La réduction de la durée légale du travail : une fausse solution à un vrai problème

Dossier : Emploi et temps de travailMagazine N°532 Février 1998
Par Jacques LESOURNE (48)
Par Antoine-Tristan MOCILNIKAR (86)

C’est en fait en tra­vail­lant plus que l’on peut espér­er baiss­er le niveau du chô­mage. Lorsque l’on com­pare la sit­u­a­tion de la France à celle d’autre pays, on con­state que la France cumule un taux de chô­mage élevé et un nom­bre d’heures de tra­vail annuel faible. Plus pré­cisé­ment, le nom­bre total d’heures tra­vail­lées annuelle­ment (ramené à la pop­u­la­tion en âge de tra­vailler) est en France inférieur de 13 % à celui de la Suède, de 33 % à celui de l’Aus­tralie, de plus de 40 % à ceux du Japon et des États-Unis, des pays représen­tant dif­férents mod­èles soci­aux et dans lesquels le chô­mage est inférieur à 8 %.

Ce que per­son­ne n’ose dire c’est que la réduc­tion serait par­ti­c­ulière­ment défa­vor­able pour les per­son­nes les plus frag­iles, les plus touchées par le chô­mage, à savoir les peu qual­i­fiés et les peu diplômés. En effet, quel que soit le dis­posi­tif retenu, il serait hors de ques­tion de dimin­uer les salaires nets des moins qual­i­fiés qui sont au demeu­rant dans la norme inter­na­tionale. En con­séquence, le coût horaire du tra­vail peu qual­i­fié, c’est-à-dire la somme de ces salaires nets et des charges, aug­menterait mécanique­ment et les plus faibles, non capa­bles de jus­ti­fi­er un tel coût du tra­vail seraient exclus.

Il n’en reste pas moins que, dans une entre­prise don­née, la direc­tion peut envis­ager, avec l’ac­cord des salariés, une réduc­tion de la durée effec­tive de tra­vail afin d’embaucher, de réor­gan­is­er et de ren­dre plus effi­cace l’en­tre­prise. De telles ini­tia­tives dépen­dant pro­fondé­ment de la sit­u­a­tion des entre­pris­es font quelles ne sont pas général­is­ables à l’ensem­ble de la France. Des dis­posi­tifs peu­vent être utiles ponctuelle­ment, comme ceux prévus par la loi Robi­en. Lorsqu’ils sont appliqués à des secteurs entiers, ils devi­en­nent inopérants.

Le cas néer­landais est aus­si sou­vent évo­qué pour jus­ti­fi­er les mesures de baisse de durée légale du tra­vail. Une analyse rigoureuse de ce qui s’est passé mon­tre au con­traire que c’est un ensem­ble de mesures qui a per­mis à ce pays de revenir au plein emploi. Aux Pays-Bas, en 1982, à la suite du marasme des années 1970, une con­cer­ta­tion entre gou­verne­ment, patronat et syn­di­cats a été engagée. Patronat et syn­di­cats se sont con­certés, sans la présence de l’É­tat, et ont signé un accord dans lequel les syn­di­cats accep­taient un gel des salaires pour dix ans, tan­dis que le patronat s’en­gageait à dévelop­per l’emploi, sans aide de l’État.

Les négo­ci­a­tions ont été décen­tral­isées dans les entre­pris­es. En même temps, le gou­verne­ment a maîtrisé les dépens­es publiques, notam­ment en tail­lant dans les bud­gets soci­aux, ce qui lui a per­mis de baiss­er les prélève­ments. Il a adop­té une poli­tique de déré­gle­men­ta­tion, a sup­primé les horaires de fer­me­ture oblig­a­toire pour les mag­a­sins et a bais­sé le salaire min­i­mum pour les jeunes. La réduc­tion du temps de tra­vail de deux heures n’est qu’un des aspects de la réus­site néer­landaise. D’ailleurs, au début de la décen­nie, le mou­ve­ment de réduc­tion col­lec­tive du temps de tra­vail s’est essouf­flé. Les salariés doré­na­vant préfèrent les hauss­es de salaires à la baisse du temps de travail.

La réduc­tion de la durée légale du temps du tra­vail s’avère une fausse solu­tion à un vrai prob­lème. Elle aggrav­erait même la sit­u­a­tion des per­son­nes les plus touchées par le chô­mage. Elle procède de con­cep­tions erronées et d’une général­i­sa­tion abu­sive tirée de cas par­ti­c­uliers. Au niveau de l’en­tre­prise, il est pos­si­ble d’en­tre­pren­dre une réduc­tion de la durée du tra­vail lorsqu’elle est asso­ciée à une mod­erni­sa­tion de l’or­gan­i­sa­tion du tra­vail. Un proces­sus de négo­ci­a­tion décen­tral­isée peut être intéres­sant. Mais, il serait néfaste que, pour lut­ter con­tre le chô­mage, l’on fixe comme taquet les 35 heures à une date donnée.

Les mod­èles qui décrivent pré­cisé­ment le marché du tra­vail aboutis­sent à des con­clu­sions défa­vor­ables quant à la réduc­tion de la durée légale du temps de travail.

Une sim­ple “règle de trois” mon­tre, qu’à vol­ume don­né d’heures de tra­vail dans l’ensem­ble de l’é­conomie, une réduc­tion du temps de tra­vail induit un accroisse­ment de l’emploi. Dans cette per­spec­tive, réduire le temps de tra­vail est un moyen de partager le tra­vail. Mal­heureuse­ment, la “règle de trois” est un instru­ment ana­ly­tique beau­coup trop fruste pour éval­uer l’im­pact de la réduc­tion du temps de tra­vail. Il y a de bonnes raisons de penser que le vol­ume d’heures de tra­vail désiré par les entre­pris­es n’est pas indépen­dant de la durée du tra­vail qui au con­traire entraîne des réac­tions des agents impliqués dans le proces­sus de pro­duc­tion. Les con­séquences d’une réduc­tion du temps de tra­vail sur l’emploi dépen­dent fon­da­men­tale­ment, in fine, de la manière dont les entre­pris­es et les tra­vailleurs réagis­sent aux mesures qui per­me­t­tent de la met­tre en œuvre.

Si l’on veut exam­in­er l’ef­fet d’une réduc­tion du temps de tra­vail sur le taux de chô­mage cette mesure doit être analysée dans un sché­ma où le chô­mage est mod­élisé et appa­raît même en régime per­ma­nent. De tels mod­èles sont récents, la richesse qu’ils appor­tent à la sci­ence économique n’a pas encore été inté­grée à la macro-économétrie qui con­sid­ère le chô­mage encore comme un sol­de per­me­t­tant d’é­galis­er les emplois et les ressources.

Dans la réal­ité, le coût du tra­vail d’équili­bre et sa com­posante le salaire résul­tent d’un proces­sus de for­ma­tion des salaires rel­a­tive­ment com­plexe qui com­prend en par­ti­c­uli­er des négo­ci­a­tions salar­i­ales. Les vari­ables clefs, qui con­di­tion­nent l’ef­fi­cac­ité d’une réduc­tion du temps de tra­vail, sont alors la durée d’u­til­i­sa­tion des équipements, la pro­duc­tiv­ité du tra­vail, le coût du tra­vail et la réponse des salaires. Ce sont évidem­ment les parte­naires soci­aux qui con­trô­lent ces vari­ables. La régle­men­ta­tion des horaires n’a donc pas d’ef­fets pure­ment mécaniques, qui peu­vent s’ap­préhen­der en faisant abstrac­tion des comportements.

