Quelle université pour le troisième millénaire ?

Dossier : La formationMagazine N°544 Avril 1999
Par Didier GEIGER

Des constats, en guise d’introduction

Des constats, en guise d’introduction

À un peu plus d’un an du troisième mil­lé­naire, force est de con­stater que les mis­sions des uni­ver­sités, et le con­texte dans lequel elles évolu­ent se sont forte­ment mod­i­fiés depuis la mise en œuvre de la loi de 1984 sur l’en­seigne­ment supérieur : un afflux sig­ni­fi­catif d’é­tu­di­ants auquel elles ont dû faire face, con­séquence directe de l’aug­men­ta­tion du nom­bre de bache­liers, une impor­tante mod­i­fi­ca­tion des savoirs, en par­ti­c­uli­er dans le domaine des sci­ences et de la tech­nolo­gie, une évo­lu­tion impor­tante du marché de l’emploi et de sa structure.

Et un leit­mo­tiv : vis­er l’emploi.

Dans le même temps, les écoles d’ingénieurs — même si le nom­bre de leurs diplômés a aug­men­té — ont échap­pé à cet afflux mas­sif : le nom­bre de leurs élèves ne représente plus que 4 % env­i­ron du nom­bre total des étu­di­ants, et elles con­tin­u­ent, grâce à leurs struc­tures et aux moyens dont elles sont dotées, à apporter une for­ma­tion très forte­ment ori­en­tée vers les débouchés pro­fes­sion­nels, à des élèves qu’elles ont eu tout loisir de sélec­tion­ner, par­tant du principe que tout sys­tème d’en­seigne­ment supérieur vaut large­ment par la qual­ité de son recrute­ment, et à des coûts par étu­di­ant très large­ment supérieurs à ceux des universités.

Pre­mière remar­que, le peu de lis­i­bil­ité de notre sys­tème d’en­seigne­ment post-bac­calau­réat : de mul­ti­ples fil­ières, et de mul­ti­ples tutelles ; au sein du min­istère chargé de l’En­seigne­ment supérieur, de la Recherche et de la Tech­nolo­gie, bien sûr, mais cer­taines fil­ières dépen­dant de la direc­tion des lycées (brevets de tech­ni­ciens supérieurs, class­es pré­para­toires aux grandes écoles), et d’autres de la direc­tion de l’en­seigne­ment supérieur

  • — DUT — diplômes uni­ver­si­taires de technologie,>
  • — DEUG — diplômes d’é­tudes uni­ver­si­taires générales,
  • — DESS — licences, maîtris­es, diplômes d’é­tudes supérieures spécialisées,
  • — DEA -, de la direc­tion de la recherche (diplômes d’é­tudes appro­fondies­for­ma­tions et écoles doctorales ;


au sein de plusieurs min­istères, pour cer­taines écoles d’ingénieurs, qui his­torique­ment ont eu la tutelle des écoles dans lesquelles ils for­maient pour leur pro­pre usage des ingénieurs qui pas­saient ensuite la majorité de leur vie pro­fes­sion­nelle dans le secteur pour lequel ils avaient été for­més, ce qui n’est aujour­d’hui plus vrai ; Ville de Paris, Cham­bres de Com­merce et d’In­dus­trie, écoles privées enfin. Il con­viendrait de sim­pli­fi­er ce dis­posi­tif et d’en ratio­nalis­er les tutelles, en priv­ilé­giant celle du min­istère chargé de l’É­d­u­ca­tion nationale, tout en con­ser­vant leur spé­ci­ficité et leur autonomie aux divers étab­lisse­ments. De fortes résis­tances sont à attendre…

Deux­ième remar­que : les fil­ières cour­tes (DUT, par exem­ple) ne répon­dent plus à leur mis­sion pre­mière de for­mer des tech­ni­ciens directe­ment opéra­tionnels sur le marché du tra­vail ; de plus en plus d’é­tu­di­ants pour­suiv­ent en sec­ond cycle, et le pas­sage par l’I­UT n’a été qu’un moyen, sou­vent involon­taire, de con­tourn­er les deux pre­mières années du DEUG : dif­fi­cultés à trou­ver un pre­mier emploi pour cer­tains tit­u­laires du DUT, choix ini­ti­aux mal assumés…

Il con­viendrait donc de repenser ce dis­posi­tif de for­ma­tion, dont on rap­pelle qu’il est à accès sélec­tif, en fer­mant des départe­ments dont la jus­ti­fi­ca­tion n’est plus évi­dente de nom­breuses années après leur créa­tion, compte tenu de l’évo­lu­tion du marché du tra­vail, ou qui dis­pensent une for­ma­tion qui n’est plus en adéqua­tion avec les attentes du monde économique.

