ports et aéro­ports français.

C’est un secteur en développe­ment d’au­tant plus impor­tant, indique Hervé Cornède, délégué général de TLF, qui regroupe en France les entre­pris­es de trans­port et de logis­tique, que les indus­triels et la grande dis­tri­b­u­tion con­tin­u­ent à exter­nalis­er les ser­vices de trans­port, de stock­age, etc., déjà sous-traités aux deux tiers. Ce mou­ve­ment de recen­trage des indus­triels sur leur cœur de méti­er a favorisé le développe­ment de l’ac­tiv­ité logis­tique et l’émer­gence d’un véri­ta­ble marché de la presta­tion de ser­vices. Les grands ports mar­itimes — et flu­vi­aux — devi­en­nent ain­si de véri­ta­bles bases logis­tiques, des plates-formes mul­ti­modales où la réforme por­tu­aire entre­prise en 1992 a per­mis de faire entr­er la concurrence.

Cabotage et autoroutes de la mer

Port du Havre alliant maritime et fluvial.
Port du Havre alliant mar­itime et fluvial.
© VNF/P. CHEUVA

On sait que les “autoroutes de la mer” sont à la mode mais répon­dent à un vrai besoin de désen­gorge­ment des grands axes routiers. Ce que l’on sait moins, c’est que le cab­o­tage — le trans­port mar­itime à courte dis­tance ou short-sea ship­ping — occupe déjà une place impor­tante dans les échanges intra­com­mu­nau­taires : 41 % en 2001 selon le Livre blanc de la Com­mis­sion européenne sur les trans­ports3. Selon ce dernier : c’est le seul mode de trans­port de marchan­dis­es dont le taux de crois­sance (+ 27% entre 1990 et 1998) s’est rap­proché de celui du trans­port routi­er (+ 35%). Le cab­o­tage con­cerne de plus en plus un flux de marchan­dis­es divers­es (pièces indus­trielles, véhicules neufs, etc.) con­teneurisées et le trans­port de remorques, accom­pa­g­nées ou non. C’est ce dernier type de trans­port sur courte dis­tance, con­sis­tant à embar­quer des camions sur des navires mar­itimes — de préférence non accom­pa­g­nés selon le délégué général de TLF — que l’on car­ac­térise aujour­d’hui par ” autoroutes de la mer “. À terme, estime-t-on au Comité inter­min­istériel de la mer, les lignes régulières qui le pra­ti­queront per­me­t­tront de retir­er de la route des cen­taines de mil­liers de camions qui seront trans­portés par des navires spé­cial­isés (des fer­ries à poids lourds) qui trans­porteront entre 100 à 150 camions ou remorques.

La pre­mière ligne de mer­routage - financée par l’É­tat comme n’im­porte quelle infra­struc­ture (ici, la flotte de bateaux néces­saires) recom­mandait déjà Hen­ri de Richemont dans son rap­port d’avril 2003 — devrait voir le jour en 2006 sur l’arc Atlan­tique entre les ports Nantes-Saint-Nazaire, vraisem­blable­ment asso­ciés à La Rochelle, et l’Es­pagne, sans doute Bil­bao. Elle vise à retir­er de la route 350 000 remorques de camions par an et per­me­t­tra d’ac­croître l’ac­tiv­ité por­tu­aire de 15 à 25 % et de génér­er la créa­tion d’un mil­li­er d’emplois. Autre ligne envis­agée : Fos-Savone qui a déjà été soumis à la Com­mis­sion de Brux­elles pour une mise de départ européenne abondée par l’É­tat français et à des accords entre la Société des autoroutes mar­itimes du Sud, le Port autonome de Mar­seille et les dockers.

Renouveau du transport fluvial

Il y a quinze ans à peine, on ne don­nait pas cher de l’avenir de la voie d’eau en France. Aujour­d’hui, le trans­port flu­vial prou­ve sa per­ti­nence en pro­gres­sant bien plus rapi­de­ment (+ 20% de 1997 à 2001 en nom­bre de tonnes-kilo­mètres, source : VNF) que les deux autres modes ter­restres de trans­port de marchan­dis­es, le rail et la route.

En 2003, si la voie d’eau a glob­ale­ment préservé ses parts de marché, le secteur des con­teneurs affiche un dynamisme réjouis­sant : + 28 % en vol­ume (source VNF) et la com­plé­men­tar­ité entre les modes s’or­gan­ise. Notam­ment avec le trans­port mar­itime, comme sur la Seine, où le traf­ic tous types de fret a lit­térale­ment explosé (+ 80%) béné­fi­ciant du regain d’ac­tiv­ité du port du Havre. Suiv­ent alors le fret trans­porté dans le bassin du Rhône (+ 52%) et celui du Nord-Pas-de-Calais avec + 22,7 %. Le Rhin, respon­s­able de la moitié de l’ac­tiv­ité flu­viale nationale, affiche une crois­sance de 10 % mal­gré les con­séquences de la sécher­esse estivale.