Ain­si, c’est de ces com­porte­ments qu’il faut ren­dre compte pour éval­uer l’im­pact d’une mod­i­fi­ca­tion de la régle­men­ta­tion de la durée du tra­vail. Il existe plusieurs mécan­ismes à tra­vers lesquels la sta­bil­ité des salaires tend à ne pas être pérenne et à tra­vers lesquels une réduc­tion du temps de tra­vail tend en fait à ne pas réalis­er l’ef­fet prévu par la “règle de trois” :

  • par l’aug­men­ta­tion du salaire horaire demandé par les syn­di­cats, afin de pro­téger le niveau de con­som­ma­tion de leurs mem­bres salariés qui dépend du salaire mensuel ;
  • par l’aug­men­ta­tion du salaire horaire offert par les entre­pris­es, afin de main­tenir con­stant le niveau d’inci­ta­tion vis-à-vis des salariés, ce qui per­met de garder le niveau de qual­ité du tra­vail, la loy­auté et la motivation ;
  • par une éventuelle diminu­tion du nom­bre de deman­deurs d’emploi dans des caté­gories moins touchées par le chô­mage ce qui ren­forcerait le pou­voir des salariés en place. Les entre­pris­es ren­con­treront donc plus de dif­fi­culté pour trou­ver des can­di­dats. Il y aura alors une poussée à la hausse des salaires. En out­re, l’ap­pariement entre offre et demande d’emploi sur le marché du tra­vail dimin­uera, traduisant des ten­sions sur le marché du tra­vail accrues. Le coût de recherche d’un act­if s’ac­croî­tra, ce qui implique en plus de la hausse des salaires une aug­men­ta­tion des coûts non salari­aux du travail ;
  • par l’aug­men­ta­tion des coûts uni­taires de pro­duc­tion, qui est due à l’ex­is­tence de coûts fix­es. Ces coûts fix­es cor­re­spon­dent à une sur­face de bureau, par­ti­c­ulière­ment onéreuse dans les grandes villes ou au temps néces­saire à la for­ma­tion des nou­veaux salariés, à des coûts admin­is­trat­ifs, des coûts de sélec­tion du per­son­nel ou des coûts d’ac­cès à une cantine ;
  • par la baisse de la pro­duc­tiv­ité horaire du tra­vail, car la pro­por­tion de temps de tra­vail impro­duc­tif (temps de mise en route, paus­es…) aug­mente lorsque le temps de tra­vail diminue ;
  • par la baisse de la pro­duc­tiv­ité du cap­i­tal, car la durée d’u­til­i­sa­tion des équipements, en l’ab­sence de réor­gan­i­sa­tions mas­sives, est une fonc­tion crois­sante de la durée du travail ;
  • par l’inci­ta­tion à sub­stituer à l’emploi des heures sup­plé­men­taires, compte tenu du change­ment de leur coût relatif ;
  • par l’inci­ta­tion à sub­stituer à l’emploi du temps sup­plé­men­taire d’u­til­i­sa­tion des équipements.


Ces effets con­tre­car­rent l’ef­fet arith­mé­tique qui résulte du partage d’un vol­ume d’heures de tra­vail don­né. Plus pré­cisé­ment, la réduc­tion du temps de tra­vail, en mod­i­fi­ant les salaires horaires, les coûts des fac­teurs de la pro­duc­tion agit aus­si sur le niveau de pro­duc­tion choisi par les entre­pris­es ; par con­séquent, le vol­ume d’heures de tra­vail demandé dans l’ensem­ble de l’é­conomie ne demeure pas constant.

Quelques ordres de grandeurs per­me­t­tent de juger de l’im­por­tance de ces con­sid­éra­tions et expliquent la dif­fi­culté de mise en place d’une réduc­tion autori­taire de la durée du tra­vail. Un sondage récent de la CEGOS éval­ue à 10 000 F par an la dépense par employé de la fonc­tion des ressources humaines (recrute­ment, for­ma­tion, médecine du tra­vail, paie). Si on ajoute un loy­er de 1 200 F par mois pour le bureau et 10 000 F par an pour les autres coûts fix­es (encadrement, CE…), le coût fixe atteint 35 000 F l’an, ce qui représente 30 % du coût salar­i­al d’un Smi­card (105 000 F l’an).

Deux Smi­cards à mi-temps, qui ne parta­gent pas le même bureau, coû­tent 175 000 F, tan­dis qu’un Smi­card à plein temps coûte 140 000 F. À vol­ume de tra­vail iden­tique et à salaire horaire con­stant, le coût est aug­men­té de 35 000 F soit de 25 %. Même pour des qual­i­fi­ca­tions mod­estes les coûts fix­es sont impor­tants. La plu­part des bou­tiques pro­curent des tick­ets restau­rants à leurs vendeurs et con­tribuent en par­tie à leurs frais de trans­port, ce qui revient à près de 8 000 F par an. Une secré­taire induit des frais de l’or­dre de 12 000 F par an et un ouvri­er de l’in­dus­trie auto­mo­bile de l’or­dre de 30 000 à 40 000 F par an. On com­prend alors que pour une entre­prise, il soit plus effi­cace de redis­tribuer les revenus que de redis­tribuer le tra­vail par une réduc­tion de la durée du travail.

Une réduc­tion de la durée légale, ou max­i­male, du tra­vail accroît donc générale­ment le coût de pro­duc­tion d’un bien et par­fois le coût horaire du tra­vail. L’ef­fet de la réduc­tion de la durée du tra­vail en ter­mes d’emplois est faible, légère­ment posi­tif ou négatif suiv­ant les mod­èles. En revanche, dans tous les cas l’ef­fet sur la pro­duc­tion est négatif. La crois­sance est net­te­ment ralen­tie entraî­nant une aggra­va­tion de la sit­u­a­tion des finances publiques.

Ces mod­èles mon­trent que deux autres idées sur la réduc­tion du temps de tra­vail procè­dent d’un raison­nement erroné : le partage des gains de pro­duc­tiv­ité et le finance­ment par l’É­tat. Si une par­tie du coût lié à la réduc­tion autori­taire d’ho­raires peut être com­pen­sée par les gains de pro­duc­tiv­ité, le fait même d’at­tribuer la total­ité de ces gains aux salariés affaib­lit l’en­tre­prise, engagée dans une guerre des prix qui l’oblige à réserv­er une grande par­tie des gains de pro­duc­tiv­ité aux clients pour rester dans le marché. De même, croire que la diminu­tion con­statée de la part des salaires dans la valeur ajoutée des entre­pris­es est de nature à leur per­me­t­tre de sup­port­er des hauss­es de coûts salari­aux est une erreur, aus­si longtemps que les entre­pris­es français­es n’au­ront pas rétabli une rentabil­ité égale à celle de leurs parte­naires étrangers (ce qui est loin d’être le cas comme le mon­tre le rap­port réal­isé pour le min­istère de l’In­dus­trie France Indus­trie 2000).

L’ex­a­m­en de la rela­tion entre durée du tra­vail et emploi dans dif­férents cadres sug­gère donc qu’au­cun argu­ment théorique robuste ne jus­ti­fie l’ef­fi­cac­ité de la réduc­tion du temps de tra­vail pour accroître l’emploi.

