L’e-confiance, c’est aussi une réglementation adéquate

Dossier : La confiance électroniqueMagazine N°582 Février 2003Par Philippe CHAUVE (89)

De l’utilisation des moyens électroniques au commerce électronique

De l’utilisation des moyens électroniques au commerce électronique

L’u­til­i­sa­tion de moyens élec­tron­iques, au départ conçue pour délivr­er sim­ple­ment des mes­sages, a très vite con­duit à des trans­ac­tions de four­ni­ture de biens ou de ser­vices. C’est là la nais­sance du com­merce élec­tron­ique. Le com­merce élec­tron­ique n’est pas aus­si récent que les médias ont bien voulu le dépein­dre : le sys­tème SWIFT de trans­ac­tions ban­caires élec­tron­iques existe depuis 1977 et au début des années qua­tre-vingt-dix, il était déjà util­isé dans plus de cent pays. De même dans les années qua­tre-vingt, les stan­dards d’échange de don­nées infor­ma­tisés Edi­fact étaient mis au point par le comité de nor­mal­i­sa­tion Europe de l’ONU et ont été ensuite util­isés dans l’industrie.

Ce qui a changé, c’est d’abord le développe­ment expo­nen­tiel de la capac­ité des réseaux (qui a ouvert de nou­velles pos­si­bil­ités aux entre­pris­es), et ensuite (et surtout), l’émer­gence d’échanges de don­nées avec des par­ti­c­uliers, grâce à l’In­ter­net (réseau dont l’ar­chi­tec­ture est coor­don­née par ICANN sous la super­vi­sion du gou­verne­ment améri­cain) et d’autres réseaux (par exem­ple les réseaux de télé­phonie mobile). Ce sec­ond aspect a impliqué des acteurs moins infor­més (dont les rela­tions ne peu­vent pas être régies essen­tielle­ment par des con­trats) et a mul­ti­plié les trans­ac­tions tout en affec­tant la place publique.

L’U­nion européenne a donc décidé de réa­gir dans les années qua­tre-vingt-dix (voir notam­ment, en 1997, “Une ini­tia­tive européenne pour le Com­merce élec­tron­ique” COM 97/157), notam­ment pour saisir les oppor­tu­nités de crois­sance générées par le com­merce élec­tron­ique. Après avoir lancé un exer­ci­ce de noti­fi­ca­tion des mesures adop­tées par les États mem­bres (direc­tive 98/48, dite direc­tive de trans­parence) pour mieux analyser la sit­u­a­tion, elle a pris à bras-le-corps les prob­lèmes soulevés par le com­merce élec­tron­ique et pro­posé des solu­tions pour cha­cun d’en­tre eux1.

Quelles sont les questions posées ?

Les ques­tions sus­citées par le com­merce élec­tron­ique exis­tent dans toute trans­ac­tion com­mer­ciale : com­ment s’as­sure-t-on de l’i­den­tité de l’autre par­tie, com­ment pro­tège-t-on les droits du vendeur (paiement, pro­priété intel­lectuelle, recours, etc.) et de l’a­cheteur (don­nées per­son­nelles, maîtrise du choix, recours, etc.), com­ment préserve-t-on l’or­dre pub­lic, la sécu­rité, la con­cur­rence ou la per­ma­nence des ressources fis­cales qui finan­cent les ser­vices de la com­mu­nauté (infra­struc­ture, défense, sécu­rité civile, édu­ca­tion, etc.) ?

L’u­til­i­sa­tion de moyens élec­tron­iques ne fait que don­ner une acuité ou un tour nou­veaux à cer­taines ques­tions : cer­taines répons­es restent les mêmes, d’autres néces­si­tent une cer­taine adap­ta­tion, enfin, cer­taines répons­es doivent être entière­ment “réélaborées”. Seule l’é­tude détail­lée de chaque ques­tion et de la mise en œuvre de la réponse a per­mis ou per­met de se pronon­cer. Et l’U­nion européenne a adop­té son droit en conséquence.

