Le défi environnemental :

Dossier : L'automobileMagazine N°557 Septembre 2000
Par Bruno COSTES

Le grand pub­lic focalise son atten­tion plutôt sur la qual­ité de l’air que sur les prob­lèmes de réchauf­fe­ment de la planète dont il a du mal à appréhen­der la sig­ni­fi­ca­tion exacte.

Cette atti­tude, qui se retrou­ve dans beau­coup de pays, cache un para­doxe : aus­si préoc­cupé qu’il soit par la pol­lu­tion de l’air, le par­ti­c­uli­er n’est pas décidé à renon­cer à sa voiture, ni à val­oris­er finan­cière­ment les véhicules plus pro­pres. Autrement dit, la voiture est réputée nuis­i­ble à l’en­vi­ron­nement mais en même temps elle est plébisc­itée et demeure un moyen de déplace­ment priv­ilégié et sou­vent incontournable.

Le client auto­mo­bile veut un véhicule attrac­t­if, per­for­mant, sûr et respectueux de l’en­vi­ron­nement. Sa démarche ne va cepen­dant pas jusqu’à val­oris­er dans son acte d’achat les véhicules les plus pro­pres, du moins jusqu’à présent. Un con­struc­teur auto­mo­bile, dont le rôle est de con­cevoir, fab­ri­quer et ven­dre des voitures attrac­tives pour un client qui est aus­si un citoyen soucieux de son envi­ron­nement, doit donc con­sid­ér­er que les pro­grès en ter­mes de motori­sa­tion et de dépol­lu­tion doivent se faire à coût égal.

Ceci est d’au­tant plus vrai que des véhicules plus pro­pres et sobres n’au­ront un effet béné­fique notable sur l’en­vi­ron­nement que si leur dif­fu­sion est large. De ce fait, c’est dans une amélio­ra­tion soutenue des presta­tions offertes par les éner­gies actuelles — essence et diesel — que la solu­tion se trou­ve. Les autres solu­tions, dont les presta­tions et le coût lim­i­tent la dif­fu­sion, auront un intérêt plus ponctuel jus­ti­fié par une prob­lé­ma­tique ou une volon­té locale.

L’enjeu de l’effet de serre et l’engagement de l’ACEA de baisse des émissions de CO2 des véhicules neufs

En Europe, on estime que l’au­to­mo­bile représente 12 % des émis­sions de CO2 dues à l’ac­tiv­ité humaine ou indus­trielle. En juil­let 1998, les con­struc­teurs européens se sont engagés volon­taire­ment par l’in­ter­mé­di­aire de l’ACEA (Asso­ci­a­tion des con­struc­teurs européens de l’au­to­mo­bile) à réduire pro­gres­sive­ment le taux d’émis­sion moyen des véhicules neufs ven­dus en Europe par ses mem­bres. Cet accord entre con­struc­teurs et les autorités de l’U­nion européenne n’a pas de précé­dent. Sur ce point, les taux moyens de CO2 pro­duits par les véhicules neufs, cal­culés en grammes de CO2 par km, mon­trent le con­traste entre l’Eu­rope (186 g/km), le Japon (191 g/km) et les États-Unis (260 g/km). Ces chiffres datent de 1998. Il est clair que depuis l’é­cart a encore gran­di compte tenu de la diver­gence des poli­tiques européennes et améri­caines en matière d’ef­fet de serre.

Out­re la réduc­tion à 140 g de CO2 par km en moyenne d’i­ci 2008 (pour un chiffre de 186 g/km en 1998), cet accord prévoit égale­ment que les con­struc­teurs mem­bres de l’ACEA met­tent sur le marché dès 2000 des véhicules émet­tant 120 g de CO2 par km. Rap­pelons pour mieux car­ac­téris­er l’am­pleur de l’ef­fort que 140 g de CO2 par km équiv­aut à une con­som­ma­tion moyenne de 5,3 litres pour 100 km pour un véhicule diesel et 5,9 litres pour 100 km pour un véhicule essence.

Les conséquences de l’accord ACEA sur les émissions de CO2 du parc automobile

De nom­breuses sim­u­la­tions ont été faites au niveau européen comme au niveau de la France pour mesur­er l’ef­fet de cet engage­ment sur les émis­sions totales de CO2 du parc auto­mo­bile. Toutes don­nent des résul­tats sim­i­laires : sta­bil­i­sa­tion des émis­sions de CO2 des voitures par­ti­c­ulières à l’hori­zon 2010.

