Le conseil individuel et son réseau

Dossier : Le conseilMagazine N°611 Janvier 2006Par Frédéric IÉGY (Mines)

J’ENTAME MA CINQUIÈME ANNÉE de con­sul­tant indépen­dant, et je vous livre ici quelques anec­dotes et réflex­ions qui n’ont aucune pré­ten­tion académique.

Mini-CV
Depuis 2001 : Con­seil de direc­tion — stratégie — organ­i­sa­tion — man­age­ment. Indépendant.
1994–2001 : Stratégie com­mer­ciale aval, mon­tages inter­na­tionaux gaz-élec­tric­ité, directeur com­mu­ni­ca­tion amont pétrolier.
1990–1994 : DSI aval pétroli­er — Elf Antar.
1975–1990 : Chef de pro­jet R & D — amont pétroli­er — Elf Aquitaine Production
1973–1975 : ORSA Marine Nationale Con­trôle des Pêch­es mer du Nord — mer d’Irlandee.

Point d’entrée

Le point de départ de ma sec­onde vie pro­fes­sion­nelle : une fusion “ami­cale” entre deux très grands groupes indus­triels, un plan social cor­rect et mon envie irré­press­ible de vivre en homme libre. J’avais 50 ans, j’é­tais cadre dirigeant depuis plus de dix ans et je sen­tais que l’aven­ture de ma vie stag­nait. J’avais, et j’ai tou­jours, besoin de gag­n­er ma vie. Sans enfant, mar­ié avec une femme qui accepte l’in­cer­tain, j’ai opté pour le con­seil ; d’abord seul puis en réseau.

Je suis un joueur “col­lec­tif “, j’ai tou­jours dou­blé ma vie pro­fes­sion­nelle de respon­s­abil­ités asso­cia­tives dans les clubs de sport. Dès le pre­mier pas, je me suis adressé à un réseau, “Savoir-Faire“1, car je n’imag­i­nais pas pass­er d’un géant du CAC40 à une activ­ité indépen­dante sans quelques con­seils. J’ai obtenu des con­seils de qual­ité, et me suis lancé avec réso­lu­tion et méth­ode dans la prospec­tion de con­trats “pour un change­ment durable dans le man­age­ment des organ­i­sa­tions”. Oui, je l’avoue, je suis résolu et méthodique, mais ça n’a pas fonc­tion­né comme je le souhaitais : ren­de­ment trop faible ! Ce réseau m’ap­por­tait une bonne image, une aide à la for­mal­i­sa­tion de mon offre, une con­vivi­al­ité, un back-office de ges­tion effi­cace. Mais com­mer­ciale­ment, il me man­quait une péné­tra­tion de secteurs d’ac­tiv­ité autres que mon passé, une aisance à la vente “dans le dur”, et des com­plé­men­tar­ités me per­me­t­tant de pren­dre des con­trats à deux ou trois intervenants.

Le hasard et la diversité

Appré­ciant les apports posi­tifs de ce pre­mier réseau, j’ai voulu le com­pléter par un sec­ond qui m’ap­porterait ces “plus” de péné­tra­tion. J’ai alors con­tac­té quelques grands cab­i­nets français ou inter­na­tionaux du con­seil ; ils m’ont reçu très gen­ti­ment : ” votre pro­fil est vrai­ment intéres­sant, votre car­net d’adresse surtout. Apportez-nous quelques grands comptes et nous serons ravis de vous inclure dans le pro­jet “. Ces pro­pos aimables ne me con­ve­naient pas : mon besoin était dans l’étab­lisse­ment d’une coopéra­tion durable, la réponse était un deal à court terme, sans hori­zon moyen terme. J’ai remer­cié et n’ai pas don­né suite.

