L’ambition retrouvée

Dossier : L'aménagement de La DéfenseMagazine N°625 Mai 2007
Par Bernard BLED

À mon arrivée à la direc­tion générale de l’EPAD1, à l’au­tomne 2004, nul n’au­rait par­ié que le A du sigle pou­vait encore sym­bol­is­er l’avenir…

L’ar­rêt de mort de l’amé­nageur avait été ren­du, l’exé­cu­tion prévue le 31 décem­bre 2007, alors qu’im­porte si le pre­mier quarti­er d’af­faires européen allait s’en­dormir défini­tive­ment sans espoir de réveil. 

Les pro­prié­taires du site, ne voulant se résoudre à l’inéluctable et voir leurs biens péri­cliter au détri­ment de nou­velles places fortes ayant pour nom Lon­dres, Berlin, ou Barcelone, rassem­blés au sein de l’As­so­ci­a­tion AUDE pour défendre la péren­nité du site avaient l’im­pres­sion de prêch­er dans le désert…

La ques­tion de la ges­tion du quarti­er à la dis­pari­tion de l’EPAD demeu­rait en sus­pens. Ser­pent de mer depuis bien­tôt vingt ans, elle encour­ageait à la résis­tance dans cet univers mortifère.

Con­scient de cet état de fait, le min­istre de l’Équipement mis­sion­nait le directeur général de l’EPAD pour réfléchir à une pos­si­bil­ité d’avenir…

Obser­va­teur atten­tif depuis de très longues années, à Paris, puis de manière plus directe au sein du Con­seil général des Hauts-de-Seine, acteur majeur de l’opéra­tion, la ques­tion ne pou­vait que le passionner.

Je ne doute pas que mon par­cours atyp­ique pour ce poste me don­nait une lib­erté de réflex­ion et de propo­si­tions indis­pens­ables à ce moment. J’a­joute que mon tem­péra­ment icon­o­claste garan­tis­sait une force de propo­si­tion sans tabous, ni préjugés. Les équipes de l’EPAD, retrou­vant la con­fi­ance, se mobilisent. En six mois nous met­tons au point un ambitieux pro­jet à la mesure de La Défense. L’idée en est sim­ple. L’im­age de La Défense se ter­nit. Les sur­faces neuves se raré­fient, les pro­duits pro­posés sur le marché vieil­lis­sent, les grandes entre­pris­es com­men­cent à lorgn­er vers nos con­cur­rents européens qui font preuve d’un plus grand dynamisme. Nous pro­posons donc de taper fort et de don­ner à La Défense un nou­veau souf­fle comme elle n’en a jamais connu.

Nous éval­u­ons à 850 000 m2 de bureaux la bonne jauge pour les con­struc­tions nou­velles. Aller au-delà ris­querait de met­tre en péril l’har­monie qui règne autour de la dalle. Par­mi ceux-ci 350 000 seront issus de démo­li­tion-recon­struc­tion des immeubles les plus obsolètes.

Des mesures d’inci­ta­tion seront pro­posées aux pro­prié­taires, comme l’ex­onéra­tion de la taxe sur les bureaux sur les sur­faces démolies. Nous pro­poserons dans ce pro­gramme, au min­i­mum une tour « Sig­nal » dont l’au­da­cieuse archi­tec­ture mar­quera le paysage du site comme jadis la Grande Arche ou le Cnit.

Nous inscrivons comme pri­or­ité que toutes les nou­velles con­struc­tions répon­dent aux légitimes exi­gences du développe­ment durable qui devra inspir­er toutes nos actions.

Soucieux de main­tenir l’équili­bre loge­ments-bureaux qui a tou­jours pré­valu à l’opéra­tion, nous pro­posons la con­struc­tion sur l’ensem­ble du périmètre de l’EPAD de 100 000 m2 de loge­ments nouveaux.

Pour libér­er de nou­velles empris­es, le boule­vard cir­cu­laire, dans sa par­tie sud, sera trans­for­mé en boule­vard urbain.
Parce que la desserte en trans­ports en com­mun frôle la sat­u­ra­tion, nous en appelons au pro­longe­ment d’Éole à La Défense, tout en pro­posant d’en financer une par­tie sig­ni­fica­tive sur les béné­fices issus des nou­velles charges foncières.

