La thérapie génique au service des maladies de la rétine

Dossier : Dossier FFEMagazine N°726 Juin/Juillet 2017
Par Bernard GILLY

Quelles sont les maladies de la rétine ?

Les mal­adies de la rétine peu­vent être classées en trois groupes : les mal­adies géné­tiques, les mal­adies acci­den­telles et les mal­adies du vieil­lisse­ment. Elles provo­quent une baisse plus ou moins rapi­de ou com­plète de la vision. 

Cer­taines sont très con­nues (la dégénéres­cence mac­u­laire, la rétinopathie dia­bé­tique) et d’autres un peu moins, car moins fréquentes (la neu­ropathie optique hérédi­taire de Leber et les rétinopathies pig­men­taires, par exemple). 

Quelles sont les maladies que vous êtes en mesure de prendre en charge ?

Gen­Sight Bio­log­ics con­cen­tre prin­ci­pale­ment ses efforts sur le traite­ment de cer­taines mal­adies géné­tiques de la rétine, comme en par­ti­c­uli­er la neu­ropathie optique hérédi­taire de Leber. 

Cette mal­adie géné­tique hérédi­taire, de trans­mis­sion mater­nelle, touche des jeunes adultes entre 15 et 34 ans qui vont per­dre la vue de façon bilatérale extrême­ment rapi­de­ment en quelques semaines, voire en quelques jours. Les malades se retrou­vent dans une sit­u­a­tion de céc­ité avancée, évidem­ment très per­tur­bante pour leurs pro­jets de vie. 

Cette céc­ité affecte toutes les tâch­es de la vie quo­ti­di­enne, comme la lec­ture, la con­duite, l’utilisation d’un clavier, ou sim­ple­ment la recon­nais­sance des vis­ages et con­duit à une très large perte d’autonomie.

Pourquoi les rétinopathies pigmentaires (RP) ?

Les RP sont des mal­adies orphe­lines causées par des muta­tions mul­ti­ples dans plusieurs gènes impliqués dans le cycle visuel et qui con­duit à la dis­pari­tion des pho­toré­cep­teurs. En général, les ado­les­cents ou jeunes adultes atteints de RP per­dent la vue pro­gres­sive­ment et devi­en­nent aveu­gles vers l’âge de 40 à 45 ans. 

Il n’existe actuelle­ment aucun traite­ment curatif pour les RP. Gen­Sight Bio­log­ics développe une approche basée sur la thérapie génique, qui vise à établir la fonc­tion pho­toré­cep­trice dans d’autres cel­lules de la rétine. 

Les derniers résul­tats obtenus sont très encour­ageants et un pre­mier essai clin­ique va com­mencer d’ici la fin de l’année chez des patients aveugles. 

Qu’est-ce que la thérapie génique ?

Cette tech­nolo­gie dévelop­pée depuis une quin­zaine d’années con­siste à rem­plac­er un gène défectueux dans une cel­lule malade par un gène fonc­tion­nel. Ce rem­place­ment se fait par l’intermédiaire d’un vecteur, en général un virus non pathogène. 

La thérapie génique est très bien adap­tée pour la rétine, car les injec­tions peu­vent se faire locale­ment et le nom­bre de cel­lules devant être mod­i­fiées reste limité. 

Quels sont les avantages de la thérapie génique ?

Les cel­lules de la rétine, comme tous les neu­rones, sont très rarement (voire jamais) rem­placées. Ain­si, en leur trans­met­tant et leur injec­tant un gène guéris­seur, nous pou­vons espér­er réalis­er une action cor­rec­tive de très longue durée, peut-être même jusqu’à la fin de vie du patient. 

Cette approche thérapeu­tique est très inno­vante… Con­traire­ment aux médica­ments admin­istrés tout au long d’une vie, la thérapie génique s’applique en une seule fois ! Elle est donc effi­ciente non seule­ment d’un point de vue médi­cal, mais égale­ment sous l’angle économique : un seul traite­ment qui va dur­er plusieurs années ! 

Nous devons donc égale­ment innover dans les dis­cus­sions avec les organ­ismes payeurs (assureurs, sécu­rité sociale) qui sont jusqu’à main­tenant habitués à pay­er des traite­ments sur une base récurrente ! 

Avez-vous obtenu des résultats ?

La méthodolo­gie util­isée par iBionext per­met de dévelop­per très rapi­de­ment de nou­velles approches thérapeutiques. 

Ain­si, moins d’un an après notre créa­tion, nous avons effec­tué une pre­mière phase d’essai clin­ique sur des per­son­nes souf­frant de la mal­adie de Leber entre 2013 et 2014. Les résul­tats sont con­clu­ants : les patients ont obtenu une évo­lu­tion sig­ni­fica­tive de leur acuité visuelle. 

Récem­ment, nous avons lancé un essai clin­ique de phase III que nous menons dans des cen­tres aux États-Unis et en Europe chez les malades ayant per­du la vue depuis moins d’un an. Les pre­miers résul­tats sont atten­dus au pre­mier trimestre de l’année prochaine. 

Espérez-vous une mise sur le marché rapide ?

Plus nous inter­venons tôt dans la patholo­gie, plus les résul­tats devraient être majeurs pour les patients. Si ce dernier essai con­firme nos espoirs, nous pour­rons envis­ager de dépos­er une demande de mise sur le marché de notre traite­ment en Europe et aux États-Unis, d’ici la fin de l’année 2018. 

Qu’en est-il pour la rétinopathie pigmentaire ?

En liai­son avec l’Institut de la Vision à Paris, nos études ont porté sur des mod­èles ani­maux, y com­pris sur des pri­mates, et nous avons pu mon­tr­er que ces ani­maux aveu­gles retrou­vaient des com­porte­ments visuels presque normaux. 

À la fin de l’été 2017, nous déposerons auprès des autorités régle­men­taires nord-améri­caine, anglaise et française une autori­sa­tion pour démar­rer les essais clin­iques chez l’Homme.

Qui sont vos collaborateurs ?

Nous col­laborons essen­tielle­ment avec des organ­ismes sci­en­tifiques académiques (Uni­ver­sité Pierre et Marie Curie, CNRS, Col­lège de France) des clin­i­ciens (Insti­tut de la Vision, Hôpi­tal de la Fon­da­tion Rotschild, CHNO des XV-XX), mais aus­si ingénieurs, dont des polytechniciens. 

Nous tra­vail­lons égale­ment avec des cen­tres uni­ver­si­taires pres­tigieux améri­cains (MIT), suiss­es (Mrei­drich Mis­ch­er Insti­tute) et alle­mands (Max Planck institute). 

Quelles sont vos ambitions ?

Les pre­miers résul­tats obtenus nous inci­tent à recom­man­der un traite­ment pré­coce des malades et à met­tre notre pre­mier pro­duit sur le marché le plus rapi­de­ment possible. 

Nous espérons que notre approche pour­ra être trans­posée dans d’autres mal­adies du sys­tème nerveux central.

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