Les lois existantes continuent de s’appliquer et se sont souvent révélées suffisamment flexibles pour accommoder le commerce électronique

Tout d’abord, regar­dons quelques répons­es qui n’ont pas changé. Le droit en général s’ap­plique au com­merce élec­tron­ique : ain­si, le droit de la con­cur­rence s’ap­plique au com­merce élec­tron­ique. La Com­mis­sion européenne n’a pas eu besoin d’en­vis­ager de mod­i­fi­er le droit de la con­cur­rence (sur l’in­ter­dic­tion des ententes sur les prix ou les débouchés) pour traiter des ques­tions posées par les places élec­tron­iques de marché (par exem­ple Covysint pour l’in­dus­trie auto­mo­bile, Euti­l­ia pour les four­nisseurs d’élec­tric­ité, ou Endor­sia pour les com­posants industriels).

De même, les règles de pro­tec­tion des don­nées dans l’U­nion européenne (direc­tive 95/46 tran­scrite par la plu­part des États mem­bres) n’ont pas changé avec l’u­til­i­sa­tion de moyens élec­tron­iques pour les trans­ac­tions : il s’ag­it tou­jours d’in­former l’a­cheteur, de lui don­ner le choix de fournir ses don­nées, de lui don­ner un accès à ses don­nées et le droit de les rec­ti­fi­er, de lui garan­tir la con­fi­den­tial­ité sauf s’il autorise le trans­fert de ses don­nées, etc.

Dans d’autres domaines, telles la pro­tec­tion de l’or­dre pub­lic ou la pro­tec­tion de la san­té, la loi con­tin­ue aus­si à s’ap­pli­quer aux trans­ac­tions en ligne : ain­si la mise en vente sur le site de Yahoo ! d’ob­jets nazis a‑t-elle été con­damnée par un tri­bunal français et un tri­bunal alle­mand a inter­dit la vente en ligne de pro­duits disponibles unique­ment sur ordon­nance. La seule (mais impor­tante) nou­veauté du com­merce élec­tron­ique est l’am­pleur des échanges qui vont doré­na­vant être soumis à ces lois : en matière de pro­tec­tion des don­nées par exem­ple, la loi n’a pas changé (direc­tive de 1995), mais sa mise en œuvre mul­ti­plie le tra­vail de con­trôle et les litiges.

Toutefois, certains sujets ont nécessité des adaptations de la loi

Le com­merce élec­tron­ique a mis à jour l’ob­so­les­cence de cer­tains textes de lois et mesures. Ain­si, l’U­nion européenne a tou­jours imposé la TVA pour les ser­vices au lieu et au taux du pays de rési­dence du four­nisseur. La vision était en effet celle tra­di­tion­nelle d’un client qui vis­ite son four­nisseur et il n’é­tait pas envis­agé que les ser­vices puis­sent être four­nis à dis­tance. Il en résul­tait une sit­u­a­tion absurde : les opéra­teurs européens devaient col­lecter la TVA pour la vente de ser­vices, y com­pris à des rési­dents de pays tiers, alors que les opéra­teurs de pays tiers (par exem­ple améri­cains) ne devaient pas col­lecter de TVA pour leur vente à des rési­dents européens.

Le four­nisseur anglais Freeserve chiffrait ain­si, par exem­ple, l’a­van­tage d’AOL par rap­port à lui-même à 30 mil­lions de livres ster­ling par an. L’U­nion européenne a remédié à cette sit­u­a­tion en adap­tant sa direc­tive TVA en mai 2002 pour que la tax­a­tion se fasse tou­jours au lieu de consommation.

La mon­naie est un autre domaine où des adap­ta­tions ont été néces­saires : l’émis­sion de mon­naie élec­tron­ique n’est plus l’a­panage des ban­ques. Assur­er le paiement de ser­vices pour le compte de clients est devenu une activ­ité courante d’opéra­teur de télé­phonie mobile par exem­ple : il a fal­lu donc pré­cis­er les con­di­tions dans lesquelles de telles activ­ités pou­vaient être pra­tiquées (cap­i­tal ini­tial, fonds pro­pres per­ma­nents, types d’ac­tiv­ités autorisées, etc.), sans que l’ensem­ble de la panoplie de la lég­is­la­tion ban­caire soit imposée à ces entre­pris­es qui n’émet­tent que de la mon­naie élec­tron­ique. C’est l’ob­jet des direc­tives 2000/28 et 2000/46 adop­tées en l’an 2000.

Enfin, dans le domaine de la pro­tec­tion de la pro­priété intel­lectuelle, les copies privées d’œu­vres à droits d’au­teurs avaient tou­jours été autorisées : devant la facil­ité à mul­ti­pli­er les copies numériques, les pro­duc­teurs ont mis en place des dis­posi­tifs anti­copie, qu’il a fal­lu encadr­er juridique­ment : c’est l’un des objets de la direc­tive 2001/29 sur l’har­mon­i­sa­tion de cer­tains aspects des droits d’au­teurs et droits voisins dans la société de l’information.