Politique de transport fluvial

En France, la mise en œuvre de la poli­tique flu­viale est con­fiée par la Direc­tion des trans­ports ter­restres (DTT) à Voies nav­i­ga­bles de France (VNF, étab­lisse­ment pub­lic indus­triel et com­mer­cial) qui a com­mencé à fonc­tion­ner à plein régime en 1994 à Béthune. L’ob­jec­tif gou­verne­men­tal inscrit dans les sché­mas mul­ti­modaux de ser­vices col­lec­tifs de trans­port de voyageurs et de trans­port de marchan­dis­es, approu­vés par le décret du 18 avril 2002, con­siste à val­oris­er le réseau exis­tant et à dou­bler le traf­ic flu­vial français en dix ans pour attein­dre 13 mil­liards de tonnes-kilo­mètres par an. Au-delà, la réal­i­sa­tion pro­gres­sive de la liai­son Seine-Nord à grand gabar­it (voir ci-après) devrait per­me­t­tre de réalis­er un traf­ic addi­tion­nel de 2,3 mil­liards de tonnes-kilo­mètres par an.

Pour Jean Gadenne, directeur du développe­ment de Voies nav­i­ga­bles de France, l’am­bi­tion de la voie d’eau est de mon­tr­er, un peu plus chaque jour, que pour le trans­port des pro­duits néces­saires au quo­ti­di­en : mas­sifs, qui encom­brent, lourds, etc., la voie d’eau, en les amenant au cœur des villes, apporte une solu­tion durable où le fac­teur vitesse ne joue plus.

Sans oubli­er que, en ter­mes d’ef­fi­cac­ité énergé­tique3, 1 kg de pét­role per­met de déplac­er sur 1 km 50 tonnes de marchan­dis­es par camion, 9 tonnes par un wag­on de chemin de fer et 127 tonnes par barge sur la voie d’eau.

Réseau français et le projet Seine-Nord-Europe

Carte du futur canal de 105 km entre l’Oise et le canal Dunkerque-Escaut
Au sud et au nord du tronçon cen­tral de la liai­son Seine-Nord-Europe, le futur canal de 105 km entre l’Oise et le canal Dunkerque-Escaut qui, comme la Seine, fait déjà l’objet de travaux de mod­erni­sa­tion, notam­ment par le relève­ment des ponts.

Le réseau nav­i­ga­ble français con­fié à VNF a une longueur de 6 700 km de fleuves, riv­ières et canaux qui tra­versent 2 763 com­munes, 57 départe­ments et 17 régions ; l’étab­lisse­ment pub­lic gère aus­si — et c’est fon­da­men­tal pour avoir des con­nex­ions avec les ter­ri­toires — un domaine de 80 000 ha le long de toutes ces voies. Si la part du trans­port flu­vial dans le traf­ic de fret trans­porté par voie ter­restre se situe pour l’heure à seule­ment 3 % en France con­tre 12,5 % en Bel­gique, 13,7 % en Alle­magne et 42 % aux Pays-Bas, c’est en par­tie parce que le réseau flu­vial français ne cou­vre que 9 % du ter­ri­toire (14 % pour la région parisi­enne). Alors que, aux Pays-Bas, la cou­ver­ture en voies nav­i­ga­bles est par­ti­c­ulière­ment dense.

Avec l’ob­jec­tif de met­tre en réseau les grands pôles économiques nord-ouest et cen­tre européens, et pour décon­ges­tion­ner le cor­ri­dor routi­er nord-sud, tout en respec­tant les impérat­ifs du développe­ment durable, la liai­son flu­viale Seine-Escaut du pro­jet Seine-Nord-Europe a été inscrite comme pro­jet pri­or­i­taire européen. Côté français, devant être soumis à DUP en 2007 et mis en ser­vice en 2012, le tronçon cen­tral de ce pro­jet, lancé fin 2003, reliera le canal Dunkerque-Escaut à l’Oise (voir illus­tra­tion ci-con­tre) pour per­me­t­tre à terme la cir­cu­la­tion con­tin­ue de la flotte européenne à grand gabarit.

Marchandises transportées

En tête des marchan­dis­es trans­portées par la voie d’eau, les pro­duits dits tra­di­tion­nels en vrac : céréales, sables, graviers. C’est ain­si que, en 2000, les minéraux bruts et les matéri­aux de con­struc­tion con­sti­tu­aient effec­tive­ment 34 % (en tonnes-kilo­mètres) du fret de la voie d’eau, les pro­duits agri­coles 22 % et les pro­duits pétroliers 10 %. Au total, si le char­bon, les minéraux, les matéri­aux de con­struc­tion et les céréales représen­tent encore 80 % du ton­nage trans­porté, la voie d’eau s’ou­vre à de nou­veaux trafics : le tex­tile, la chimie, l’a­groal­i­men­taire, les pro­duits semi-finis, la grande dis­tri­b­u­tion… Des con­trats de pro­grès sont d’ailleurs signés dans ces secteurs par VNF avec l’Of­fice nation­al inter­pro­fes­sion­nel des céréales (Onic) par exem­ple afin de dou­bler le traf­ic de céréales par voie d’eau à l’hori­zon 2010.

