La simplification du langage administratif

Dossier : La réforme de l'ÉtatMagazine N°595 Mai 2004
Par Pierre ENCREVÉ

Vieux et vaste pro­blème… La com­mu­ni­ca­tion écrite entre l’en­semble éta­tique et l’en­semble des per­sonnes à qui elle s’a­dresse semble n’a­voir jamais été vrai­ment satis­fai­sante, nulle part.

La ten­ta­tive la plus spec­ta­cu­laire jamais menée en France pour ten­ter de résoudre ce pro­blème remonte à Fran­çois Ier. Au moment où la Réforme met la Bible en fran­çais à la por­tée des laïcs, les conseillers de Fran­çois Ier prennent conscience que la langue de l’É­glise catho­lique, le latin, que ne com­prend qu’une part très res­treinte des sujets du roi, ne peut demeu­rer la langue de l’É­tat et les conduit à prendre, en août 1539, la fameuse » Ordon­nance géné­rale en matière de jus­tice et de police « , dite de Vil­lers-Cot­te­rêts. Des­ti­née à » pour­voir au bien de sa jus­tice, abbre­via­tion des pro­cès et sou­lai­ge­ment de ses sub­jectz « , elle décide que les arrêts soient doré­na­vant » faictz et escritz si cle­re­ment qu’il n’y ayt ne puisse avoir aucune ambi­guï­té ou incer­ti­tude, ne lieu a en deman­der inter­pre­ta­cion » et, à cette fin, qu’ils soient » pro­non­cez, enre­gis­trez et deli­vrez aux par­ties en langaige mater­nel fran­çois et non autre­ment. »

On obser­ve­ra que l’Or­don­nance n’ins­taure pas comme langue admi­nis­tra­tive la langue du roi, mais celle (ou celles) de ses sujets. On dis­cute encore si l’ex­pres­sion » lan­gaige mater­nel fran­çois » visait l’en­semble des langues mater­nelles de France ou le seul français.

En effet, selon l’en­quête de l’ab­bé Gré­goire, deux siècles et demi plus tard, en 1793, un tiers seule­ment des Fran­çais par­laient le fran­çais : sous Fran­çois Ier, le pour­cen­tage des fran­co­phones mater­nels était, évi­dem­ment, encore bien moindre.

En pays de langue d’oc, l’or­don­nance de Vil­lers-Cot­te­rêts a par­fois été inter­pré­tée en faveur des par­lers locaux, mais la domi­na­tion crois­sante de l’é­cri­ture en fran­çais, dans la lit­té­ra­ture notam­ment, allait rapi­de­ment impo­ser le fran­çais, en lieu et place des » lan­gaiges mater­nels » des Fran­çais, parce que la trans­mis­sion mater­nelle du lan­gage est orale et que l’Or­don­nance ne s’ap­pli­quait qu’à l’écrit.

Ain­si, Fran­çois Ier a ins­tau­ré le fran­çais comme langue de l’É­tat à la place du latin, mais, de ce fait même, les textes juri­di­co-admi­nis­tra­tifs sont res­tés incom­pré­hen­sibles à la plu­part de ses sujets. Du moins la pré­oc­cu­pa­tion royale pro­cla­mée était-elle démo­cra­tique et la Répu­blique l’a-t-elle pro­lon­gée, à sa manière, en se don­nant pour objec­tif de faire du fran­çais la langue mater­nelle de tous les citoyens. Pour­tant il ne suf­fi­sait pas de quit­ter le latin pour pas­ser à la langue com­mune des fran­co­phones de France : déjà Michel de Mon­taigne se plai­gnait, quelques décen­nies plus tard seule­ment, de ne rien com­prendre à la langue des notaires… Et aujourd’­hui, le lan­gage de l’ad­mi­nis­tra­tion de la Répu­blique est, pour une grande par­tie des Fran­çais, une sorte de nou­veau latin et pose de graves pro­blèmes d’in­ter­pré­ta­tion même aux spé­cia­listes : tes­tant moi-même les membres d’un cabi­net minis­té­riel, tous issus des grandes écoles, j’ai consta­té que pas un seul ne pou­vait sans incer­ti­tude rem­plir un des for­mu­laires les plus répan­dus, et je n’y réus­sis­sais pas davantage.