Et le législateur a dû apporter des réponses nouvelles

L’u­til­i­sa­tion de moyens élec­tron­iques a par ailleurs éclairé les ques­tions d’une lumière nou­velle. Tout d’abord, dans nos sociétés où l’écrit a tou­jours été la base des engage­ments, les con­trats pou­vaient devenir élec­tron­iques, et l’i­den­ti­fi­ca­tion et l’in­tégrité des mes­sages pou­vaient être garanties par des sig­na­tures élec­tron­iques. Il a donc fal­lu adapter le droit pour ne pas empêch­er la valid­ité de tels con­trats (arti­cle 9 de la Direc­tive com­merce élec­tron­ique) et sig­na­tures (arti­cle 5 de la direc­tive 99/93 sur les sig­na­tures élec­tron­iques), et indi­quer sous quelles con­di­tions ces sig­na­tures peu­vent avoir une valeur juridique pri­ma facie équiv­a­lente aux sig­na­tures papier.

En out­re, les trans­mis­sions élec­tron­iques ont créé de nou­velles activ­ités (par exem­ple le “caching”, les hébergeurs de site) : il a fal­lu déter­min­er la respon­s­abil­ité des sociétés réal­isant de telles activ­ités dans les cas où les con­tenus seraient illicites. La Direc­tive com­merce élec­tron­ique les explicite : en résumant hâtive­ment, la respon­s­abil­ité devient pleine lorsque l’en­tre­prise devient con­sciente du car­ac­tère illicite.

Enfin, dans le domaine des com­mu­ni­ca­tions com­mer­ciales, il a fal­lu faire face à la mul­ti­pli­ca­tion des com­mu­ni­ca­tions non sol­lic­itées ren­due pos­si­ble par la facil­ité des moyens élec­tron­iques : la Direc­tive com­merce élec­tron­ique a tout d’abord imposé des oblig­a­tions de trans­parence (notam­ment sur l’o­rig­ine de ces mes­sages) et des oblig­a­tions pour les émet­teurs de con­sul­ter les reg­istres “d’opt-out” (reg­istres où les abon­nés peu­vent s’in­scrire pour indi­quer qu’ils ne veu­lent pas recevoir de telles com­mu­ni­ca­tions). Devant l’in­ef­fi­cac­ité de ces mesures face à la défer­lante des mes­sages non sol­lic­ités, il a été décidé en juin 2002 d’im­pos­er, sous cer­taines con­di­tions, un régime “d’opt-in” (seuls les abon­nés qui s’in­scrivent dans les reg­istres peu­vent recevoir des com­mu­ni­ca­tions com­mer­ciales qu’ils n’ont pas sol­lic­itées, sauf s’ils ont déjà une rela­tion com­mer­ciale avec le four­nisseur), à tra­vers la direc­tive sur la pro­tec­tion des don­nées dans les com­mu­ni­ca­tions électroniques.

Comme le mon­tre ce dernier exem­ple, le droit con­tin­ue à évoluer, même si l’essen­tiel des ques­tions a main­tenant trou­vé des répons­es juridiques. Il reste en fait deux ques­tions majeures : la mise en œuvre de ces mesures, et pren­dre en compte les “effets frontières”.

La mise en œuvre des nouveaux textes prend du temps

Out­re le fait que les États mem­bres de l’U­nion n’ont pas tous tran­scrit les textes com­mu­nau­taires, la mise en œuvre des dis­po­si­tions mêmes de ces textes n’est pas aisée. Par exem­ple, pour les sig­na­tures élec­tron­iques, il faut trou­ver des normes com­munes pour pou­voir échang­er en dehors de cir­cuits fer­més. Afin de con­fér­er une valeur juridique au tra­vail de nor­mal­i­sa­tion fait par l’in­dus­trie en la matière, la Com­mis­sion européenne peut ain­si attribuer et pub­li­er au Jour­nal Offi­ciel des Com­mu­nautés européennes des numéros de référence de normes générale­ment admis­es pour les pro­duits de sig­na­tures électroniques.

