Attirer, former et gérer les talents

Dossier : La renaissance industrielleMagazine N°710 Décembre 2015
Par Alain BRAVO (65)

À l’école, au col­lège ou au lycée, l’objectif est que les tal­ents nationaux s’épanouissent grâce à une cul­ture des sci­ences dévelop­pée dès le com­mence­ment de l’éducation.

À l’école pri­maire, Michel Godet souligne le rôle clé du savoir-être et de l’apprentissage des fon­da­men­taux, même si « aujourd’hui, 40 % des élèves quit­tent l’école avec des bases trop frag­iles et par­mi ces derniers 15 à 20 % sont qua­si­ment illet­trés et le resteront ».

Cepen­dant, l’action « La main à la pâte », lancée en 1996 à l’initiative de Georges Charpak, prix Nobel de physique, avec le sou­tien de l’Académie des sci­ences, con­tribue à amélior­er la qual­ité de l’enseignement de la sci­ence et de la tech­nolo­gie à l’école pri­maire et au col­lège, école du socle com­mun où se joue l’égalité des chances.

REPÈRES

L’Académie des technologies, dans son rapport de 2014 « La renaissance de l’industrie », déplore que le système de formation initial n’accorde pas une considération ni une place suffisante aux savoirs pratiques et aux diverses formes d’alternance. Il n’encourage pas assez l’initiative, l’exploration, le travail en groupe et en mode projet, il ne développe pas suffisamment la confiance en soi.
Si les entreprises offraient plus d’opportunités d’évolution au personnel d’exécution, les carrières seraient plus attractives, ainsi que les filières d’enseignement qui y préparent.

Des expérimentations limitées

Au col­lège, l’enseignement inté­gré de sci­ence et tech­nolo­gie (EIST) en six­ième et en cinquième per­met de met­tre en œuvre la démarche d’investigation car­ac­téris­tique des pra­tiques sci­en­tifiques et tech­nologiques et favorise le décloi­son­nement entre disciplines.

L’EIST vise plusieurs objec­tifs : stim­uler la curiosité et dévelop­per le goût des sci­ences des élèves ; faciliter la tran­si­tion entre l’école élé­men­taire et le col­lège ; don­ner une cohérence entre les dis­ci­plines sci­en­tifiques et tech­nologiques ; pra­ti­quer la démarche d’investigation telle qu’elle est inscrite dans les nou­veaux pro­grammes de sciences.

Les expéri­men­ta­tions à l’école ne con­cer­nent toute­fois qu’un nom­bre trop restreint d’établissements (quelques cen­taines sur huit mille).

COMPLÉTER LA RÉFORME DE 2010

En janvier 2015, l’UPS, l’UdPPC et la SFP ont énoncé trois principes concernant l’enseignement des sciences physiques suite à la réforme des lycées :
mettre tout en œuvre pour que, quel que soit son choix d’études supérieures, un élève de filière S ait des acquis durables et universels dans des éléments de formation aux démarches scientifiques (modélisation, confrontation entre modèle et réalité) ;
guider toute réflexion en gardant la conviction que la compréhension des démarches scientifiques est une construction lente, qui ne saurait attendre la terminale S ou l’arrivée dans l’enseignement supérieur, mais qui doit au contraire commencer dès le collège ;
enfin, consolider l’outil mathématique, auquel l’enseignement et l’essence même de la physique et de la chimie sont fortement liés, par une pratique concrète des mathématiques.

De bac moins trois à bac plus trois

L’attirance vers les sci­ences de l’ingénieur et la for­ma­tion des futurs cadres tech­ni­ciens et ingénieurs se joue dans le créneau qui va de bac – 3 à bac + 3, et la réforme du lycée de 2010, qui prévoit explicite­ment un enseigne­ment de tech­nolo­gie au pro­gramme des class­es d’enseignement général, se présente comme une suite à l’EIST.

Cepen­dant, cette réforme est à appro­fondir et à pour­suiv­re pour créer une dynamique pérenne à haute vis­i­bil­ité autour d’une cul­ture tech­nologique au lycée, assur­er une dif­fu­sion de la cul­ture tech­nologique à la hau­teur des enjeux, met­tre en place un proces­sus adap­té d’accompagnement et de recrute­ment des enseignants.