Nous pro­posons pour régler le prob­lème de la gou­ver­nance une struc­ture ad hoc rassem­blant les col­lec­tiv­ités locales con­cernées : Courbevoie, Puteaux et le Con­seil général des Hauts-de-Seine dont le Prési­dent jouera un rôle déter­mi­nant pour la réus­site de notre pro­jet. Enfin, j’a­jouterai une propo­si­tion qui me tient à cœur : trans­former l’im­age de La Défense, pour qu’elle devi­enne un quarti­er vivant et ani­mé, bien au-delà des heures tra­di­tion­nelles du bureau.

Durant l’été et l’au­tomne 2005, nous avons exposé notre pro­jet à tous les acteurs con­cernés : État, col­lec­tiv­ités locales, parte­naires privés.

Spon­tanée ou plus réfléchie, l’ad­hé­sion est totale. Le pro­jet est présen­té au Con­seil d’ad­min­is­tra­tion de décem­bre et adressé simul­tané­ment au min­istre de l’Équipement.

Bien sûr, des voix hos­tiles se font enten­dre. Mais ne pas per­me­t­tre à La Défense, loco­mo­tive de l’Île-de-France, de se dévelop­per, c’est stop­per une pos­si­bil­ité de crois­sance économique dont le pays a bien besoin. On le sait, nom­bre d’en­tre­pris­es ont choisi pour leur siège social La Défense et d’autres pôles de développe­ment pour leur back-office. Ne par­lons pas de ceux qui voudraient blo­quer la relance de La Défense au pré­texte de l’ex­onéra­tion par­tielle de la taxe sur les bureaux alors que l’ensem­ble du pro­jet génér­era de sub­stantielles recettes pour la Région.

Et puis quoi, la France doit-elle rester inerte et à la traîne face à la con­cur­rence inter­na­tionale ? La Défense ne doit-elle pas retrou­ver l’am­bi­tion et l’au­dace qui en ont fait le succès ?

Notre mes­sage sera enten­du. Les min­istres de l’In­térieur et de l’Équipement fer­ont le 25 juil­let 2006 le chemin de La Défense pour annon­cer la déci­sion de l’É­tat de met­tre en route une pre­mière phase de 2007 à 2013, avec 300 000 m2 de bureaux neufs et 150 000 m2 de bureaux reconstruits.

Le reste du pro­jet est adop­té à l’i­den­tique. Pour faire bonne mesure, on annonce qu’une par­tie des béné­fices générés par­ticipera au développe­ment de nou­veaux pôles stratégiques en Île-de-France.
Les investis­seurs mon­trent très vite à quel point ils attendaient ces dis­po­si­tions pour agir.

Uni­bail lance un con­cours inter­na­tion­al d’ar­chi­tec­ture pour la con­struc­tion d’une tour sym­bol­ique par son audace archi­tec­turale, à l’au­tomne, le jury retient la propo­si­tion de Thom Mayne dont le for­mi­da­ble écho médi­a­tique mon­tr­era à quel point nous avons vu juste.

Générali et Vin­ci présen­tent leur pro­jet de réno­va­tion du petit immeu­ble Iris (15 000 m²) en une impres­sion­nante tour de plus de 300 m de haut !

Le monde poli­tique n’est pas en reste et le 7 févri­er, l’Assem­blée nationale, après adop­tion au Sénat en jan­vi­er, vote la loi rel­a­tive aux règles d’ur­ban­isme pré­valant dans le périmètre de l’EPAD et por­tant la créa­tion d’un Étab­lisse­ment pub­lic de ges­tion du quarti­er d’affaires.

Ain­si, en moins de deux ans, la boucle est bouclée et le renou­veau de La Défense sur les rails ! Jamais, sans doute, une opéra­tion d’ur­ban­isme de cette ampleur n’au­ra été menée avec une telle célérité. Il faut dire que le temps nous était comp­té et que le monde économique n’au­rait pas atten­du plus longtemps avant de s’expatrier !

La con­fi­ance et l’ap­pui que nous a apporté le monde poli­tique ont été, avec le sou­tien des acteurs économiques, les clés de notre réussite.

L’am­bi­tion partagée de tous per­met à La Défense, cinquante ans après sa créa­tion, de sym­bol­is­er les forces de l’avenir.

1. Etab­lisse­ment pub­lic pour l’amé­nage­ment de la région de La Défense

Poster un commentaire