Portrait de Pierre Michel (88)

Pierre Michel (88), le bonheur de l’expression

Dossier : TrajectoiresMagazine N°729 Novembre 2017
Par Pierre LASZLO

Commu­ni­ca­teur-né, clair et pré­cis, de pen­sée réfléchie. Au tour­nant du vingtième siè­cle, ses arrière-grands-par­ents, en bons répub­li­cains, suivirent l’école nor­male d’instituteurs. Puis la famille se don­na une ascen­sion sociale con­tin­ue, de milieux mod­estes vers, d’abord la petite bour­geoisie, puis la bour­geoisie, et à présent, la grande bourgeoisie.

Pierre Michel, grâce tant à sa for­ma­tion qu’à ses tal­ents per­son­nels et à son tra­vail, représente l’apogée sociale de cette famille.

UNE ENFANCE PARISIENNE

Il eut une enfance parisi­enne, dans le quinz­ième arrondisse­ment. L’institutrice d’école pri­maire, Mme Mar­tel, fut pré­cieuse : « J’étais un enfant très intro­ver­ti. Elle m’a aidé à m’intégrer dans la classe, de manière sub­tile. C’était quelqu’un d’une très grande finesse. »

“ Pas eu une seule fois la moyenne en maths ! ”

Ses études sec­ondaires se firent aus­si dans le 15e : le lycée Camille-Sée où il entra mérite une mono­gra­phie, pour son emprise soci­ologique et pour son excellence.

Il y trou­va des enseignants remar­quables, s’intéressant à leurs élèves et stim­u­lant leur développe­ment per­son­nel, comme Mme Monique Grein­er, agrégée de let­tres clas­siques, son prof de français en sec­onde ; par­fois de façon para­doxale : son prof de maths en ter­mi­nale le dis­sua­da d’une pré­pa, ne l’estimant pas de taille à inté­gr­er une grande école ; ce qui au con­traire stim­u­la Pierre Michel !

LA DURE LUMIÈRE DE LA PRÉPA

Il migra donc vers le lycée Louis-le-Grand, en class­es pré­para­toires : « J’en garde un sou­venir lumineux, j’en ai bavé, c’était dur. Pas une seule fois eu la moyenne en maths. Bien ori­en­té par mes enseignants, en P’, où je me suis com­plète­ment épanoui.

Dessin : Lau­rent SIMON

Un bon­heur ! Un choc intel­lectuel, j’étais très très loin d’être le pre­mier de la classe. J’en reti­rai néan­moins une exi­gence, un aigu­il­lon pour la suite.

Ma prof de maths, Mme Danièle Lino, me fit pren­dre con­science qu’il y avait quelque chose d’important dans ma vie, sut m’instiller l’intérêt pour cette forme de connaissance…

Ne jamais lâch­er un objec­tif, surtout lorsqu’il est dif­fi­cile à attein­dre, savoir recon­naître hon­nête­ment et sim­ple­ment que l’on s’est trompé pour avoir infin­i­ment plus de force lorsqu’on a rai­son, appren­dre sans relâche et chercher à trans­met­tre, com­pren­dre que l’intellect met du piment dans la vie dès lors qu’il est, à un moment don­né, mis au ser­vice de l’action. »

LE MONDE DES ASSURANCES

Il inté­gra l’X en 3/2, fit son ser­vice nation­al dans l’armée de l’Air, à la base d’une escadrille de recon­nais­sance à Stras­bourg. À la sor­tie de l’École, son classe­ment lui ouvrait le corps des Ponts ; mais il choisit un corps peu nom­breux qui n’existe plus, celui du Con­trôle des assur­ances (fusion­né en 2012 avec le corps des Mines).

Il se don­na une for­ma­tion d’actu­aire, et obtint de plus les diplômes en économie-finance de Sci­ences-Po et en actu­ar­i­at-finance de l’ENSAE.

Il devint en 1993 com­mis­saire con­trôleur à la Com­mis­sion de con­trôle des assur­ances. Puis il fut en 1995 détaché à la Com­mis­sion européenne, à Bruxelles.

En 1998, il pas­sa dans le privé, choi­sis­sant une société inter­na­tionale de réas­sur­ance, Part­nerRe, dont il dirigea de 2003 à 2007 la suc­cur­sale cana­di­enne, à Toron­to : « J’étais, pour la pre­mière fois, le patron, sans autre patron locale­ment : celui d’une petite entre­prise d’une ving­taine de per­son­nes. Le Cana­da était le plus grand marché en réas­sur­ance dom­mages pour le groupe Part­nerRe, en dehors des États-Unis. »

ASSURER LES CATASTROPHES NATURELLES

Revenu en France, il dirigea de 2007 à 2009 le ser­vice des cat­a­stro­phes naturelles de la Caisse cen­trale de réas­sur­ance (CCR). Cet organ­isme d’État, fondé en 1946, reçut man­dat en 1982 de ges­tion du régime d’indemnisation des cat­a­stro­phes naturelles – ou régime cat-nat.

“ Ne jamais lâcher un objectif, surtout s’il est difficile à atteindre ”

Sécher­esse et inon­da­tion sont les com­posantes majeures de cat-nat. Les primes atteignaient 1,3 mil­liard d’euros en 2012, pour des sin­istres annuels durant la péri­ode 1989- 2012 dans une fourchette de 500 mil­lions à 2,4 mil­liards d’euros 2012. Les 2,4 mil­liards relèvent de l’année 2003, du fait de la sécher­esse excep­tion­nelle venue s’ajouter à la sinis­tral­ité « ordi­naire » des inon­da­tions, celles-là ayant un mon­tant annuel d’un mil­liard d’euros.

La péri­ode de retour d’un tel désas­tre est d’environ vingt ans : les Français en ont surtout retenu la vague de décès de per­son­nes âgées dans les grandes villes. Mais chaleur et sécher­esse dél­itèrent ou détru­isirent de nom­breuses habi­ta­tions con­stru­ites sur des sols argileux, de par l’aptitude des argiles au gonflement-retrait.

Le nom­bre moyen annuel de sin­istres con­statés au titre des sécher­ess­es inter­v­enues entre 1989 et 2002 était env­i­ron 21 800 ; la sécher­esse de 2003 occa­sion­na, à elle seule, 138 000 sin­istres. Son coût total s’établit à 1 018 mil­lions d’euros, con­tre un coût moyen annuel de 205 mil­lions d’euros de 1989 à 2002.

En 2014, Michel fut appelé à la Fédéra­tion française des sociétés d’assurances, comme délégué général. En 2016, il entra dans l’équipe de direc­tion du groupe Cov­éa, dont il est doré­na­vant (2017) le respon­s­able des activ­ités de réassurance.

Sa devise pour­rait être « tou­jours prêt ». Il donne l’impression d’une rare maîtrise de son par­cours, soigneuse­ment fig­nolé bien à l’avance.

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