Lors d’un pas­sage effec­tif de la semaine à 35 heures, si la com­pen­sa­tion salar­i­ale est totale, pour com­penser l’ac­croisse­ment de charges et laiss­er inchangé le coût du tra­vail glob­al, l’aide de l’É­tat devrait représen­ter plusieurs cen­taines de mil­liards de francs par an. Si la com­pen­sa­tion n’est que par­tielle, l’aide cor­re­spondrait à une frac­tion de ce mon­tant qui pour­rait cepen­dant dépass­er le point de PIB. Le sub­ven­tion­nement de la réduc­tion oblig­a­toire du temps de tra­vail abouti­rait à financer une par­tie de la masse salar­i­ale du secteur privé sans qu’il y ait eu dans l’é­conomie de réor­gan­i­sa­tion. Afin de ne pas accroître les déficits, il faudrait aug­menter les prélève­ments oblig­a­toires. L’ef­fet négatif sur l’emploi, qui est rarement pris en compte, serait du même ordre que les éventuels effets béné­fiques de la mesure. Pour un tel finance­ment on peut met­tre en place des mesures plus effi­caces comme une baisse des charges très ciblée sur les peu qualifiés.

Les mesures autoritaires sont particulièrement défavorables aux peu qualifiés

La force de tra­vail est répar­tie en une mul­ti­plic­ité de qual­i­fi­ca­tions. Elles ne font pas face à un risque iden­tique de chô­mage. L’analyse de la struc­ture du chô­mage par qual­i­fi­ca­tion le con­firme : en France, depuis 1968, alors que le taux de chô­mage des très qual­i­fiés s’est main­tenu en dessous de 7 %, le taux de chô­mage des non- qual­i­fiés a aug­men­té con­tinû­ment jusqu’en 1984 et se main­tient depuis à un niveau voisin de 18 %.

Le coût relatif pour l’employeur de chaque qual­i­fi­ca­tion déter­mine le vol­ume de tra­vail offert par qual­i­fi­ca­tion pour un cer­tain niveau d’ac­tiv­ité économique. En cas de réduc­tion autori­taire et générale de la durée du tra­vail, si la rémunéra­tion des tra­vailleurs est main­tenue, le coût uni­taire du tra­vail va aug­menter pour les employeurs. Comme il y a des coûts fix­es, le coût relatif des emplois les moins qual­i­fiés va aug­menter. Les employeurs vont donc sub­stituer alors d’autres fac­teurs de pro­duc­tion au tra­vail de com­pé­tence faible.

Si la réduc­tion du temps de tra­vail s’ac­com­pa­gne d’une baisse pro­por­tion­nelle de la rémunéra­tion des tra­vailleurs, on peut penser que la durée réelle­ment effec­tuée va aus­si baiss­er. On peut, en par­ti­c­uli­er, penser que les cadres qui ver­raient leurs salaires baiss­er exig­eraient des com­pen­sa­tions en ter­mes de baisse effec­tive de la durée du tra­vail, même si pour eux cette durée n’est pas contractuelle.

Ces enseigne­ments doivent inciter à la pru­dence. Le chô­mage con­cerne en pri­or­ité les tra­vailleurs les moins qual­i­fiés, pour lesquels les prob­lèmes de coûts du tra­vail sont les plus sail­lants. La diminu­tion du temps de tra­vail, risque, au lieu de favoris­er un partage du tra­vail plus équitable, d’ac­croître les iné­gal­ités en déplaçant la demande de tra­vail vers des emplois plus qualifiés.

Si le chiffre d’af­faires d’une entre­prise dépend du tra­vail de com­merçants expéri­men­tés et longs à for­mer ou de l’ex­is­tence de tech­ni­ciens con­fir­més assur­ant le ser­vice après-vente, la baisse du temps de tra­vail de ces caté­gories va réduire l’ac­tiv­ité de l’en­tre­prise et la con­train­dra à dimin­uer ses effec­tifs peu qual­i­fiés. La baisse de la durée du tra­vail, qui réduit la durée du temps de tra­vail des per­son­nes por­teuses de com­pé­tences rares, a une influ­ence néga­tive sur le vol­ume de la pro­duc­tion. Le vol­ume total des emplois pro­posés aux tra­vailleurs peu qual­i­fiés va dimin­uer et leur niveau de chô­mage va s’accroître.

Ain­si, la réduc­tion autori­taire de la durée de tra­vail n’au­rait d’ef­fet béné­fique sur les peu qual­i­fiés que si elle se lim­i­tait à eux avec une baisse des rémunéra­tions des tra­vailleurs légère­ment plus grande que celle de leur durée de tra­vail du fait de l’ex­is­tence des coûts fix­es. Ces con­di­tions sont sociale­ment inac­cept­a­bles et elles sont bien sûr à rejeter. Par ailleurs, dans le passé, la réduc­tion s’est tou­jours faite à salaire glob­al égal.

Les dif­férents élé­ments empiriques dont on dis­pose sont défa­vor­ables aux mesures de réduc­tion autori­taire du temps de travail

Les enseigne­ments que les études empiriques appor­tent sur les expéri­ences récentes peu­vent éclair­er le débat. L’or­don­nance du 16 jan­vi­er 1982 a ramené de 40 à 39 heures la durée heb­do­madaire du temps de tra­vail. Puis, a été accordée la cinquième semaine de con­gés payés. Les éval­u­a­tions, qui ont pu être faites, de l’im­pact de cette mesure sont mul­ti­ples. Elles per­me­t­tent de mesur­er l’am­pleur des emplois créés ou préservés du fait de cette mesure. Une enquête de l’IN­SEE con­clut que le nom­bre d’embauches induites se situe entre 14 000 et 38 000.

Par com­bi­nai­son de dif­férentes sources, le min­istère du Tra­vail a con­clu en 1984 que l’emploi créé était de l’or­dre de 35 000, un chiffre voisin donc. Gilbert Cette a pro­duit une étude rétro­spec­tive à par­tir d’un mod­èle macroé­conométrique. L’idée était de retrou­ver le nom­bre d’emplois créés don­né par les études, en util­isant un mod­èle avec le plus de don­nées pos­si­bles. L’ef­fet emploi est éval­ué à env­i­ron 145 000, un chiffre large­ment supérieur à la réal­ité constatée.

Si l’on reprend pour­tant cette éval­u­a­tion très favor­able, un peu moins de 150 000 emplois auraient été créés, ce qui cor­re­spond à une hausse de l’emploi de 0,7 %, alors que la baisse effec­tive du temps de tra­vail a été de 5 % si l’on se réfère à une base annuelle (pas­sage pour les salariés, en 1981, de 1 641 heures , à 1 559 heures, en 1983). Une étude de l’ U.I.M.M. trou­ve une telle rela­tion entre les deux chiffres. Selon cette étude, basée sur des sim­u­la­tions de mise en place de la semaine de 32 heures, on observerait un accroisse­ment de l’emploi de l’or­dre de 2 %, lors du pas­sage à la semaine de 32 heures (soit une baisse du temps de tra­vail de l’or­dre de 15 %).

Les entre­pris­es con­cernées seraient en out­re mis­es en dif­fi­culté, notam­ment à cause de l’aug­men­ta­tion des coûts. Lorsqu’on utilise cette rela­tion dou­ble­ment validée, on est alors très loin des prévi­sions don­nées par les pro­mo­teurs de la réduc­tion du temps de tra­vail. Cer­tains par­ti­sans des 32 heures sug­gèrent une hausse de 10 % (et non 2 %) lors du pas­sage à la semaine de qua­tre jours. L’OFCE sug­gère une hausse de l’emploi de l’or­dre de 5 à 7 % (et non 1,5 %) lors du pas­sage à la semaine de 35 heures.

