La France qui tombe

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°605 Mai 2005Par : Nicolas BaverezRédacteur : Maurice BERNARD (48)

Quel Français peut hésiter à acheter ce livre ? Au moins afin de savoir quel morceau de notre pays ramass­er et ten­ter de rec­oller ? L’auteur qui a pub­lié ce petit texte en 2003 chez Per­rin se dit his­to­rien et écon­o­miste. Il est exact que son essai effleure ces deux dis­ci­plines. En fait il brasse, en un peu plus de cent pages, tant de faits, d’arguments, d’opinions que, sous sa plume, con­cepts et épo­ques se bous­cu­lent un peu. Dès le début nous est don­née une expli­ca­tion his­torique à tout ce qui advien­dra ensuite à notre patrie : “ Cette insta­bil­ité chronique trou­ve ses caus­es plus pro­fondes dans la rad­i­cal­ité du pro­jet révo­lu­tion­naire de 1789 ” (page 1). Affir­ma­tion banale autant que simpliste.

Certes, la plu­part des faits socioé­conomiques cités à l’appui de la thèse du déclin sont con­nus et impres­sion­nants, les nom­breux chiffres avancés prob­a­ble­ment exacts. Mais les uns et les autres sont sor­tis de leur con­texte, les sources ne sont pas men­tion­nées. Quelques suc­cès ici ou là, quelques évo­lu­tions pos­i­tives sont ignorés. L’auteur a une thèse qui envahit toute sa pen­sée : c’est la loi du genre.

Le lecteur éprou­ve une com­pas­sion cer­taine pour cette France qui tombe mais aus­si un malaise intel­lectuel évi­dent devant une analyse aus­si courte. Par­mi tous ces dys­fonc­tion­nements bien réels, lesquels sont sec­ondaires, lesquels sont essen­tiels ? Cer­tains sont des caus­es, d’autres des con­séquences. Quelles sont les caus­es pro­fondes des uns et des autres ? Pourquoi cer­taines réformes ten­tées jadis sont-elles restées let­tre morte, pourquoi cer­taines évo­lu­tions inat­ten­dues se sont-elles produites ?

Nico­las Baverez a‑t-il raté son coup ? Non, dans cet essai en forme de pam­phlet, il y a trop d’évidences dérangeantes, trop de signes alar­mants, trop de justes indig­na­tions aus­si, pour le nég­liger. Les élites de tout poil, poli­tiques, sociales, tech­niques, économiques y ont trou­vé, l’année dernière, matière à se chamailler et à parad­er devant les médias. Place main­tenant à un appro­fondisse­ment de la réflex­ion sur le déclin de la France et à un indis­pens­able débat.

La lec­ture de La France qui tombe ne me paraît pas inutile : que le lecteur y trou­ve une jus­ti­fi­ca­tion à la morosité ambiante, en éprou­ve un cer­tain agace­ment, ou les deux.

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