Fondation Louis Vuitton

Étymologie :
À propos de Fondation

Dossier : ExpressionsMagazine N°720 Décembre 2016
Par Pierre AVENAS (X65)

La fon­da­tion de l’X finance des actions d’intérêt général et pour cela, elle lève des fonds, où l’on sait que fonds est le pluriel… de fonds (financier) et non pas de fond (de tiroir par exem­ple). Ces homonymes for­ment l’un des pièges clas­siques de l’orthographe en français, mais ont-ils bien la même orig­ine éty­mologique ? Même si cela sem­ble prob­a­ble, il est bon de s’en assur­er, d’autant plus qu’en anglais, fonds se dit fund, vis­i­ble­ment appar­en­té au français, alors que fond se dit bot­tom, en apparence un mot de nature très dif­férente. On va voir qu’il n’en est rien, en pas­sant par un peu d’étymologie com­par­a­tive entre le latin et l’anglais.

Quand un /F/ en latin correspond à un /B/ en anglais

Le nom fond vient du latin fun­dus, dont le pre­mier sens est bien « fond », en par­ti­c­uli­er pour le fond de la mer (un haut fond là où c’est peu profond).

Et l’anglais bot­tom « fond » lui est appar­en­té en effet, car d’une part les con­sonnes /d/ et /t/ sont de même nature (des den­tales), et d’autre part les ini­tiales /f/ et /b/ ont des traits phoné­tiques com­muns, et se retrou­vent dans d’autres mots des sens iden­tiques ou voisins :

Par exem­ple, le latin flos, floris « fleur » et l’anglais blos­som « flo­rai­son », le latin flare « souf­fler » et l’anglais to blow « souf­fler », le latin forare « for­er » et l’anglais to bore « percer », etc.

Et il existe d’autres cas sem­blables, où l’on sup­pose un mot indo-européen antérieur com­mençant par un *bh- aspiré, évolu­ant vers /f/ en latin et /b/ en anglais. L’anglais bot­tom se relie donc bien au latin fun­dus, tout comme le français fonds, comme on va le voir.

Histoire d’une polysémie

Dès le latin, fun­dus désig­nait non seule­ment le fond d’un récip­i­ent, ou d’un lieu comme une val­lée, mais aus­si par exten­sion une sur­face de terre, un ter­rain, une pro­priété, d’où un bien financier, et même une garantie juridique.

Cette poly­sémie s’est con­tin­uée en bas latin et en ancien français, avec une orthographe fluc­tu­ante : funz, funs, font, fond, fonds… C’est alors que le gram­mairien et académi­cien Vauge­las, dans ses Remar­ques sur la langue française (1647), a jugé bon de clar­i­fi­er la sit­u­a­tion en fix­ant fond (pour fond du ton­neau…) et fonds (pour fonds de terre…), d’où l’usage mod­erne de fonds, qu’il soit de garantie, d’investissement, de com­merce, etc.

“ Travaillez, prenez de la peine :
C’est le fonds qui manque le moins. ”

(Jean de La Fontaine)

Après les polysémies, des homonymies

La sépa­ra­tion fond/fonds ne se voit pas dans les dérivés, comme fon­da­tion, du bas latin fun­da­tio : la fon­da­tion (de l’X en 1794) ou les fon­da­tions (d’un bâti­ment) ren­voient à fond, alors que la fon­da­tion (de l’X, créée en 1987) ren­voie à fonds.

D’autre part, à côté de fun­dare « fonder », dérivé de fun­dus, le latin a, d’une deux­ième orig­ine, fun­dere « faire fon­dre, (ren)verser », d’où des homonymes. Ain­si, fon­cer s’emploie pour une couleur fon­cée, car le fond d’un creux est som­bre… mais fon­cer « aller vite » dérive de fon­dre, au sens de l’aigle qui fond sur sa proie.

Et d’une troisième orig­ine, on a le latin fons, fontis « source, fontaine », devenant en ancien français font, qui ne sub­siste que dans les fonts bap­tismaux, ceux sur lesquels on porte, par métaphore, une insti­tu­tion que l’on fonde.

Épilogue, où seuls les mots soulignés sont apparentés

Bref, lorsqu’à peine sor­ti des fonts bap­tismaux, un fonds financier fond, au risque de s’effondrer, voire de touch­er le fond, il est fondamen­tal de sur­veiller sa bot­tomline.


Il y a Fondation et Fondation !

La sépa­ra­tion fond/fonds ne se voit pas dans les dérivés, comme fon­da­tion, du bas latin fun­da­tio : la fon­da­tion (de l’X en 1794) ou les fon­da­tions (d’un bâti­ment) ren­voient à fond, alors que la fon­da­tion (de l’X, créée en 1987) ren­voie à fonds. Et il y a donc fon­da­tion et fon­da­tion !


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En illus­tra­tion : la Fon­da­tion Louis Vuit­ton, Paris

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