Les prévi­sions les plus opti­mistes de créa­tion d’emplois sont donc non seule­ment en con­tra­dic­tion absolue avec les résul­tats issus de mod­èles décrivant fine­ment le marché du tra­vail mais aus­si avec les élé­ments que l’on peut observer.

Finale­ment, les don­nées empiriques sem­blent mon­tr­er qu’actuelle­ment les salariés priv­ilégient la crois­sance du revenu men­su­el à la baisse effec­tive de la durée du tra­vail. C’est ce que mon­tre l’évo­lu­tion du partage des gains de pro­duc­tiv­ité. Ceux-ci sont passés de 4 % en 1970 à 2 % en 1995. En début de péri­ode il était donc pos­si­ble de réduire de 2% le temps de tra­vail par an et d’aug­menter le pou­voir d’achat par tête de 2 %.

Actuelle­ment, on observe une stag­na­tion de la durée de tra­vail annuelle effec­tive et donc un gain par tête de 2 % l’an, traduisant le fait que dans une péri­ode où la pro­duc­tiv­ité horaire donc les gains de rémunéra­tion du tra­vail bais­sent, le pou­voir d’achat est préféré aux loisirs. Les deux tiers des salariés priv­ilégient encore le pou­voir d’achat au temps libre, comme le mon­tre une étude du CREDOC. Et ils boy­cottent les accords qui amputent sig­ni­fica­tive­ment leurs revenus. Certes, lorsque la survie de l’en­tre­prise est en jeu, ils peu­vent accepter de baiss­er leur traite­ment en même temps que le temps de tra­vail. Mais il s’ag­it alors de chô­mage par­tiel déguisé. De même, les heures sup­plé­men­taires sont plébisc­itées. En 1994, elles ont représen­té entre 90 000 et 270 000 emplois sup­plé­men­taires. D’ailleurs aux États-Unis, où les gains salari­aux stag­nent, la durée du tra­vail augmente.

Les mod­èles macro-économiques de court terme sont rel­a­tive­ment favor­ables aux mesures de réduc­tion autori­taire du temps de tra­vail. Cepen­dant, intrin­sèque­ment ils ne peu­vent pas être util­isés pour éval­uer l’im­pact d’une mesure de réduc­tion du temps de travail.

À défaut de pou­voir les expéri­menter, les par­ti­sans du partage du temps de tra­vail ont cher­ché une val­i­da­tion économétrique de leurs propo­si­tions. Les sim­u­la­tions effec­tuées par l’OFCE à par­tir du mod­èle Mosaïque font état d’une diminu­tion du chiffre du chô­mage de 1 mil­lion, sur trois années, en cas de pas­sage pro­gres­sif aux 35 heures. Cer­tains ont voulu voir dans ces exer­ci­ces économétriques la con­fir­ma­tion de l’ef­fi­cac­ité d’une réduc­tion de la durée du tra­vail comme moyen de lutte con­tre le chô­mage. À s’en tenir pré­cisé­ment aux chiffres avancés par l’OFCE, on pour­rait penser qu’ils ont rai­son. Ce serait oubli­er les com­men­taires qui accom­pa­g­nent la présen­ta­tion des dif­férentes sim­u­la­tions. Selon l’OFCE, pour que le pas­sage à 35 heures de la durée heb­do­madaire du tra­vail se traduise par une créa­tion mas­sive d’emplois, plusieurs con­di­tions doivent être réu­nies : baisse pro­por­tion­nelle des salaires supérieurs à 1,5 fois le SMIC, aug­men­ta­tion de 10 % de la durée d’u­til­i­sa­tion des équipements par le développe­ment du tra­vail en con­tinu, baisse de 4 points du taux de coti­sa­tions sociales des employeurs.

Ces con­di­tions sup­posent aus­si l’ac­cord des salariés pour une baisse de leurs revenus, y com­pris ceux qui, comme les cadres, ne béné­ficieront pas d’une réduc­tion effec­tive de leur durée du tra­vail. Il faut en out­re tabler sur une aug­men­ta­tion de la pro­duc­tiv­ité du tra­vail et sur une aug­men­ta­tion de la pro­duc­tiv­ité du cap­i­tal. Dans le pre­mier cas, cela implique une diminu­tion de cer­tains temps de pause, de repas ou de pas­sa­tion de con­signes. Le tra­vail sera plus pénible pour le salarié. Dans le sec­ond cas, on observe une réor­gan­i­sa­tion qui per­met l’al­longe­ment de la durée d’u­til­i­sa­tion des équipements. Le salarié tra­vaillera de façon plus fréquente la nuit ou le week-end ou avec des horaires décalés dont on con­naît les effets sur la san­té et la qual­ité de la vie. Jean-Paul Fitous­si, prési­dent de l’OFCE, en con­clut logique­ment que ces con­di­tions sont “si nom­breuses, et cer­taines si peu prob­a­bles, qu’on doute qu’elles puis­sent être effec­tive­ment réunies”.

Les mod­èles économétriques sup­posent que les entre­pris­es embauchent automa­tique­ment si la durée du tra­vail est réduite. Ils éval­u­ent non pas la pos­si­bil­ité a pri­ori de ces embauch­es mais les con­di­tions néces­saires à leur réal­i­sa­tion et leurs con­séquences : ten­sions infla­tion­nistes, coûts de pro­duc­tion, compétitivité.

Cer­taines ques­tions ne sont pas traitées, en par­ti­c­uli­er celle, déci­sive, de l’hétérogénéité de la force de tra­vail qui risque de se traduire par une ten­sion pour cer­tains emplois et la per­sis­tance du chô­mage pour cer­tains autres. Par con­struc­tion, ce type de mod­èle raisonne comme s’il y avait une masse de tra­vail dont la répar­ti­tion entre un plus grand nom­bre ne posait aucune dif­fi­culté a pri­ori.

L’idée d’une quan­tité de tra­vail préex­is­tant à sa répar­ti­tion est une pure abstrac­tion, com­mode pour les cal­culs économiques mais trompeuse puisqu’il n’y a pas une masse de tra­vail homogène, mais une somme d’emplois hétérogènes qui s’a­grè­gent locale­ment dans des étab­lisse­ments selon des com­bi­naisons spé­ci­fiques. Les mod­èles macroé­conométriques ignorent aus­si l’im­pact sur l’emploi d’une baisse de rentabil­ité que con­naî­traient les entre­pris­es soumis­es à cette poli­tique. Ils font l’im­passe sur le com­porte­ment des acteurs sociaux.

Ils ne peu­vent évidem­ment savoir com­ment les entre­pris­es réa­gi­raient en cas de réduc­tion de la durée du tra­vail : sur­mon­teraient-elles leur aver­sion actuelle pour l’embauche et trou­veraient-elles sur le marché du tra­vail les qual­i­fi­ca­tions qu’elles recherchent. Ils ne peu­vent pas plus s’a­vancer sur l’at­ti­tude des salariés face à une baisse ou un ralen­tisse­ment de la crois­sance de leurs revenus. Les entre­pris­es pensent emplois et charges afférentes avant de penser quan­tités de tra­vail, préférant par­fois lim­iter leur pro­duc­tion pour ne pas avoir à aug­menter leurs effec­tifs. L’ac­croisse­ment des effec­tifs dans une entre­prise pose un grand nom­bre de prob­lèmes que ces mod­èles ne peu­vent pren­dre en compte. 