Troisième remar­que, de beau­coup la plus préoc­cu­pante : à l’is­sue des fil­ières uni­ver­si­taires sci­en­tifiques ou tech­nologiques de sec­ond cycle, ou plus grave encore à l’is­sue d’un DEA ou d’une thèse, les diplômés n’ont des secteurs dans lesquels ils ont étudié qu’une vue le plus sou­vent par­cel­laire et man­quent cru­elle­ment des fonde­ments et de la curiosité sci­en­tifiques indis­pens­ables à tout futur ingénieur, chercheur ou enseignant.

Il con­vient donc, là encore, de repenser l’ensem­ble des cur­sus de pre­mier, de sec­ond et de troisième cycle, tant en ter­mes d’ob­jec­tifs (des études supérieures, oui, bien sûr, c’est un droit pour tout bache­li­er, mais en vue de quel pro­jet per­son­nel ?) que du cor­pus des con­nais­sances à acquérir et à maîtris­er (quelles con­nais­sances, mais, là encore, en vue d’ex­ercer quel métier ?).

Nous ne dis­cuterons pas ici de la sélec­tion à l’en­trée des uni­ver­sités : elle est inscrite dans la loi pour les fil­ières générales. Nous ten­terons sim­ple­ment de con­duire tous les tit­u­laires d’un bac­calau­réat général ou tech­nologique (pre­mier grade uni­ver­si­taire !) à leur niveau d’ex­cel­lence : il ne saurait en effet être ques­tion de délivr­er à tous les étu­di­ants le même diplôme (en par­ti­c­uli­er le plus haut : le doc­tor­at), mais bien plutôt de les aider pro­gres­sive­ment à éval­uer leurs lim­ites et, par­tant de là, à ori­en­ter leurs choix vers les fil­ières les plus adéquates, compte tenu d’un pro­jet pro­fes­sion­nel raisonnable qu’ils se seront plus ou moins rapi­de­ment forgé.

Cela fait main­tenant plusieurs mois que le Rap­port Attali a été pub­lié. Con­stru­ite au départ autour de l’idée d’une har­mon­i­sa­tion entre le sys­tème des uni­ver­sités et celui des écoles, la réflex­ion de la com­mis­sion présidée par Jacques Attali s’est rapi­de­ment éten­due aux ques­tions posées par le cadre européen de demain et la très grande var­iété de diplômes et niveaux de sor­tie dans le sys­tème français d’en­seigne­ment supérieur. D’où l’idée, large­ment pop­u­lar­isée depuis, du fameux ” 3 — 5 ou 8 “.

Il n’est pas ques­tion de dévelop­per en quelques lignes une analyse com­plète des propo­si­tions de ce rap­port. Le para­graphe rap­pelant la genèse de la créa­tion du dou­ble sys­tème universités/écoles est déjà en lui-même très instruc­tif et laisse devin­er à quel point les racines sont pro­fondes, et donc la dif­fi­culté d’une ®évo­lu­tion réelle du système.

Nous voulons sim­ple­ment soulign­er ici quelques idées sim­ples — émanant de la Con­férence des doyens et directeurs des UFR sci­en­tifiques des uni­ver­sités français­es (CDUS)1 — autour de la par­tie ” 3 — 5 ou 8 ” de ce rap­port, et des évo­lu­tions que l’on peut atten­dre (d’au­cuns dis­ent actuelle­ment crain­dre) suite à sa pub­li­ca­tion, à la réu­nion de la Sor­bonne à l’oc­ca­sion du huit cen­tième anniver­saire de celle-ci, à l’é­tude de fais­abil­ité con­duite par le recteur Mon­teil, et à ce que l’on sait aujour­d’hui des pistes tra­vail­lées par le Min­istère et évo­quées par le doc­u­ment de décem­bre 1998 : Enseigne­ment supérieur : har­mon­i­sa­tion européenne ; doc­u­ment d’ori­en­ta­tion pro­posé à la con­cer­ta­tion.