À cet égard, depuis 2014, l’initiative de l’académie de Rouen d’organiser son ter­ri­toire en neuf réseaux pro­fes­sion­nels est un pro­to­type de nature à redonner de l’ambition dans ces par­cours de formation.

Un bac inadapté

À la ren­trée 2013, les étu­di­ants inscrits dans l’enseignement supérieur étaient au nom­bre de 2 429 900. Par­mi ceux-ci, ceux qui suiv­aient des études de tech­ni­ciens ou d’ingénieurs étaient 76 500 (esti­ma­tion) en sec­tions de tech­ni­ciens supérieurs de pro­duc­tion, 93 500 en class­es pré­para­toires aux grandes écoles et pré­pas inté­grées des écoles d’ingénieurs, 115 800 de pré­pa­ra­tion en DUT et 137 300 en for­ma­tions d’ingénieurs, y com­pris en partenariat.

Or, le prob­lème ren­con­tré en 2013, trois ans après la mise en œuvre de la réforme 2010 du lycée, est celui qui est exposé dans le mes­sage d’alerte émis par l’UPS (Union des pro­fesseurs de class­es pré­para­toires sci­en­tifiques aux grandes écoles), l’UdPPC (Union des pro­fesseurs de physique et de chimie) et la SFP (Société française de physique) : depuis 2013, le bac S est inadap­té aux études supérieures de physique et de chimie.

Le succès des BTS

Les sec­tions de tech­ni­ciens supérieurs (STS) relèvent de l’enseignement supérieur court professionnalisant.

NEUF RÉSEAUX À ROUEN

L’académie de Rouen a organisé son territoire en neuf réseaux académiques de lycées professionnels :
« Maintenance et conduite des systèmes »,
« Construction-travaux publics et éco-conception »,
« Propulsion et systèmes embarqués »,
« Commerce et services aux entreprises et aux personnes »,
« Systèmes numériques et informatique industrielle »,
« Métiers d’art »,
« Matière et procédés de transformation »,
« Tourisme-hébergement »,
« Énergies ».

Ces sec­tions, aux effec­tifs en hausse depuis 2006, recru­tent après le bac­calau­réat et pro­posent deux années de for­ma­tion en vue d’obtenir le brevet de tech­ni­cien supérieur (BTS). Les spé­cial­ités tech­ni­co-pro­fes­sion­nelles de pro­duc­tion les plus suiv­ies sont celles des tech­nolo­gies indus­trielles fon­da­men­tales et de com­man­des des trans­for­ma­tions indus­trielles, et celles de mécanique-électricité-électronique.

Le BTS se pré­pare, au choix, par la voie sco­laire clas­sique, par alter­nance de péri­odes de for­ma­tion en cen­tre de for­ma­tion et d’activité salariée dans l’entreprise, par la voie de la for­ma­tion con­tin­ue avec pos­si­bil­ité de béné­fici­er de la VAE – val­i­da­tion des acquis de l’expérience – pour tout ou par­tie des épreuves de l’examen asso­cié au diplôme, ou par la voie de la for­ma­tion à dis­tance par l’intermédiaire d’un organ­isme de for­ma­tion par correspondance.

Le con­tenu de la for­ma­tion de chaque spé­cial­ité est élaboré par une com­mis­sion con­sul­ta­tive par­i­taire qui réu­nit employeurs, salariés et pou­voirs publics.

Cent treize IUT

Pour ce qui con­cerne la for­ma­tion des cadres tech­ni­ciens, depuis plus de quar­ante ans, les 113 insti­tuts uni­ver­si­taires de tech­nolo­gie répar­tis sur tout le ter­ri­toire assurent une for­ma­tion pré­parant leurs étu­di­ants à la fois à une inser­tion pro­fes­sion­nelle immé­di­ate, à bac + 2 ou à bac + 3, et à la pour­suite d’études longues, en France ou à l’étranger.

Les diplômes, con­stru­its à la fois par des uni­ver­si­taires et des pro­fes­sion­nels, dotent les étu­di­ants de con­nais­sances pluridis­ci­plinaires solides et de com­pé­tences pro­fes­sion­nelles pré­cis­es pour réus­sir dans l’enseignement supérieur et répon­dre aux besoins des entreprises.