Cette situa­tion n’est en rien par­ti­cu­lière à la France, et la plu­part des États euro­péens, confron­tés au même pro­blème, tentent eux aus­si de sim­pli­fier le lan­gage de l’ad­mi­nis­tra­tion. Au Royaume-Uni, l’ac­tion est par­tie, il y a un quart de siècle, de la socié­té civile : l’As­so­cia­tion Plain English Cam­pai­gn s’est fait connaître en récla­mant au minis­tère de la San­té les mil­lions de livres cor­res­pon­dant aux sommes non ver­sées du fait de l’obs­cu­ri­té des for­mu­laires de demande d’aide… En Suède, à la même époque, le tra­vail de sim­pli­fi­ca­tion a été ini­tié par le Par­le­ment. En Ita­lie, depuis une dizaine d’an­nées, divers outils, impri­més et infor­ma­tiques, ont été pré­pa­rés par des lin­guistes à l’at­ten­tion des fonctionnaires.

En France, régu­liè­re­ment les Pre­miers ministres ont déplo­ré l’é­tat des choses, mais la sim­pli­fi­ca­tion était ren­voyée au bon vou­loir des agents. En 2001, après la publi­ca­tion du rap­port L’Ob­ser­va­toire de la pau­vre­té et de l’ex­clu­sion sociale, qui consta­tait qu’en­vi­ron quinze pour cent des aides sociales ne sont pas deman­dées par ceux qui y auraient droit – qui pré­fèrent y renon­cer plu­tôt que d’af­fron­ter l’her­mé­tisme des dos­siers et for­mu­laires -, le ministre de la Fonc­tion publique et de la Réforme de l’É­tat, Michel Sapin, créait le Comi­té d’o­rien­ta­tion pour la sim­pli­fi­ca­tion du lan­gage admi­nis­tra­tif (COSLA) dont il assu­mait ès qua­li­tés, avec le ministre de la Culture, la pré­si­dence, le char­geant » de pro­po­ser au gou­ver­ne­ment des mesures concrètes pour amé­lio­rer la qua­li­té du lan­gage cou­rant de l’administration « .

En charge du dos­sier de mai 2002 à mars 2004, Hen­ri Pla­gnol, secré­taire d’É­tat char­gé de la Réforme admi­nis­tra­tive, assu­ra une vraie conti­nui­té de l’É­tat en s’en­ga­geant per­son­nel­le­ment dans la voie tra­cée par son pré­dé­ces­seur, fai­sant sienne l’af­fir­ma­tion que c’est à l’ad­mi­nis­tra­tion de s’a­dap­ter à l’u­sa­ger et non à l’u­sa­ger de s’a­dap­ter à l’ad­mi­nis­tra­tion, quoique le lan­gage et l’at­ti­tude de cette der­nière laissent sou­vent à pen­ser le contraire.

Le COSLA s’est donc mis au tra­vail, avec l’aide constante et effi­cace de la Com­mis­sion pour la sim­pli­fi­ca­tion admi­nis­tra­tive (COSA), puis, à par­tir de 2003, de la Délé­ga­tion aux usa­gers et à la sim­pli­fi­ca­tion admi­nis­tra­tive (DUSA).

Nous avons choi­si d’a­van­cer dans deux direc­tions prin­ci­pales, en pre­nant en charge à la fois la ques­tion des dos­siers et for­mu­laires admi­nis­tra­tifs et celle des cour­riers admi­nis­tra­tifs, deux domaines qui sont les seuls lieux véri­tables d’é­changes lin­guis­tiques entre l’É­tat et l’u­sa­ger (terme peu satis­fai­sant mais qu’il n’é­tait pas dans les res­pon­sa­bi­li­tés du COSLA de rem­pla­cer) : les for­mu­laires admi­nis­tra­tifs sont de ce point de vue exem­plaires, où la langue de l’É­tat, impri­mée, offi­cielle, légi­time, s’en­tre­croise sur le papier avec l’é­cri­ture manus­crite, hési­tante, humi­liée de l’u­sa­ger mal­heu­reux, incer­tain de ce qu’on lui demande.