Le cas par­ti­c­uli­er de l’é­vac­u­a­tion des déchets mérite d’être noté. En vrac, en balles ou en con­teneurs, les déchets ménagers ou indus­triels voy­a­gent de plus en plus par voie flu­viale, comme à Lille et Paris où des sché­mas logis­tiques com­plex­es se met­tent en place au plus près des lieux de collecte.

Des camions déposent les déchets évac­ués sur barge pour être triés, traités ou val­orisés tout au long de l’artère fluviale.

Massifier les transports fluviaux

Puisque, à de très rares excep­tions près, le trans­port par voie d’eau ne peut être door to door, les opéra­teurs ont dû dévelop­per des solu­tions inté­grées, au-delà de la seule voie d’eau et trans­porter les marchan­dis­es de bout en bout. Quand on sait, comme le fait remar­quer le rap­port Clé­ment-Grancourt4, qu’une par­tie sig­ni­fica­tive des trafics de con­teneurs par exem­ple, par­tant de ou arrivant dans des départe­ments français, sont aujour­d’hui détournés au prof­it des ports d’An­vers, Zee­brugge et Rot­ter­dam, on com­prend l’in­térêt non seule­ment d’op­ti­miser les ser­vices de pré- et de posta­chem­ine­ment mais aus­si de mas­si­fi­er le trans­port flu­vial lui-même pour faire baiss­er les prix. On com­prend surtout la néces­sité pour les opéra­teurs d’or­gan­is­er la com­plé­men­tar­ité entre modes de trans­port et d’of­frir des ser­vices com­plets, de bout en bout.

Car ce sont bien ces chaînes de trans­port glob­ales qui sont en con­cur­rence aujour­d’hui aux yeux des chargeurs ; ce qui mon­tre l’in­térêt, pour les ports mar­itimes français, de dis­pos­er non seule­ment d’un réseau flu­vial pour irriguer leur hin­ter­land por­tu­aire, mais aus­si d’un sys­tème fer­rovi­aire effi­cace sous peine de con­tin­uer à voir s’échap­per d’im­por­tantes parts de marché à leur détriment.

Sous peine aus­si de voir s’as­phyx­i­er com­plète­ment une autoroute comme l’A13 desser­vant le port du Havre.

Une comodal­ité nécessaire

Pour Jean Gadenne, VNF : Chargeurs, trans­porteurs et opéra­teurs por­tu­aires ont besoin du mode flu­vial comme du rail et il faut étudi­er com­ment ces modes peu­vent s’or­gan­is­er au mieux, en comodal­ité, pour répon­dre à une demande socié­tale et aller plus loin que la sim­ple inter­modal­ité qui n’est autre que l’échange entre les modes dans des lieux ou pôles amé­nagés pour cela.

Bien organ­isé, mas­sif et com­plet, le trans­port de con­teneurs sur le Rhin par exem­ple, à par­tir des ter­minaux flu­vi­aux alsa­ciens à des­ti­na­tion de Rot­ter­dam, est 5 à 6 fois moins cher que le même tra­jet par la route.

Même à Duis­burg, Alle­magne, pour­tant dis­tant de 200 km seule­ment de Rot­ter­dam, la route est deux fois plus chère que le trans­port flu­vial. À Duis­burg, la chaîne de trans­port, com­plexe certes mais com­plète, com­prend aus­si des trains-blocks de rabat­te­ment, ceux de Bâle accueil­lant les navettes fer­rovi­aires de Zurich et de Berne qui se déchar­gent directe­ment du wag­on à la barge… Le rap­port Clé­ment-Grand­court va claire­ment dans ce sens et pro­pose d’or­gan­is­er une liai­son entre Duis­burg et Le Havre où une capac­ité existe sur les deux réseaux (fleuve et rail).

Pour que ce type d’opéra­tion réus­sisse, note Jean Gadenne (VNF), il faut réu­nir trois con­di­tions : qu’une capac­ité existe sur le tra­jet con­cerné, que le trans­bor­de­ment soit effi­cace et surtout réus­sir à sus­citer un ou deux opéra­teurs qui mon­tent le ser­vice com­plet et le vendent aux chargeurs.

VNF fonc­tionne alors comme “facil­i­ta­teur”, par con­trats de pro­grès, indis­pens­ables sur cer­tains sil­lons, alors que, avec la route, une telle com­plé­men­tar­ité existe déjà.

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1. Feed­er : petit porte-con­teneurs per­me­t­tant de col­lecter (ou de redis­tribuer) les con­teneurs dans les ports sec­ondaires pour les rassem­bler dans les grands ports à des­ti­na­tion (ou à par­tir des) des grands porte-conteneurs.
2. Navire rouli­er (ou ro-ro, de l’anglais roll on, roll off) : navire muni d’une passerelle per­me­t­tant aux manu­ten­tion­naires de “rouler” les marchan­dis­es à bord/à terre horizontalement.
3. Source : Livre blanc. La poli­tique européenne des trans­ports à l’hori­zon 2010 : l’heure des choix — Com­mis­sion européenne, 2001.
4. Rap­port demandé par Dominique Bussereau, secré­taire d’É­tat aux Trans­ports et à la Mer, pub­lié courant 2004 dans la per­spec­tive du développe­ment des trafics fluviaux.
 

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