Je me suis alors intéressé aux petits cab­i­nets. Pour les trou­ver, j’ai util­isé la base de don­nées de l’APEC, en regar­dant lesquels embauchaient. Après qua­tre con­tacts appro­fondis et déce­vants, j’ai trou­vé un dirigeant qui me sem­blait partager mes valeurs pro­fes­sion­nelles et sociales. C’est ain­si que j’ai com­mencé ma coopéra­tion avec Sys­témi­ca2. J’ai pro­posé que nous gar­dions cha­cun pour notre compte les frais de con­tact et de pré­pa­ra­tion d’of­fre, ma rémunéra­tion ne com­mençant que lors des paiements du client. Sys­témi­ca garde la maîtrise du client et de son image. Ces dis­po­si­tions et des presta­tions de qual­ité ont per­mis de créer la con­fi­ance entre nous. Nous parta­geons un risque d’en­tre­pre­neur. J’ai trou­vé dans Sys­témi­ca une approche très pro­fes­sion­nelle du con­seil en stratégie, en prospec­tive, ils ont trou­vé en moi un pro­fes­sion­nel qui leur ouvrait l’in­ter­na­tion­al, les inter­ven­tions en anglais, et qui enrichis­sait les méth­odes stratégiques par une approche sys­témique de la soci­olo­gie. C’est un bon deal, et nous coopérons tou­jours, tant sur des mis­sions de stratégie d’en­tre­prise, que sur le développe­ment économique des régions3 .

Par­al­lèle­ment, je crois aux ” fer­til­i­sa­tions croisées “, et ma nou­velle vie m’of­fre des mis­es en pra­tique. J’avais eu la chance de diriger des équipes féminines de chercheurs et de cadres, et nous avions bien réus­si ensem­ble. Le réseau Savoir-Faire m’a per­mis de ren­tr­er en con­tact avec une con­sul­tante qui réori­en­tait son cab­i­net sur l’émer­gence du féminin dans l’en­tre­prise, les syn­er­gies d’une mix­ité effi­cace. Tou­jours sur des bases de codéveloppe­ment, de risque partagé, et de respect de l’im­age com­mer­ciale créée par cette parte­naire, j’ap­porte à Coryphéa4 une com­pé­tence sur la soci­olo­gie des grands groupes, sur les con­traintes de l’in­ter­na­tion­al, et sur leur style de man­age­ment. En retour, je gagne ma vie avec des mis­sions qui sont por­teuses de sens pour moi, et que je n’au­rais jamais décrochées seul.

Regard distancié

Dois-je me lim­iter à ces trois cartes de vis­ite ? À ce jour, ma réponse est non. J’ai plaisir à tra­vailler et à entretenir la con­fi­ance avec mes parte­naires actuels. Ce réseau est un être vivant, mes parte­naires sont libres d’évoluer, de ne plus avoir besoin de mes com­pé­tences. Je dois encore tra­vailler pen­dant une dizaine d’an­nées pour touch­er une retraite, et je pense qu’un réseau en bonne san­té est un réseau en per­ma­nente régénérescence.

L’équili­bre de l’échange entre chaque nœud du réseau est essen­tiel : con­tact, con­cep­tion d’of­fre, vente, réal­i­sa­tion, suivi client, sont des actes à rémunér­er. La con­sol­i­da­tion de la con­fi­ance, ciment du réseau, en dépend.

Les clients sont les grands béné­fi­ci­aires de ces réseaux de con­fi­ance. Gra­tu­ite­ment, ils obti­en­nent des fonc­tions d’assem­blage et de mobil­i­sa­tion de com­pé­tences. Alors que ces mêmes fonc­tions alour­dis­sent les frais généraux des grands acteurs.

Chaque nœud du réseau doit aus­si entretenir sa com­pé­tence, inve­stir dans les évo­lu­tions de son méti­er. Un réseau qui coopère bien aide cha­cun à mieux percevoir son besoin d’évolution.

Les mem­bres du réseau man­quent de cette accu­mu­la­tion d’ac­t­ifs qui donne aux grands acteurs cette résis­tance inso­lente aux mau­vais­es péri­odes. Aus­si ne recom­man­derai-je pas à un jeune cama­rade de com­mencer ain­si : il faut pou­voir éponger des péri­odes de vach­es maigres.

