LA VIRTUOSITÉ DANS LA MUSIQUE BAROQUE

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°659 Novembre 2010Par : Concert de l'ensemble Le Palais royal du 19 octobre 2010, direction Jean-Philippe SarcosRédacteur : Marc Darmon (83)

Pour une fois notre rubrique est con­sacrée à la musique vivante pro­pre­ment dite, puisque au lieu de com­menter un DVD, elle présente la mise à dis­po­si­tion sur Inter­net d’un con­cert, qui plus est d’un des orchestres français les plus emblé­ma­tiques de la vivac­ité de la vie musi­cale en France.

L’ensem­ble Le Palais roy­al se con­sacre à l’in­ter­pré­ta­tion des réper­toires baroque, clas­sique et roman­tique. Pour chaque époque, les musi­ciens utilisent des instru­ments dif­férents. Issus des meilleurs orchestres européens, les musi­ciens sont coop­tés et sont aus­si choi­sis pour le plaisir qu’ils pren­nent et don­nent en jouant dans l’orchestre. Ils sont réu­nis par leur désir de tra­vailler ensem­ble, sur le long terme, dans la pas­sion et la con­vivi­al­ité. Ce sont des con­di­tions essen­tielles pour Jean-Philippe Sar­cos, leur chef depuis le début. Autre orig­i­nal­ité, l’orchestre est lié à un ensem­ble vocal, dédié aux jeunes tal­ents. Il per­met à de jeunes chanteurs pro­fes­sion­nels d’in­ter­préter les réper­toires baroque, clas­sique et roman­tique en accor­dant une atten­tion rigoureuse aux dif­férents styles. Les oeu­vres sont chan­tées par cœur et en pupitres éclatés afin de favoris­er l’ex­pres­siv­ité et l’en­gage­ment de cha­cun au ser­vice du sens du texte et de la musique. Du fait de la fraîcheur des voix, Le Palais roy­al pos­sède une couleur unique par­faite­ment adap­tée aux réper­toires anciens qui étaient, orig­inelle­ment, le plus sou­vent inter­prétés par des enfants.

Pour amélior­er l’ac­ces­si­bil­ité des pro­grammes à thèmes, les con­certs sont sou­vent présen­tés, comme ici par le jeune et éru­dit Antoine Pec­queur, et accom­pa­g­nés de pro­grammes de salle détail­lés. Ces dif­férentes formes de présen­ta­tions per­me­t­tent de com­pren­dre le texte des oeu­vres, et, en les replaçant dans leur con­texte his­torique, aident à en retrou­ver l’e­sprit. Comme les instru­ments d’époque, les tenues rouges que revè­tent les chanteurs du Palais roy­al pour inter­préter les oeu­vres sacrées rap­pel­lent celles de leurs prédécesseurs dans les chapelles royales. Ces mêmes tenues sont encore aujour­d’hui portées par de grands chœurs à tra­vers le monde, comme le chœur de la chapelle Six­tine et les pres­tigieuses for­ma­tions chorales des cathé­drales anglais­es, autrichi­ennes ou allemandes.

Con­stru­it autour du fameux Sta­bat Mater à 10 voix de D. Scar­lat­ti (1685- 1757), avec des oeu­vres de Vival­di et Corel­li, le pro­gramme inti­t­ulé La Vir­tu­osité dans la musique baroque est une pure mer­veille. On mon­tre ici la vir­tu­osité non pas comme une tech­nique dévelop­pée au seul ser­vice de la gloire de l’in­ter­prète, mais comme un des moyens géni­aux dont usèrent les artistes ital­iens pour traduire les mou­ve­ments pas­sion­nés de leur âme (Vir­tu­osité vient du latin vir­tus qui lui-même ren­ferme vir : l’homme. Vir­tus sig­ni­fie donc les qual­ités qui font la valeur de l’homme, morale­ment et physique­ment. ll se traduit par courage, mérite, hauts faits mais égale­ment ver­tu, per­fec­tion morale.) Le pro­gramme mon­tre aus­si la diver­sité de ses formes : vir­tu­osité instru­men­tale avec Corel­li, vir­tu­osité vocale avec Vival­di mais aus­si vir­tu­osité des com­pos­i­teurs avec l’ex­cep­tion­nelle maîtrise de Scar­lat­ti qui atteint des som­mets d’é­mo­tion grâce à la prouesse d’écri­t­ure des 10 voix super­posées, et non mal­gré elle.

Le con­cert filmé dans la mag­nifique chapelle de l’É­cole mil­i­taire est superbe, à tout point de vue. L’im­pact de ce chœur grandiose soutenu par un ensem­ble instru­men­tal réduit mais au niveau musi­cal très élevé est très fort. Notons en par­ti­c­uli­er le vio­lon ver­tig­ineux et extrème­ment vivant de la grande Tami Troman.

Un grand con­cert de musique vivante à voir, par un ensem­ble dynamique qui en est un par­fait représen­tant, et mérit­erait grande­ment d’être bien plus con­nu. Le Palais roy­al est un des ensem­bles les plus mar­quants de la vie musi­cale française, et son chef Jean- Philippe Sar­cos est un orfèvre très insuff­isam­ment reconnu.

Jugez-en en voy­ant ce concert !

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