Une ambition

L’Eu­rope se décline aujour­d’hui sous le signe de l’eu­ro, actu­al­ité oblige. Mais elle ne peut en rester là ; la prin­ci­pale richesse de l’Eu­rope est dans ses hommes, dans leur for­ma­tion. L’Eu­rope de demain ne pour­ra donc ignor­er, comme au temps de Maas­tricht, la ques­tion des for­ma­tions notam­ment supérieures. Il fau­dra bien un jour har­monis­er, ce qui bien sûr ne sig­ni­fie pas uni­formiser. Har­monis­er en par­ti­c­uli­er pour que les diplômes des uns soient recon­nus chez les autres, au sein du sys­tème uni­ver­si­taire d’une part, pour les étu­di­ants changeant de pays en cours d’é­tudes, et en dehors d’autre part, pour une recon­nais­sance claire par les futurs employeurs.

Le sys­tème français d’en­seigne­ment supérieur est devenu trop com­plexe, illis­i­ble pour le pro­fane, comme cela a déjà été sig­nalé plus haut : des for­ma­tions très dif­férentes et avec des moyens trop dis­parates pré­ten­dent in fine men­er aux mêmes métiers.

Il paraît donc intéres­sant de chercher à met­tre l’ensem­ble du sys­tème à plat. Cela ne doit pas se faire par un coup de bal­ai rapi­de, il faut le temps. Mais l’ob­jec­tif doit être claire­ment affiché. Trente ans après la loi Fau­re, quinze ans après la loi Savary, il n’est pas scan­daleux d’en­vis­ager un change­ment d’envergure.

Il ne s’ag­it pas d’un de ces change­ments dont nous avons mal­heureuse­ment trop l’habi­tude, et qui con­siste à faire en sorte que le mod­ule A de la pre­mière année de DEUG s’ap­pelle main­tenant unité d’en­seigne­ment, et que son coef­fi­cient, ou son vol­ume horaire au choix du lecteur, ne peut plus être de 26 % du total mais doit se trou­ver dans une fourchette de 20 à 24 % ; ou qui con­siste à nier l’évo­lu­tion des con­nais­sances, et qui impose de délaiss­er le fon­da­men­tal pour le rem­plac­er, à vol­ume horaire total con­stant, par des con­nais­sances certes utiles, mais périphériques par rap­port au diplôme préparé.

Il s’ag­it de trou­ver un sys­tème glob­al, si pos­si­ble meilleur que le précé­dent, plus sim­ple, plus ouvert sur l’ex­térieur, mieux adap­té aux réal­ités d’au­jour­d’hui. Une telle ambi­tion doit trou­ver, chez l’ensem­ble des col­lègues uni­ver­si­taires, un écho à la hau­teur de l’enjeu.

Nous con­sid­érons donc comme indis­pens­able de garder une grande ambi­tion, de remet­tre en cause, autant que de néces­sité, l’ex­is­tant et non de se con­tenter de surlign­er cer­tains niveaux, comme cela a été suggéré.

Des questions inévitables

Rap­port Attali ou pas, des prob­lèmes exis­tent. Tous n’ont pas, en tout cas pour nous, de solu­tion immé­di­ate évi­dente. Mais ce n’est pas pour cela que ces ques­tions doivent être enfouies sous le sable, la poli­tique de l’autruche n’é­tant jamais la bonne.

L’Eu­rope tout d’abord. C’est claire­ment la réal­ité de demain, dans tous les domaines. La forme qu’au­ra cette Europe n’est pas encore décidée, la déci­sion n’ap­par­tient pas aux uni­ver­si­taires bien qu’ils soient appelés à jouer un rôle non nég­lige­able : l’Eu­rope de demain sera con­stru­ite par la jeunesse d’au­jour­d’hui, et cette jeunesse est for­mée, pour une part tou­jours plus grande, par les sys­tèmes uni­ver­si­taires des divers pays européens.

Il n’est pas envis­age­able que le sys­tème des for­ma­tions supérieures puisse rester à l’é­cart de la réflex­ion européenne : doit-on plus facile­ment échang­er des marchan­dis­es que recon­naître des formations ?

L’Eu­rope pose donc la ques­tion de la recon­nais­sance mutuelle des for­ma­tions, idée qui devrait être chère à tous ceux qui con­sid­èrent qu’une logique de diplôme nation­al est bonne, car per­me­t­tant une recon­nais­sance mutuelle. L’idée de s’ac­corder sur un nom­bre lim­ité de niveaux de sor­tie est donc bonne.