La plus grande entreprise de France : l’Artisanat

Vous sou­venez-vous de ce slo­gan ? Récem­ment un pein­tre arti­san a repeint mon bureau. J’ai alors eu besoin d’un par­que­teur inopiné­ment. Il l’a trou­vé en trois jours et les travaux ont été faits dans les temps, pour moins cher qu’une grosse entre­prise. Cette anec­dote éveille en moi deux réflex­ions jointes :

1) Les grandes entre­pris­es des secteurs post­ma­tures courent après la flex­i­bil­ité. Elles la rat­trapent rarement, et sont sou­vent des machines à opti­miser les cir­cuits économiques à marge faib­lis­sante. Aus­si licen­cient-elles leurs cadres vers 50 ans, con­sid­érant qu’elles fer­ont aus­si bien et moins cher avec un de quar­ante. Pourquoi ne pas l’af­fich­er ? Les cadres y gag­n­eraient en vis­i­bil­ité, et les plus autonomes d’en­tre eux pour­raient se pré­par­er à finir leur car­rière vers des nich­es de flex­i­bil­ité à forte marge. Tous les mots ont leur impor­tance dans cette phrase : “autonome” car le con­sul­tant doit savoir se débrouiller seul à tout moment, pas de secré­taire pour les visas, les réser­va­tions, etc. ; “flex­i­bil­ité” car nous n’in­ter­venons alors que sur des ques­tions urgentes ou isolées, ce qui sig­ni­fie beau­coup d’at­tente pour nous… ; “forte marge” car le mod­èle n’est économique­ment viable que si les clients acceptent de pay­er l’ex­péri­ence et la flex­i­bil­ité. J’in­siste car ce busi­ness mod­el est à l’op­posé d’une “activ­ité occa­sion­nelle per­me­t­tant de se pré­par­er à la retraite”.

2) Les cham­bres des métiers, les ordres des pro­fes­sions régle­men­tées ou libérales (notaires, avo­cats, médecins, den­tistes…) sont des lieux incon­nus des man­agers en voie d’in­di­vid­u­al­i­sa­tion. Ces groupe­ments ont un savoir-faire de petits entre­pre­neurs, et ils arrivent à con­serv­er leurs adhérents au-delà de 50 ans ! Les plus effi­caces aident bien leurs pro­fes­sion­nels (for­ma­tion, évo­lu­tion du marché, et… main­tien des tar­ifs). Ils pour­raient utile­ment inspir­er les con­seils en réseau : par exem­ple, votre pré­fec­ture dis­pose prob­a­ble­ment d’une ” mai­son de l’av­o­cat “. Si vous vous y ren­dez, vous pour­rez obtenir un ren­dez-vous gra­tu­it avec un avo­cat qui y tient per­ma­nence une demie journée de temps à autre, et qui vous aigu­illera vers le con­frère spé­cial­isé dans la matière pré­cise qui con­cerne votre affaire. Ces approches exis­tent par­fois, mais leur développe­ment pour­rait per­me­t­tre aux indépen­dants du con­seil de mieux se com­pléter, et d’at­tein­dre cer­taines PMI encore frileuses dans l’ap­pel à un con­seil indépendant.

J’e­spère que ces quelques lignes fer­ont avancer notre approche de l’employabilité, et que des cama­rades en dif­fi­culté y trou­veront des raisons d’e­spér­er. Et surtout…, dis­cutez en bons ter­mes avec votre den­tiste ou votre avocat !

1. Groupe “Savoir-Faire & Cie”, 11 bis rue d’Aguesseau, 75008 Paris. Tél. : 01.5527.1513.
2. “Sys­témi­ca”, 75 bd Hauss­mann, 75008 Paris. Tél. : 01.4268.5286.
3. Le siège de Sys­témi­ca est dans les Côtes d’Armor.
4. “Coryphéa”, 10 bis rue Berteaux Dumas, 92200 Neuil­ly. Tél. : 01.4750.3186.
 

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