Les pro­duits de sig­na­tures élec­tron­iques con­formes à ces normes sont pré­sumés con­formes aux exi­gences de la direc­tive pour les cer­tifi­ca­teurs et les dis­posi­tifs créa­teurs de sig­na­tures. La Com­mis­sion a com­mencé à pub­li­er de telles normes cet été 2002. Pour la TVA, il va fal­loir que les opéra­teurs non européens s’en­reg­istrent dans l’U­nion et qu’ils iden­ti­fient le pays de rési­dence de leurs con­som­ma­teurs, les autorités fis­cales vont aus­si devoir lut­ter con­tre l’é­va­sion fis­cale, etc. Mais, lorsque le four­nisseur est basé en dehors de l’U­nion, l’ap­pli­ca­tion des lois ou des juge­ments des tri­bunaux devient délicat.

Déjà dans le cas de la pro­tec­tion des don­nées, la Com­mis­sion doit négoci­er avec les pays tiers pour s’as­sur­er que leur cadre juridique sera suff­isant pour autoris­er les trans­ferts de don­nées vers ces pays2.

Mais les con­flits de lois ne tar­dent pas à appa­raître dans d’autres domaines : dans le cas de Yahoo ! la société a décidé avant même le juge­ment de retir­er les objets litigieux de son site, du fait de la pub­lic­ité néga­tive que le lit­ige lui fai­sait ; toute­fois elle a con­tre-attaqué en deman­dant à un tri­bunal améri­cain de lui inter­dire de se pli­er au juge­ment français. En pre­mière instance le tri­bunal améri­cain lui a don­né raison…

Le principe du pays d’origine au sein de l’Union européenne

Ain­si appa­raît l’autre grand défi : celui des “effets fron­tières”. De par la con­ti­nu­ité des réseaux de com­mu­ni­ca­tions, le com­merce élec­tron­ique peut être réal­isé à tra­vers les fron­tières. Les trans­ac­tions inter­na­tionales ain­si générées impliquent des pays aux régle­men­ta­tions par­fois fort différentes.

Dans l’U­nion européenne, les dif­fi­cultés ont été large­ment apla­nies par la mise en œuvre du marché intérieur, qui a har­mon­isé les dis­po­si­tions légales pour la four­ni­ture de la plu­part des ser­vices. Ain­si, le com­merce élec­tron­ique est soumis à tout un arse­nal de lois exis­tantes trai­tant de la pro­tec­tion du con­som­ma­teur (par exem­ple, les direc­tives 84/450 sur la pub­lic­ité trompeuse ou 93/13 sur les claus­es abu­sives), des qual­i­fi­ca­tions néces­saires pour cer­tains ser­vices, etc.

C’est ce qui a con­duit à adopter, dans la direc­tive sur le com­merce élec­tron­ique, l’ap­proche dite du pays d’o­rig­ine. Un État mem­bre ne pour­ra pas invo­quer une dis­po­si­tion de sa lég­is­la­tion nationale pour pren­dre des mesures restric­tives à l’en­con­tre d’un ser­vice provenant d’un autre État mem­bre. Des excep­tions exis­tent pour cer­tains domaines (quand les par­ties choi­sis­sent le droit applic­a­ble à leur con­trat, valid­ité des con­trats immo­biliers…), et cer­tains secteurs qui ne sont pas cou­verts par la direc­tive (notaires, jeux et paris, représen­ta­tion devant les tri­bunaux). Des excep­tions générales (ordre pub­lic, san­té publique, sécu­rité publique et pro­tec­tion des con­som­ma­teurs) s’ap­pliquent aus­si. Mais, fon­da­men­tale­ment, dans l’U­nion européenne, le four­nisseur de ser­vices est bien infor­mé de l’en­vi­ron­nement juridique de la trans­ac­tion car il est prin­ci­pale­ment soumis au droit de son pays d’origine.

Un droit des transactions internationales prévisible et protégeant les intérêts des parties et de la Communauté : l’Union européenne ouvre les marchés à l’OMC…

En dehors de l’U­nion, c’est beau­coup moins sim­ple. Déjà, il faut s’as­sur­er si la trans­ac­tion est autorisée ou soumise à des restric­tions quan­ti­ta­tives ou des dis­crim­i­na­tions en faveur des opéra­teurs locaux, voire en faveur d’opéra­teurs de pays tiers. Afin de sup­primer de telles bar­rières ou d’empêcher de nou­velles bar­rières de se dress­er, l’U­nion européenne a demandé en juin 2002 via l’OMC à plus d’une cen­taine de pays d’ou­vrir à la con­cur­rence de nom­breux ser­vices qui peu­vent prof­iter du développe­ment du com­merce électronique.

