Le sens étyologique du mot inflation

Étymologie :
À propos de l’inflation

Dossier : InflationMagazine N°783 Mars 2023
Par Pierre AVENAS (X65)

On par­le d’infla­tion lorsque sévit une hausse des prix exces­sive, mais le mot s’emploie aus­si au sim­ple sens de hausse des prix, quelle qu’elle soit. De ce fait, une infla­tion peut être ram­pante, faible ou nulle, voire néga­tive. Cepen­dant, le sens éty­mologique d’infla­tion, qui vient du latin, est bien celui de la hausse exces­sive, celui d’une infla­tion galopante.

Inflation, déflation et désinflation

Le verbe latin flare « souf­fler », comme l’anglais to blow, se rat­tache à une racine indo-européenne *bhlē- (une ono­matopée ?), avec la cor­re­spon­dance entre les ini­tiales f- du latin et b- des langues ger­maniques, déjà vue entre le latin fun­dus et l’anglais bot­tom (cf. Éty­mologiX de décem­bre 2016).

Ce verbe flare n’est passé dans les langues romanes que pré­fixé, comme dans suf­flare (sub + flare) devenant en français souf­fler ou inflare (in + flare) « souf­fler dans, gon­fler, enfler », d’où infla­tio « gon­fle­ment », qui s’appliquait en par­ti­c­uli­er à un gon­fle­ment pathologique, et aus­si plus tar­di­ve­ment au gon­fle­ment d’orgueil. De là vient infla­tion en français qui s’applique tou­jours à l’inflation ver­bale ou l’inflation dans toutes sortes d’exagérations, mais en ter­mes médi­caux, infla­tion est sup­plan­tée par son dou­blet enflure : en effet, le verbe enfler vient du latin inflare, tout comme l’anglais to inflate « gon­fler ». À ce pro­pos, du latin con­flare (cum + flare) « exciter (le feu) par le souf­fle » vien­nent à la fois le français gon­fler et l’anglais to con­flate « assem­bler », con­fla­tion « assem­blage ». On le voit, le français et l’anglais font des usages dif­férents des préfixes.

Revenons au mot infla­tion passé en anglais, où les sens con­crets d’« enflure » ou de « gon­flage (d’un bal­lon) » sub­sis­tent, mais où surtout l’expression infla­tion of price est attestée en 1821 dans une tra­duc­tion en anglais d’un traité de l’économiste Jean-Bap­tiste Say. De là vient le sens d’infla­tion en économie, repassé de l’anglais au français, et, dans les deux langues, infla­tion désigne tan­tôt la hausse exces­sive des prix, tan­tôt sim­ple­ment toute hausse de prix, d’où le taux d’inflation, infla­tion rate en anglais.

Ensuite, du verbe latin deflare vient l’anglais to deflate « dégon­fler », attesté en 1919 dans le sens de « réduire l’inflation », et defla­tion « dégon­fle­ment, réduc­tion de l’inflation », attesté en 1920, d’où en français défla­tion. Enfin dans un arti­cle de 1948, le mot anglais dis­in­fla­tion est créé pour désign­er le ralen­tisse­ment de l’inflation n’allant pas jusqu’à la défla­tion, d’où en français dés­in­fla­tion.

Et il y a déflation et déflation

L’allemand emploie aus­si Infla­tion et Defla­tion en économie mais il faut men­tion­ner ici une par­tic­u­lar­ité. En latin, deflare sig­ni­fie pré­cisé­ment « enlever, net­toy­er en souf­flant ». Dans la logique de cette sig­ni­fi­ca­tion, le géo­graphe alle­mand Johannes Walther a créé en 1891 le mot Defla­tion pour désign­er l’érosion des sols par le vent, et ce terme spé­cial­isé a été adop­té par les autres langues, avant même son sens don­né en économie. Ain­si en français, défla­tion a deux sig­ni­fi­ca­tions, l’une en géo­gra­phie physique d’inspiration alle­mande et l’autre en économie d’inspiration anglaise.

Épilogue

Lorsque l’inflation se com­bine avec la stag­na­tion de l’économie, on se trou­ve en stagfla­tion (mot-valise apparu en anglais en 1965) et l’on agite même aujourd’hui le spec­tre de la slumpfla­tion (mot-valise apparu en anglais en 1974), où se com­bi­nent l’inflation avec la réces­sion, en anglais slump.

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