Cette cri­tique ne s’adresse pas aux mod­élisa­teurs mais à une cer­taine lec­ture des sim­u­la­tions économétriques ten­dant à voir dans ces exer­ci­ces la preuve défini­tive de l’ef­fi­cac­ité d’une poli­tique de réduc­tion de la durée du tra­vail. On sait, grâce aux mod­èles économétriques, que la réduc­tion de la durée du tra­vail pour être créa­trice d’emplois doit impéra­tive­ment s’ac­com­pa­g­n­er d’une exten­sion de la durée d’u­til­i­sa­tion des équipements et être sans effet sur le salaire horaire. Mais ces con­di­tions indis­pens­ables, déjà dif­fi­ciles à réalis­er, ne sont pas suff­isantes et ne garan­tis­sent pas la décrue du chômage.

Les Français travaillent déjà relativement peu et de plus en plus différemment

Les par­ti­sans du partage du tra­vail dévelop­pent un autre argu­ment fort en faveur de leur thèse : l’ob­ser­va­tion de la ten­dance sécu­laire à la baisse du temps de tra­vail. Mais rien ne garan­tit que cette ten­dance se pour­suiv­ra indéfin­i­ment. Il n’y a plus aujour­d’hui, sauf pour cer­taines caté­gories, de néces­sité vitale à une réduc­tion du temps de tra­vail. La baisse s’est d’ailleurs enrayée dans la plu­part des pays occi­den­taux, notam­ment aux États-Unis où la durée heb­do­madaire moyenne demeure sen­si­ble­ment plus élevée qu’en Europe.

Le cas néerlandais
Avant de con­naître leur réus­site actuelle, les Pays-Bas ont frôlé la qua­si-fail­lite à la fin des années 70. Alors que les finances publiques n’é­taient plus sous con­trôle, que la rentabil­ité des entre­pris­es s’éro­dait au point de voir dis­paraître l’in­vestisse­ment et que le chô­mage frôlait la barre des 12 % de la pop­u­la­tion active, une con­cer­ta­tion entre gou­verne­ment, patronat et syn­di­cats a per­mis de met­tre sur pied un traite­ment de fond. En 1982, patronat et syn­di­cats se con­cer­tent, sans la présence de l’É­tat, et sig­nent l’ac­cord de Wasse­naar. Les syn­di­cats acceptent un gel des salaires pour dix ans, tan­dis que le patronat s’en­gage à dévelop­per l’emploi, sans aide de l’É­tat. Les négo­ci­a­tions, dans les années suiv­antes, ont été décen­tral­isées tou­jours plus, dans les branch­es pro­fes­sion­nelles, puis dans les entre­pris­es. En même temps, le gou­verne­ment s’est engagé à maîtris­er les dépens­es publiques, notam­ment en tail­lant dans les bud­gets soci­aux, ce qui per­me­t­tra de baiss­er les prélève­ments par la suite. Il déré­gle­mente, sup­prime les horaires de fer­me­ture oblig­a­toire pour les mag­a­sins et abaisse le salaire min­i­mum pour les jeunes.
Une telle atti­tude s’ex­plique par un con­sen­sus social et poli­tique qui voit patronat et syn­di­cats dis­cuter de tout en per­ma­nence. Cette atti­tude coopéra­tive a per­mis de faire accepter le sac­ri­fice d’in­térêts financiers immé­di­ats au prof­it de ceux des chômeurs et des salariés futurs. Les effec­tifs des syn­di­cats n’ont en rien dimin­ué. Au con­traire, ils ont même aug­men­té de 25 % au cours des huit ou neuf dernières années. Dans toute cette évo­lu­tion, l’É­tat n’a joué aucun rôle moteur, se con­tentant d’ac­com­pa­g­n­er les parte­naires soci­aux sans sub­ven­tion­ner les accords conclus.
Le mou­ve­ment amor­cé à Wasse­naar s’est donc traduit par une baisse du temps de tra­vail, de 40 heures en 1982 à 38 heures env­i­ron au début des années 90. Simul­tané­ment, les entre­pris­es ont gag­né en flex­i­bil­ité de l’or­gan­i­sa­tion du tra­vail, et donc en com­péti­tiv­ité, et le tra­vail à temps par­tiel a con­nu un développe­ment impres­sion­nant : il con­cerne aujour­d’hui 36 % des salariés dont 15 % des hommes et 66 % des femmes. Au début de la décen­nie, le mou­ve­ment de réduc­tion col­lec­tive du temps de tra­vail s’est essouf­flé. Les salariés doré­na­vant préfèrent les hauss­es de salaires à la baisse du temps de travail.
Les entre­pris­es, n’ayant pas sac­ri­fié leur rentabil­ité à la réduc­tion du temps de tra­vail, ont pu créer de l’emploi. Les salaires ont pro­gressé d’un demi-point par an au lieu de 3 ou 4 % s’il n’y avait pas eu cet accord. Les Pays-Bas ont fait mieux que combler l’é­cart de com­péti­tiv­ité avec les pays voisins (aujour­d’hui, les salaires alle­mands sont 20 % plus élevés). L’emploi a pu dès lors aug­menter de 22 % (depuis 1982).
La réduc­tion du temps de tra­vail et le développe­ment des temps par­tiels ont accéléré l’en­trée des femmes dans la vie active. Si bien que la qua­si-stag­na­tion des revenus indi­vidu­els a été sou­vent com­pen­sée, pour les familles, par l’a­jout du salaire de la con­jointe. La poli­tique de réduc­tion des dépens­es publiques menée depuis quinze ans a per­mis à l’É­tat de dimin­uer ses prélève­ments, si bien que le pou­voir d’achat disponible a con­tin­ué à aug­menter par ce biais.

Il est vrai que la baisse du temps de tra­vail est une ten­dance longue et con­tin­ue depuis 1841, année de la loi sur la réduc­tion du temps de tra­vail pour les enfants. Encore de nos jours, le temps de tra­vail n’a cessé de dimin­uer en France. Entre 1975 et 1995, la durée annuelle moyenne est passée de 1 865 à 1 631 heures, soit une baisse de 12,5 %. Le chiffre tombe à 1 520 heures pour la seule caté­gorie des salariés, du fait de l’al­longe­ment des con­gés payés et du développe­ment du temps par­tiel. Les com­para­isons inter­na­tionales mon­trent égale­ment que notre temps de tra­vail est l’un des plus faibles après l’Alle­magne (1 559 heures). À l’op­posé, le nom­bre d’heures est de 1 735 au Roy­aume-Uni, 1 898 au Japon et 1 952 aux États-Unis.

En la matière, il n’y a donc pas un “retard” nation­al à rat­trap­er, au con­traire. D’ailleurs, la baisse du temps de tra­vail n’est pas inéluctable. En France, il y a eu égale­ment des con­tre-ten­dances, avec aug­men­ta­tion du temps de tra­vail, de 1938 jusqu’à la fin des années 50, à cause du réarme­ment, de la recon­struc­tion et de la croissance.