Accréditer les formations d’ingénieurs

LE PROCESSUS DE BOLOGNE

En Europe, la création d’un cadre de référence pour l’enseignement supérieur a conduit, en 1999, à l’instauration du « processus de Bologne » organisé autour de six actions :
un système de grades académiques facilement reconnaissables et comparables qui inclut l’introduction d’un supplément au diplôme commun afin d’améliorer la transparence ;
un système fondé essentiellement sur deux cycles (un premier cycle utile pour le marché du travail d’une durée d’au moins trois ans et un deuxième cycle – maîtrise – qui exige l’achèvement du premier cycle) ;
un système d’accumulation et de transfert de crédits du type de l’ECTS – European Credits Transfer System –, utilisé dans le cadre des échanges Erasmus ;
la mobilité des étudiants, des enseignants et des chercheurs impliquant la suppression de tous les obstacles à la liberté de circulation ;
la coopération en matière d’assurance de la qualité ;
la dimension européenne dans l’enseignement supérieur en augmentant le nombre de modules, de matières d’enseignement et de filières dont le contenu, l’orientation ou l’organisation présentent une dimension européenne.

La Com­mis­sion des titres d’ingénieur (CTI) est respon­s­able, depuis la loi de 1934, de l’évaluation et de l’accréditation des for­ma­tions d’ingénieurs. L’habilitation à délivr­er un titre d’ingénieur diplômé est ensuite don­née par le ou les min­istères concernés.

La CTI com­prend 32 mem­bres sché­ma­tique­ment répar­tis en qua­tre col­lèges : huit choi­sis dans le per­son­nel des insti­tu­tions publiques ou privées délivrant le titre d’ingénieur diplômé, huit choi­sis en rai­son de leur com­pé­tence sci­en­tifique et tech­nique, huit choi­sis par les organ­i­sa­tions d’employeurs les plus représen­ta­tives, et enfin huit choi­sis par les asso­ci­a­tions et les organ­i­sa­tions pro­fes­sion­nelles d’ingénieurs les plus représentatives.

Son principe de fonc­tion­nement est donc par­i­taire entre enseigne­ment supérieur et entreprise.

Un triple défi

Trois défis impor­tants sont à gag­n­er : la recon­nais­sance du French engi­neer dans le cadre européen, la créa­tion des COMUE (Com­mu­nautés d’universités et d’établissements) ; la créa­tion de valeur au sein des pôles de compétitivité.

Les for­ma­tions supérieures aux grades mas­ter et doc­teur étant désor­mais l’objet d’un marché mon­di­al, le développe­ment des échanges académiques d’élèves et de pro­fesseurs exige un cadre de référence qui per­me­tte de gér­er les équiv­a­lences entre les sys­tèmes nationaux.

Certifier les diplômes au niveau européen

Désor­mais, le débat est cen­tré sur la mise en place d’un Cadre européen des cer­ti­fi­ca­tions (Euro­pean Qual­i­fi­ca­tions Frame­work, EQF). Pour la France, cela implique d’y trans­pos­er le Réper­toire nation­al des cer­ti­fi­ca­tions pro­fes­sion­nelles (RNCP), et notam­ment pour les écoles d’ingénieurs dans le niveau EQF le plus élevé.

Il s’agit du niveau 7 : savoirs haute­ment spé­cial­isés, dont cer­tains sont à l’avant-garde du savoir dans un domaine de tra­vail ou d’études, comme base d’une pen­sée orig­i­nale ou de la recherche. Con­science cri­tique des savoirs dans un domaine et à l’interface de plusieurs domaines.

Et du niveau 8 : savoirs à la fron­tière la plus avancée d’un domaine de tra­vail ou d’études et à l’interface de plusieurs domaines.

Sachant que le diplôme d’ingénieur est posi­tion­né au niveau mas­ter et que le grade de PhD est inter­na­tionale­ment le plus élevé, la recon­nais­sance du French engi­neer au sein de l’EQF est encore à gagner.

S’adapter au contexte mondial

Depuis le début de la révo­lu­tion indus­trielle, la valeur ajoutée des ingénieurs a tou­jours été d’innover, on pour­rait donc avancer que le sujet n’est pas nou­veau. En fait, l’innovation dans un con­texte mon­di­al­isé devient un défi pour deux raisons.