Le pro­blème dépasse de loin la ques­tion de l’é­tran­ge­té du voca­bu­laire et des formes syn­taxiques employés par l’ad­mi­nis­tra­tion. Certes, on trouve cou­ram­ment dans ses textes des emplois qu’i­gnore le dic­tion­naire. Par exemple, » ren­sei­gner » pour » rem­plir » : » veuillez ren­sei­gner le tableau ci-contre « , ou encore, comme on trou­vait jus­qu’en 2002 dans la demande de carte d’i­den­ti­té natio­nale, » la taille est ren­sei­gnée par le ser­vice émet­teur « , for­mule à la fois incom­pré­hen­sible pour le com­mun des mor­tels (dont les per­son­nels des gui­chets des mai­ries) et empi­ri­que­ment fausse, car il n’y a plus de toise dans les » ser­vices émetteurs « .

On y ren­contre aus­si, bien sûr, des mil­liers de mots ou expres­sions lin­guis­ti­que­ment cor­rects mais n’ap­par­te­nant pas au fran­çais cou­rant : » veuillez prendre l’at­tache de « , » reve­nu fis­cal de réfé­rence « , » sur­face hors œuvre bâtie « , » bonus de com­mu­nau­té « , » denier « , ou encore la dis­tinc­tion entre » res­sources » et » reve­nus « , bref tout ce qui consti­tue le lan­gage de l’ad­mi­nis­tra­tion en langue savante, dont l’emploi est légi­time à l’in­té­rieur de l’ad­mi­nis­tra­tion mais non dans ses rap­ports avec les usa­gers. Car on parle trop vite de » jar­gon » à pro­pos de ce lan­gage. C’est plu­tôt une » langue de spé­cia­li­té « , comme il y en a dans tous les domaines d’exer­cice fer­mé du lan­gage : les lin­guistes ont leur » langue » tout comme les phi­lo­sophes ou les infor­ma­ti­ciens, ou les avia­teurs. Rien de répré­hen­sible à cela, rien à simplifier.

Mais l’ad­mi­nis­tra­tion ne sait pas quit­ter sa langue propre quand elle se tourne vers le public. Au contraire, tout laisse croire que les rédac­teurs admi­nis­tra­tifs, loin de s’ex­pri­mer comme ils font dans la vie cou­rante, quand ils s’a­dressent à tous les Fran­çais (comme pour la carte d’i­den­ti­té) semblent se dra­per dans leur iden­ti­té admi­nis­tra­tive, leur dif­fé­rence, leur dis­tinc­tion. Aux usa­gers de se débrouiller pour com­prendre ! » Ce qui se conçoit bien s’é­nonce clai­re­ment » est une règle de lan­gage qui n’a­vait pas sou­vent cours en 2001 dans l’ad­mi­nis­tra­tion fran­çaise, à en juger par les for­mu­laires natio­naux et les mil­liers de lettres que nous avons étudiés.

Car, au-delà de l’emploi de mots, expres­sions et tour­nures savants, figés ou archaïques, ce qui est en cause c’est une pos­ture, une atti­tude de l’ad­mi­nis­tra­tion qui paraît tou­jours sou­cieuse de faire entendre au simple citoyen que, contrai­re­ment au prin­cipe répu­bli­cain, le sou­ve­rain, ce n’est pas le peuple, c’est elle. L’ad­mi­nis­tra­tion uti­lise, à des­sein, un lan­gage qui inti­mide, qui tient à dis­tance. Elle le fait en toute bonne foi, parce qu’elle croit repré­sen­ter, ce fai­sant, l’in­té­rêt géné­ral face aux inté­rêts par­ti­cu­liers. Elle se trompe : quand elle s’a­dresse aux usa­gers de manière à ne pas être com­prise, ou sans sou­ci d’être com­prise, elle n’est dépo­si­taire que d’un inté­rêt par­ti­cu­lier : le sien, celui de conser­ver un pou­voir sans contrôle extérieur.