L’Eu­rope pose la ques­tion des “pôles”. Cette ques­tion, abor­dée par le Rap­port Attali, est très sen­si­ble. Toutes les uni­ver­sités ont voca­tion à l’ex­cel­lence, certes, comme l’indique le doc­u­ment d’ori­en­ta­tion récem­ment pub­lié par Madame Demichel et Mon­sieur Gar­den (Enseigne­ment supérieur : har­mon­i­sa­tion européenne ; MENRT, décem­bre 1998). Mais il est clair que l’ex­is­tence, la lis­i­bil­ité, dans le con­texte plus large qui est celui de l’Eu­rope, néces­site une taille plus importante.

Taille de quoi ? Par­le-t-on de sup­pres­sion des uni­ver­sités jugées trop petites (en référence au nom­bre d’é­tu­di­ants ?), par­le-t-on de regroupe­ment de petites uni­ver­sités satel­lites d’u­ni­ver­sités impor­tantes géo­graphique­ment voisines, par­le-t-on de con­struc­tion de réseaux équili­brés d’u­ni­ver­sités de forces voisines ? C’est un vrai prob­lème, mais il faut l’af­fron­ter en face au lieu de le nier, comme certains.

Enfin, et même sans la néces­saire har­mon­i­sa­tion européenne, trois ques­tions au moins se posent.

  • Notre diver­sité de diplômes est dev­enue sur­réal­iste. Bien enten­du, cha­cun défend les siens pour des raisons tout à fait hon­or­ables, chaque diplôme ayant sa logique, sa cohérence, sa zone de recon­nais­sance pro­pre. Mais glob­ale­ment, le sys­tème est devenu inco­hérent et illis­i­ble. Il doit être pos­si­ble de le sim­pli­fi­er pro­gres­sive­ment, tout en con­ser­vant la part des con­tenus péd­a­gogiques qui a fait sa preuve et le fait encore. Mais nous pen­sons qu’il y a beau­coup à faire, dans la mise à jour de ces contenus.
  • Nous devons aus­si pro­gress­er dans tout ce qui est pro­fes­sion­nal­i­sa­tion. Cela se fait bien aujour­d’hui dans beau­coup de fil­ières à effec­tif restreint (les maîtris­es de sci­ences et tech­niques, par exem­ple, ou les DESS). Le grand défi de demain est de le faire à plus grande échelle.
    Tout étu­di­ant doit pou­voir, au cours de ses études supérieures, béné­fici­er d’élé­ments pro­fes­sion­nal­isants de for­ma­tion. Il ne s’ag­it bien sûr pas de ven­dre la for­ma­tion à l’en­tre­prise, comme le car­i­ca­turent cer­tains : la maîtrise péd­a­gogique doit rester aux enseignants uni­ver­si­taires. Comme le Rap­port Attali, nous souscrivons à l’af­fir­ma­tion selon laque­lle tout étu­di­ant doit pou­voir quit­ter l’en­seigne­ment supérieur avec un diplôme à valeur pro­fes­sion­nelle.
  • Il en est de même pour tout ce qui est for­ma­tion con­tin­ue, encore trop peu dévelop­pée. On sait pour­tant que les évo­lu­tions de nos dis­ci­plines, en par­ti­c­uli­er dans le domaine des sci­ences de la vie, sont très rapides.
    Doit-on laiss­er à d’autres le soin de dis­penser ces for­ma­tions ? Cer­taine­ment pas, mais com­ment le faire, et avec quels moyens humains dans des étab­lisse­ments très forte­ment sous-dotés en per­son­nel enseignant ou tech­nique ou en locaux d’enseignement ?

Des idées issues de la réalité

Le “3 — 5 ou 8”, qui con­siste à faire ressor­tir trois niveaux de for­ma­tion — de sor­tie — après le bac­calau­réat, n’est pas une créa­tion ex nihi­lo de la com­mis­sion présidée par Jacques Attali.