COMPARAISON DES ÉMISSIONS DE CO2 ESSENCE/DIESEL MESURÉES SUR CYCLE EUROPÉEN (g/km) – VÉHICULE PEUGEOT 406Ce sont notam­ment les ten­dances retenues par la dernière étude du ser­vice de sta­tis­tique (SES) du min­istère des Trans­ports. Les esti­ma­tions du SES se fondent sur deux types de don­nées : le traf­ic routi­er et les émis­sions de chaque caté­gorie de véhicules. En ce qui con­cerne le traf­ic, elles s’ap­puient notam­ment sur les nom­breux rap­ports annuels de la Com­mis­sion des comptes des trans­ports de la Nation et sur les deux dernières enquêtes trans­ports de l’IN­SEE réal­isées auprès des ménages français (1981–1982 et 1993–1994). Le SES prévoit ain­si une forte aug­men­ta­tion de la cir­cu­la­tion des voitures, prob­a­ble­ment 2,2 % par an. Sur le plan des émis­sions, le SES s’ap­puie sur les émis­sions prévi­sion­nelles cal­culées par le CITEPA (Cen­tre inter­pro­fes­sion­nel tech­nique d’é­tudes de la pol­lu­tion atmosphérique).

Le SES estime que les émis­sions de CO2 aug­menteront encore de 10 % jusqu’en 2005–2010 sur la base de leur valeur de 1995, mais se sta­bilis­eront ensuite. Ces pro­jec­tions peu­vent être con­sid­érées comme pru­dentes. En effet, si la part des voitures diesel, qui représente actuelle­ment 45 % des ventes de véhicules, aug­men­tait ou si la cir­cu­la­tion pro­gres­sait moins rapi­de­ment que prévu, les émis­sions de CO2 notam­ment pour­raient se sta­bilis­er beau­coup plus tôt.

Les efforts des constructeurs pour tenir leur engagement de réduction des émissions de CO2

Cet engage­ment de réduc­tion des émis­sions de CO2 des véhicules neufs sup­pose un effort de recherche et développe­ment con­sid­érable. Les con­struc­teurs français s’y enga­gent avec beau­coup de déter­mi­na­tion. Notre Groupe est d’ores et déjà un des lead­ers mon­di­aux en ter­mes de con­som­ma­tion, grâce à plus de trente ans de recherche sur l’aéro­dy­namique, la réduc­tion des mass­es, la réduc­tion des frot­te­ments con­som­ma­teurs d’énergie.

Par rap­port au véhicule essence, le véhicule diesel présente un avan­tage sub­stantiel : à per­for­mance équiv­a­lente, il rejette env­i­ron 15 % de moins de CO2. Aus­si, depuis longtemps, la con­vic­tion de nom­breux indus­triels est que la lim­i­ta­tion de rejet de CO2 passe par le développe­ment du diesel, d’au­tant que pour élim­in­er l’in­con­vénient majeur pour l’en­vi­ron­nement que sont les émis­sions de par­tic­ules, le Groupe a mis au point un fil­tre à par­tic­ules. La Peu­geot 607 est le pre­mier mod­èle au monde béné­fi­ciant de cette inno­va­tion qui sera général­isée pro­gres­sive­ment sur tous les nou­veaux mod­èles munis de moteurs diesel HDI.

Le Groupe a égale­ment porté ses efforts sur la lim­i­ta­tion de con­som­ma­tions sur l’ensem­ble des motori­sa­tions, avec des résul­tats spectaculaires.

  • Depuis plus de deux ans, une nou­velle gamme de moteurs à injec­tion directe haute pres­sion HDI per­met de réduire les émis­sions de CO2 de plus de 20 % par rap­port à un moteur diesel clas­sique, en dimin­u­ant de près de 60 % les rejets de particules.
  • L’in­tro­duc­tion en fin d’an­née 2000 d’un moteur essence à injec­tion directe et mélange pau­vre HPI per­me­t­tra une diminu­tion des rejets de CO2 de l’or­dre de 10 %.
  • Dans le futur, l’in­tro­duc­tion pro­gres­sive du gaz naturel véhicule et des véhicules hybrides offrent un champ de pos­si­bil­ités con­sid­érables pour réduire les émis­sions de CO2.

L’enjeu de la qualité de l’air urbain

La qual­ité de vie en ville est un sujet com­plexe qui mêle qual­ité de l’air, envi­ron­nement sonore, mobil­ité et flu­id­ité du traf­ic. D’an­née en année, les citadins devi­en­nent plus sen­si­bles à la qual­ité de l’air : même si celle-ci s’améliore en région parisi­enne, l’in­sat­is­fac­tion croît.