C’est le cas en par­ti­c­uli­er des ser­vices aux entre­pris­es (compt­abil­ité, con­sult­ing, recherche et développe­ment, etc.), des ser­vices de tourisme, des ser­vices financiers, de la dis­tri­b­u­tion, etc. L’U­nion est soutenue par de nom­breux autres pays sur ce sujet, y com­pris par des pays en développe­ment qui con­sid­èrent que le com­merce élec­tron­ique leur offre une oppor­tu­nité unique de par­ticiper plus active­ment et à moin­dre frais (que pour les activ­ités man­u­fac­turières) dans le com­merce inter­na­tion­al. Les négo­ci­a­tions se pour­suiv­ent dans le cadre du round lancé à Doha en novem­bre 2001.

… et l’Union européenne travaille à rapprocher les législations à l’OCDE, l’OMPI et dans les autres organisations internationales

Ensuite, il faut traiter de tous les prob­lèmes liés aux trans­ac­tions présen­tés au début de cet arti­cle, alors même que les juri­dic­tions sont dis­tinctes. L’U­nion européenne a donc engagé des dis­cus­sions avec des pays tiers en par­al­lèle à ses travaux internes. L’ob­jec­tif est de rap­procher les lég­is­la­tions entre parte­naires com­mer­ci­aux, et, en tant que de besoin, essay­er de les con­va­in­cre de la per­ti­nence de l’ap­proche européenne dans les domaines con­cernés : si ces parte­naires adoptent la même approche, les risques de déci­sions con­tra­dic­toires ou de con­tourne­ment du droit com­mu­nau­taire sont réduits.

Ain­si, pour s’as­sur­er que son approche sur les sig­na­tures élec­tron­iques sera com­pat­i­ble avec celle des autres pays, l’U­nion européenne a par­ticipé aux travaux de la CNUDCI (Com­mis­sion des Nations unies pour le droit du com­merce inter­na­tion­al) sur une loi mod­èle pour les sig­na­tures élec­tron­iques ; ces travaux ont été menés en par­al­lèle aux travaux européens qui ont abouti à la direc­tive de décem­bre 1999 sur les sig­na­tures élec­tron­iques com­pat­i­ble avec la loi mod­èle de la CNUDCI.

Dans le domaine de la pro­priété intel­lectuelle, l’U­nion européenne et ses États mem­bres ont par­ticipé à la négo­ci­a­tion et à la con­clu­sion en 1996 à l’Or­gan­i­sa­tion mon­di­ale de la pro­priété intel­lectuelle de deux nou­veaux traités por­tant sur le droit d’au­teur dans le cadre de la société de l’in­for­ma­tion : leurs principes se retrou­vent dans la direc­tive de 2001 men­tion­née plus haut.

Dans le domaine de la tax­a­tion, l’U­nion et ses États mem­bres se sont mis d’ac­cord avec les autres mem­bres de l’OCDE sur un cadre pour la tax­a­tion indi­recte (TVA) sur les ventes élec­tron­iques (afin d’éviter la dou­ble tax­a­tion ou l’ab­sence de tax­a­tion) : la nou­velle direc­tive de févri­er 2002 sur la TVA est en con­for­mité avec ces principes de l’OCDE. Dans le domaine de la pro­tec­tion des con­som­ma­teurs, l’U­nion a été l’un des prin­ci­paux par­ti­sans des lignes direc­tri­ces pour la pro­tec­tion des con­som­ma­teurs dans le com­merce élec­tron­ique qui ont été adop­tées à l’OCDE en 2001.

Dans le domaine de la crim­i­nal­ité, qui peut s’ex­primer aus­si dans le com­merce, les États mem­bres de l’U­nion ont négo­cié une con­ven­tion sur le crime cyberné­tique au sein du Con­seil de l’Eu­rope con­clue en 2002 ; en par­al­lèle, l’U­nion étudie l’adop­tion de textes sur ce sujet.

Enfin, la Com­mis­sion et les États mem­bres dis­cu­tent actuelle­ment des principes d’une con­ven­tion sur les con­trats élec­tron­iques au sein de la CNUDCI : c’est l’oc­ca­sion de pro­pos­er à des pays tiers de suiv­re notre approche.

