La thérapie génique au service des maladies de la rétine

Dossier : Dossier FFEMagazine N°726 Juin 2017
Par Bernard GILLY

Quelles sont les maladies de la rétine ?

Les mala­dies de la rétine peuvent être clas­sées en trois groupes : les mala­dies géné­tiques, les mala­dies acci­den­telles et les mala­dies du vieillis­se­ment. Elles pro­voquent une baisse plus ou moins rapide ou com­plète de la vision. 

Cer­taines sont très connues (la dégé­né­res­cence macu­laire, la réti­no­pa­thie dia­bé­tique) et d’autres un peu moins, car moins fré­quentes (la neu­ro­pa­thie optique héré­di­taire de Leber et les réti­no­pa­thies pig­men­taires, par exemple). 

Quelles sont les maladies que vous êtes en mesure de prendre en charge ?

Gen­Sight Bio­lo­gics concentre prin­ci­pa­le­ment ses efforts sur le trai­te­ment de cer­taines mala­dies géné­tiques de la rétine, comme en par­ti­cu­lier la neu­ro­pa­thie optique héré­di­taire de Leber. 

Cette mala­die géné­tique héré­di­taire, de trans­mis­sion mater­nelle, touche des jeunes adultes entre 15 et 34 ans qui vont perdre la vue de façon bila­té­rale extrê­me­ment rapi­de­ment en quelques semaines, voire en quelques jours. Les malades se retrouvent dans une situa­tion de céci­té avan­cée, évi­dem­ment très per­tur­bante pour leurs pro­jets de vie. 

Cette céci­té affecte toutes les tâches de la vie quo­ti­dienne, comme la lec­ture, la conduite, l’utilisation d’un cla­vier, ou sim­ple­ment la recon­nais­sance des visages et conduit à une très large perte d’autonomie.

Pourquoi les rétinopathies pigmentaires (RP) ?

Les RP sont des mala­dies orphe­lines cau­sées par des muta­tions mul­tiples dans plu­sieurs gènes impli­qués dans le cycle visuel et qui conduit à la dis­pa­ri­tion des pho­to­ré­cep­teurs. En géné­ral, les ado­les­cents ou jeunes adultes atteints de RP perdent la vue pro­gres­si­ve­ment et deviennent aveugles vers l’âge de 40 à 45 ans. 

Il n’existe actuel­le­ment aucun trai­te­ment cura­tif pour les RP. Gen­Sight Bio­lo­gics déve­loppe une approche basée sur la thé­ra­pie génique, qui vise à éta­blir la fonc­tion pho­to­ré­cep­trice dans d’autres cel­lules de la rétine. 

Les der­niers résul­tats obte­nus sont très encou­ra­geants et un pre­mier essai cli­nique va com­men­cer d’ici la fin de l’année chez des patients aveugles. 

Qu’est-ce que la thérapie génique ?

Cette tech­no­lo­gie déve­lop­pée depuis une quin­zaine d’années consiste à rem­pla­cer un gène défec­tueux dans une cel­lule malade par un gène fonc­tion­nel. Ce rem­pla­ce­ment se fait par l’intermédiaire d’un vec­teur, en géné­ral un virus non pathogène. 

La thé­ra­pie génique est très bien adap­tée pour la rétine, car les injec­tions peuvent se faire loca­le­ment et le nombre de cel­lules devant être modi­fiées reste limité. 

Quels sont les avantages de la thérapie génique ?

Les cel­lules de la rétine, comme tous les neu­rones, sont très rare­ment (voire jamais) rem­pla­cées. Ain­si, en leur trans­met­tant et leur injec­tant un gène gué­ris­seur, nous pou­vons espé­rer réa­li­ser une action cor­rec­tive de très longue durée, peut-être même jusqu’à la fin de vie du patient. 

Cette approche thé­ra­peu­tique est très inno­vante… Contrai­re­ment aux médi­ca­ments admi­nis­trés tout au long d’une vie, la thé­ra­pie génique s’applique en une seule fois ! Elle est donc effi­ciente non seule­ment d’un point de vue médi­cal, mais éga­le­ment sous l’angle éco­no­mique : un seul trai­te­ment qui va durer plu­sieurs années ! 

Nous devons donc éga­le­ment inno­ver dans les dis­cus­sions avec les orga­nismes payeurs (assu­reurs, sécu­ri­té sociale) qui sont jusqu’à main­te­nant habi­tués à payer des trai­te­ments sur une base récurrente ! 

Avez-vous obtenu des résultats ?

La métho­do­lo­gie uti­li­sée par iBio­next per­met de déve­lop­per très rapi­de­ment de nou­velles approches thérapeutiques. 

Ain­si, moins d’un an après notre créa­tion, nous avons effec­tué une pre­mière phase d’essai cli­nique sur des per­sonnes souf­frant de la mala­die de Leber entre 2013 et 2014. Les résul­tats sont concluants : les patients ont obte­nu une évo­lu­tion signi­fi­ca­tive de leur acui­té visuelle. 

Récem­ment, nous avons lan­cé un essai cli­nique de phase III que nous menons dans des centres aux États-Unis et en Europe chez les malades ayant per­du la vue depuis moins d’un an. Les pre­miers résul­tats sont atten­dus au pre­mier tri­mestre de l’année prochaine. 

Espérez-vous une mise sur le marché rapide ?

Plus nous inter­ve­nons tôt dans la patho­lo­gie, plus les résul­tats devraient être majeurs pour les patients. Si ce der­nier essai confirme nos espoirs, nous pour­rons envi­sa­ger de dépo­ser une demande de mise sur le mar­ché de notre trai­te­ment en Europe et aux États-Unis, d’ici la fin de l’année 2018. 

Qu’en est-il pour la rétinopathie pigmentaire ?

En liai­son avec l’Institut de la Vision à Paris, nos études ont por­té sur des modèles ani­maux, y com­pris sur des pri­mates, et nous avons pu mon­trer que ces ani­maux aveugles retrou­vaient des com­por­te­ments visuels presque normaux. 

À la fin de l’été 2017, nous dépo­se­rons auprès des auto­ri­tés régle­men­taires nord-amé­ri­caine, anglaise et fran­çaise une auto­ri­sa­tion pour démar­rer les essais cli­niques chez l’Homme.

Qui sont vos collaborateurs ?

Nous col­la­bo­rons essen­tiel­le­ment avec des orga­nismes scien­ti­fiques aca­dé­miques (Uni­ver­si­té Pierre et Marie Curie, CNRS, Col­lège de France) des cli­ni­ciens (Ins­ti­tut de la Vision, Hôpi­tal de la Fon­da­tion Rot­schild, CHNO des XV-XX), mais aus­si ingé­nieurs, dont des polytechniciens. 

Nous tra­vaillons éga­le­ment avec des centres uni­ver­si­taires pres­ti­gieux amé­ri­cains (MIT), suisses (Mrei­drich Mischer Ins­ti­tute) et alle­mands (Max Planck institute). 

Quelles sont vos ambitions ?

Les pre­miers résul­tats obte­nus nous incitent à recom­man­der un trai­te­ment pré­coce des malades et à mettre notre pre­mier pro­duit sur le mar­ché le plus rapi­de­ment possible. 

Nous espé­rons que notre approche pour­ra être trans­po­sée dans d’autres mala­dies du sys­tème ner­veux central.

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