La qualité de l’air

Les lég­is­la­tions européenne et française ont porté à la fois sur l’abaisse­ment des niveaux d’émis­sions des véhicules mais aus­si sur la sur­veil­lance de la qual­ité de l’air. Con­cer­nant celle-ci, la régle­men­ta­tion a abouti à la créa­tion de réseaux de sur­veil­lance pour les plus grandes villes (250 000 habi­tants) et à la mise en place d’indices tels qu’At­mo util­isés dans la com­mu­ni­ca­tion quo­ti­di­enne des­tinée aux habitants.

COMPARAISON DES ÉMISSIONS DE PARTICULES (g/km) EN FONCTION DES TECHNOLOGIES MOTEURLes pre­miers bilans sur l’évo­lu­tion de la qual­ité de l’air dans les grandes aggloméra­tions français­es sont très encourageants.

Comme le mon­tre le graphe à tra­vers qua­tre types de pol­lu­ants pour l’Île-de-France, les con­cen­tra­tions ont une forte ten­dance à la baisse, ce qui se véri­fie dans la majorité des villes français­es. Mais cette régle­men­ta­tion a aus­si provo­qué la mise en place de seuils d’in­for­ma­tion et d’alerte qui entraî­nent des restric­tions d’ac­tiv­ités et de trafic.

Ces seuils qui s’abais­sent au fil de la régle­men­ta­tion font percevoir par le grand pub­lic une dégra­da­tion de la qual­ité de l’air.

L’élab­o­ra­tion des PRQA (Plans régionaux de la qual­ité de l’air) a per­mis d’aboutir au même con­stat et d’an­non­cer d’i­ci les prochaines années une qual­ité de l’air encore meilleure, notam­ment grâce aux diminu­tions des émis­sions uni­taires des véhicules.

La mobilité urbaine

Il est essen­tiel de dis­tinguer sur ce plan la ques­tion du traf­ic dans les cen­tres-villes, en par­ti­c­uli­er his­toriques, de celle de la mobil­ité dans les méga­lopoles où vivent aujour­d’hui la plu­part des Européens. Les tra­jets banlieue/banlieue et ban­lieue/­cen­tres-villes se sont con­sid­érable­ment dévelop­pés et con­tin­ueront de le faire. Les trans­ports de masse ne pour­ront cer­taine­ment pas apporter à eux seuls une réponse appro­priée à la demande réelle des habi­tants des zones sub­ur­baines. Il con­vient bien enten­du d’ex­plor­er des alter­na­tives : trans­ports à la demande, taxis col­lec­tifs, cov­oiturage. Ces solu­tions nova­tri­ces appor­tent des répons­es pour la réduc­tion des encom­bre­ments. Mais l’au­to­mo­bile reste incontournable.

En revanche le con­texte est fon­da­men­tale­ment dif­férent pour les cen­tres-villes où la demande de mobil­ité décroît en faveur d’une plus grande qual­ité de vie. Le con­struc­teur auto­mo­bile doit s’as­soci­er résol­u­ment à cette évo­lu­tion et apporter des répons­es tech­niques. Il ne s’ag­it pas d’ex­clure l’au­to­mo­bile des cen­tres-villes mais d’en­cadr­er son util­i­sa­tion et de choisir les véhicules adap­tés, qui émet­tent le moins de pol­lu­ants pos­si­bles, ce qui néces­site des inno­va­tions pour la qual­ité des car­bu­rants, le ren­de­ment des moteurs, l’ef­fi­cac­ité des dis­posi­tifs de post-traitement.

La réduction des émissions automobiles de gaz polluants

Depuis les années 1970 s’est mise en place une régle­men­ta­tion européenne sur les émis­sions auto­mo­biles. Elle impose à tout véhicule mis sur le marché de respecter un niveau max­i­mum d’oxy­des d’a­zote (NOx), de monoxyde de car­bone (CO) et d’hy­dro­car­bu­res (HC). S’y ajoute une lim­ite d’émis­sions de par­tic­ules pour le diesel.

Ces valeurs lim­ites sont revues à la baisse tous les cinq ans en moyenne. Ain­si entre les véhicules de nos mar­ques d’au­jour­d’hui et ceux des années 70, les émis­sions ont été divisées par 20 pour le CO, 25 pour les HC et 12 pour les NOx.

D’i­ci 2005 les émis­sions uni­taires seront encore divisées par 2 pour le CO et les HC et par 3 pour les NOx.

Le filtre à particules

Mal­gré ces résul­tats plus qu’en­cour­ageants, l’in­dus­trie pour­suit ses efforts. En effet, depuis quelques mois la ver­sion diesel du véhicule le plus récent du groupe, la Peu­geot 607, est la pre­mière voiture au monde munie en série d’un fil­tre à particules.