La plu­part de ces textes inter­na­tionaux ne sont pas aus­si juridique­ment con­traig­nants que les règles internes à l’U­nion européenne ou même que des engage­ments pris à l’OMC qui sont soumis à un mécan­isme de règle­ment des dif­férends com­por­tant des sanc­tions. Toute­fois, ils per­me­t­tent un rap­proche­ment des lég­is­la­tions des dif­férents pays qui pro­gres­sive­ment effacent les sources de conflits.

La Com­mis­sion européenne ne se restreint d’ailleurs pas à ces dia­logues dans les enceintes inter­na­tionales, en cher­chant à con­va­in­cre du bien-fondé de l’ap­proche de l’U­nion dans des dia­logues bilatéraux ou pluri­latéraux. Ain­si elle dis­cute de nom­breux aspects du com­merce élec­tron­ique dans des dia­logues spé­ci­fiques avec les États-Unis, le Mer­co­sur, le Chili ou ses parte­naires asi­a­tiques de l’ASEM (Japon, Chine, Corée, Thaï­lande, Sin­gapour, etc.).

Dans ce dernier cas, elle a fait adopter en sep­tem­bre 2002 des principes directeurs pour le com­merce élec­tron­ique qui s’in­spirent de ce qui est fait dans l’U­nion européenne : il reste aux pays asi­a­tiques, qui sont en train d’adapter leurs cadres juridiques, à s’en inspirer.

Quelques mots de conclusion

La con­fi­ance juridique est à portée de main dans l’U­nion européenne. Mais un long chemin reste à faire pour con­va­in­cre d’autres pays de suiv­re une approche sim­i­laire à la nôtre et par là assur­er la con­fi­ance juridique dans les trans­ac­tions inter­na­tionales. En fait, dans de nom­breux pays, c’est l’in­fra­struc­ture même du com­merce élec­tron­ique qui fait défaut : télé­com­mu­ni­ca­tions peu fiables et trop chères, ser­vices élec­triques insta­bles, ser­vices ban­caires trop chers…

Pour y remédi­er, l’U­nion européenne a pro­posé via l’OMC à ces pays de libéralis­er la four­ni­ture de ces ser­vices, tout en pro­posant par ailleurs avec les États mem­bres, dans le cadre de l’aide au développe­ment, d’ap­porter une assis­tance sub­stantielle pour met­tre en place l’in­fra­struc­ture juridique et admin­is­tra­tive nécessaire.

L’U­nion européenne con­tin­uera en par­al­lèle à tra­vailler avec les pays tiers pour rap­procher les points de vue réglementaires.
Dans l’at­tente d’une meilleure con­ver­gence économique et régle­men­taire, la respon­s­abil­ité des entre­pris­es et des indi­vidus sera alors très grande pour que le com­merce élec­tron­ique inter­na­tion­al inspire une con­fi­ance suff­isante pour se développer.

Cet arti­cle représente les vues per­son­nelles de l’au­teur et n’en­gage en aucune manière la Com­mis­sion européenne.

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1.
En ligne avec l’ap­proche adop­tée au sein de l’U­nion européenne, nous définis­sons le com­merce élec­tron­ique comme l’u­til­i­sa­tion de moyens élec­tron­iques (traite­ment et stock­age de don­nées) pour fournir des ser­vices à dis­tance. Dans le cas des biens, il s’ag­it en fait d’une trans­ac­tion de vente à dis­tance, qui est en elle-même un ser­vice de dis­tri­b­u­tion : la livrai­son physique ultérieure du bien n’a rien d’élec­tron­ique. En fait, la direc­tive 2000/31 sur cer­tains aspects juridiques du com­merce élec­tron­ique (dite aus­si Direc­tive com­merce élec­tron­ique) ne définit pas le com­merce élec­tron­ique mais par­le des “ser­vices de la société de l’in­for­ma­tion”, qui avaient été défi­nis en 1998 dans une autre direc­tive 98/48 : ce sont tous les “ser­vices four­nis, nor­male­ment con­tre rémunéra­tion, à dis­tance au moyen d’équipement élec­tron­ique de traite­ment et de stock­age des don­nées, à la demande indi­vidu­elle d’un des­ti­nataire de services”.

2. Compte tenu du nom­bre de pays tiers intéressés et de ses capac­ités à faire face à toutes les deman­des, la Com­mis­sion a d’ailleurs pub­lié un con­trat mod­èle pour les expor­ta­tions de don­nées en 2001 (Déci­sion 2001/497).

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