La nuit de l’identique

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°601 Janvier 2005Par : François DELCLAUX (82), Préface de Claude NougaroRédacteur : Thierry DEVRIES (82)

Un polar en alexan­drins ! Après avoir écrit quelques ouvrages touchant à la finance (Les pro­duits dérivés, L’euro, la mon­naie du IIIe mil­lé­naire, Lire la presse finan­cière anglo-sax­onne), notre cama­rade François Del­claux nous livre ici le fruit, plus per­son­nel et très réus­si, de deux années de tra­vail : un roman polici­er com­posé entière­ment en alexandrins.

Je craig­nais l’exercice stérile, la lec­ture un peu fas­ti­dieuse… que nen­ni ! Notre cama­rade a réus­si son aut­o­cri­tique ! Il nous régale avec des héros hauts en couleur, une intrigue hale­tante, et réc­it vif, humoris­tique et des répliques extra­or­di­naires : “ Je pas­sais çà et là des coups de bal­ai-brosse / tout en cher­chant d’un oeil le bureau du grand boss. ”

Le début de l’intrigue ? Une détec­tive privée, anci­enne chanteuse de jazz, vient pass­er quelques jours de vacances dans le sud-ouest de la France, à Figeac, la ville où a gran­di Jean-François Cham­pol­lion. Arrivée trop tôt pour se ren­dre chez son hôte, elle décou­vre que celui-ci a prévu de la faire remon­ter sur les planch­es (“ Des affich­es, partout, plac­ardées sur les murs / m’annonçaient en con­cert dans un tro­quet obscur”), puis trou­ve dans la foulée un hom­megrenouille mort au milieu d’une placette (“ Je répri­mai un cri quand au tra­vers du masque / de ma lampe-sty­lo j’éclairai les yeux flasques ”), au milieu de la repro­duc­tion de la Pierre de Rosette qui en recou­vre le sol1.

Je n’en dévoil­erai pas davan­tage, sinon que cette char­mante détec­tive est accom­pa­g­née d’un garde du corps dont on décou­vre assez rapi­de­ment que c’est un ara (“ […] mieux qu’un homme un vrai mâle / doté par ses aïeux d’une force ani­male ”), mais un ara prompt à l’interrogation philosophique (“ Avons-nous plusieurs vies comme un lézard des queues ? ”).

L’auteur nous fait décou­vrir par petites touch­es quelques aspects du Sud-Ouest (le rug­by, la con­vivi­al­ité y jouent indé­ni­able­ment un cer­tain rôle), il nous livre même une recette de cui­sine (les “ pesca­jounes ”2, mais n’oublie pas les pas­sages oblig­és du “ polar ” : course-pour­suite à tra­vers une zone indus­trielle sor­dide, héroïne sauvée in extrem­is, appari­tion récur­rente d’un type antipathique et man­i­feste­ment dan­gereux, scènes tor­rides, etc., rien n’y manque.

J’ai dévoré ce livre en une soirée et l’ai relu depuis avec beau­coup de plaisir. Un seul regret : il va fal­loir atten­dre plusieurs années avant de retrou­ver Albert et Sophie !

_______________________
1. L’endroit, la place des Écri­t­ures, existe réellement.
2. Je n’ai pas eu l’occasion de l’essayer avant l’heure de remise du présent arti­cle à La Jaune et la Rouge.

Poster un commentaire