Pour d’autres raisons, le phénomène est aujour­d’hui iden­tique aux États-Unis, où le temps de tra­vail dans l’in­dus­trie remonte depuis 1980. Il faut rap­pel­er l’ab­sence qua­si totale dans ce pays de lég­is­la­tion sur les heures sup­plé­men­taires. En con­séquence, les États-Unis con­stituent un lab­o­ra­toire grandeur nature dans lequel les employeurs et les salariés déter­mi­nent la durée de tra­vail heb­do­madaire qu’ils jugent préférable. Et cette durée souhaitée est supérieure à la durée française, tend à aug­menter et est com­pat­i­ble avec un taux de chô­mage actuelle­ment de moins de 5 %. Inverse­ment en Europe la baisse de la durée heb­do­madaire s’est faite sous la pres­sion des pou­voirs publics.

Le nom­bre glob­al d’heures tra­vail­lées en France a aus­si beau­coup bais­sé. Ce nom­bre a chuté de 8 % en France, con­tre 5,5 % au Roy­aume-Uni. En revanche, il s’est accru de 11 % au Japon, de 16 % en Alle­magne et de 50 % aux États-Unis. Enfin, le nom­bre moyen d’heures tra­vail­lées par per­son­ne en âge de tra­vailler était en France en 1996 de 967 heures soit une baisse de 20,3 % depuis 1975. Ce nom­bre est de 969 en Alle­magne, 1 179 au Roy­aume-Uni, 1 468 au Japon et 1 420 aux États-Unis. Pour ce dernier pays, cela cor­re­spond à une hausse de 28 % depuis 1975.

Cette très faible quan­tité d’heures tra­vail­lées par per­son­ne en âge de tra­vailler provient de la préférence française pour la divi­sion du tra­vail par généra­tion. Les jeunes pro­lon­gent leurs études, les quin­quagé­naires par­tent en prére­traite, ce qui écarte au total 40 % des per­son­nes en âge de tra­vailler. Le mod­èle français se car­ac­térise donc par une réduc­tion de la car­rière. Une diminu­tion autori­taire du temps de tra­vail, parce qu’elle occulte le prob­lème des coûts et celui de l’hétérogénéité de l’of­fre de tra­vail est une fausse solu­tion dans la lutte con­tre le chô­mage. Elle ne chang­era pas le sort des jeunes jugés inem­ploy­ables par manque d’ex­péri­ence ou des salariés vieil­lis­sants rejetés du marché à cause de leur coût con­sid­éré comme trop élevé par rap­port à leur productivité.

Les expéri­ences de réduc­tion du temps de tra­vail en Alle­magne sont rel­a­tive­ment décevantes
L’Alle­magne fait office de pio­nnier en la matière. Dès 1977, le puis­sant syn­di­cat IG Met­all récla­mait la semaine de 35 heures sans perte de salaire. Il s’agis­sait de créer par là de nou­veaux emplois, mais aus­si de réformer la société en don­nant plus de temps libre aux tra­vailleurs. Le syn­di­cat arrachera en 1984 cette réduc­tion du temps de tra­vail au patronat après la plus grande grève de l’après-guerre. Les syn­di­cats ont, en échange, accep­té plus de flexibilité.
Depuis, ils ont même admis le principe d’une réduc­tion du temps de tra­vail avec perte de salaire si les entre­pris­es s’en­ga­gent à ne pas licenci­er, voire à embauch­er. L’ex­em­ple phare de cette évo­lu­tion est bien sûr Volk­swa­gen, où l’IG Met­all a accep­té en 1993, pour éviter la sup­pres­sion de 30 000 emplois, une diminu­tion du temps de tra­vail de 20 % à 29 heures par semaine, assor­tie d’une perte de salaire allant de 11 à 15 %. Les accords con­ti­en­nent de plus en plus d’ho­raires glis­sants, de temps par­tiel ou de compte-épargne temps. Dans le bâti­ment, où la con­jonc­ture est morose, il est même courant que des ouvri­ers tra­vail­lent jusqu’à 60 heures l’été pour pren­dre leurs vacances l’hiv­er. Même chose dans l’au­to­mo­bile pour faire face aux fluc­tu­a­tions saison­nières des com­man­des. Chez Opel à Ruselsheim, les salariés tra­vail­lent entre 30 et 38,5 heures, qua­tre ou cinq jours par semaine pour une moyenne heb­do­madaire de 35 heures sur l’an­née. On assiste même à l’al­longe­ment de la durée du temps de tra­vail. Comme chez le fab­ri­cant d’ap­pareils de chauffage Viess­mann où les 6700 salariés, pour éviter les licen­ciements, tra­vail­lent, depuis mai 1996, 38 heures payées 35 heures.
Mal­gré ces mesures, la per­for­mance de la métal­lurgie alle­mande n’est pas bonne. Entre 1987 et 1996, elle a per­du 15,8 % de ses effec­tifs en dépit d’une réduc­tion de l’ho­raire heb­do­madaire de 38,5 à 35 heures. Dans le même temps la métal­lurgie française, qui a main­tenu l’ho­raire à 38,5 heures, a vu ses effec­tifs dimin­uer de seule­ment 11,7 %.

Sur le cycle de vie, les Français tra­vail­lent aus­si rel­a­tive­ment peu. Il appa­raît que les hommes ont une durée de tra­vail par­ti­c­ulière­ment faible en France rel­a­tive­ment aux autres pays, 60 635 heures con­tre 65 098 pour l’ensem­ble de l’Eu­rope des 12, 64 578 en Alle­magne, 73 904 au Roy­aume-Uni. Seuls les Belges tra­vail­lent moins que les Français en Europe. Lorsque l’on con­sid­ère les deux sex­es, les Français ne tra­vail­lent plus que 49 507 heures. Dans l’Eu­rope des 12, on tra­vaille 2 % de plus ; au Roy­aume-Uni, 15 % ; aux États-Unis, 24 % et au Japon 44 %.

Finale­ment, la baisse de la durée légale du temps de tra­vail sem­ble être une con­cep­tion archaïque à la vue des développe­ments du marché du tra­vail. Depuis 1982, la durée du tra­vail est sou­vent négo­ciée au niveau de l’en­tre­prise, voire même indi­vid­u­al­isée. Temps par­tiel, horaires atyp­iques (la nuit, le week-end et heures sup­plé­men­taires indi­vidu­elles se sont dévelop­pés, déro­geant à la norme col­lec­tive. Cette diver­si­fi­ca­tion sem­ble être un phénomène général. Si la durée légale reste la norme de référence, les dépasse­ments de la durée légale heb­do­madaire appa­rais­sent de plus en plus fréquents : en France près de 5 % des salariés de l’in­dus­trie à temps com­plet déclar­ent tra­vailler 46 heures ou plus par semaine en 1990.

Selon l’IN­SEE, 23 % des cadres tra­vail­lent aujour­d’hui 46 à 50 heures par semaine, et 26 % de 51 à 60 heures. Dans la plu­part des pays européens, ces pro­por­tions aug­mentent. À l’op­posé, le tra­vail à durée très réduite se propage égale­ment. Le tra­vail à temps par­tiel se développe et par­mi les salariés à temps par­tiel dans les ser­vices, la pro­por­tion de ceux qui tra­vail­lent habituelle­ment au plus 10 heures croît significativement.

Du point de vue du droit, il semble plus opportun de chercher à simplifier la législation de la durée du travail plutôt que de changer la durée légale.

C’est cer­taine­ment dans le domaine de la durée du tra­vail que la flex­i­bil­ité a le plus pro­gressé depuis une quin­zaine d’an­nées, sous l’in­flu­ence de la négo­ci­a­tion col­lec­tive qui a su faire preuve de vital­ité et d’in­no­va­tion à ce niveau, et d’une lég­is­la­tion de plus en plus sou­ple. La loi a en effet stim­ulé et accom­pa­g­né cette évo­lu­tion, en relâchant pro­gres­sive­ment les con­traintes imposées par le régime légal de la durée du travail.