Dans une enquête préa­lable au début de nos tra­vaux, la Sofres a tes­té auprès du grand public un cer­tain nombre de for­mu­laires de très grande dif­fu­sion (carte d’i­den­ti­té, RMI, demande de retraite, etc.).

La réac­tion la plus géné­rale, dans les milieux les plus divers, devant un de ces for­mu­laires les plus cou­rants est tou­jours d’a­bord l’an­xié­té : le lan­gage admi­nis­tra­tif est anxio­gène, il a pour résul­tat, sinon pour objec­tif, d’in­quié­ter celui à qui il s’adresse.

Pour les usa­gers les plus dému­nis face à l’ad­mi­nis­tra­tion, ceux qui pensent qu’ils ne seront jamais » en règle « , qu’ils n’au­ront jamais » les bons papiers « , qu’ils ne rem­pli­ront jamais » la bonne case « , l’an­goisse est telle qu’elle sur­git là où on ne l’at­ten­drait pas : ain­si, après avoir réécrit entiè­re­ment la demande de RMI nous l’a­vons fait tes­ter auprès d’u­sa­gers de trois grands orga­nismes d’aide aux per­sonnes en dif­fi­cul­té : Emmaüs, le Secours popu­laire fran­çais, le Secours catho­lique. Les réponses ont toutes mis en cause une des rares phrases qui nous parais­sait ne devoir poser aucun pro­blème : » Mer­ci de bien rem­plir ce for­mu­laire en noir, en lettres majus­cules et avec les accents. » Pour les usa­gers consul­tés, cette phrase, en haut de la page, était insup­por­table, insi­nuant immé­dia­te­ment qu’ils pour­raient » rem­plir mal » le for­mu­laire, ce qui les décou­ra­geait d’essayer…

Il s’a­git donc d’autre chose que de sim­pli­fier, au sens où on pas­se­rait du com­plexe au simple. Il s’a­git d’un chan­ge­ment radi­cal du type de rela­tion éta­bli, d’une sorte de conver­sion. Prag­ma­ti­que­ment, le but est de pas­ser d’une rela­tion de lan­gage rele­vant de l’in­ter­ro­ga­toire auto­ri­taire et infé­rio­ri­sant à une conver­sa­tion éga­li­taire entre les agents de l’É­tat et le public auquel ils s’a­dressent. C’est l’in­té­rêt de la démo­cra­tie et du citoyen mais c’est aus­si celui de l’ad­mi­nis­tra­tion car les dos­siers mal rem­plis sont une source impor­tante de temps per­du, de tra­vail inutile et de dépenses absurdes.

L’exemple sym­bo­lique le plus illus­tra­tif de ce ren­ver­se­ment posi­tif du com­por­te­ment de l’ad­mi­nis­tra­tion pour­rait se trou­ver dans les cour­riers concer­nant ce que l’ad­mi­nis­tra­tion nomme les » trop per­çus » et qui sont en réa­li­té des trop ver­sés. Géné­ra­le­ment le béné­fi­ciaire d’une géné­ro­si­té invo­lon­taire d’un ser­vice admi­nis­tra­tif finit par rece­voir un cour­rier du type : » Vous avez reçu à tort au titre du RMI une somme de x euros. Vous devez donc les rem­bour­ser au plus tard le… » Le COSLA aurait atteint son but si, comme nous l’a­vons pro­po­sé, le cour­rier reçu dans ce cas rele­vait désor­mais du type : » Nous vous avons ver­sé par erreur, au titre du RMI, la somme de x euros. Nous vous prions de nous en excu­ser et de bien vou­loir prendre contact avec nous pour envi­sa­ger ensemble vos pos­si­bi­li­tés de rem­bour­se­ment de cette somme. » Ce qui est » sim­pli­fié « , en l’oc­cur­rence, ce n’est pas le lan­gage au sens étroit, mais les formes mêmes de la coopé­ra­tion entre deux sujets par­lants pour éta­blir un échange lan­ga­gier conforme au res­pect mutuel : la rela­tion, de com­pli­quée et retorse, est deve­nue simple et directe. Elle n’est plus géné­ra­trice d’an­xié­té et d’in­sé­cu­ri­té, mais de liber­té, d’é­ga­li­té et de fra­ter­ni­té… si l’on ose encore employer sans crainte de faire sou­rire la devise ins­crite dans l’ar­ticle deuxième de la consti­tu­tion de la République.

