sécurité

Étymologie :
À propos de cybersécurité

Dossier : CybersécuritéMagazine N°753 Mars 2020
Par Pierre AVENAS (X65)

Voilà un mot hybride car ses élé­ments sont issus de deux langues dif­férentes. Le grec pour cyber, déjà l’objet d’un Éty­mologiX en décem­bre 2019, et le latin pour sécu­rité, le mot autour duquel se dévelop­pera le présent arti­cle. Et une pre­mière ques­tion se pose : quelle dif­férence entre sécu­rité et sûreté ? a pri­ori des mots de même éty­molo­gie, mais est-ce bien sûr ? 

Une famille nombreuse de mots latins

Par­tons du latin cura « soin », pour une mal­adie (une cure en français), ou dans le sens de pren­dre soin de (n’avoir cure de « ne pas se souci­er de »), ou encore dans le sens de se charg­er de (la cure en tant que charge d’une paroisse, assurée par le curé), d’où aus­si cura « curatelle », assurée par le cura­teur (déjà en latin cura­tor).

Plus inat­ten­du, de cura dérive curio­sus « prenant soin, cher­chant à savoir » et curiosi­tas, d’où curieux, et la curiosité ne serait donc pas tou­jours un vilain défaut !

Le verbe curare « pren­dre soin de, guérir » ne sub­siste en français qu’au sens restreint de cur­er, ren­for­cé dans récur­er, alors que le latin procu­rare con­serve son sens en français, pro­cur­er.

Le mot sinécure vient, par l’anglais sinecure, de l’expression latine ben­efi­ci­um sine cura. Le latin cura transparaît aus­si dans (in)cur­able, de (in)cur­abilis, et dans incurie, du latin incu­ria « défaut de soin ». Mal­gré les apparences, ces mots ne se relient pas au latin curia, d’origine obscure, désig­nant l’ancienne curie romaine, d’où l’actuelle curie au Vatican.

Enfin, de cura dérive l’adjectif secu­rus « exempt de souci », où le pré­fixe se- mar­que la sépa­ra­tion, d’où secu­ri­tas « absence de souci », puis en français sécu­rité et en anglais secu­ri­ty, de sens voisin (sauf secu­ri­ties « valeurs bour­sières »). Cela nous amène au cœur du sujet, cyber­sécu­rité étant un emprunt récent à l’anglais, cyber­se­cu­ri­ty.

Sécurité ou sûreté… security or safety

Le latin secu­rus a con­nu plusieurs évo­lu­tions. En anglais, le latin reste vis­i­ble dans l’adjectif secure « solide, sans souci », d’où to secure « solid­i­fi­er, sécuris­er ». En français, l’évolution phoné­tique aboutit à sûr, par l’ancien français seur (de securus avec chute de la con­sonne /c/, dite inter­vo­calique), d’où en anglais l’adjectif sure et en français seureté, puis sûreté, ain­si que seu­rance, puis assur­ance. L’expression assurer la sûreté, ou la sécu­rité, est une sorte de pléonasme, et sécurité/sûreté sont bien des dou­blets étymologiques.

En anglais enfin, à côté de secure, secu­ri­ty, on emploie safe, safe­ty, to save, liés au français sauf, sauver, du latin sal­vare. On peut traduire l’anglais safe­ty par sûreté, et secu­ri­ty par sécu­rité, mais c’est par­fois l’inverse. En effet, l’usage de ces mots dif­fère d’un domaine d’activité à l’autre, et d’un pays à l’autre. Ain­si l’Agence inter­na­tionale de l’énergie atom­ique définit d’un côté la sûreté nucléaire (nuclear safe­ty), rel­a­tive à l’exploitation indus­trielle, et de l’autre la sécu­rité nucléaire (nuclear secu­ri­ty), rel­a­tive à la préven­tion des malveil­lances, alors que dans la loi française la sûreté nucléaire, des instal­la­tions, est une com­posante de la sécu­rité nucléaire, cou­vrant tous les aspects, dont la ques­tion des malveillances. 

Épilogue

Les mots sécu­rité et sûreté sont très proches, par­fois inter­change­ables, et leur bon usage néces­site de bien les définir au cas par cas. Con­cer­nant la cyber­sécu­rité, son but essen­tiel est la lutte con­tre les cyber­me­n­aces, dans un cyber­monde tou­jours plus dan­gereux, pour ne pas dire de moins en moins sûr.

Poster un commentaire