La pre­mière est que la con­cur­rence exige que les cycles soient de plus en plus rapi­des, et il n’est plus ques­tion d’enchaîner séquen­tielle­ment des phas­es (recherche fon­da­men­tale, recherche appliquée, recherche tech­nologique, trans­fert de tech­nolo­gie, industrialisation).

“ Obtenir la reconnaissance du French engineer ”

Tout le génie est au con­traire de savoir pilot­er ces phas­es le plus pos­si­ble en par­al­lèle. Aus­si les chercheurs doivent-ils « con­naître » l’industrie.

La sec­onde est que la R&D des entre­pris­es fonc­tionne de plus en plus en parte­nar­i­at avec des lab­o­ra­toires académiques et que le dia­logue dans le sens entre­prise-recherche doit lui aus­si fonc­tion­ner en cycle court.

Les ingénieurs doivent être aptes à choisir de bons parte­naires de recherche en même temps qu’à for­muler sci­en­tifique­ment les ver­rous à lever.

Dans le vivi­er mon­di­al de PhD, doc­teurs et French engi­neers, il importe de met­tre en valeur le savoir-faire français du pilotage par­i­taire entre enseigne­ment supérieur et entre­prise des for­ma­tions des cadres pour l’industrie.

C’est dans cet esprit que la Con­férence des directeurs des écoles français­es d’ingénieurs (CDEFI) a créé en 2013, en accord avec le MENESR, un par­cours doc­tor­al « Com­pé­tences pour l’entreprise ».

Course à la taille

Si la mon­di­al­i­sa­tion impose aux cam­pus ou désor­mais aux Com­mu­nautés d’universités et d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche (COMUE) de se met­tre à la « maille », il con­vient de rai­son garder et de ne pas con­sid­ér­er que la taille min­i­male doit être pour tous de n dizaines de mil­liers étu­di­ants et d’élèves.

L’Université Paris-Saclay en est un cas d’application : elle asso­cie 19 étab­lisse­ments de nature diverse et com­plé­men­taire, avec 60 000 étu­di­ants et élèves, et 10 500 chercheurs et enseignants-chercheurs.

Son pro­jet a naturelle­ment don­né la pri­or­ité aux déci­sions qui jouent en faveur de son attrac­tiv­ité : créer un col­lège doc­tor­al unique du plus haut niveau, ratio­nalis­er et ren­dre plus lis­i­ble une offre foi­son­nante de mas­ters, amélior­er la vie des étu­di­ants et élèves, être moteur dans l’écosystème d’innovation du territoire.

Il n’y a aucun doute qu’« Ingénierie, sci­ences et tech­nolo­gies de l’information, sys­tèmes » en sont un des fleurons.

Attractivité et qualité de vie

Deux apho­rismes emprun­tés à Michel Godet : « la qual­ité de vie, fac­teur d’attractivité » et « les pôles de com­péti­tiv­ité seront des pôles de qual­ité de vie ou ne seront pas » expri­ment enfin que la présence et donc la for­ma­tion de cadres néces­saires au développe­ment des entre­pris­es grandes, moyennes et jeunes occu­pent une place clé sur la feuille de route de cha­cun de ces écosys­tèmes prop­ices à l’innovation et à l’entrepreneuriat.

Dans la renais­sance indus­trielle en France, la disponi­bil­ité de cadres en nom­bre et en com­pé­tences appro­priées est indis­pens­able. La for­ma­tion des tech­ni­ciens et ingénieurs y est d’autant plus cri­tique qu’elle exige cohérence et con­stance sur le temps long.

L’Université de Paris-Saclay asso­cie 19 étab­lisse­ments. © ÉCOLE POLYTECHNIQUE

Commentaire

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calvi­gnacrépondre
5 mars 2018 à 7 h 18 min

.Quelles For­ma­tions ?.Quelles Ecoles ?
.Paul 20 ans .Etu­di­ant STAPS .Intéréts Nou­velles Tech­nolo­gies .La Mer. (Sports de Glisses.)
.Alex­is 16 ans . Pas­sion­né d’Au­dio Visuel . (Pris­es de vues.Montage ‚Drônes. Vidéos pour Entreprises.etc…)

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