La bourse ou la vie ?

Dossier : Les placements financiersMagazine N°540 Décembre 1998
Par Jean-Pierre BÉGON-LOURS (62)

Pour la qua­trième année con­séc­u­tive l’as­sur­ance vie va être touchée par les mesures fis­cales fig­u­rant dans le pro­jet de loi de Finances.
 

  • En 1996 la réduc­tion d’im­pôt dont béné­fi­ci­aient les verse­ments de coti­sa­tions a été limitée.
  • En 1997 cette réduc­tion d’im­pôt a été sup­primée (sauf cas très particuliers).
  • 1998 a vu l’ap­pari­tion d’une tax­a­tion des pro­duits réal­isés au-delà de huit ans.
  • Et en 1999 va être réduit l’a­van­tage exclusif qui car­ac­téri­sait les con­trats d’as­sur­ance vie, c’est-à-dire l’ex­onéra­tion des droits de succession.


Il s’ag­it là de l’ex­onéra­tion des droits de muta­tion par décès qui est appliquée aux béné­fi­ci­aires d’un con­trat d’as­sur­ance vie lors du décès de l’as­suré en ver­tu d’un arti­cle du Code des Assur­ances (arti­cle 132–12 : le cap­i­tal ou la rente stip­ulés payables lors du décès de l’as­suré à un béné­fi­ci­aire déter­miné ou à ses héri­tiers ne font pas par­tie de la suc­ces­sion de l’as­suré…).

Il faut remar­quer que l’o­rig­ine de cet arti­cle, qui est d’or­dre pub­lic, provient de la nature même du con­trat d’as­sur­ance qui con­stitue une stip­u­la­tion pour autrui, le stip­u­lant étant le souscrip­teur, le promet­tant l’as­sureur et “autrui” le bénéficiaire.

Ain­si le cap­i­tal ver­sé aux béné­fi­ci­aires n’est pas réputé provenir du pat­ri­moine du souscrip­teur puisque le droit du béné­fi­ci­aire naît dès la souscrip­tion du contrat.

Il n’est pas prévu de mod­i­fi­er cet arti­cle du Code des Assur­ances mais d’in­tro­duire une dis­po­si­tion fis­cale dans le Code général des Impôts qui en lim­ite ses effets.

Dans le pro­jet de loi de Finances pour 1999 déposé par le gou­verne­ment, il était même sérieuse­ment envis­agé d’ap­pli­quer cette nou­velle mesure à tous les con­trats en cours, quelle que soit leur date de souscrip­tion. Une véri­ta­ble première !

Ce faisant le pacte de con­fi­ance qui doit exis­ter entre tout assuré et assureur et entre tout citoyen et l’É­tat pour per­me­t­tre une opéra­tion d’é­pargne à long terme aurait été rompu. En principe ce dan­ger a été écarté par la com­mis­sion des finances de l’Assem­blée nationale, mais mieux vaut veiller au grain.

Rapport entre entrées et sorties des régimes de retraiteNos clients n’en peu­vent plus et n’y com­pren­nent plus rien dans cet envi­ron­nement fis­cal qui ne cesse de se mod­i­fi­er et de se com­plex­i­fi­er. Et pour­tant le besoin de se con­stituer une épargne longue est une évi­dence que per­son­ne ne con­teste, que ce soit pour financer l’é­conomie, pour recon­stituer les fonds pro­pres des entre­pris­es ou encore fac­teur plus per­cep­ti­ble pour les indi­vidus, pour pal­li­er les dif­fi­cultés avérées des régimes de retraite obligatoires.

Toutes les études le prou­vent, les régimes de retraite seront en très grande dif­fi­culté après l’an 2000, mais le graphique ci-con­tre est encore plus démon­stratif que tout discours.

Ce graphique, établi à par­tir des pro­jec­tions démo­graphiques de l’IN­SEE jusqu’en 2050, retrace le flux net de la pop­u­la­tion des plus de 60 ans de 1990 à 2050.

Ce flux (entrées moins sor­ties) est de 105 000 en 1998. Il sera de 350 000 en 2010 soit trois fois plus impor­tant qu’au­jour­d’hui. Autrement dit nous allons droit dans le mur.

Aus­si, ce n’est pas parce que le gou­verne­ment, en ne prenant pas les textes d’ap­pli­ca­tion de la loi Thomas, a bel et bien enter­ré les “fonds de pen­sion à la française” qu’il peut aus­si retarder le vieil­lisse­ment inex­orable de notre chère vieille France. Nos citoyens l’ont com­pris et épargnent de plus en plus à long terme, notam­ment au moyen de l’as­sur­ance vie ain­si que le mon­trent les tableaux suivants.

En dix ans en effet l’as­sur­ance vie est dev­enue le place­ment préféré des Français.

Selon les sta­tis­tiques de la Banque de France, le pat­ri­moine financier des ménages a évolué de la manière suivante :

Placements financiers des ménages

Le fait le plus mar­quant est l’ac­croisse­ment de l’as­sur­ance vie dans la com­po­si­tion du pat­ri­moine financier des ménages (22 % en 1997 con­tre 10 % en 1988).

