Une bouteille de Château Garraud à Lalande de Pomerol

Le Château Garraud, à Lalande-de-Pomerol

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°535 Mai 1998Rédacteur : Laurens DELPECH

Les vins de Lalande-de-Pome­rol ont l’immense avan­tage d’avoir dans leur nom le mot magique de “Pome­rol”, qui évoque tout de suite de grands vins rouges char­meurs, raf­fi­nés et com­plexes ain­si que des châ­teaux mon­dia­le­ment connus comme Pétrus, L’Évangile ou La Conseillante. Cet avan­tage est par­fois un incon­vé­nient, car l’acheteur s’attend à trou­ver, à un prix moindre, un vin com­pa­rable à un pome­rol, ce qui est rare­ment le cas, parce que la qua­li­té des vins pro­duits est très peu homo­gène. Il y a de très bons châ­teaux, mais il y en a aus­si de net­te­ment moins bons, car il existe d’énormes dif­fé­rences dans les ter­roirs (gra­ve­leux, argi­leux ou sableux à l’ouest de l’appellation) et dans la taille des exploi­ta­tions ; or les petits exploi­tants ont par­fois du mal à se moder­ni­ser et à assi­mi­ler les pro­grès de l’oenologie.

© PATRICK LOUBET

Les meilleurs châ­teaux de cette appel­la­tion qui s’étend sur plus de 900 hec­tares au nord de Pome­rol sont sou­vent ceux situés le plus au sud, là où les vignobles ne sont sépa­rés de ceux de Pome­rol que par une petite rivière, la Bar­bane. Ces vins res­semblent beau­coup à ceux pro­duits sur les zones sablo-argi­leuses du nord de l’appellation pome­rol. Vous y recon­naî­trez cet inimi­table bou­quet de vio­lette qui rend les pome­rols si recherchés.

C’est notam­ment là qu’on retrouve cer­taines stars de l’appellation, comme le châ­teau La Croix Saint-André. Par­mi les bons châ­teaux que l’on peut ache­ter sans hési­ta­tion, on peut aus­si citer les châ­teaux des Anne­reaux, Grand Ormeau, La Croix de La Che­ne­velle, La Fau­rie Mai­son Neuve, Haut-Cha­tain, Siau­rac, de Viaud, Ber­ti­neau Saint- Vincent, La Fleur Saint-Georges, Haut Sur­get, Ser­gant, Tour­ne­feuille et Bour­seau. Tou­te­fois, la valeur sûre de l’appellation reste le châ­teau Gar­raud, pro­prié­té de Jean- Marc Nony (79) : c’est en tout cas ce qu’affirment les plus grands noms de la presse oeno­lo­gique : La Cote des Vins, la revue bri­tan­nique Decan­ter (qui l’a clas­sé “ high­ly recom­men­ded ” en 1996), la Revue du Vin de France et Gault et Mil­lau. Ajou­tons que les mil­lé­simes 1988 et 1993 ont reçu une médaille d’or au Concours géné­ral agri­cole de Paris.

Une des rai­sons du suc­cès du châ­teau Gar­raud tient à son encé­pa­ge­ment diver­si­fié (60 % mer­lot 40 % caber­nets) dans une appel­la­tion qui aurait ten­dance à pra­ti­quer la mono­cul­ture du mer­lot, ce qui est un pari ris­qué sur des sols où les rai­sins n’arrivent pas à matu­ri­té aus­si vite qu’à Pomerol.

Le mer­lot est un cépage mer­veilleux mais qui doit être ven­dan­gé à son opti­mum de matu­ri­té. Cueilli trop tôt, il don­ne­ra des vins maigres et dés­équi­li­brés. Cueilli trop tard, il don­ne­ra des vins lourds et sans charme.

De sur­croît, Gar­raud pos­sède de très vieilles vignes (cer­taines ont plus de quatre-vingts ans) situées sur un des meilleurs ter­roirs de l’appellation qui fait trente hec­tares d’un seul tenant (la pro­duc­tion est de 160 000 bou­teilles par an). À la varié­té des cépages s’ajoute la varié­té des ter­rains (gra­ve­leux, argi­lo-gra­ve­leux et argi­leux) qui contri­bue à la richesse et à la com­plexi­té du vin produit.

La culture de la vigne est menée de manière exem­plaire, les ren­de­ments sont très bas et le tri, au moment de la ven­dange, est impi­toyable pour ne rete­nir que de beaux rai­sins bien mûrs. La vini­fi­ca­tion a lieu dans des cuves en inox ther­mo­ré­gu­lées et le vin est éle­vé pen­dant dix-huit mois dans des bar­riques de chêne renou­ve­lées chaque année pour un tiers d’entre elles.

C’est un vin qui a tou­jours été remar­qué par son élé­gance et sa finesse, il rem­porte d’ailleurs de beaux suc­cès à l’exportation, notam­ment aux USA, en Angle­terrre, en Suisse, en Alle­magne et en Bel­gique, des nations qui achètent régu­liè­re­ment ce qu’il y a de mieux sur le mar­ché mondial…

C’est typi­que­ment le vin que ceux qui ont une bonne cave ont inté­rêt à ache­ter en pri­meurs à un prix inté­res­sant. Il vieillit en effet admi­ra­ble­ment et accom­pagne beau­coup de plats dif­fé­rents : toutes les viandes rouges grillées ou en sauce, les volailles, les confits, les fro­mages et les truffes. Ceux qui n’ont pas de cave ont plu­tôt inté­rêt à se pro­cu­rer des mil­lé­simes prêts à boire (il y en a tou­jours à la pro­prié­té) qu’ils consom­me­ront dans l’année. L’achat à la pro­prié­té revient en effet net­te­ment moins cher que l’achat au détail, sur­tout si on groupe les com­mandes pour neu­tra­li­ser le coût (non négli­geable) du transport.

Voi­ci nos com­men­taires sur les trois der­niers mil­lé­simes de châ­teau Garraud :

1996

1996 a été une année déli­cate pour les mer­lots. La forte pro­por­tion de caber­nets dans l’encépagement et la pro­por­tion éle­vée de mer­lots issus de vieilles vignes font de châ­teau Gar­raud un pré­ten­dant au titre de meilleur lalande-depo­me­rol du mil­lé­sime. C’est un vin colo­ré, remar­quable d’élégance et d’harmonie qui vieilli­ra très bien.

1995

Très grand mil­lé­sime, le meilleur depuis 1990, le châ­teau Gar­raud se carac­té­rise par son volume, son gras et sa matière soyeuse. Les tan­nins sont souples et fon­dus. Un vin plai­sir, et qui le res­te­ra longtemps.

1994

Robe rubis, arômes frui­tés, les tan­nins sont aimables. Il est rond et équi­li­bré. Belle fraî­cheur en bouche. Ce vin com­men­ce­ra à se boire très bien cou­rant 99.

Châ­teau Garraud
Néac, 33500 Libourne
Tél. : 05.57.55.58.58 – Fax : 05.57.25.13.43.

Poster un commentaire