Le Puy du Fou

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°610 Décembre 2005Rédacteur : Philippe OBLIN (46)Editeur : Le Puy du Fou, tous les jours en juin, juillet et août, les fins de semaine en mai et septembre. Tél. : 02.51.64.11.11.

CET ÉTÉ, La Baule ne nous gâta point en matière de théâtre : une seule pièce, jouée mal­en­con­treu­se­ment un jour qui ne nous conve­nait pas. Pour des rai­sons que j’ignore, finan­cières peut-être, le temps semble révo­lu où cer­taines des troupes se pro­dui­sant au Fes­ti­val d’Angers venaient ensuite nous diver­tir sur la scène d’Atlantia. C’est bien dom­mage mais il convient de prendre les choses comme elles viennent.

Nous nous rabat­tîmes donc sur Le Puy du Fou, ce qui est d’ailleurs une façon mal­son­nante de s’exprimer : elle semble faire de ce parc une manière de pis-aller, alors qu’il s’agit tout au contraire d’un mieux-aller, sur­tout quand on songe à bien d’autres élu­cu­bra­tions scé­niques contem­po­raines, même rho­da­niennes et renom­mées. Peut-être, amis lec­teurs, serez-vous pour­tant sur­pris de trou­ver cette évo­ca­tion du Puy du Fou sous une rubrique cen­sée par­ler de théâtre. C’est tout bon­ne­ment parce qu’il s’agit bel et bien de spec­tacles, fon­dés, tout comme au théâtre, sur la conjonc­tion d’un sujet, d’une mise en scène, d’un décor et d’un public, quatre com­po­santes que réunit plei­ne­ment le pres­ti­gieux parc vendéen.

Encore que nous n’avons pas assis­té à la gran­diose Cinés­cé­nie noc­turne : le parc était trop éloi­gné de nos bases pour envi­sa­ger un retour pro­lon­gé de nuit, alors que le cou­cher à proxi­mi­té est mal­ai­sé, exi­geant en tout cas réser­va­tion, puis emport de pyja­ma, rasoir et brosse à dents, toutes dis­po­si­tions par nature simples mais se prê­tant mal à l’improvisation de der­nier moment. De toute manière, une grande jour­née suf­fit ample­ment à l’enchantement du visi­teur, qui pour­tant ne trou­ve­ra pas le temps de tout voir, sauf à se com­por­ter comme un for­ce­né et déjeu­ner vite fait, pra­tique mal­saine pour la diges­tion et, de sur­croît, ne per­met­tant de pro­fi­ter ni de la gas­tro­no­mie ven­déenne ni des chants et danses à l’ancienne qui sou­vent l’accompagnent au parc.

À défaut de tout voir donc, je serais ten­té de recom­man­der au visi­teur non­cha­lant, qui ne serait encore jamais venu, de ne sur­tout point man­quer le spec­tacle de fau­con­ne­rie, actuel­le­ment inti­tu­lé Le Bal des oiseaux fan­tômes, le thème étant une vieille légende d’oiseaux mys­té­rieu­se­ment dis­pa­rus dans les sou­ter­rains du châ­teau médié­val du Puy, aujourd’hui en ruine. Mais ce thème, gen­ti­ment naïf, conté-mimé par deux ravis­santes filles, devient sous nos yeux éblouis la matière d’une fan­tas­tique démons­tra­tion de dres­sage d’oiseaux, tel qu’il est ensei­gné à l’école de fau­con­ne­rie du Puy du Fou. Durant une bonne demi­heure, l’on se trouve trans­por­té dans une fée­rie oni­rique et ailée, avec ces nuées de fau­cons len­te­ment des­cen­dant en spi­rale du haut d’un bal­lon cap­tif, cet envol de cen­taines de pigeons voya­geurs jaillis­sant sou­dain, comme à un appel, d’un antique pigeon­nier, ou le final des aigles venant se poser, toutes ailes déployées, sur le poing ten­du de leur fau­con­nier, ou de leur fau­con­nière, sur fond des cuivres et des bois de Tannhäu­ser.

Parce que Le Puy du Fou, c’est aus­si la musique, jamais vul­gaire ni enva­his­sante, déli­cate et clas­sique, que d’invisibles dif­fu­seurs susurrent dans les allées des bois, musique du Quin­tette des cuivres jouant en per­ruques pou­drées La Petite Musique de nuit ou La Marche turque dans un char­mant théâtre de ver­dure, musique d’époque aus­si des auto­mates du Bourg 1900, appa­rais­sant pério­di­que­ment à leurs fenêtres, indif­fé­rents et méca­niques, pareils en cela à l’orgue de Bar­ba­rie que mou­line un étrange géant au sou­rire énig­ma­tique et immuable, hochant la tête en regar­dant les badauds sans paraître les voir.

De toutes ces choses, et de bien d’autres encore, monte, comme une buée mati­nale, un charme simple et bon enfant, un côté “ jour de fête ” com­muant la foule, un tout-venant de vacan­ciers peu por­tés d’allure sur la spé­cu­la­tion intel­lec­tuelle ou la culture musi­cale, en un public enchan­té et silen­cieux, ne lais­sant traî­ner der­rière soi ni canettes vides ni embal­lages per­dus et décou­vrant que l’on peut pas­ser de plus magni­fiques moments devant des évo­ca­tions d’un pas­sé, sans doute embel­li et sim­pli­fié, qu’en regar­dant des niai­se­ries télé­vi­sées. Et après tout, s’il faut s’en remettre à la fau­con­ne­rie pour se lais­ser empor­ter, ne fût-ce qu’un ins­tant, par la splen­deur de Tannhäu­ser, pour­quoi pas ?

Poster un commentaire