Certes des fac­teurs économiques con­jonc­turels tels que la baise de ren­de­ment des SICAV moné­taires ont pu expli­quer un rééquili­brage entre les dif­férentes formes de place­ments mais une rai­son plus pro­fonde provient peut-être du malaise lanci­nant qu’éprou­vent les généra­tions d’ac­t­ifs d’au­jour­d’hui face à leurs futures retraites.

Ces généra­tions ont de toute façon rai­son de priv­ilégi­er l’as­sur­ance vie car celle-ci reste l’un des meilleurs place­ments qui existe.

Par construction d’abord

Les con­trats récents par leur sou­p­lesse, leur ouver­ture et leur trans­parence per­me­t­tent d’of­frir toutes les formes de place­ment souhaitées.

Je fais allu­sion ici bien sûr aux con­trats mul­ti­sup­ports et mul­ti­fonds, que nous avons dévelop­pés dès le début de la décennie.

Ces con­trats dits en unités de compte per­me­t­tent d’of­frir à moyen et long terme des ren­de­ments très attrac­t­ifs alors que les ren­de­ments oblig­ataires bais­sent. Il s’ag­it de con­trats dont la garantie est exprimée non pas en francs mais en nom­bre de parts de SICAV, de Fonds Com­muns de Place­ment, ou même en nom­bre d’ac­tions de sociétés cotées.

Le souscrip­teur peut faire lui-même son marché, ou bien l’as­sureur peut pro­pos­er des fonds de fonds plus ou moins dynamiques, c’est-à-dire, en fait, com­prenant une part plus ou moins grande d’actions.

Ces pro­duits don­nent une meilleure rentabil­ité pour l’é­pargnant, même si celle-ci est plus irrégulière (les événe­ments des dernières semaines ne nous démentent pas !) et per­me­t­tent le finance­ment de notre économie au lieu de con­tin­uer à financer à tra­vers les OAT les déficits publics.

Grâce à la fiscalité ensuite

Les prin­ci­paux chiffres de l’as­sur­ance vie
(en mil­liards de francs)?
Années 1988 1997 ?
Chiffre d’affaires
(opéra­tions d’é­pargne-assur­ance en France)
124 475
Place­ments des com­pag­nie d’as­sur­ance vie
et capitalisation
 
dont
% d’obligations
% d’actions
580
 
 
 
61 %
17 %
3190
 
 
 
72,3 %
13,1 

L’ac­croisse­ment des prélève­ments soci­aux qui est inter­venu en 1998 (majo­ra­tion de la CSG qui est passée de 3,4 % à 7,5 % et regroupe­ment des deux prélève­ments soci­aux de 1 %) a touché toutes les formes de place­ments (sauf livrets A et assimilés).

Les nou­veaux con­trats gar­dent au-delà de huit ans une fis­cal­ité plus avan­tageuse que les autres formes de place­ments mal­gré la mise en place pour l’as­sur­ance vie d’un prélève­ment libéra­toire de 7,5 % au-delà de huit ans.

Enfin, la nou­velle mesure annon­cée pour 1999 sur la remise en cause de l’ex­onéra­tion des droits de suc­ces­sion aura un impact très dif­férent en fonc­tion du mon­tant et de la com­po­si­tion des pat­ri­moines. Sché­ma­tique­ment, les petits pat­ri­moines seront épargnés.

Le dis­posi­tif ini­tiale­ment prévu par la Loi de Finances a été rejeté par la com­mis­sion des finances de l’Assem­blée nationale. Celle-ci a pro­posé le 12 octo­bre 1998 un nou­veau texte, qui aurait l’ac­cord du gou­verne­ment, et qui ne s’ap­pli­querait qu’aux nou­velles primes ver­sées à par­tir du 13.10.1998. L’as­sur­ance vie resterait exonérée de droit de suc­ces­sion jusqu’à un mil­lion de francs par béné­fi­ci­aire et taxée for­faitaire­ment à 20 % au-delà. Lorsque nous rédi­geons cet arti­cle, nous n’en savons guère plus… et c’est évidem­ment très pra­tique pour expli­quer les choses à nos assurés et à nos lecteurs.

Rentabilité d’un investissement suivant 3 indices boursiersAin­si parce que la France a un cru­el besoin d’é­pargne, pour des raisons macroé­conomiques mais égale­ment indi­vidu­elles, parce que les con­trats pro­posés aujour­d’hui sont renta­bles et enfin parce que la fis­cal­ité de l’as­sur­ance vie présente encore des atouts, nous n’imag­i­nons pas que ce place­ment puisse dépérir car beau­coup de valeurs s’ef­fon­dr­eraient avec.

Ceci dit, les taux de prélève­ment atteints, sans compter l’ISF aujour­d’hui dépla­fon­né, sem­blent désor­mais trop élevés par rap­port aux prélève­ments effec­tués chez la plu­part de nos voisins.

Si de sur­croît l’É­tat s’au­torise à chang­er la règle du jeu au cours de la par­tie, cela induit une telle insécu­rité juridique que tous les efforts dévelop­pés par les assureurs pour ren­dre leurs pro­duits plus clairs et plus per­for­mants risquent d’être réduits à néant. C’est d’au­tant plus con­ster­nant que le gain pour l’É­tat est sou­vent dérisoire.

En fait, la plu­part des vrais rich­es sont déjà par­tis. Ceux désignés comme tels par la ten­dance actuelle risquent de suivre.

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