Etymologie de l'Europe politique

Étymologie :
À propos de l’Europe politique

Dossier : Croire en l'Europe après le BrexitMagazine N°761 Janvier 2021
Par Pierre AVENAS (X65)

Dans un pre­mier Éty­mologiX, il s’agissait de l’Europe géo­graphique et de ses orig­ines grec­ques. Aujourd’hui, l’Europe est surtout une entité poli­tique. Celle-ci a com­mencé avec la Com­mu­nauté européenne du char­bon et de l’acier en 1952, puis il y eut les Com­mu­nautés européennes dont la CEE, jusqu’au 1er décem­bre 2009, date de l’instauration de l’Union européenne, l’UE. Était-ce une bonne idée de pass­er de com­mu­nauté à union ? Que peut-on en dire de l’é­ty­molo­gie de l’Europe politique ?

Le mot communauté, une notion complexe et humaniste

On admet l’existence d’une racine indo-européenne *mei- représen­tant la notion générale d’échange. Cette racine s’est élargie dans plusieurs direc­tions, et a engen­dré trois arbores­cences de mots et de notions, qui appa­rais­sent claire­ment en latin.

D’une part la forme *mei-t- est à l’origine du verbe mutare, d’abord « chang­er de lieu, (se) déplac­er » puis plus large­ment « chang­er », devenant en français muter, et dans un sens plus spé­cial­isé, muer. À cette pre­mière forme se rat­tachent aus­si le verbe mutu­are « emprunter de l’argent, recevoir », et l’adjectif mutu­us « emprun­té ou prêté », d’où le nom mutu­um « emprunt, réciproc­ité » aboutis­sant en français à l’adjectif mutuel, aux notions de mutuelle, de mutu­al­ité. Une deux­ième forme, *mi-g-, est à l’origine du verbe migrare « chang­er de séjour, démé­nag­er », devenant migr­er en français, et ses formes pré­fixées déjà en latin, emi­grare « émi­gr­er » et immi­grare « immi­gr­er ».

Enfin, il y a l’extension *moi-nos- d’où provient le latin munus (forme archaïque moenus) désig­nant d’abord une charge que l’on assume, ou la fonc­tion que l’on exerce, comme dans le latin muni­ceps (où -ceps vient de capere « pren­dre ») désig­nant « celui qui prend sa charge », au sein du municipe romain qui pré­fig­u­rait une munic­i­pal­ité. L’obligation d’échange est attachée à la charge et munus désigne aus­si ce qui est don­né par le tit­u­laire de la charge, d’où le latin munif­i­cen­tia « munif­i­cence, générosité » et le verbe muner­are « grat­i­fi­er », et remu­ner­ari « rémunér­er ». Par ailleurs, à l’opposé de immu­nis « dis­pen­sé de charge », d’où immu­nité, il y a le latin munis
« rem­plis­sant sa charge », asso­cié à cum « ensem­ble » dans com­mu­nis « com­mun », qui con­duit à com­mune, com­mu­nauté, mais aus­si com­mu­nion, à con­no­ta­tion religieuse, com­mu­nisme en poli­tique, et surtout com­mu­ni­ca­tion, le moyen de l’échange entre les parties.

On est frap­pé par le foi­son­nement des mots dévelop­pés déjà en latin, et l’on s’aperçoit que le mot com­mu­nauté est riche de ses rela­tions à de mul­ti­ples notions positives.

Le mot union, un concept peut-être trop simple

Le mot union, du latin unio « union, unité », de unus « un », a une éty­molo­gie plus évi­dente, et moins riche car elle exprime d’emblée un état de fait. Un mot peut-être pré­maturé alors qu’il est si dif­fi­cile de trou­ver une unité, une una­nim­ité des points de vue dans l’UE. C’est le rêve des États-Unis d’Europe, à l’image de ceux d’Amérique, qui sont d’ailleurs une fédéra­tion. Ce dernier mot vient du latin foed­er­a­tio, de foe­dus « alliance », lié lui-même à fides « foi », fidu­cia « con­fi­ance ». Le mot fédéra­tion fait peur à cer­tains pour l’Europe, et pour­tant la notion d’union est encore plus forte. Pas de fédéra­tion sans con­fi­ance, mais encore moins d’union.

Épilogue

Il n’est pas facile de réalis­er l’union de ter­ri­toires aus­si dif­férents que le sont les régions, lands (die Län­der), com­mu­nautés (las comu­nidades), provinces, périphéries, comi­tats ou voïvodies.

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