Cette évo­lu­tion s’est pour­suiv­ie avec la loi quin­quen­nale du 20 décem­bre 1993 qui crée notam­ment le tra­vail à temps par­tiel annu­al­isé et la mod­u­la­tion-réduc­tion de la durée du tra­vail sur une base annuelle. Ain­si, dans le cadre juridique actuel, le car­ac­tère col­lec­tif et rigide de la durée heb­do­madaire du tra­vail s’estompe au prof­it de l’in­di­vid­u­al­i­sa­tion et de la mod­u­la­tion des horaires et le recours aux heures sup­plé­men­taires est facilité.

Une ges­tion plus sou­ple et indi­vid­u­al­isée du temps de tra­vail sem­ble d’ailleurs recueil­lir l’ad­hé­sion crois­sante des parte­naires soci­aux, comme en témoigne la pro­gres­sion des accords col­lec­tifs sur le thème de la durée du tra­vail qui a suivi l’ac­cord inter­pro­fes­sion­nel sur l’emploi signé le 31 octo­bre 1995. Les trois organ­i­sa­tions patronales et les qua­tre organ­i­sa­tions syn­di­cales sig­nataires ont enten­du faire pré­val­oir la con­cep­tion “d’amélio­ra­tion de la com­péti­tiv­ité des entre­pris­es au béné­fice de l’emploi”.

C’est cette con­cep­tion que traduit la trentaine d’ac­cords, cou­vrant plus de 4 mil­lions de salariés, con­clus dans le cadre de ces négo­ci­a­tions de branche et que con­cré­tisent les 4 000 accords sur le temps de tra­vail signés dans les entre­pris­es en 1996, année où pour la pre­mière fois le temps de tra­vail devient sans con­teste le pre­mier thème de négo­ci­a­tion dans les entreprises.

Mais cet assou­plisse­ment n’a pu être acquis qu’au prix d’une grande com­plex­ité de la réglementation.

Cette com­plex­ité est liée au fait que le lég­is­la­teur a voulu traduire dans des règles le dou­ble objec­tif de la flex­i­bil­ité du temps de tra­vail : servir les nou­velles aspi­ra­tions des salariés en matière de ges­tion de leur temps de tra­vail et sat­is­faire aux nou­velles con­di­tions de la pro­duc­tion. Elle provient aus­si du fait qu’il n’a pas tranché entre l’im­pératif de flex­i­bil­ité et la pro­tec­tion des droits des salariés, inclu­ant ain­si les modal­ités de l’as­sou­plisse­ment de la durée du tra­vail dans un cadre encore con­traig­nant (comme, par exem­ple, le main­tien d’une déf­i­ni­tion de la durée légale du tra­vail sur une base hebdomadaire).

Dans ces con­di­tions, la recherche des moyens de ren­dre la lég­is­la­tion de la durée du tra­vail mieux adap­tée aux nou­velles don­nées économiques et sociales demande une sim­pli­fi­ca­tion et une clar­i­fi­ca­tion des règles afin de les ren­dre plus opéra­tionnelles plutôt qu’une mod­i­fi­ca­tion de la durée légale.

Ain­si, au niveau des heures sup­plé­men­taires : quand on com­bine les con­tin­gents et les modes de com­pen­sa­tion, on aboutit au moins à 4 types d’heures sup­plé­men­taires. L’in­tro­duc­tion de la mod­u­la­tion des horaires ne sim­pli­fie pas les choses de ce point de vue puisque avec la mod­u­la­tion, de nou­velles com­pen­sa­tions peu­vent appa­raître (for­ma­tion, créa­tion d’emplois, etc.) ain­si que des régimes déroga­toires. En out­re, il existe depuis la loi quin­quen­nale 4 types de mod­u­la­tion de la durée du tra­vail sur des péri­odes de référence var­iées, avec leur pro­pre régime d’heures supplémentaires.

La réduc­tion imposée du temps de tra­vail a des effets défa­vor­ables, mais la durée du tra­vail demeure un élé­ment clé de la négo­ci­a­tion salar­i­ale : que faire alors ?

Si l’on exclut une réduc­tion autori­taire de la durée du tra­vail par trop périlleuse et con­traig­nante, d’au­tant qu’il n’y a pas chez les salariés d’aspi­ra­tion nette en ce sens, il reste à ten­ter de relancer l’ini­tia­tive des acteurs soci­aux dans ce domaine. En ne con­sid­érant le temps de tra­vail qu’en rela­tion avec l’emploi on a aban­don­né l’essen­tiel, c’est-à-dire la réflex­ion sur les formes souhaita­bles d’amé­nage­ment du temps. Ain­si, on est passé à côté de la prin­ci­pale aspi­ra­tion actuelle dans ce domaine : le temps choisi c’est-à-dire non pas la réduc­tion général­isée de la durée du tra­vail mais une meilleure maîtrise du temps en général.

L’employé doit pou­voir choisir la façon de tra­vailler qui soit com­pat­i­ble avec sa vie privée : temps com­plet ou temps par­tiel (mère de famille, étu­di­ants, per­son­nes proches de la retraite…) ; per­ma­nent ou saison­nier ; alter­nance tra­vail-for­ma­tion (adap­ta­tion aux tech­niques nou­velles) ; horaires mobiles. Pour la qual­ité de la vie quo­ti­di­enne il faut sans doute aus­si penser à amé­nag­er les horaires des écoles. De son côté, l’employeur doit pou­voir organ­is­er le tra­vail selon le car­ac­tère saison­nier de l’ac­tiv­ité, comme dans l’hôtel­lerie. Il importe que le lieu de négo­ci­a­tion soit celui de l’entreprise.

Par ailleurs, il faut amé­nag­er le temps de tra­vail sur les dif­férents cycles (jour, semaine, année et vie). Comme la durée de tra­vail sur le cycle de vie est, en France, peu élevée, du fait d’une entrée plus tar­dive dans la vie pro­fes­sion­nelle (allonge­ment de la durée des études, chô­mage des jeunes) et par des sor­ties plus pré­co­ces (développe­ment de l’usage des prére­traites, avance­ment de l’âge de la retraite1, on pour­rait réfléchir à l’al­longe­ment de la durée d’ac­tiv­ité qui per­me­t­trait de mieux répar­tir la durée de tra­vail sur le cycle de vie.

Par ailleurs, lorsque l’É­tat finance en par­tie un accord, il est impératif d’ex­clure toute dis­po­si­tion engen­drant un finance­ment pub­lic défini­tif qui n’en­gen­dr­erait pas les recettes équiv­a­lentes. Il faut con­cevoir des accords per­me­t­tant à court terme de créer de l’emploi et à long terme d’ac­croître la flex­i­bil­i­sa­tion de l’é­conomie. Sub­ven­tion­ner une réduc­tion de la durée du tra­vail ne peut être qu’un élé­ment mar­gin­al. Mieux vaudrait revoir pro­gres­sive­ment toute l’assi­ette des charges sociales.