ÉVOLUTION DE LA RÉGLEMENTATION ENTRE 1972 ET 2005 PROFIL TYPE DES VALEURS LIMITES D’ÉMISSIONAsso­cié au moteur diesel HDI, le fil­tre à par­tic­ules fonc­tionne en direct avec le sys­tème élec­tron­ique qui gère l’al­i­men­ta­tion du moteur. Il représente une avancée tech­nologique majeure et con­tribue à bal­ay­er les éventuelles réti­cences face au diesel, en réduisant les par­tic­ules à la lim­ite du mesurable.

Ces pro­grès témoignent des efforts tech­nologiques réal­isés. Dans tous ses travaux relat­ifs au groupe moto­propulseur, le Groupe prend en compte le con­tin­u­um chim­ique, c’est-à-dire la chaîne de com­bus­tion et de dépol­lu­tion dans son ensem­ble : le car­bu­rant lui-même, la com­bus­tion et les émis­sions à l’échappement.

Les sys­tèmes de dépol­lu­tion se sont con­sid­érable­ment améliorés. Ain­si les catal­y­seurs sont apparus dans les années 90 : en 1992–1993 pour la catal­yse trois voies du moteur essence, qui traite les émis­sions de NOx, de CO et de HC, et en 1996–1997 pour la catal­yse d’oxy­da­tion du moteur diesel. La réduc­tion des NOx des moteurs essence mélange pau­vre et des moteurs diesel exige aujour­d’hui une nou­velle tech­nolo­gie de catal­y­seurs : le catal­y­seur DeNOx à stockage/déstockage a pour mis­sion de réduire les NOx en milieu oxy­dant. Cet objec­tif pour­ra être atteint avec la mise sur le marché de car­bu­rant sans soufre (< 10 ppm).

Les conséquences de la réduction des émissions unitaires des véhicules neufs

La Com­mis­sion européenne éla­bore depuis les années 90 des régle­men­ta­tions visant à établir une liai­son objec­tive entre qual­ité de l’air et émis­sions uni­taires des voitures auto­mo­biles. Le dernier pro­gramme européen Auto Oil II a per­mis d’avoir les idées claires sur les prévi­sions d’émis­sions totales du parc auto­mo­bile européen. Ce pro­gramme a con­clu que, compte tenu des déci­sions régle­men­taires déjà pris­es, les émis­sions du parc auto­mo­bile allaient (CO, HC, NOx et par­tic­ules) être divisées par trois en vingt ans (entre 1994 et 2015). Cette diminu­tion spec­tac­u­laire prend en compte une forte aug­men­ta­tion du traf­ic dû à un besoin de mobil­ité crois­sant en Europe.

Pour que les progrès technologiques soient pleinement exploités, l’action des pouvoirs publics est un relais indispensable

Il faut insis­ter sur un point essen­tiel à pro­pos des pol­lu­tions en cen­tre-ville. Il faut admet­tre que les con­struc­teurs auto­mo­biles ont réal­isé des pro­grès con­sid­érables sur la réduc­tion des émis­sions des véhicules neufs, et ils con­tin­ueront bien sûr, mais les quelques pour­cent­ages que nous gag­nerons encore seront longs et très coû­teux à obtenir. En revanche, une solu­tion effi­cace et rapi­de con­sis­terait à élim­in­er du parc actuel les véhicules anciens qui con­tribuent ter­ri­ble­ment à la pol­lu­tion urbaine. Ces véhicules appar­ti­en­nent pour la plu­part à des ménages dému­nis, qui n’ont pas les moyens de les rem­plac­er par des mod­èles neufs ou plus récents. Des fonds publics sont investis dans la recherche pour la réduc­tion des émis­sions, mais pour­raient aus­si être util­isés pour le renou­velle­ment et le raje­u­nisse­ment du parc en sub­ven­tion­nant le retrait anticipé des véhicules anciens sans oblig­a­tion d’achat d’un véhicule neuf. Nous auri­ons avec ce type de mesure une réduc­tion mas­sive des niveaux de pol­lu­tion urbaine.

RÉDUCTION DES ÉMIS​SIONS (AUTO OIL II)
POLLUANT RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DANS L’UE
1995–2010
(1995 = 100)
TRANSPORT ROUTIER EN % DES ÉMISSIONS TOTALES EN 1995 TRANSPORT ROUTIER EN % DES ÉMISSIONS TOTALES EN 2010
Oxy­des d’azote​ 57 44 % 24 %
Dioxyde de soufre 49 1,5 % < 0,5 %
Monoxyde de carbone 59 60 % 33 %
Par­tic­ules de matière (PM10) 71 16 % 10 %
Hydro­car­bu­res hors méthane 60 37 % 11 %
Benzène 43 65 % 21 %
Dioxyde de carbone 108 20 % 21 %

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