Le “8” est bien con­nu, il s’ag­it de la durée actuelle pour soutenir une thèse de doc­tor­at. Les écoles doc­tor­ales pren­nent peu à peu leur place dans ce dis­posi­tif de for­ma­tion à la recherche et par la recherche ; la com­mu­nauté uni­ver­si­taire sait et saura encore con­stru­ire des for­ma­tions de grande qual­ité. C’est ce qui lui est, aujour­d’hui, le plus fam­i­li­er et le plus sim­ple. Il est égale­ment vrai que la part prépondérante prise aujour­d’hui par l’ac­tiv­ité de recherche dans le proces­sus de pro­mo­tion des chercheurs et enseignants — chercheurs aide grande­ment à l’in­vestisse­ment des col­lègues dans cette voie.

Le doc­tor­at représen­tait une clef d’en­trée vers les car­rières académiques et de recherche fon­da­men­tale dans les organ­ismes de recherche publique, garan­tis­sant plusieurs niveaux de com­pé­tences : for­ma­tion ini­tiale par la recherche jusqu’aux fron­tières du savoir, dans un lab­o­ra­toire lui-même recon­nu par la com­mu­nauté sci­en­tifique, une recon­nais­sance par cette même com­mu­nauté sci­en­tifique des travaux réal­isés (qui reste le préal­able à tout recrute­ment dans les uni­ver­sités ou dans les organ­ismes publics de recherche).

Il tend aujour­d’hui à devenir de plus en plus un niveau nor­mal­isé de for­ma­tion ini­tiale avancée ouvrant à ses tit­u­laires les car­rières de l’in­no­va­tion et du développe­ment tech­nologique dans l’ensem­ble des firmes et insti­tu­tions ; pour aug­menter les flux de doc­teurs vers les entre­pris­es, il con­vient donc d’of­frir aux doc­tor­ants un par­cours com­plé­men­taire de for­ma­tion qui leur ouvre de nou­velles facil­ités en ter­mes d’in­ser­tion directe dans les entre­pris­es ou de mobilité.

Face à de tels enjeux, l’ob­jec­tif des écoles doc­tor­ales (dans la con­ti­nu­ité 5 puis 8) sera donc :

  • d’élargir la cul­ture sci­en­tifique des étu­di­ants — chercheurs en DEA et en thèse de doctorat ;
  • mais surtout d’ap­porter aux futurs doc­teurs, ou plus excep­tion­nelle­ment aux doc­teurs, le com­plé­ment de for­ma­tion générale et la dou­ble com­pé­tence, per­me­t­tant de mieux assur­er leur inser­tion pro­fes­sion­nelle dans l’u­ni­ver­sité, la recherche publique ou privée, ou plus générale­ment le monde économique.


Le ” 5 ” existe depuis longtemps. Les écoles le pra­tiquent, et les diplômes d’é­tudes supérieures spé­cial­isées, dont tout le monde recon­naît aujour­d’hui qu’ils sont une réus­site, mon­trent que les uni­ver­sités savent con­stru­ire des for­ma­tions de qual­ité à ce niveau, for­ma­tions visant les métiers d’ingénieur.

Le ” 3 ” est plus nou­veau. Rem­place-t-il les ” 2 ” d’hi­er, le DUT et le BTS, conçus au départ pour être des diplômes de fin d’é­tudes (en for­ma­tion ini­tiale, en tout cas, des repris­es ultérieures d’é­tudes en val­orisant quelques années d’ex­péri­ence pro­fes­sion­nelle étant tou­jours pos­si­bles) et des sor­ties vers le marché du tra­vail ? On con­state la volon­té majori­taire de leurs étu­di­ants de pour­suiv­re aus­sitôt leurs études vers des licences plus ou moins bien adap­tées — avec les mêmes prérog­a­tives que les étu­di­ants issus du DEUG, et ce bien que les for­ma­tions soient de nature bien dif­férentes -, vers des diplômes d’u­ni­ver­sité, ou enfin vers des écoles. La dis­pari­tion du 2 serait donc plus le fait de l’ad­di­tion des volon­tés indi­vidu­elles des étu­di­ants que d’une com­mis­sion : le DEUG a été conçu, lui, en vue d’une pour­suite d’études.

Ce “3” est en tout cas une néces­sité car l’u­ni­ver­sité de masse ne per­met pas d’imag­in­er une sor­tie général­isée au niveau “5”.

Des inquiétudes

Rien de pré­cis n’est dit aujour­d’hui sur la mise en œuvre du sys­tème. Com­ment organ­is­er des “5”, voisins des DESS, que l’on ne sait bien faire fonc­tion­ner qu’en lim­i­tant le nom­bre d’é­tu­di­ants, à par­tir de la struc­ture actuelle maîtrise (non sélec­tive) + DESS (sélec­tif) ? Il va fal­loir trou­ver des répons­es originales.