Entre bonnes et mau­vais­es for­mules de tra­vail à temps réduit, la voie est étroite. Dans tous les cas, ce n’est pas en dévelop­pant l’il­lu­sion que l’on peut venir à bout du chô­mage par la magie d’une réduc­tion autori­taire du temps de tra­vail que l’on avancera. Au con­traire, il faut encour­ager l’ini­tia­tive et la réflex­ion des acteurs soci­aux. Plusieurs con­di­tions nous parais­sent décisives :

  • que les salariés soient libres indi­vidu­elle­ment d’opter pour la réduc­tion de leur durée du tra­vail avec adap­ta­tion pro­por­tion­nelle de leurs salaires ;
  • que les accords de branche et d’en­tre­prise déjà con­clus soient respectés ;
  • que les négo­ci­a­tions soient décen­tral­isées, le plus pos­si­ble au niveau de l’entreprise ;
  • que, en plus des aspi­ra­tions des salariés, le choix de la durée du tra­vail prenne en compte les con­traintes des entreprises ;
  • que les règles légales d’ap­pré­ci­a­tion de la durée du tra­vail soient adap­tées aux formes d’or­gan­i­sa­tion du tra­vail de salariés qui, tels les cadres, ne sont pas embauchés pour accom­plir un cer­tain nom­bre d’heures de tra­vail mais pour l’ac­com­plisse­ment d’une tâche. Cette exi­gence est d’au­tant plus urgente à sat­is­faire que, compte tenu des évo­lu­tions tech­nologiques, le nom­bre de salariés dont le temps de tra­vail n’est pas objec­tive­ment mesurable ne cesse d’augmenter.

La loi de Robien : un dispositif coûteux qui a tout de même permis la relance des négociations collectives

La loi de Robi­en votée le 11 juin 1996 par le Par­lement français per­met aux entre­pris­es intéressées par la sig­na­ture d’une con­ven­tion avec l’É­tat dans laque­lle l’en­tre­prise s’en­gage à réduire la durée col­lec­tive du temps de tra­vail et à procéder à des embauch­es sup­plé­men­taires en con­trepar­tie d’une réduc­tion des charges patronales de Sécu­rité sociale. Cette con­ven­tion, lim­itée au plus à sept années, est sub­or­don­née à un accord préal­able entre les parte­naires soci­aux. La loi autorise aus­si l’ap­pli­ca­tion d’une con­ven­tion sim­i­laire per­me­t­tant d’éviter les licen­ciements économiques lorsque ceux-ci sont prévus dans le cadre d’un plan. Dans ce cas, en échange du main­tien des effec­tifs et de la réduc­tion de la durée col­lec­tive du temps de tra­vail, l’en­tre­prise béné­fi­cie égale­ment de réduc­tions de coti­sa­tions sociales.

Plus de 700 accords d’en­tre­prise ont déjà été signés. Plus de 17 000 emplois ont été créés ou sauvés. Par­mi les accords con­clus, les 2/3 relèvent de la pre­mière dis­po­si­tion et ont per­mis de créer 6 500 emplois. Plus de la moitié des accords com­porte une clause d’an­nu­al­i­sa­tion (en con­trepar­tie à la réduc­tion du temps de tra­vail). Le coût pour les finances publiques de cette mesure est très sig­ni­fi­catif puisque le niveau d’al­lége­ments des coti­sa­tions sociales suiv­ant les cas va de 30 à 50 %.

Cepen­dant, les pou­voirs publics, en aidant au change­ment, peu­vent per­me­t­tre la mise en œuvre de solu­tions orig­i­nales qui ne pou­vaient être obtenues dans le cadre de rela­tions sociales figées. C’est d’ailleurs ce que souligne Jacques Freyssinet, directeur de l’IRES (Insti­tut de recherch­es économiques et sociales). Pour lui, dans le champ de la lég­is­la­tion sociale la loi de Robi­en est sans doute l’in­no­va­tion la plus per­tur­ba­trice depuis 1981. Cette loi fait entr­er dans les esprits l’idée qu’il faut com­mencer par réduire le temps de tra­vail dans les entre­pris­es avant de licencier.

Cet accord a per­mis, au niveau le plus décen­tral­isé, de met­tre autour de la table de négo­ci­a­tion les parte­naires soci­aux. La logique qui sous-tend cette démarche est très pos­i­tive puisque les sig­nataires se fix­ent pour objec­tif de con­cili­er accroisse­ment de la com­péti­tiv­ité des entre­pris­es et option en faveur des modes d’or­gan­i­sa­tion du tra­vail les plus créa­teurs d’emplois. Finale­ment, on doit porter à son crédit le réal­isme de la démarche qu’il amorce : ne pré­ten­dant pas avoir trou­vé les ter­mes de cette con­cil­i­a­tion, il ouvre des per­spec­tives en sus­ci­tant des négo­ci­a­tions de branche puis d’entreprises.

L’ex­péri­ence française est trop récente pour pou­voir déjà en tir­er toutes les con­clu­sions. Deux élé­ments sont toute­fois déjà appar­ents. Le dis­posi­tif per­met réelle­ment d’in­nover dans les rela­tions sociales de l’en­tre­prise. Il accélère sans doute le mou­ve­ment de réor­gan­i­sa­tion dans les entre­pris­es. D’un autre coté, il faut bien recon­naître que mal­gré un niveau de sub­ven­tion très élevé, les entre­pre­neurs et les salariés ne se pré­cip­i­tent pas pour réduire le temps de travail.

Une réduction du temps de travail doit aller de pair avec une réorganisation de l’entreprise

Actuelle­ment, la durée du tra­vail s’ap­pré­cie dans un cadre heb­do­madaire. La norme est la semaine de 39 heures. Entre­pris­es et salariés s’ac­com­mod­ent des vari­a­tions d’ac­tiv­ité : en cas de sur­chauffe, les heures sup­plé­men­taires, le recours aux CDD et à l’in­térim ; en péri­ode basse, le chô­mage par­tiel, voire, en toute dernière extrémité, le licenciement.

Ce sys­tème pour­rait être rem­placé par un sys­tème plus effi­cace pour tous : l’annualisation com­plète du temps de tra­vail. C’est l’élé­ment clé de toute réor­gan­i­sa­tion. Cette notion sup­prime la régle­men­ta­tion heb­do­madaire du temps de tra­vail. Les horaires sont cal­culés sur l’ensem­ble de l’an­née et l’am­pleur des jours et des semaines varie en fonc­tion des besoins de l’entreprise.

Dans la mesure où un accord est trou­vé au niveau de l’entreprise, on peut imag­in­er la mise en place de nou­veaux types de con­trats de tra­vail. Le con­trat de tra­vail pré­cis­erait le vol­ume horaire de base pour lequel le salarié est engagé. Ce vol­ume est à appréci­er sur une péri­ode de référence con­v­enue d’un com­mun accord entre les par­ties. Ces péri­odes (semaines, mois, année…) seraient men­tion­nées dans le con­trat qui pour­rait être un con­trat type par branche négo­cié et val­able pour un grand nom­bre de salariés. Il serait pos­si­ble de cou­pler ce sys­tème de décompte du temps de tra­vail avec une réduc­tion du temps de tra­vail.

Toute­fois, on ne répétera jamais assez qu’une baisse sig­ni­fica­tive du chô­mage implique que le coût du tra­vail par com­pé­tence s’adapte en fonc­tion de l’offre et de la demande d’emplois pour cette com­pé­tence, une dis­tri­b­u­tion accept­able des revenus étant obtenue par d’autres dis­po­si­tions, comme celle d’un revenu min­i­mum garan­ti à tous.

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1. Des phénomènes qui sont aus­si ren­for­cés par le coût du tra­vail de faible compétence

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