Par­mi les for­mu­laires natio­naux, au nombre d’en­vi­ron 1 500, dûment homo­lo­gués par la COSA ou la DUSA, le COSLA s’est don­né pour objec­tif de réécrire direc­te­ment les cent les plus dis­tri­bués (dont tous ceux qui dépassent le mil­lion d’exem­plaires annuels). Nous en avons à ce jour réécrit un tiers et espé­rons atteindre la moi­tié à la fin de l’année.

À terme, nous aurons fixé une sorte de méthode dont les diverses admi­nis­tra­tions concer­nées pour­ront se ser­vir pour leurs nou­veaux for­mu­laires et dont la DUSA pour­ra se récla­mer lors du pro­ces­sus d’ho­mo­lo­ga­tion. Nous avons notam­ment refor­mu­lé, ou sommes en train d’a­che­ver la refor­mu­la­tion des demandes de carte d’i­den­ti­té natio­nale et de pas­se­port (un seul for­mu­laire pour les deux docu­ments désor­mais), de RMI, de CMU, de retraite, de bourses des lycées et col­lèges, d’aide juri­dic­tion­nelle, de per­mis de construire, la décla­ra­tion de suc­ces­sion, la DADS (Décla­ra­tion annuelle des don­nées sociales), l’en­semble des for­mu­laires de la Caisse natio­nale d’al­lo­ca­tions fami­liales, l’en­semble des feuilles de mala­die (encore cinq cents mil­lions d’exem­plaires annuels mal­gré le déve­lop­pe­ment rapide de la carte vitale) et cete­ra.

Dans ce tra­vail, l’o­ri­gi­na­li­té du COSLA aura sans doute été d’as­so­cier, à toutes les étapes du tra­vail, à la fois des repré­sen­tants des admi­nis­tra­tions rédac­trices, des experts de la langue et des repré­sen­tants des usa­gers concer­nés (qui dif­fèrent selon les cas : CMU ver­sus per­mis de construire). Ce qui nous a ame­nés à prendre posi­tion sur la varié­té de langue fran­çaise que nous devions uti­li­ser ou pré­co­ni­ser. Après beau­coup de réflexion, il nous a paru légi­time d’exi­ger de l’É­tat que, dans sa rela­tion écrite avec les citoyens, il uti­lise la varié­té de langue com­mune qu’il enseigne dans les classes de fran­çais de l’en­sei­gne­ment secon­daire, qui est aus­si celle de la grande presse et des médias.

Cette varié­té de langue est d’un niveau éle­vé (elle relève du style sur­veillé et non pas du style relâ­ché), mais échappe à la spé­cia­li­sa­tion : il s’a­git du fran­çais com­mun géné­ral (ou sco­laire). Mais nous avons tra­vaillé » à droit constant « , comme on dit en fran­çais admi­nis­tra­tif. Ce qui implique, dans bien des for­mu­laires, l’emploi inévi­table de mots ou expres­sions étran­gers à la langue com­mune géné­rale mais juri­di­que­ment nécessaires.

Dans ces cas, nous avons éta­bli dans la notice des for­mu­laires un lexique où ces termes sont défi­nis et expli­qués ; c’est le cas, par exemple pour l’aide juri­dic­tion­nelle, ou la décla­ra­tion de suc­ces­sion (lexique de 80 mots). Il s’en­suit que nous récu­sons à bon droit tout soup­çon éven­tuel d’ap­pau­vris­se­ment du lan­gage admi­nis­tra­tif : non seule­ment toute la richesse de son voca­bu­laire est conser­vée dans l’u­sage interne à l’ad­mi­nis­tra­tion (pro­duc­tion consi­dé­rable), mais encore, dans les emplois à l’a­dresse des usa­gers ordi­naires, nous avons pré­ser­vé toutes les pré­ci­sions lin­guis­tiques pré­sentes dans les for­mu­la­tions anté­rieures, tout en les ren­dant acces­sibles à tous.