Quelles évo­lu­tions, quels change­ments pour le sys­tème class­es pré­para­toires aux grandes écoles (CPGE) et écoles d’ingénieurs ? On a ici l’im­pres­sion que les lob­bies sont très forts, et que le fameux rap­proche­ment se traduit, dans un pre­mier temps nous dira-t-on ! par un effort d’évo­lu­tion de la part uni­ver­sités unique­ment… Il ne faut pas non plus oubli­er que le rap­proche­ment doit aus­si con­cern­er les écoles internes aux uni­ver­sités, qui ne doivent pas rester des citadelles, totale­ment coupées des UFR non déroga­toires, chargées, elles, d’or­gan­is­er une for­ma­tion de masse.

La licence pro­fes­sion­nelle, pour quels étu­di­ants, pour quel(s) objectif(s) et, corol­laire impor­tant, avec quels moyens ? Pour nous, l’ac­cès aux licences de tous types doit rester ouvert. La ques­tion de la recon­nais­sance d’une dimen­sion pro­fes­sion­nal­isante du diplôme bac + 2 ne se pose que pour les tit­u­laires de DEUG. Ce sont donc les étu­di­ants tit­u­laires de DEUG qui doivent être les ” clients ” priv­ilégiés des licences pro­fes­sion­nelles, même si ces licences sont ouvertes aux tit­u­laires de DUT ou BTS. C’est donc naturelle­ment les UFR, dans lesquelles se font les licences, qui doivent avoir la maîtrise péd­a­gogique de ces licences professionnelles.

Quelques lec­tures…

  • Uni­ver­sité : la recherche des équili­bres, 1989–1993 ; Comité nation­al d’é­val­u­a­tion. La Doc­u­men­ta­tion française, août 1993.
  • For­ma­tion, passe­port à renou­vel­er ; revue Pro­jet n° 244. Assas Édi­tions, hiv­er 1995–1996.
  • La République a‑t-elle besoin de savants ; Michel Dodet, Philippe Lazar, Pierre Papon. PUF, avril 1998.
  • Enseigne­ment supérieur : har­mon­i­sa­tion européenne ; MENRT, décem­bre 1998.
  • Pour un mod­èle européen d’en­seigne­ment supérieur (Rap­port Jacques Attali).
  • Inno­va­tion et recherche tech­nologique (Rap­port Hen­ri Guillaume).

Doit-on con­serv­er les Insti­tuts uni­ver­si­taires pro­fes­sion­nal­isés (IUP) ; quand y entre-t-on, quand en sort-on ? Pour nous, les IUP sont une fil­ière de for­ma­tion — et non une struc­ture lourde et pérenne — liée à une niche par­ti­c­ulière d’emplois. Ses avan­tages péd­a­gogiques (maque­ttes péd­a­gogiques lour­des et for­ma­tion conçue sur plusieurs années comme un cycle de trois ans per­me­t­tant des liens entre for­ma­tion générale et for­ma­tion pro­fes­sion­nal­isante) ont voca­tion à être général­isés. En atten­dant, la solu­tion la plus raisonnable est de les décaler d’une année, pour porter le niveau de sor­tie à ” 5 “.

Enfin, quels seront les moyens que la Nation compte met­tre dans son enseigne­ment supérieur ? La Nation devra lui (l’en­seigne­ment supérieur français) con­sacr­er des moyens crois­sants et mieux util­isés. Met­tons en appli­ca­tion cette phrase du rap­port. Nous sommes cer­tains que si les moyens crois­sants sont au ren­dez-vous, nous saurons les utilis­er au mieux, dans l’in­térêt des étu­di­ants et pour leur avenir, donc dans l’in­térêt de la Nation tout entière.

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1. Les U.F.R. (Unités de for­ma­tion et de recherche) ont rem­placé, dans les textes régle­men­taires, les fac­ultés. Ce qui suit reprend très large­ment des réflex­ions qui ont été con­duites en bureau de CDUS et qui ont été for­mal­isées par son prési­dent, Jean-Pierre BOREL, pro­fesseur de math­é­ma­tiques et doyen de la Fac­ulté des sci­ences de l’U­ni­ver­sité de Limoges.

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