Quant au cour­rier admi­nis­tra­tif, lettres per­son­na­li­sées envoyées indi­vi­duel­le­ment aux usa­gers, nous avons construit trois outils d’aide aux rédacteurs.

D’a­bord un Guide d’aide à la rédac­tion admi­nis­tra­tive, réa­li­sé (sous forme impri­mée et numé­rique), sous l’au­to­ri­té du COSLA, par le Centre de lin­guis­tique appli­quée de l’u­ni­ver­si­té de Besan­çon sous la direc­tion de Blan­dine Rui-Sou­chon. Ce guide, fon­dé sur l’a­na­lyse d’un impor­tant cor­pus de lettres réelles, pro­pose une ana­lyse des pro­blèmes et une série de règles simples pour les résoudre, en insis­tant par­ti­cu­liè­re­ment sur la struc­tu­ra­tion de la » conver­sa­tion » avec l’usager.

Ensuite, nous avons confié aux Dic­tion­naires Le Robert la réa­li­sa­tion, sous la direc­tion de Domi­nique Le Fur, d’un Lexique admi­nis­tra­tif, fon­dé sur l’a­na­lyse de plus de cinq mille lettres dif­fé­rentes envoyées par l’ad­mi­nis­tra­tion, qui pro­pose aux rédac­teurs, pour chaque mot (ou emploi) n’ap­par­te­nant pas à la langue com­mune géné­rale, soit le recours à un syno­nyme, soit le main­tien du mot mais en l’ac­com­pa­gnant d’une péri­phrase explicative.

Ce Lexique en est à sa seconde phase de réa­li­sa­tion et, dans la ver­sion dif­fu­sée en mars 2004, com­porte déjà 3 500 termes et devrait en com­por­ter envi­ron 5 000 dans sa ver­sion finale, pré­vue pour octobre 2004.

Enfin, nous avons deman­dé à Viven­di Uni­ver­sal Edu­ca­tion France, en la per­sonne de Didier Lar­rive, de réa­li­ser un logi­ciel d’aide à la rédac­tion admi­nis­tra­tive (LARA), qui, ins­tal­lé sur un trai­te­ment de texte, per­met au rédac­teur, aler­té par LARA comme il peut l’être par un cor­rec­teur ortho­gra­phique, de recou­rir ou non aux sug­ges­tions du Lexique ou du Guide (ces outils sont acces­sibles sur le site www.fonction-publique.gouv.fr).

Le COSLA a été nom­mé le 3 juillet 2001, pour trois ans. Il arrive donc au terme de son man­dat. Il a eu le bon­heur de ne pas connaître le des­tin des » Comi­tés Théo­dules « , que déplo­rait le fon­da­teur de la Ve Répu­blique, mais, effi­ca­ce­ment sou­te­nu par ses ministres de tutelle, d’a­voir pu tra­cer un sillon d’in­no­va­tion dans le champ inépui­sable de la com­plexi­té du lan­gage de l’administration.

À dire vrai, pour aller plus loin, il fau­drait pou­voir se situer en amont et effec­tuer, comme c’est, par exemple, le cas dans la Confé­dé­ra­tion hel­vé­tique, un tra­vail de sim­pli­fi­ca­tion dès l’é­la­bo­ra­tion des pro­jets de loi et des décrets d’ap­pli­ca­tion, dont, sinon, l’obs­cu­ri­té dévale ensuite sur les for­mu­laires ou cour­riers. Et s’at­ta­quer au mas­sif redou­table de la langue de la jus­tice, comme a com­men­cé à faire le gou­ver­ne­ment du Royaume-Uni. Ce qui sup­po­se­rait, non pas un comi­té de béné­voles, mais des orga­nismes dotés de per­son­nels spé­cia­li­sés et de moyens. Reste que la voie, désor­mais, est ouverte. 

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